Chapitre 40




Abby s'efforça de respirer, seulement comment retrouver son air quand celui-ci était bloqué par cette lourde présence derrière elle ?

Elle cligna des yeux à plusieurs reprises tout en sentant cette pression sur son épaule devenir de plus en plus réelle. Sa poitrine se mit à se soulever à un rythme irrégulier tout comme ses battements de cœur de plus en plus violent.

Une larme solitaire tomba sur sa joue au moment où cette main se déplaça dans le creux de sa nuque engourdie. Puis soudain, et alors qu'elle pensait avoir basculé dans la folie une autre main se posa sur son épaule.

Un déferlement d'émotions parcourut son être et elle tenta de se lever, mais la personne qui se trouvait derrière elle l'en empêcha.

Une odeur familière se mit à l'envahir comme si celle-ci essayait de l'envelopper tout entière.

Enfin cette main se glissa sur sa gorge puis sur son menton. Abby l'attrapa pour la regarder alors que se respiration se faisait de plus en plus irrégulière.

Elle posa la naissance de ses doigts dans le creux de cette paume qu'elle aurait reconnue entre mille et éclata en sanglot. Ensuite le déferlement d'émotions se mélangea à une vitesse indescriptible et la colère s'empara d'elle.

Elle lâcha sa main et voulut se lever, mais l'homme qui se tenait derrière elle passa son bras autour d'elle pour la maintenir sur la chaise.

Sur sa joue, elle sentit les picotements de sa barbe sur sa peau douce et elle ferma les yeux par peur que tout ceci ne soit que le fruit de son imagination.

- Je t'en supplie Abby, pardonne-moi, murmura-t-il contre sa joue.

Abby ouvrit les yeux en cherchant désespérément un filet d'air.

C'était lui. Il était bel et bien vivant alors que pendant tout ce temps elle l'avait pensé mort.

- Il fallait que je le fasse, ajouta-t-il d'une voix désolée. Il fallait que je le fasse pour nous. Je te prie de me pardonner.

Tétanisée, la gorge nouée, Abby ne savait pas comment réagir. Une partie d'elle voulait désespérément lui sauter dans les bras, mais une autre avait envie de le gifler pour lui avoir fait tant de mal.

Son esprit était comme paralysé et incapable de séparer le bien du mal. Très lentement il ôta son bras qui l'entourait afin qu'elle ne puisse pas se lever, puis elle sentit son visage dans ses cheveux. Ensuite plus rien.

Abby cessa de respirer car elle craignait que cet instant soit une simple hallucination. Préférant ne pas savoir, elle ferma les yeux tout en écoutant les bruits de pas qui la contournaient. Elle entendit la chaise en face de la sienne se tirer assez lentement.

- Ouvre les yeux Abby.

Comment pouvait-il se montrer si autoritaire après tout ce qu'il lui avait fait ?

À contrecœur elle ouvrit les yeux et le vit. Une joie intérieure éclata, mais à l'extérieur seules les larmes coulaient sans qu'elle puisse les arrêter.

Son visage était très fatigué et il portait une plaie au niveau de l'arcade et à la bouche. Il portait un costume d'homme d'affaire et ses cheveux qui d'ordinaire descendaient jusqu'à sa nuque étaient coupés plus courts. Il l'a dévoré des yeux avec une lueur coupable dans le regard.

- Je passerais ma vie à me faire pardonner.

Abby était tellement sous le choc qu'elle ne trouvait pas les mots pour s'exprimer. S'ensuivit alors une myriade de questions.

Nikki était-elle au courant depuis le début ?

Massimo aussi ?

Roger Feith ?

Quelque part en elle, Abby se sentait trahie et voulait comprendre.

- À te faire pardonner le fait que tu m'as fait croire que...tu étais mort ? Parvint-elle à dire les larmes aux yeux.

Tel un condamné, il baissa le regard puis le releva pour affronter en face la douleur qu'il lui avait infligée.

- C'était le seul et unique moyen d'en finir une bonne fois pour toute, commença-t-il en affichant désormais une expression indescriptible. Il fallait que je fasse disparaître à jamais Silas.

- Comme tu as fait disparaître Derek, conclut-elle une moue amère aux lèvres. Je suppose que maintenant tu es de nouveau Vincenzo ? Quelle mort lui as-tu préparée ?

Sa remarque piquante le rembrunit, mais elle s'en fichait.

- La seule qui pourrait me tuer désormais c'est toi et uniquement toi.

Sa réponse lui serra le cœur.

- Roger...

- Il n'est pas au courant que je suis vivant, la coupa-t-il en se frottant la barbe.

- Pourquoi ? Pourquoi tu m'as laissé croire que tu étais mort ?

- Parce que si tu l'avais su, si ça n'avait pas semblé réel, alors les doutes se seraient installés. Il fallait que ma mort soit la plus réelle possible Abby. Si je t'avais informé d'une quelconque manière que j'étais toujours vivant ta réaction n'aurait pas été la même et tu le sais.

Il se redressa lentement puis se pencha en avant, la coudes posés sur les rebords de la table.

- Après que Jack Roth m'ait fait des révélations, notamment sur ton agression, je suis rentré dans une rage si violente que je voulais le faire souffrir. Je voulais le torturer, l'entendre me supplier. Seulement le feu s'est mis à progresser trop rapidement alors je l'ai piégé, je l'ai désarmé puis jeté dans les flammes.

Abby inspira imperceptiblement en pressant sa main sur sa cuisse pour se retenir de se jeter dans ses bras comme son cœur le voulait désespérément.

- Je suis resté un moment à le regarder, poursuivit-il en plongeant son regard dans le sien. Ensuite le plafond a cédé et pendant une seconde j'ai envisagé la mort parce que je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir coupable.

Il secoua lentement la tête en baissant les yeux sur la table.

- Et j'ai vu ton visage, reprit-il d'une voix profonde et hantée le souvenir de cette nuit-là. Je me suis dégagé à temps et j'ai fini par trouver un moyen de sortir avant que le manoir s'effondre. Ma première pensée en sortant a été de te rejoindre mais c'était avant que je songe à l'avenir. Il fallait que je saisisse l'opportunité de faire croire à ma mort une bonne fois pour toute.

- Qui était le cadavre retrouvé dans le manoir avec ton ADN ?

Vincenzo serra les poings pour se retenir de se jeter sur elle et capturer ses lèvres qui lui avaient tant manqué. Il lui avait fait du mal et il savait que le chemin vers le pardon serait long.

Il l'avait vu courir vers le manoir en hurlant et en pleurant...retenue par un pompier.

Cette vision ne le quitterait jamais.

Jamais.

- Tu te souviens de cette porte que je ne voulais pas que tu ouvres ?

- Oui.

- Je retenais quelqu'un au manoir que je soupçonnais d'avoir été payé pour te faire du mal. Mes soupçons ont fini par se confirmer et je l'ai donc utilisé pour tromper les empreintes génétiques.

La jeune femme baissa les yeux en exhalant un soupir tremblant.

Vincenzo fut saisi d'une émotion jusqu'alors méconnu. D'une violence inouïe, son cœur martelait ses tempes alors qu'il n'arrivait plus à détacher son regard du sien qui pourtant...ne le regardait plus.

- Après être sorti du manoir, je suis parti dans la forêt et j'ai réussi à contacter Massimo pour le prévenir. De là il fallait mettre un plan en marche. Margaret Layce avait essayé de contacter Jack Roth un jour avant le meurtre de Trevis Blair et c'est alors que j'ai compris qu'elle voulait récupérer les preuves afin de les effacer. Lorsque je t'ai fait sortir du manoir, avant que je te quitte, j'avais placé un micro sur ton pull. J'ai espéré que tu le gardes le plus longtemps possible et tu l'as gardé suffisamment longtemps pour que j'entende Layce prétendre que tu étais en danger à cause des dossiers. En réalité elle pensait que je t'avais donné les dossiers et ne voulait pas que tu partes avec.

Vincenzo marqua une pause dans laquelle il chercha son regard perdu sur la table.

- J'ai été soulagé lorsque Roger est intervenu mais je savais que tu étais en danger et qu'il fallait agir vite. Quand tu as pris la décision de te rendre là où Sarah avait été enterré, j'ai remercié le ciel pour t'y avoir guidé.

Enfin elle souleva son beau regard sur lui et il dut se faire violence pour ne pas la toucher...ne serait-ce que sa main.

- Massimo a fait le reste du travail et t'a ramené à moi.

Il contracta les mâchoires parce que ses yeux continuaient d'être voilés par la tristesse.

- Et ton visage ? Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle en faisant référence aux blessures qu'il portait.

- Je me suis battu avec Massimo.

Elle fronça des sourcils, l'air perdu.

- Massimo ne voulait pas te faire croire que j'étais mort et je l'ai obligé à le faire. Il n'était pas d'accord avec ça, mais il a fini par céder non sans me faire savoir à quel point il me maudissait de l'obliger à faire ça. J'ai d'abord riposté puis je me suis laissé faire. Après tout il avait raison.

- Et Nikki ?

- Nikki m'a soutenue, même si elle savait que c'était mal elle est la seule à avoir compris ce que je voulais faire. Je l'ai fait pour nous Abby. Il fallait que je le fasse pour que l'on puisse faire notre vie ici en toute sécurité.

- Et pourtant tu as tout de même songé à mourir, lança la jeune femme d'une voix tremblante de colère.

Vincenzo tiqua en se jetant en arrière contre le dossier de la chaise.

- Je t'ai fait souffrir depuis le début Abby ! Dit-il entre ses dents. Comment pourrais-je oublier tout ce que je t'ai fait !

- Alors tu essayes de te punir et tu cherches à te faire du mal ! S'emporta-t-elle à son tour. Comment peux-tu envisager une nouvelle vie avec moi si tu n'arrives pas à taire le passé ? Je t'ai pardonné, mais toi tu n'y arrives pas.

La douleur qu'il vit dans ses yeux lui broya le cœur et il se jeta sur sa main pour la retenir au moment où elle voulut se lever.

- Je t'en prie Abby.

Il enferma sa main dans la sienne, l'obligeant à rester.

- Je t'aime Abby, articula-t-il d'une voix vibrante d'émotions. Je t'aime, tu es tout ce dont j'ai besoin dans cette vie. Tu panses mes plaies, mais elles sont si profondes que cela demande du temps.

Abby trembla en fermant les yeux brièvement.

Il souffrait et elle voulait désespérément l'aider à guérir de cette souffrance qu'il s'infligeait pour se punir.

- Il me faut du temps pour accepter cet amour que tu m'apportes parce que je ne peux m'empêcher de me dire que je ne le mérite pas, ajouta-t-il le visage grimé par la souffrance, les yeux baissés et fuyant.

- Laisse-moi t'aimer Derek...

Il releva précipitamment les yeux, et la douleur sur son visage se mua en une émotion qui lui arracha une larme solitaire.

Il posa son autre main sur la sienne et ferma les yeux en la guidant vers sa bouche. Agité, comme si un tumulte d'émotions l'envahissait, il exhala un long soupir tremblant puis déposa un baiser sur son poignet.

Le fait qu'elle l'ait appelé par son véritable prénom avait réveillé en lui quelque chose d'inévitable.

L'acceptation.

Derek, Silas et Vincenzo ne faisaient qu'un.

Trois prénoms pour un seul homme.

- Je t'aime, répéta-t-il tout bas en ouvrant les yeux.

L'opaque dans son regard était voilé et Abby en fut bouleversée.

- Je passerais le reste de ma vie à me faire pardonner pour le mal que je t'ai fait, ajouta-t-il en déposant un autre baiser sur son poignet. Venge-toi Abby, dis-moi n'importe quoi qui pourrait me faire du mal. Je le mérite.

À nouveau il cherchait à souffrir, et Abby savait exactement quoi lui dire pour qu'il souffre.

- Un jour j'expliquerai à notre enfant comment son père m'a fait souffrir en refusant mon pardon.

Abby l'avait dit si bas et d'une voix presque inaudible qu'elle n'était pas certaine qu'il l'ait entendu.

Et pourtant...

- Tu veux des enfants ? S'enquit-il en caressant le dos de sa main avec son pouce. Si tu veux des enfants alors je suis prêt ma chérie à t'en donner un.

- Ce n'est pas nécessaire, de m'en donner un, il est déjà là.

Sa réaction fut celle d'un homme perdu et habité par différente émotions.

- Quoi ? Souffla-t-il en la dévisageant.

- Je pensais que Nikki t'en aurait parlé, j'ai fait le test avec elle tout à l'heure.

Elle avait si peur de sa réaction qu'elle retenait sa respiration le cœur battant à la chamade.

- Tu es enceinte ?

- Oui, apparemment je le suis.

Il lâcha sa main et ce simple geste lui donna la nausée. La peur qu'il la rejette lui donna le vertige.

- Ça veut dire que tu l'étais quand...

Abby resta silencieuse, attendant patiemment une autre réaction que celle d'un homme encore en souffrance.

- Maintenant j'ai mal, finit-il par répondre d'une voix très grave et douloureuse.

- Je ne veux pas que tu aies mal. Je veux que tu me dises que...

- Ce bébé est notre renouveau et j'ai besoin de...J'ai besoin...

Il se leva brusquement et l'attrapa par la taille pour la soulever dans ses bras.

Abby éclata en sanglot en s'accrochant à lui et plongea son visage dans son épaule en humant ce parfum qui ne l'avait jamais quitté.

- Je t'en prie pardonne-moi.

Il la serra fort puis chercha désespérément ses lèvres pour les embrasser.

- Promets-moi de ne plus jamais m'abandonner...

Il accrocha ses mâchoires avec sa main et pressa sa bouche contre la sienne.

- Plus jamais car j'en mourrai...

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