Chapitre 23
Abby se redressa sur le lit en ignorant sa main encore posée sur sa joue.
La froideur avec laquelle il venait de lui annoncer ses intentions de faire renaître le tueur au masque sans visage lui avait glacé le sang, mais l'homme aux traits ciselés ne semblait pas inquiété par ce détail.
- Vous allez tuer encore ?
Il fit retomber sa main en haussant des épaules avec nonchalance.
- Tout dépendra de comment les choses vont évoluer.
Au moins elle ne pouvait pas lui reprocher sa sincérité, même si celle-ci faisait froid dans le dos.
- J'aimerai mieux comprendre, lui dit-elle en essayant péniblement de découvrir ses intentions.
- C'est pourtant simple, commença-t-il en serrant les mâchoires. Cet imitateur a cessé d'enlever des femmes à partir du moment où je t'ai arraché à lui. Ce brutal arrêt de meurtres peut signifier deux choses. Il est soit dans une rage silencieuse parce que tu étais bel et bien son but à atteindre ou soit il ne s'attendait pas à ce que le tueur au masque sans visage entre dans la danse. Je te rappelle qu'il est à ce jour le seul à savoir que je suis dans le coins. Le jeu se complique pour lui et le seul moyen de le faire sortir du bois c'est de l'humilier.
- En tuant des personnes ?
- Non, dit-il le regard pourtant fermé et laissant supposer de mauvais présages.
- Votre expression dit autre chose.
- Ah oui ?
Abby fronça des sourcils car son comportement était en train de la désorienter. Il avait l'air plus serein et plus détendu que lorsqu'il avait quitté cet endroit méconnu en la laissant seule au milieu de ce salon mystérieux.
- Mon expression cache de nombreuses choses Abby et il vaudrait mieux que tu ne les saches jamais. Tu es en danger et je ferais n'importe quoi pour te protéger que tu le veuilles ou non.
- Est-ce là une façon de trouver la rédemption ?
- Je n'ai pas besoin de rédemption ni même qu'on me pardonne mais actes passés, répondit-il aussitôt en posant son index sur son visage pour tracer une ligne jusqu'à ses mâchoires.
Abby le laissa faire son bouger et sentit son visage fourmiller.
- Une femme terrifiée devant son agresseur le supplie pour sa vie ou se jette de le vide pour le fuir, elle ne reste pas assise tranquillement en le laissant caresser son visage.
Ce n'était pas une accusation mais un constat qui la mit mal à l'aise.
- Tu te sens en sécurité ici plus qu'ailleurs, mais une autre partie de toi a ce besoin constant de fuir cette évidence parce que tu éprouves encore cette honte de ressentir cela, ajouta-t-il d'une voix rauque. Je ne t'en veux pas, mais tôt ou tard il faudra l'accepter.
Il se leva et elle le suivit des yeux en gardant pour elle les pensées qui se bousculaient dans sa tête.
- Je veux juste savoir où nous sommes ? Lança-t-elle avant qu'il s'en aille.
Il s'arrêta au seuil de la porte et tourna légèrement la tête pour la regarder par-dessus son épaule.
- Dans un endroit boisé, au milieu de nulle part.
Abby se leva du lit et s'avança lentement vers lui. Son cœur se mit à s'élancer dans une course folle.
- Si personne ne peut me trouver et si je ne peux partir sans risquer une hypothermie alors pourquoi avoir condamné les fenêtres ?
- Parce que nous ne pourrons pas régler notre problème si tu penses constamment à prendre la fuite ! S'agaça-t-il en lui faisant face. Et notre problème repose sur cette erreur que je dois réparer.
Sans qu'elle n'ait le temps de réagir il prit son visage en coupe et l'inclina en arrière.
- Même si pour cela je dois me montrer impitoyable et monstrueux, ajouta-t-il rictus menaçant aux lèvres.
- Je ne veux pas m'enfuir, s'entendit-elle murmurer les larmes aux yeux. Et c'est sans doute ce qui me terrifie le plus.
Le visage du monstre perdit de ses traits terrifiants et au lieu de lâcher son visage il pressa ses pouces sur ses pommettes en la dévisageant intensément.
- J'ai peur, ajouta-t-elle d'une voix tremblante.
Depuis sa hauteur étourdissante, l'homme continua de la regarder mais cette fois-ci avec une lueur désespérée dans le fond de ses yeux noirs.
Son torse se soulevait au rythme de la colère qui vivait éternellement en lui et qui s'efforçait de rester silencieuse.
- Fais-moi confiance, dit-il en caressant sa joue avec son pouce. N'est-ce pas ce que tu as accepté de faire ?
- Cela ne m'empêche pas d'avoir peur...
- Non, concéda-t-il d'une voix plus chaude, mais tu dois me faire confiance.
Il relâcha son visage et glissa sa main dans ses cheveux avant de la faire retomber le long de sa hanche.
- Peu m'importe si je passe pour un monstre préhistorique, mais tu es à moi.
Abby cessa de respirer sous le regard lourd de l'homme qui venait de lâcher cette phrase sur un ton catégorique et définitif.
- Tu as toujours était à moi et je crois que Stones ne s'est pas trompée sur ce point. Elle est peut-être une infiltrée qui a voulu se servir de toi, mais elle a raison et j'ai raison.
- Sur quel point ?
Il se détourna pour quitter la chambre sans répondre à sa question. Abby se mordit l'intérieur de la joue en passant à son tour le seuil de la porte.
Elle finissait pas penser qu'à chaque fois qu'il partait sans répondre c'est parce qu'il cherchait à la faire venir jusqu'à lui. Et c'est précisément ce qu'elle était en train de faire.
- Je t'ai peut-être laissé devant cet hôpital en voulant te donner une chance d'avoir une vie, mais tu es resté en moi, à tel point qu'il m'était impossible de passer un jour sans penser à toi. Je pensais que c'était ma rage de t'avoir épargné de ma vengeance qui en était responsable, seulement ce n'était pas ça.
Chaque fois qu'il concédait à lui livrer une pensée Abby avait l'impression de faire de l'apnée. Elle le regarda se servir un verre avec cette même sensation étrange dans le bas-ventre.
- Tu étais reliée à moi d'une façon ou d'une autre, poursuivit-il mais cette fois-ci en lui faisant face et non en lui tournant le dos.
- S'il n'y avait pas eu ces meurtres, vous seriez revenu ? Vous m'auriez recherché ?
- Tôt ou tard je t'aurai retrouvé pour savoir ce que tu as fait de la vie que je t'ai offerte, mais comme je te l'ai dit, le destin en a décidé autrement. Il t'a mené à moi ou plutôt il m'a mené à toi.
Le cœur battant à la chamade, Abby avait l'impression d'être dans une tempête d'émotions qu'elle ne parvenait plus à contrôler.
Il termina son verre et le posa sur le rebord de la cheminée puis s'avança vers elle jusqu'à ce que son torse massif la frôle.
- Et je ne peux pas ignorer ça, conclut-il les mâchoires tendues.
Abby exhala un soupir tremblant en soutenant son regard.
- Moi non plus mais ça me terrifie, murmura-t-elle les mains moites.
Elle se recula pour fuir ce parfum épicé qui l'empêchait de réfléchir et se passa une main dans les cheveux.
- Je ne veux pas que ça te terrifie, je veux que tu me donne une chance de rattraper ce que j'ai fait.
- Alors sortons d'ici s'il te plaît, s'empressa-t-elle de dire en se retournant.
Il lui adressa un regard d'avertissement mais elle l'ignora.
- Je ne sais pas où je suis, insista Abby le regard suppliant. Ça m'angoisse de ne pas savoir, ça m'angoisse d'avoir ces blocs de glaces fixés dans les fenêtres. J'ai l'impression d'être...
Elle se passa les mains sur le visage en essayant vainement de fuir son regard noir.
- Rentrons au manoir s'il te plaît, insista Abby de nouveau en rejetant la tête en arrière pour affronter ses yeux froids. Si tu as peur que je m'enfuis alors sache que ça ne sera pas le cas. Je n'ai pas l'intention de m'enfuir. Je ne veux pas m'enfuir parce que j'ai conscience que je suis en danger et tu as raison, je me sens en sécurité.
De marbre, l'homme ne semblait pas s'ouvrir à sa demande mais Abby ne voulait pas abandonner.
- Quel serait mon but de retourner en ville ou bien chez-moi alors que c'est là-bas que j'ai été agressé et enlevé ? Je ne veux pas revivre cette terrible peur qui m'empêchait de respirer lorsque je me suis réveillée dans ce grenier. J'ai accepté de te faire confiance alors à ton tour d'avoir confiance.
Elle se retint de lever ses mains pour le toucher tout en inspirant profondément.
- Je ne veux pas revivre cet instant où je me suis réveillée dans ce grenier en se sachant pas ce...
- Et avec moi tu t'es réveillée dans une cage ! Siffla-t-il entre ses dents. Tu t'es réveillée dans un endroit sale et dont l'odeur était proche de la putréfaction ! Ensuite je t'ai enfermé dans une chambre.
- Avec un lit, précisa Abby en ne lâchant pas son regard pourtant si dure et si glacial.
Rictus aux lèvres Silas préféra s'éloigner de la jeune femme alors qu'elle ne voulait pas lâcher prise.
- Je te demande simplement de réfléchir à cette possibilité, lui dit-elle d'une voix tremblante et incertaine. Si je dois choisir entre cet endroit méconnu et le manoir pour être captive alors je choisi le manoir. Ici je me sens étouffée et terriblement angoissée chaque fois que tu décides de partir.
Silas ferma les yeux en prenant une brutale inspiration. Elle paraissait sincère, mais était-ce suffisant pour la ramener au manoir tout en sachant ce que ça impliquait ?
- J'ai besoin de réfléchir, dit-il sur un ton abrupt.
- Oui, l'entendit-il murmurer.
Elle quitta le salon en boitant et le laissa seul avec ce dilemme.
Pour le résoudre Silas décida de contacter Massimo.
- Accède à sa demande, avait fini par dire son ami après qu'il lui ait expliqué.
Silas jeta un juron en italien en se passant une main dans ses cheveux.
- Si tu veux découvrir si elle est sincère ou non alors ramène-là au manoir, reprit le mafieux d'une voix sérieuse. Je sais où tu la gardes Silas. Je le sais parce que tu as déjà construit ce genre d'endroit pour moi. Tu es un bâtisseur très intelligent et je me souviens à cette époque que je t'ai demandé de me confectionner une planque agréable. Tu l'as fait et c'était si bien réalisé que j'avais l'impression d'être dans une véritable maison.
Silas ne répondit pas parce qu'il craignait de s'emporter et préférait attendre qu'il finisse son plaidoyer en faveur de la jeune femme.
- En la laissant dans cet endroit coupé du monde extérieur tu lui donnes l'impression d'être encore enfermée dans cette chambre qui ne lui permettait pas de voir la lumière du jour. C'est une erreur Silas surtout si ton but c'est de te faire pardonner et de la conquérir. Elle a besoin d'être en confiance, elle a besoin que tu lui prouves que celui qui la garde prisonnière n'est pas le même homme qui l'a jeté dans une cage.
- Et si elle tente de s'enfuir ?
- Alors retour à la case départ, mais au moins tu lui auras montré que tu avais confiance en elle et qu'elle a trahi cette confiance. Crois-moi sur parole mon ami, c'est la bonne solution. Ramène-là au manoir.
Il serra le poing, forcé d'admettre que Massimo avait une fois de plus raison, mais trop fier pour le lui dire il préféra raccrocher.
Ainsi il resta là, assis dans le fauteuil à peser le pour et le contre sans savoir s'il devait suivre son instinct ou écouter son ami.
C'est très tardivement dans la soirée qu'il prit sa décision. La jeune femme s'était endormie depuis plusieurs heures maintenant et il en profita pour faire en sorte qu'elle ne se réveille pas au moindre bruit et mouvement qui allaient suivre.
En abandonnant cet endroit il espérait que ça lui apporte bien plus que la simple perspective qu'elle tienne sa parole.
Le lendemain elle se réveilla un peu vaseuse alors qu'il avait veillé sur elle toute la nuit. Étourdie elle toucha les draps frais puis le plafond en se redressant lentement sur ce lit qu'elle connaissait bien. La beauté du soleil hivernal infiltrait la chambre par des rais de lumière éclatants et ce détail la fit sangloter.
Était-ce de la joie ?
- Ne me fais pas regretter cette décision, lui dit-il les yeux menaçants en se levant du lit.
Elle posa sa main sur son poignet pour l'arrêter et plongea ses yeux larmoyants dans les siens.
- Merci, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.
Il lut de la sincérité dans son regard, mais bien plus et s'y attarda dans l'espoir que ça ne soit pas qu'un mirage.
Sa main fine glissa jusqu'à la sienne et Silas s'empressa de la serrer en l'enfermant dans sa paume.
Alors il se pencha en avant et posa un baiser dans ses cheveux en fermant les yeux et lâcha sa main pour disparaître sans un mot mais à nouveau elle chercha à le retenir.
Silas fronça des sourcils en l'interrogeant du regard mais la jeune femme qui continuait de s'accrocher à sa main resta muette.
Une peur indéfinie noyait son beau regard et il comprit sans tarder qu'elle ne lui était pas destinée. Elle voulait certes retrouver le monde tel qu'il est, mais au prix de devoir confronter la réalité cruelle qu'elle avait toujours tenté de fuir.
- Reste s'il te plaît, murmura-t-elle le corps tremblant et le regard suppliant.
Un regard auquel Silas ne put résister plus longtemps...
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