Chapitre 2
Les yeux dans le vague, Abby les releva brusquement quand la porte du cabinet se rouvrit sur Margaret. Abby ne voulait pas continuer l'histoire, elle voulait simplement sortir d'ici et se réfugier à son travail. Seulement quelque chose la retenait bloquée dans ce fauteuil et elle ignorait quoi. Était-ce le fait qu'elle pouvait enfin parler à une personne qui n'avait pas le droit de livrer ses secrets ? Parce qu'elle voulait des réponses aux questions qu'elle se posait ?
Abby reposa le gobelet de café qu'elle n'avait pratiquement pas touché et bloqua ses mains entre ses jambes qu'elle croisa aussitôt.
- Nous pouvons reprendre Abby, commença-t-elle en ouvrant son carnet. Il nous reste approximativement trente minutes.
- Que voulez-vous savoir ?
- Après avoir découvert qu'il ne vous avez rien fait, que s'est-il passé ?
- J'ai reprit connaissance, je suis sortie de cet état léthargique et les cris des autres ont recommencé à envahir mon ouïe. Ils étaient encore vivants, mais il était clair qu'il leur avait fait quelque chose de grave.
Abby se racla la gorge en décroisant les jambes.
- Je me suis alors approchée des barreaux en acier que j'ai agrippé et j'ai essayé de jeter un œil sur la gauche. J'ai alors vu du sang coulait et qui s'échappait des autres cages. Mon cœur ne recevait plus d'oxygène, j'avais l'impression qu'il allait s'arrêter de battre alors j'ai reculé jusqu'au mur et j'ai ramené mes genoux contre ma poitrine. Certains poussaient des jurons, d'autres se mêlaient au concert d'appels au secours désespérés. Ça a duré très longtemps avant que ça redevienne silencieux.
- Vous saviez à ce moment-là ce qu'il leur avait fait ?
- Oui, il...il leur avait coupé une main à chacun.
- Mais pas à vous ?
- Non, murmura-t-elle en maintenant ses mains l'une contre l'autre. Quand j'ai compris ce qu'il s'était passé, j'ai tenu mes mains contre ma poitrine et je n'arrêtais pas de les toucher en croyant que j'étais en train d'halluciner. Je croyais que...je croyais que je rêvais d'avoir encore mes deux mains. Je ne savais plus ce qui était réel ou non.
- Est-ce que vous avez communiqué avec les autres après ?
Abby dont les lèvres tremblaient se rappela avec amertume l'ignorance qu'on lui avait témoigné au moment où elle avait enfin réussi à produire un son.
- J'ai essayé de me lier au groupe quand ces derniers on envisager de passer à l'action dans le cas où le tueur ouvrirait l'une des cages. Je leur ai dit qu'il valait mieux ne rien tenter qui pourrait le mettre en colère plus qu'il l'était déjà, mais ils m'ont ignoré ou peut-être qu'ils n'ont pas entendu.
- Vous étiez en quelque sorte défaitiste ?
- Défaitiste ? Répéta Abby en étouffant un rire. Il venait de leur coupé une main, il y avait du sang partout, nous étions enfermés comme des animaux, quel autre sentiment pouvez-vous ressentir dans ce genre de moment ? Pour moi nous allions mourir c'était une évidence. Il était trop fort...beaucoup trop fort.
Elle serra ses mains plus fort pour faire cesser les tremblements.
- Il était trop fort, répéta-t-elle en se rappelant de sa silhouette sombre ouvrant sa cage et qui avait englouti chaque lumière derrière lui pour rendre le monde obscur.
- Vous êtes en sécurité Abby, n'ayez aucune crainte.
En sécurité ou non, elle voulait en finir au plus vite. Elle en avait assez confié pour aujourd'hui.
- C'est seulement après quelques heures qui j'ai réalisé qu'il faisait nuit dehors. Je pouvais entendre les murmures nocturne s'engouffrer dans l'endroit où nous étions. Il faisait très froid et j'avais terriblement soif et faim. J'essayais de ne pas m'endormir quand tout à coup, l'un d'eux est devenu fou et hystérique. En agitant la porte il s'est rendu compte que celle-ci n'était plus verrouillée. Les autres ont découverts que les leur ne l'étaient plus non plus.
- Et la vôtre ?
- La mienne aussi, murmura-t-elle d'une voix affaiblie par les souvenirs qui revenaient dans un ordre très précis et qu'elle n'oublierait jamais. J'ai tiré sur les barreaux et elle s'est ouverte.
- Vous êtes sortie ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Les autres sont sortis, mais moi je suis restée.
- Pourquoi ? Répéta Margaret.
- Parce que mon instinct me disait que c'était un piège ! S'emporta-t-elle en se passant les mains sur le visage.
- Et c'en était un ?
- Oui.
Abby se leva d'un bond pour marcher dans la pièce puis se positionna devant la fenêtre.
- Ils se sont enfuis et moi j'ai...j'ai refermé la porte et je me suis prostrée tout au fond, contre le mur. Il n'y avait plus aucun bruit, c'était silencieux et pendant quelques secondes je me suis demandée si je n'avais pas fait une erreur en restant là. Au moment où j'ai songé à sortir, il y a eu un bruit mais il ne s'agissait pas de la porte lourde sur la gauche, ça provenait de la droite, là où ils étaient tous partis en courant. Puis j'ai entendu des pas. Glacée d'effroi, la respiration tremblante, j'ai compris que c'était lui car le bruit de ces pas étaient lents et on pouvait entendre le bruit des semelles lourdes rencontrer la pierre froide du sol. J'ai retenu ma respiration quand tout à coup un voile sombre s'est posé sur moi à son passage et je me souviens encore de la traînée de sang derrière lui. J'ai compris qu'ils étaient tous morts et que le tueur les avait testé.
Un flash lui apparut au moment où le soleil se refléta dans la vitre d'une voiture qui venait de passer. Elle se retourna pour fuir cette lumière qui lui faisait penser au halo blanchâtre du plafond qu'elle s'était forcée à regarder pour fuir cette traînée de sang.
- À ce moment-là vous avez compris que vous étiez seule avec lui ?
- À ce moment-là j'ai cessé de respirer puis j'ai été saisie de spasmes répétés. Je l'ai entendu jeter des choses lourdes au sol puis...il...il est revenu vers moi.
La bouche sèche, Abby croisa les bras pour échapper à cette sensation désagréable d'avoir une sueur froide dans la nuque.
- Il s'est arrêté devant la cage, je me souviens que son masque n'était plus autant immaculé que la première fois que je l'ai vu. Il y avait du sang dessus. À cet instant précis j'ai vraiment compris qu'il n'y avait plus que moi et lui. Il a levé ses mains au plus haut de la structure en acier pour agripper les barreaux et je les ai entendu vibrer. À ce son j'ai compris qu'il y avait de colère en lui.
Abby se souvenait que ce moment avait duré suffisamment longtemps pour qu'elle implore son cœur de s'arrêter.
- Il les a lâché...il...il a lâché les barreaux puis d'une lenteur indéfinissable il s'est effacé.
- Et...
- Ça suffit pour aujourd'hui, la coupa-t-elle en agitant ses mains tremblantes devant elle. Je suis fatiguée, j'en ai assez dit pour aujourd'hui...ça suffit.
- Vous avez raison Abby, c'est assez pour notre première séance. Je suis fière de vous.
Abby n'était pas fière ni même soulagée d'en avoir parlé car elle demeurait toujours sans réponse. Cette séance l'avait juste entraîné à raconter le début de son histoire, mais il restait tant à dire.
- Nous pouvons nous revoir demain si vous le souhaitez.
- Je vais...Je vais y réfléchir.
Abby attrapa son sac avec hâte pour sortir de cette pièce au plus vite. En refermant la porte elle eut l'impression que le couloir qui menait à l'extérieur était interminable avant qu'elle puisse enfin atteindre la lumière du jour.
Non loin de Seattle, sur cette île paisible appelé Vashon Island, il fixait la pâleur de cette peau tachée de quelques couleurs rosées à peine perceptible. Il se pencha tout près de ce visage paisible et qui le resterait à jamais. Il était temps et il le savait. Le bruit de ce moteur qui la maintenait en vie était aussi insupportable que les bruits aiguë des écrans derrière le lit.
Silas Balthazar Azarov posa sa grande main sur sa joue tout en dévisageant les paupières fermées de sa petite sœur et sut alors que ça serait la dernière image qu'il garderait d'elle.
- Tu es déjà partie depuis longtemps, chuchota-t-il en prenant sa main inerte posée sur son ventre. Je te garde égoïstement, mais il est temps maintenant.
Sa voix ne tremblait pas d'émotion car il savait qu'un jour il la reverrait.
Des larmes ? Il n'en avait plus depuis bien longtemps tout comme le reste des fragments d'émotions qui se détachaient pièce par pièce jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. Il caressa ses cheveux blonds une dernière fois et déposa un baiser sur son front encore tiède tout en appuyant sur le bouton qui mettrait fin à cet acharnement qui l'empêchait de partir en paix.
- Nous nous reverrons ma douce Sarah, chuchota-t-il en collant son front contre le sien.
Il la débarrassa ensuite de ces tubes qui faisait souffrir son corps depuis plus six ans et resta à ses côtés jusqu'à son dernier battement de cœur.
Deux jours plus tard Silas se trouvait au milieu d'une étendue d'herbes vertes et écoutait le doux murmure des fines gouttes de pluie tomber sur le parapluie de Christina Levis.
- Vous avez pris la bonne décision monsieur Azarov.
Le regard impénétrable, il regardait le cercueil s'en aller dans ce carré de terre recouvert de béton en imaginant ce qu'aurait pu devenir la vie de Sarah et il l'imagina mère d'un bel enfant et poursuivant sa passion dévorante pour le violon qui aurait pu la conduire à des sommet artistique qu'elle avait toujours rêvé d'atteindre.
- Il n'y avait plus d'activité cérébrale depuis le premier jour, je voulais juste la garder figée dans le temps pour pouvoir profiter de voir son visage aussi longtemps que possible, mais c'était une décision égoïste.
Il quitta des yeux le cercueil qui renfermait sa sœur à présent dans les cieux éternels pour regarder cette femme aux cheveux gris et dont la peine était aussi sincère que son dévouement envers Sarah.
- Merci d'avoir pris soin d'elle pendant si longtemps madame Levis.
Elle leva la tête et ses yeux larmoyants devinrent égarés et intimidés.
- Je l'ai fait de bon cœur, c'est mon travail, dit-elle en abaissant les yeux vers la terre humide, le corps soudainement affaissé par le chagrin.
- Je vous libère désormais, dit-il d'une voix solennelle.
Elle trouva la force de relever la tête pour le dévisager, l'air désorienté.
- Je vous ai pris six ans de votre vie, il est temps de quitter cette île.
- Non, je crois que je vais rester. J'aime cette île paisible et j'ai trouvé une petite maison non loin de là qui me plaît beaucoup.
Impassible, dans son long manteau noir, l'homme au regard très sombre regardait Christina comme si rien ne pouvait le détourner de ce calme qu'elle trouvait inquiétant. Cependant elle décela dans ses yeux une lueur d'incompréhension.
- Quand vous m'avez demandé de venir sur cette île pour m'occuper de votre sœur, je n'avais plus de famille et aujourd'hui encore je n'en ai pas. Je n'ai aucune raison de partir d'ici. Je veillerai sur la tombe de votre sœur aussi longtemps que la vie me le permettra. Elle était peut-être dans le coma, mais rester aussi longtemps avec une personne laisse un vide. Je tenais beaucoup à elle monsieur Azarov.
L'infirmière retraitée lutta fermement pour ne pas quitter ce visage si froid et sans émotion qui lui faisait face. Un visage impossible à oublier.
- Très bien, finit-il par dire alors que la pluie sillonnaient son masque de pierre trait par trait.
- Je suppose que vous allez partir ? Demanda-t-elle d'une voix hésitante.
Silas Balthazar Azarov tourna lentement la tête en direction du carré étroit et dans lequel le corps de sa sœur reposerait désormais.
- En effet je dois partir, dit-il sombrement. J'ai un rendez-vous très important.
- Est-ce que vous trouverez ma curiosité déplacée si je vous demande avec qui vous avez rendez-vous ? Je ne sais pratiquement rien sur vous, dit Christina en fixant la ligne de sa mâchoire se contracter.
L'homme dans son long manteau noir sortit ses mains enfermées dans des gants de cuir sans quitter des yeux le bois de chêne du cercueil et déclara les yeux froids et sans vie.
- J'ai rendez-vous avec le passé...
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