16. Philtre d'amour
Coucou mes chers lecteurs, chères lectrices ^^
Voici un court chapitre qui se concentrera sur l'intériorité de Giorno.
En média, pour bien être raccord avec le titre, je vous présente un la scène qui illustre le moment où Tristan et Iseut boivent par mégarde le philtre d'amour. C'est un tableau du peintre préraphaélite William Waterhouse que j'affectionne particulièrement. Et que vous dire de plus sinon que Tristan et Iseut est un mythe passionnant et l'un préféré, Tristan étant sans que je ne me l'explique un de mes meilleurs fantasmes littéraires. ^^'
Sur ce je vous souhaite une agréable lecture.
16. Philtre d'amour
25 Décembre 11h15
Cette année Venise ne connaîtrait pas de Noël blanc. La grisaille avait envahi la sérénissime. Portées par le vent hivernal, de petites gouttes venaient s'abattre en rafale contre la fenêtre du bureau de Giorno. À travers la vitre et l'eau ruisselante, le vénitien observait Gigi passer le portail de sa demeure. Escortée par l'un de ses hommes, il la vit longer les bords du canal. Elle tenait son caban à la main et ne semblait nullement indisposée par le mauvais temps. Au contraire, à la voir offrir sa mine guillerette au vent et à l'averse, on aurait pu croire qu'elle était fille de la pluie.
Il continua à l'épier de sa haute fenêtre en arc de cercle, jusqu'à ce que sous les rainures translucides, elle disparaisse dans l'une de ses embarcations.
S'il n'avait su qu'il la reverrait ce soir, il aurait été dévoré par la frustration. Fort heureusement, avant de partir, il l'avait invité au repas de noël organisé par sa famille. Et sans l'ombre d'une hésitation, elle avait accepté.
Songeur, il alla s'asseoir devant son large bureau anglais en merisier. Entre ses mains, il tenait la petite culotte en lambeaux négligemment oubliée par sa belle. Un sourire le gagna à la pensée que Gigi était partie les fesses à l'air sous sa robe de dentelle rouge. Il imaginait sans mal le souffle du vent venir soulever son jupon pour fraîchir sa croupe de nymphe impudique. Puis, son amusement s'effaça aussitôt quand il songea que peut-être, des passants pourraient se ravir du spectacle. Il se sentait ridicule de se soucier d'une telle éventualité. Pour la première fois, il explorait un sentiment de jalousie et de possessivité aussi insensé que malvenu. N'avait-il pas à se soucier de problèmes bien plus cruciaux que « Gigi sans culotte » ?
Ne devait-il pas plutôt s'occuper de choses plus urgentes, comme revenir d'entre les morts et exercer sa vengeance ?
Les impératifs pesaient sur lui comme une chape de plomb alors que le souvenir de Gigi lui donnait des ailes. Et avant de se plonger dans les affaires, cédant à un plaisir tout aussi coupable que pervers, il porta le sous-vêtement à son visage pour s'emplir les narines de son enivrant parfum. La suave odeur fit alors danser devant ses paupières closes les réminiscences de leur union. Il lui semblait entendre ses soupirs lascifs et revoir son visage implorant alors qu'elle réclamait la jouissance. À ces images, un désir impérieux émergea de lui comme l'Atlantide ressuscité des flots.
Avant qu'il ne se laisse envahir par d'autres souvenirs de la veille, et qu'il ne doive en venir à purger la fièvre de son bas-ventre, il eut l'heureux réflexe de ranger la maudite culotte dans la poche de sa veste, tout contre son cœur affolé.
Que lui arrivait-il ?
Sitôt la belle ayant quitté le palais, il aurait dû redevenir cet homme sensé et impitoyable, apte à protéger son rang et son clan. Pourtant, au moment de retourner à ses sombres machinations, il se sentait fébrile et languissant.
Une nuit avec elle et son obsession, qui a leur rencontre n'était qu'un bourgeon, avait fleuri comme le lys dans la vallée.
Gigi semblait comme évadée des romans, des contes et des légendes. Elle lui faisait voir la Bretagne comme un lieu de mystère, terre natale des fées et des enchanteresses, d'où elle se serait échappée pour venir l'ensorceler. C'était comme si au contact de la belle il s'était enivré du philtre d'amour qui avait perdu le noble Tristan pour le détourner de ses devoirs de chevalier.
Elle remplissait son esprit de fables et propulsait sa joie dans des hauteurs imaginaires et ineffables. Elle lui faisait fantasmer ce qu'il n'avait encore jamais osé désirer : la passion, l'amour et le bonheur. Elle avait emporté avec elle, dans ses hanches et sur ses lèvres, ses sens et sa raison, une partie de son être. En somme, elle l'avait fait esclave du plus vieux mystère du monde.
Car au fond de lui, il le savait. L'irrationalité de son affection débordante, tout aussi magique qu'elle paraisse, n'avait rien de surnaturelle. Il était simplement tombé amoureux. Pour la première fois. Sans doute au premier regard.
Sans même le savoir, il avait laissé l'amour pénétrer en lui, dissimulé dans le cheval de Troie du désir. Et désormais, la cité de son corps et de son âme se trouvait assiégée, et l'étendard de sa belle demeurait profondément enraciné dans son cœur. Étrangement, aucun combat, aucune lutte ne s'était imposé à lui. Juste une évidente reddition porteuse de joie et d'espoir, comparable à ce qu'il avait ressenti en songe au Jardin d'Éden. Dans le fond, c'était bien de ça qu'il s'agissait : Gigi était le rêve dont il voulait se saisir pour adoucir sa vie de cauchemar.
Il ignorait encore comment concilier les deux, comment dissimuler l'un sans entacher l'autre, mais s'il devait s'y essayer, il était impératif qu'il retrouve toute sa maîtrise et sa force mentale.
S'obligeant peu à peu à regagner sa capacité de raisonnement et sa nature imperturbable, il résolut que s'il voulait la laisser entrer dans sa vie, il serait obligé de lui mentir, de se faire passer pour ce qu'il n'était pas. L'idée de basée une future idylle sur une imposture le dérangeait, mais pour ravir le cœur de sa belle, il se sentait prêt à tout. En amour comme en affaires, il se montrerait obstiné et sans scrupules.
Par réflexe, comme dans chacune des choses qu'il entreprenait, il essaya de mesurer ses chances de succès. Il se demandait si ses sentiments étaient partagés, s'il était possible que Gigi se soit éprise de lui avec la même intensité... Et à force de réflexions, il lui apparut soudain une éventualité fort dérangeante. Et si elle aussi lui avait menti ? Et si elle n'était pas ce qu'elle prétendait être ? Et si, son seul but avait été de le séduire et de le déstabiliser ?
Il prit conscience qu'aimer la jeune femme, le savoir et l'accepter ne devait pas l'aveugler et le dispenser d'être prudent. C'était justement parce qu'il souhaitait embrasser cet état amoureux qu'il devait rester vigilant. Si Gigi le faisait simplement se sentir homme, il n'en restait pas moins la bête cruelle que ses ennemis cherchaient à abattre. Par trop hanté par la crainte de la trahison, il ne devait pas négliger la possibilité qu'elle ait été envoyé pour le duper.
Soupçonner Gigi était profondément contre intuitif. Une femme comme elle, ça ne s'inventait pas, même avec des talents d'actrice extraordinaires. Son cœur lui soufflait qu'elle ne méritait pas de tels soupçons. Mais sa raison l'obligeait à aller au fond des choses. Au vu de sa position, c'était un mal nécessaire.
Et si contre son intuition il devait à tout prix remettre en question l'innocence et l'identité de sa belle, il ne voyait que deux alternatives plausibles. Soit elle avait été envoyé par l'un de ses ennemis pour le conduire à sa perte, soit elle était de mèche avec cette diablesse de Lucrezia qui ne le convoitait que trop. Il n'avait d'ailleurs pas oublié ce que la belle française lui avait confié de sa rencontre avec cette femme impie. Simple coïncidence ou mystique machination ? Il l'ignorait. Mais s'il voulait véritablement en savoir plus, il savait qu'une visite dans l'antre de la sorcière lui apporterait la lumière. Il répugnait pour l'instant à s'y résoudre. Ses rituels sataniques et le prix à payer l'en dissuadaient. Ce ne serait qu'en dernier recours, qu'en cas d'extrême impuissance, qu'il ne daignerait requérir ses noirs services.
Pour l'heure et tant qu'il se sentait encore maître de la situation, il se contenta de faire appel à l'un de ses informateurs pour lui réclamer une enquête de routine. Dès le lendemain, un dossier au nom de Gigi Le Roux lui parviendrait et il espérait que conformément à ce qu'il croyait, elle demeurerait cette singulière étrangère qui avait volé son cœur en toute innocence.
Ce détail réglé, il posa la monture noire de ses larges lunettes sur l'arête de son nez aristocratique, signe qu'il avait déjà pleinement regagné sa rigueur de travail. Et sans plus attendre, il se concentra sur son affaire la plus urgente : sa vengeance contre Borghese.
Et bien voilà. Même si on se doutait fortement que Giorno était très vite tombé raide dingue de Gigi, il me semblait important de mettre en évidence sa prise de conscience, toujours teintée du problème que soulève sa profession. Il est tiraillé entre l'amour et le devoir mais déterminé à concilier les deux. Pourtant croyez moi ce ne sera pas de tout repos.
Sinon comme le chapitre est assez court je voulais vous partager un peu de matière sur ce motif légendaire qu'est le philtre d'amour.
Voici donc une petite recette des familles pour faire succomber la personne dont vous êtes épris. (J'ai pas choisi la plus ragoutante, on pourrait sans mal imaginer Lucrezia préparer ce genre de poudre ^^).
Si l'écriture vous pose problème, voici en gros le processus :
Tirez de votre sang un vendredi de printemps. Mettez sécher au four dans un petit pot avec les deux couilles d'un lièvre et le foie d'une colombe. Réduisez le tout en poudre fine et faites avaler à la personne sur qui vous aurez quelque dessein, environ la valeur d'une demie-drachme et vous serez aimé.
Et bon appétit bien sûr ! :)
Sur ce je vous quitte en vous remerciant encore une fois de me lire. Je vous retrouve la semaine prochaine avec un chapitre un peu plus long où on retrouvera Gio en pleine préparation de sa vengeance.
Prenez bien soin de vous ! <3
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