13. Il inferno di Don Giovanna (3)
Coucou, comment allez-vous ? ^^
Voici donc la dernière partie du chapitre 13, qui au final ne contiendra qu'un seul et dernier cercle, celui de l'espoir... Préparez-vous à quitter les enfers :)
Et le temps que s'achève le rêve, je vous souhaite une agréable lecture.
13. Il inferno di Don Giovanna (3)
Cercle 3 : Espérance
Sans répit, il implora. Dieu ou le Diable ? Lui-même ne le savait pas. La litanie de regrets qui s'écoulait inlassablement de ses lèvres ne visait ni le pardon ni la rédemption. Pour cela il était trop tard. Désormais, il ne pouvait qu'aspirer à expier. Et avec ferveur, il réclamait son châtiment. Peut-être allait-il rejoindre Carmine pour bouillir à son tour dans un chaudron qui portait déjà son nom. Peut-être allait-il rester ici pour s'enfoncer dans le lac gelé de la traîtrise ou peut-être qu'à l'instar de Caïn, Brutus et Juda, le démon à trois têtes allait le dévorer perpétuellement. Peut lui importait la condamnation. Il était près.
Soudain, un rayon de lumière blanche perça les nuées et chassa les ténèbres environnantes. Et quand ce rayon venu du plus haut des cieux se posa sur lui, un hosanna souleva son âme, y soustrayant tout regret, toute affliction. Il n'osait y croire. Contre toutes attentes, c'était la grâce qui répondait à son appel.
Offrant son front à cette irradiante clarté, il aperçut le vol d'une colombe immaculée. Il porta sa main en visière au-dessus de ses yeux éblouis et se laissa réchauffer et apaiser par ce halo divin.
Monté à califourchon sur cette aube nouvelle, il vit un chérubin descendre jusqu'à lui. Plus la créature de sainteté s'approchait, plus il lui semblait reconnaître ce visage d'ébène aux traits ronds et délicats. Il connaissait cet enfant, il l'avait déjà vu, quelques mois auparavant lors d'une visite dans la ville romaine.
Il y avait deux années de cela, Giorno avait fait bâtir à la capitale une pension. Placé entièrement à ses frais sous la tutelle des sœurs de Rome, l'établissement se voulait accueillir les enfants des rues et les réfugiés mis au banc de la société. Soucieux de constater de ses propres yeux la bonne marche de ses œuvres, il avait passé la matinée à l'administration et l'après-midi en compagnie des enfants. C'était là qu'il avait fait la connaissance de Malek, un jeune Africain de douze ans qui avait échappé au milieu abject de la prostitution infantile.
Précoce de par son douloureux parcours, le garçon était aussi d'une rare intelligence. En deux ans, il avait appris la langue italienne et la maniait désormais aussi bien qu'un adulte. Giorno s'était reconnu dans cet enfant ambitieux à l'innocence brisée, et il avait consacré une bonne partie de son temps à converser avec lui.
En admiration, le garçon avait bu les paroles de son bienfaiteur, comme fasciné. Et devant la fontaine des jardins, dans la chaleur de l'été qui lui rappelait son pays d'origine, le jeune Malek s'était même confié à lui, mettant des mots sur ses blessures, ses craintes mais aussi ses perspectives d'avenir. Giorno avait alors su apaiser les tourments et les doutes de ce jeune garçon pour lui insuffler la force de poursuivre ses rêves. Si bien qu'avant qu'ils ne se quittent, Malek lui avait fait une promesse :
- Un jour je serais un grand homme, comme toi. Je porterais secours à ceux qui sont dans la misère. Je deviendrais médecin et j'irais soigner ceux de mon pays gratuitement !
Giorno ne s'était jamais considéré comme un saint. Comment aurait-il pu ? Mais l'admiration et la reconnaissance qu'il lisait dans les yeux de l'enfant atténuaient le mépris qu'il avait de lui-même.
- Il n'y a pas plus honorable. Je suis sûr que tu y parviendras. Avait-il affirmé, bien conscient du pouvoir de suggestion que pouvaient avoir ses encouragements sur cet enfant.
Quelle n'était pas sa surprise de le revoir en ce lieu de désolation, sous les traits d'un angelot salvateur au dos surmonté de grandes ailes d'une blancheur éclatante.
- Malek, que fais-tu ici ?
Le visage de l'intercesseur lui renvoya un sourire étincelant de bonté.
- Tu m'as un jour rappelé à la lumière Giorno. Tu m'as dit qu'à une bonne âme, armée de courage et de volonté, rien n'est impossible, et qu'aussi difficile que ça puisse paraître, on pouvait toujours s'extraire de la noirceur. Je suis venue te rappeler à tes propres enseignements.
Giorno secoua la tête, se refusant à croire que son âme était encore bonne et courageuse.
- Ne te compare pas à moi. Je n'ai ni tes rêves, ni ton innocence. J'ai beau me montrer charitable à quelques égards, ce n'est que pour me donner bonne conscience. Au fond je ne suis que vice et vanité. J'ai tant semé la mort...
L'ange prit alors son crâne entre ses petites mains brunes et posa son front contre le sien.
- Ce n'est pas à toi de peser sur la balance la portée de tes actes. Laisses cela au jour du jugement dernier. Tu as perdu ton innocence mais pas ta bonté, ni ta foi, ta repentance en est la preuve. Et les graines semées par tes bonnes actions donneront plus de fruits que tu ne l'imagines.
Devant son regard encore incertain l'enfant poursuivit :
- Tu te souviens, je t'ai dit que je voulais devenir médecin. Et bien, grâce à toi, grâce aux moyens que tu as mis à disposition pour mon confort et mon instruction, j'y parviendrais. Et les vies que je sauverais, ce sera en ton nom. Qui te dit qu'il n'en va pas de même pour les autres enfants que tu as arrachés aux ténèbres. À travers nous, rayonnera ta charité et nous seront légion à perpétuer le bien que tu nous as prodigué...
Giorno pouvait sentir que ces paroles presque prophétiques n'étaient pas seulement celles d'un enfant reconnaissant. À travers sa bouche, s'écoulait la sagesse d'un message supérieur, proprement divin.
- Viens, suis-moi, j'ai quelque chose à te montrer...
Et se redressant, il attrapa la main délicate que l'ange lui tendait et tous deux s'élevèrent dans la lumière pour traverser une mer de nuages immaculés. Loin des cercles de l'enfer, par-delà les cieux, ils gagnèrent alors un véritable locus amoenus*.
Giorno se tenait là, au beau milieu d'une forêt d'oliviers à la végétation luxuriante. Dans ce havre de paix, les animaux sauvages et leurs petits s'abreuvaient à la source d'une onde claire et cristalline. La biche gracieuse et le faon insouciant pouvaient en toute quiétude y côtoyer le léopard et le tigre, inoffensifs prédateurs qui se prélassaient paresseusement sous les rais de lumière. En ce lieu, nulle chasse, nulle cruauté, fussent-elles par instinct de nature, n'avait sa place. La faim, l'envie, la domination, tous les appétits terrestres, toutes les soifs primitives de l'Homme trouvaient ici pour réponses les nourritures saintes et spirituelles, et l'eau, bénite par la grâce.
Luxure n'était plus qu'amour, Colère plus que joies et félicité, et Orgueil s'éteignait humblement dans la contemplation de cette harmonie. Les oiseaux dans leurs ballets aériens, chantaient à la gloire du soleil et de la fertilité. Zéphir portait les effluves de la fleur d'oranger et sa brise venait coucher par vagues une herbe si verte et si tendre qu'elle appelait à s'allonger en son lit. Au loin, la vigne et les champs de blé murissants se gorgeaient d'une vaste clarté. Tout en ce lieu regorgeait de vie et de sève, comme au jardin d'éden.
Mais pour Giorno, la plus belle scène qu'avait à offrir cette vue de l'esprit, ce ravissement de l'âme, se trouvait en son centre.
Couchée sur le flanc, une flamboyante renarde lisait un recueil de poèmes et tout contre son ventre, pendus à ses mamelles, tétaient deux magnifiques bébés roses et charnus, d'une égale blondeur.
Cette mère lui rappelait la louve nourricière de la légende de Rémus et Romulus, fondateurs de Rome. Mais en son for intérieur, il savait que contrairement à la créature mythique, la renarde n'avait pas recueilli les nouveau-nés, elle les avait enfantés. Et dans son regard fier à l'iris noble et bleu, il pouvait lire : « Vois comme ils sont beaux et bien portants les enfants que je t'ai donnés ».
Subjugué par cette vision enchanteresse, ému aux larmes, il ne remarqua pas que l'ange avait placé devant lui une toile et un chevalet. Ce n'est que lorsque l'intercesseur déposa un fin pinceau au creux de sa paume, que Giorno se tourna vers lui, muet d'allégresse.
- Laisses-toi la chance de peindre ton propre bonheur, lui avait seulement conseillé le chérubin.
Et le gratifiant d'un sourire, l'angélique Malek s'envola pour le laisser à sa contemplation.
Seul face à l'objet de sa béatitude, Giorno se résolut à suivre la recommandation de l'ange. Son regard passa de la renarde allaitante à la toile et il comprit la parabole. La rédemption de ses crimes résidait dans l'acte créateur : la reproduction de la beauté du monde et de la vie. Par son pinceau, de ses mains vers la toile, devait naître l'œuvre, comme un jour jaillirait de son sexe la semence qui féconderait la matrice de sa belle.
Par nature, il savait combien il était plus facile de détruire que de créer. Il ne s'était plus exercé à la peinture depuis des années. Il fut pourtant une époque où il était doué, où les formes et les visages prenaient vie sous les aplats de couleurs qu'il imprimait avec soin sur ses tableaux. Il espérait ne pas avoir trop perdu en technique et pour ce qui était de l'inspiration, le sujet n'aurait pu être meilleur. Il brûlait d'immortaliser cette promesse d'avenir radieux et d'en faire la plus belle scène de son histoire personnelle. Alors, la main sûre et le cœur débordant d'espoir, il peignit.
Quand le pinceau effleura la toile, alors même qu'il était vierge de toute peinture, la couleur se mit à en jaillir miraculeusement, et la renarde qui lui servait de modèle disparut aussitôt du jardin. Mais peu importait, celle qu'il devait reproduire logeait de toute façon dans son cœur et dans son esprit. Et absorbé par son art, Giorno s'évertua à représenter non pas l'animal et sa progéniture, mais cette femme qui lui était destinée.
De mémoire et avec précision, il dessina son visage pâle et rayonnant, ses cheveux de feu ondulants sous les rayons de l'astre solaire et ses grands yeux océans où il rêvait de se noyer. Il l'avait faite nue, plus belle et gracieuse encore que la Vénus de Botticelli, prenant soin de lui élargir les hanches et d'arrondir son ventre, berceau des fruits de leur union.
Une fois l'œuvre quasiment achevée, sa Gigi, plus vrai que nature, figurait au centre d'un des plus beaux paysages de la campagne sicilienne. Et quand il eut apposé la dernière touche de couleur pourpre sur ses tendres lèvres, elle se mit à prendre vie, à lui sourire et à se mouvoir dans le cadre, semblant l'appeler à venir la rejoindre.
Mue par la volonté de figurer à son côté, il embrassa la toile de ses bras et se pressa tout contre elle, espérant par ce geste basculer à l'intérieur du tableau.
Mais à peine avait-il effleuré son œuvre, qu'elle s'embrasa, aussitôt ceinte par une immense barrière de flammes qui lui interdirent l'accès à ce lieu merveilleux. Incapable d'abandonner son tableau et surtout la belle qui y logeait, il se glissa au cœur même de l'incendie.
En bravant les flammes, il parvint désespérément à rejoindre et à saisir le corps de sa bien-aimée dans cette apocalypse qu'était devenue la toile. Peu lui importait que sa peau cuise et fonde sous la douleur ardente, car devant ses yeux horrifiés, au sein même de ses bras impuissants, celle qu'il tenait contre lui se consumait elle aussi, le ventre cruellement offert à la menace des langues du feu. Et si la femme de ses rêves devait partir en fumée, et avec elle ses promesses d'avenir, alors il ne lui restait qu'à mourir et à disparaître, l'étreignant une ultime fois dans ce bûcher funeste.
Du foyer de la toile, se répandit l'incendie, dévastant les alentours. Bientôt, tout le magnifique jardin d'Éden disparu sous les flammes. Et de cet immense brasier, émergea la main du Diable, immense et noire, qui déjà se refermait sur les amants infortunés.
Par réflexe, Giorno serra plus fort le corps douloureux de Gigi, comme pour la protéger, tandis que les doigts impies formaient autour d'eux une cage oppressante.
C'est alors que, prisonnier de la paume satanique, il entendit la voix du démon résonner dans son crâne, proférant une évidence insidieuse et abyssale :
- Tu m'appartiens Giorno. Tu portes mon sceau et tout ce que tu toucheras, tout ce à quoi tu tiens, tu ne feras que le précipiter en enfer avec toi.
locus amoenus* : Motif littéraire du lieu idyllique signifiant « lieu amène ».
J'ai plus galéré à retranscrire un lieu de paradis qu'un lieu infernal, mais j'espère que ça reste convaincant. ^^'
Maintenant vous en savez plus sur Gio' sa dualité, ses peurs et ses espérances. Tantôt meurtrier torturé, tantôt bienfaiteur repenti et finalement artiste plein d'espoir...
Du coup je précise qu'il n'y aura pas de quatrième cercle, j'ai changé mes plans en cours de route pour écourter le chapitre. En plus trois c'est bien, ça colle aux références religieuses du chapitre, ça fait comme une trinité ^^'
Si cela vous intéresse voici initialement ce que j'avais prévu pour le 4ème cercle :
Il devait se nommer « déchéance » et la main du Diable devait replonger Giorno en enfer. Là, il devait trôner sur un siège fait de cadavres démembrés et faire face à un miroir où apparaissait son père. L'intérieur du miroir devait offrir une vue sur la chambre de Giorno avec une Gigi nue et entravée sur son lit. Le père devait la menacer : « Regarde la belle et innocente créature » ; « Elle va te rendre faible ». Puis le père aurait pris les traits du fils et Giorno se serait vu prêt à étrangler Gigi avant de briser le miroir pour s'en empêcher. J'aurais ainsi bouclé la boucle avec le premier cercle, émit la peur de Giorno de devenir comme son père, la peur de l'attachement amoureux et la peur de blesser Gigi. Mais du coup ça me semblait trop long et laborieux et je préfère finalement l'image d'un Giorno qui embrasse son amour pour Gigi, prêt à mourir avec elle. Bien sûr l'idée de déchéance et de clôture reste conservée à la fin par cette main du diable qui se referme sur lui et qui montre qu'il est encore incapable de fuir ses démons.
Dites-moi si vous auriez aimé que je rédige le 4ème cercle ou si au contraire vous préférez que le rêve se termine ainsi. ^^
Merci encore pour vos lectures et vos avis. :)
Prenez bien soin de vous <3
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