Chapitre 19



L'étau se resserrait autour d'elle et Abby n'avait aucun moyen de s'enfuir pour mieux gagner du temps. Il posa son autre main sur le tronc à quelques centimètres de sa tête, et l'enveloppa de sa lourde présence qui chaque fois faisait battre son cœur un peu plus vite.

Il cherchait un moyen de lui faire dire la vérité, mais elle se sentait incapable d'y faire face.

Pourtant elle leva la tête et rencontra son regard qui cherchait désespérément le sien.

  - J'ai lu les rapports de Stones, commença-t-il doucement, mais Abby le coupa avant de ne plus pouvoir le faire.

  - Que voulez-vous m'entendre dire ? Qu'au début j'étais terrifiée et que ma pire peur c'était que vous preniez mon corps ? Que je souhaitais mourir plutôt que d'être à nouveau violée ?

Abby guetta sa réaction et vit un éclat sombre passer dans ses yeux, mais elle décida de poursuivre avec le même élan guidé par une colère dirigée contre elle-même.

  - Puis quand j'ai réalisé que vos intentions n'étaient pas celles que je pensais je me suis sentie happée par l'envie de mourir et ce terrible souhait ne vous concernez pas bien au contraire, je voulais que vous mettiez fin à mes souffrances.

Il se redressa brutalement, détachant ses mains du tronc et visiblement secoué par cet aveu qui ne semblait pas correspondre à ce qu'il aurait voulu entendre.

  - Mais chaque fois que vous veniez à moi cette envie de mourir disparaissait et je voulais vivre, poursuivit-elle en baissant les yeux sur son torse qui se soulevait plus rapidement. Après cette nuit où ma vie a entièrement basculée, je me suis retrouvée seule et livrée à moi-même. La police n'avait aucune piste ni moyen pour retrouver mon agresseur et j'ai été comme...abandonnée par le système et j'avais si peur.

Les larmes tombèrent sans qu'elle puisse les arrêter.

  - Je n'étais pas protégée, j'avais l'impression d'être un fantôme. Je n'arrivais plus dormir parce que j'étais terrifiée à l'idée de me réveiller pour découvrir qu'on avait profité de moi.

  - Tu dormais, glissa-t-il alors, l'expression grave. Avec moi, tu dormais. Encore hier et les jours précédents tu t'es endormie sans lutter.

Et c'est là que la partie la plus pénible à dire commençait.

  - Vous ne m'avez jamais fait de mal, lui dit-elle la gorge serrée. Vous étiez imprévisible, mais au lieu de me faire du mal vous...m'avez donné cette impression terrible que j'étais en quelque sorte...

Abby détourna vivement la tête et posa ses mains sur son visage.

  - En quelque sorte ? Répéta-t-il d'une voix impatiente.

Elle se détacha du tronc pour sortir de l'impasse.

  - En sécurité ? Essaya-t-il de deviner.

Son silence et son regard abaissé sur l'herbe humide eurent raison d'elle.

  - Et tu te sens honteuse de t'être sentie en sécurité avec un monstre et tu te sens toujours honteuse de l'être, conclut-il d'une voix très grave.

Il s'approcha lentement, sans doute pour ne pas lui faire peur.

  - Personne ne t'a offert ce sentiment que quelqu'un de plus fort que ton agresseur pouvait te protéger et c'est en moi que tu as trouvé ce sentiment, poursuivit-il et elle le laissa continuer, incapable de lui affirmer que cette théorie avancée était la bonne.

 - À choisir entre l'abandon d'un système et un assassin à l'esprit vengeur tu as choisi le deuxième choix. Quand l'as-tu réalisé ? Abby je veux savoir ?

Il posa ses mains puissantes sur ses bras pour qu'elle le regarde dans les yeux.

  - Après m'avoir déposé à l'hôpital quand je me suis réveillée un sentiment terrifiant m'a saisi sans que je puisse l'expliquer. Il y avait beaucoup de monde autour de moi et ils voulaient tous la même chose. Vous. Je n'ai pas parlé, je n'ai rien dit ou du moins je suis restée évasive parce que je ne savais pas si vous aviez fait ça parce que vous aviez des regrets ou si c'était un jeu pour vous.

Elle marqua une pause, la bouche marquée par un goût amer.

  - Une semaine plus tard je suis sortie de l'hôpital et on m'a envoyé chez-moi en me promettant que je serais protégée seulement ce n'est pas ce que je ressentais en moi. J'avais la pénible sensation que je ne serais plus jamais en sécurité et cette affreuse douleur qui avait fini par disparaître quand j'étais prisonnière est revenu plus forte et insupportable. Je n'étais plus en sécurité et ils ne feraient rien pour moi. Cela a duré des mois dans lesquels je suis restée chez moi sans sortir de peur qu'il soit là quelque part à m'attendre et que personne ne ferait rien pour l'arrêter. Alors j'ai commencé à travailler sur moi pour effacer de ma mémoire ce qu'il m'étais arrivé dans l'espoir que ça m'aide à vaincre mon agoraphobie.

Lentement elle leva les yeux sur lui en remarquant seulement maintenant que son visage portait une gravité énigmatique.

  - Plus je pensais au tueur au masque sans visage, plus j'essayais de comprendre les raisons qui l'avaient poussé à m'enlever et plus cette nuit glaçante disparaissait de ma tête, murmura Abby en soutenant son épais regard orageux. Seulement plus je cherchais à mettre des mots sur cette longue année passée avec vous plus j'avais l'impression inquiétante que mon cerveau essayait de me faire comprendre quelque chose que je refusais d'accepter.

Une nouvelle nausée lui brûla la gorge et elle secoua de la tête pour la rejeter.

  - Puis je suis allée voir Margaret Stones quand celle-ci a proposé de m'aider et maintenant je...oh seigneur...

Silas attrapa ses cheveux d'un mouvement vif et les enferma dans sa main alors qu'elle s'était penchée en avant pour vomir. La voir dans cet état lui arracha un rictus amer pendant qu'il la soutenait à l'aide de son bras qu'il avait enroulé autour de sa taille. Plus elle souffrait plus Silas se savait entièrement coupable d'avoir osé croire qu'il avait pu lui laisser un tendre souvenir de lui.

Il sortit un mouchoir de sa poche et lui essuya la bouche avant de la soulever pour la ramener à l'intérieur.

Délicatement il la déposa sur le canapé près de la cheminée qui crépitait avec une vivacité redoutable.

  - Je vais te chercher un verre d'eau ne bouge pas d'ici.

Silas aurait dû se réjouir qu'elle lui ait confié cette dure réalité qu'elle refusait elle-même d'accepter, mais il n'éprouvait aucune joie intérieure, seulement du dégoût et des regrets du plus en plus insupportables.

Elle était terrifiée et se sentait honteuse d'avoir ressenti ce trouble et ce sentiment de sécurité à ses côtés malgré ce qui lui avait fait vivre. Silas ne voulait pas qu'elle se rendre coupable plus longtemps mais il ne savait pas comment l'aider.

Au moment où s'apprêtait à la rejoindre son téléphone sonna.

  - Massimo ce n'est pas vraiment le moment, dit-il avec humeur en revenant dans le salon pour lui tendre un verre d'eau.

Les joues blêmes, elle accepta le verre d'eau et but quelques gorgées.

  - Oh...est-ce que je viens d'interrompre un moment charnel ?

  - Non, je suis en train de m'occuper d'elle, certaines révélations lui ont donné la nausée.

  - Oh...et tu lui tiens les cheveux pendant qu'elle vomit ? C'est si...romantique, lança Massimo en prenant une voix faussement émue.

  - Qu'est-ce tu veux Massimo ! S'énerva Silas en n'ayant aucune gêne à poursuivre cette conversation en présence de la jeune femme qui se rallongea sur le canapé pour fermer les yeux.

  - Je t'appelle pour savoir si tu as ouvert mon petit cadeau que je t'ai laissé et je suis presque sûr que tu ne l'as pas ouvert car sinon tu m'aurais appelé en trombe. Donc je me demande qu'est-ce que tu attends ?

  - Je n'ai pas eu le temps de l'ouvrir, j'étais occupé à réparer une jambe et je doute que cela m'intéresse.

  - J'ai établi une liste avec les noms des personnes que tu as tué et à côté je t'ai soigneusement rapporté leurs vilains péchés.

  - Massimo, si tu essayes de m'aider à me sentir moins coupable de mes crimes sache que c'est inutile car je n'ai aucun regret ! S'agaça Silas en modifiant la langue avec laquelle il allait poursuivre cette conversation. Savoir que l'un d'eux à volé des bonbons dans sa jeunesse ne me sera d'aucune utilité, ajouta-t-il en italien.

  - Crois-moi c'est bien au-delà qu'un petit vol à l'étalage et si tu avais pris le temps de lire le fruit de mes recherches tu le saurais. Par exemple est-ce que tu savais que David Roth a abusé de sept étudiantes et que son père autrefois directeur de l'université a étouffé cette affaire qui en cache bien d'autres ?

Silas se redressa lentement les yeux rivés sur la jeune femme qui le regardait avec faiblesse.

  - Tu es sûr ?

  - Tu sais à qui tu parles là ? Répondit Massimo l'air vexé. Tu es mon ami, je suis inquiet et quand je suis inquiet j'aime bien comprendre alors j'ai repris ta liste et j'ai fait des recherches. Crois-moi sur parole quand je te dis que tout ceux que tu as tué on un passé extrêmement trouble et l'université dans laquelle Sarah était regorge de scandales de corruptions et de crimes passés sous silence.

Silas dont l'expression devenait grave et menaçante préféra se retourner.

  - Je n'essaye pas de te faire déculpabiliser même si au début j'avoue que c'était mon but, reprit l'italien sur un ton très sérieux. Je ne sais pas si c'est un hasard, mais tu devrais sérieusement jeter un œil à mon cadeau. Cela pourrait même t'aider à trouver qui a violé Abby.

À ces mots il serra le téléphone dans sa main, les mâchoires crispées.

  - Merci ! Finit-il par dire d'une voix bourrue.

  - Alors raconte-moi tout, pourquoi a-t-elle eu la nausée ?

  - Elle a réalisé des choses qui je crois lui donnent l'impression d'être atteinte du syndrome de Stockholm. Je suis un monstre Massimo.

  - Qu'est-ce qui diffère de moi et de mon histoire avec Bella ? Répliqua Massimo. Tu m'as encouragé à poursuivre mon histoire avec elle, mais quelle est la différence ? Je l'ai enlevé, je l'ai libéré et elle est revenue à moi.

Silas se retourna pour regarder la jeune femme allongée sur le canapé.

  - Cette fois-ci c'est différent, dit-il en la regardant s'endormir d'épuisement. Ce n'est pas comparable Massimo. Je l'ai mise dans une cage, tu n'as pas fait ça il me semble et tu n'as pas porté un masque terrifiant.

  - Eh bien techniquement ce n'était pas utile puisqu'elle ne pouvait pas me voir, rectifia-t-il sur un ton légèrement ironique. Ce n'était donc pas nécessaire de porter un masque quoi que ça aurait pu me rendre encore plus sexy.

Silas posa ses doigts sur ses paupières fermées en poussant un juron en italien.

  - Plus sérieusement, je ne sais pas si elle a le syndrome de Stockholm mais je sais une chose c'est qu'elle est en sécurité avec toi.

  - Merci mon ami ça m'aide beaucoup, dit-il avec un air bougon.

  - De rien. Pendant qu'on y est est-ce que ça existe le syndrome du tueur amoureux ? Parce que c'est clairement ce qui t'es arrivé Vincenzo...Silas...peu importe.

  - Je ne comprends pas où tu veux en venir mais...

  - C'est pourtant simple, et je crois que l'évidence est sous tes yeux depuis un moment. Je suis même prêt à parier que ça a commencé pendant qu'elle était ta captive. Tu es amoureux de cette jeune femme et ce qui me laisse supposer ça c'est parce que tu n'as jamais réussi à te la sortir de la tête. Elle hante ton esprit depuis ton arrivée en Italie et cela n'avait aucun lien avec cette prétendue main que tu n'as jamais réussi à lui ôter.

Silas resta de marbre alors que son cerveau bouillonnait et qu'il avait l'impression d'avoir été ravagé par un courant électrique qui ne semblait pas vouloir s'arrêter.

  - Ça suffit, je dois te laisser.

  - Oh...on dirait que je viens de toucher exactement là où il fallait mon ami. Le grand Silas Balthazar Azarov est épris de sa captive et comprends enfin pour quelle raison il ne parviendra jamais à la laisser partir comme il n'est jamais parvenu à lui couper la main alors qu'à cette époque il ne savait pas qu'elle était innocente. Je comprends mieux pourquoi il t'est arrivé de ressentir le besoin de la tuer...pour tuer tes sentiments envers elle.

Il serra les dents en regrettant amèrement d'être loin de lui car il brûlait de le saisir à la gorge pour le faire taire !

  - Mais maintenant la grande question que les auditeurs se posent tous est la suivante ! Poursuivit l'italien en prenant les mimiques des animateurs de télévision.

Les yeux noirs, Silas posa son regard sur la jeune femme qui soulevait de temps en temps les paupières pour le regarder et sentit son visage trembler.

  - Est-ce que la jeune femme a des sentiments pour le monstre tel qu'il se décrit ou devra-t-il se contenter de l'aimer en silence ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top