Chapitre 15



Silas ne savait pas depuis combien de temps il était là, debout devant ce lit où reposait la jeune femme blessée et endormie. Il retira ses gants en cuir parce qu'il ne supportait plus de ne pas sentir le contacte de sa peau contre ses doigts. Il prenait le risque qu'elle devine qui était sous ce masque sans qu'il n'ait eu le temps de lui parler, mais cela lui importait peu. Il prit une inspiration brutale et douloureuse tout en s'approchant du lit. Elle dormait et de façon paisible ce qui le troubla autant que le façon dont elle l'avait presque supplié de la tuer.

Prudemment il leva sa main vers sa joue en regardant avec colère la blessure sur son front. Silas ne saurait encore décrire la violence et l'ivresse rageuse qui l'avait saisi lorsqu'il l'avait retrouvé au pied de cette vieille bâtisse en train de ramper pour fuir l'homme qui l'avait enlevé. Il se souvenait encore du cri qu'il avait entendu fendre la forêt silencieuse et qui lui avait fait craindre le pire.

Silas éprouvait une immense culpabilité mais aussi du soulagement d'avoir été guidé jusqu'à Mercer Island. Il s'était trompé et il allait devoir vivre avec ça jusqu'à la fin de sa vie. Il revivait constamment ce moment où il s'était glissé dans son apparemment pour l'arracher à sa vie.

Comment lui dire ?

Comment se révéler à elle ?

Était-ce la bonne décision de l'avoir ramené ici ?

Silas toucha sa joue et fut irradié par une sensation indescriptible comme s'il éprouvait la sombre envie de lui prendre son âme afin qu'elle soit à jamais à lui.

Un sentiment égoïste mais qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver.

Il fallait qu'elle devine qui était derrière ce masque et il devait lui faire comprendre qu'il s'était trompé.

Mais avant toute chose, il fallait qu'il lui prouve qu'il ne lui voulait aucun mal.

Hélas il savait au tréfonds de son âme sombre qu'à tout moment ses démons pouvaient surgir et briser ses chances de conquérir cette innocente.

Silas prit une brutale respiration et brisa le cours de sa torpeur pour recouvrer ses esprits sans cesse immergés de sombres pensées.

Chaque fois qu'il se trouvait à proximité de la jeune femme, Silas était submergé par des sensations dangereuses et indescriptibles. Même à l'époque ces sentiments lui avaient paru plus intenses que son désir d'achever son œuvre.

Aujourd'hui il pouvait l'achever, mais d'une autre façon.

Avec prudence il glissa son index sur sa joue froide pour la réveiller et attendit que sa tête exécute un mouvement brusque pour ôter son doigt de sa peau.

Elle ouvrit les yeux, jeta un regard circulaire au plafond avant de le baisser sur lui. Bien que la peur résidait dans ses beaux yeux clairsemés de plusieurs nuances elle ne bougea pas, laissant sa tête reposer sur l'oreiller. Elle déglutit en esquissant une grimace et leva sa main gauche vers ses cheveux.

Un moment d'hésitation la traversa et elle souleva les paupières pour regarder son poignet libre.

Silas les avait libéré après avoir réalisé que ça ne servait à rien de les entraver car il serait là pour surveiller ses imprudences si elles devaient se produire.

  - Pourquoi ? Demanda-t-elle en ramenant ses mains libres contre sa poitrine.

  - Parce que tu n'as jamais essayé de me fuir par le passé. Je doute que tu te tentes à le faire maintenant. Si tu le faisais tu gagnerais juste des jours supplémentaires dans ce lit.

Il s'était exprimé de façon très calme mais les nuances de sa domination régnait toujours en maître.

  - Merci, murmura-t-elle en se grattant sa main perfusée.

  - Je peux te la retirer uniquement si tu me promets de manger.

Elle cessa de gratter la haut de sa main en le dévisageant le regard perdu dans la réflexion.

Enfin elle hocha de la tête pour lui dire oui.

Bien sûr Silas connaissait la jeune femme et bien des fois celle-ci n'avait pas tenu ses promesses concernant la nourriture.

  - Vous voulez parler ? Demanda-t-elle après qu'il eut retiré la perfusion.

  - Je veux que tu manges, répondit Silas fermement en s'éloignant dans la chambre pour saisir le plateau qu'il posa sur la tablette pour ensuite la faire rouler jusqu'au lit.

  - Où est l'homme qui m'a enlevé ? Demanda-t-elle d'une voix anxieuse et tremblante sans doute parce qu'elle craignait de braver les interdits.

  - Je l'ignore, dit-il en prenant la cuillère à soupe pour la tremper dans le bol. Je devais faire un choix et je t'ai choisi, mais ce n'est qu'une question de temps avant que je le chasse pour le tuer à ma manière. Ouvre la bouche maintenant.

Elle obéit sans jamais le quitter des yeux.

  - Il voulait me tuer, j'aurai fini comme toutes ces femmes qu'il a enlevé avant moi.

  - Et tu supposes que j'aurai dû te laisser à lui pour qu'il fasse ce que je n'ai jamais pu faire ? S'enquit Silas en réprimant un vent de colère.

  - J'essaye de comprendre, murmura-t-elle en baissant les yeux.

  - Tu comprendras tout très bientôt Abby, déclara-t-il en réprimant au mieux cette colère qui menaçait de poindre à tout instant. Ma priorité c'est de te redonner des forces pour accélérer ta guérison.

Il approcha la cuillère vers sa bouche et attendit qu'elle l'ouvre pour la glisser dans sa bouche. Il se souvenait de toutes les fois il l'avait nourrie de force pour l'empêcher qu'elle se laisse mourir de faim. C'est bien trop tard qu'il s'aperçut qu'elle était libre de le faire seule mais il s'y refusait pour une raison qui pour l'heure était inexplicable.

  - Vous...vous n'avez pas peur qu'on essaye de me retrouver ?

  - Pour te trouver il faudra d'abord me trouver et officiellement tu as été enlevé par celui qui imite des crimes qui ne lui appartient pas et je doute qu'après t'avoir perdu il s'engage dans un autre enlèvement. C'était toi qu'il voulait.

Abby s'efforçait de comprendre les raisons qui le poussaient à lui parler. Elle s'efforçait de chercher une voix telle que la sienne qu'elle aurait pu entendre par le passé, mais son esprit était comme paralysé.

  - Personne ne peut t'arracher à moi, est-ce que tu comprends ?

Abby frissonna sous le ton très rauque qu'il venait de prendre et s'empressa d'acquiescer ses dires.

Il essuya sa bouche avec une serviette et c'est seulement là qu'elle s'aperçut qu'il ne portait plus de gants.

Grandes, très viriles, il était facile d'imaginer les dégâts que pouvaient causées ses mains s'il les fermait en poings pour les abattre sur quelqu'un.

  - Pourquoi est-ce que vous avez tué ces personnes et pourquoi en avoir amputé d'autres ? Non ! Pardon ! Je suis désolée !

Elle prit peur en le voyant se lever pour partir à l'autre extrémité de la chambre puis ensuite revenir vers elle.

Les mains appuyées sur le matelas Abby essaya de reculer mais s'aperçut trop tard qu'elle s'était trompée sur ses intentions.

Il approcha ses doigts de son front pour pressé une compresse sur sa blessure.

  - Ne bouge pas.

Le ventre noué, elle essaya de se détendre et le laissa faire en fixant son masque.

  - Je répondrai à tes questions quand tu seras prête Abby et tu n'es pas prête pour l'instant. Ta guérison est ma priorité.

Il jeta la compresse dans une bassine installée sur la commode à droite et poursuivit :

  - Nous avons tout notre temps.

Elle pouvait sentir son regard posé sur elle de façon très intense et elle essaya de comprendre pourquoi il était si différent même dans ses gestes.

Il se mit à respirer fort comme s'il essayait de lutter contre ses démons intérieurs.

  - Dois-je continuer ou tu es capable de le faire seule ?

  - Je suis capable.

Elle accepta la fourchette tendue vers elle et s'empressa de piquer un morceau d'omelette dans l'assiette pour lui prouver sa bonne foi.

Il resta là, planté devant le lit, la main agrippée sur la barrière. Dans ce silence très pesant elle pouvait toujours constater que sa respiration était bruyante et inquiétante. Timidement elle baissa les yeux sur son torse qui se soulevait dangereusement.

  - Il y a quelque chose qui vous...énerve ? Osa-t-elle demander.

La barrière se mit à trembler sous la pression très intense de sa main crispée sur celle-ci.

  - Pourquoi tu n'essayes rien pour me fuir ? Pourquoi tu ne me supplie pas et pourquoi tu ne l'as jamais fait par le passé ?

Troublée par ces questions, elle se mit à battre des cils en fuyant son regard.

Pourquoi ?

Abby fut confrontée à un brouillard épais devant ses yeux et qui emprisonnait les réponses à ces questions.

Peut-être qu'elle refusait de les affronter parce qu'elle avait trop peur de la réalité qui s'y trouvait.

  - Abby, dit-il d'une voix pressante.

Elle sortit de sa torpeur et releva la tête pour l'affronter.

  - À quoi bon tenter de vous fuir ?

  - Pour donner l'impression que tu te bats contre moi ! S'emporta-t-il en s'éloignant dans la chambre, le point serré le long de sa hanche.

  - Je n'ai pas envie de me battre.

  - Et c'est justement le problème ! Grogna-t-il en restant le plus loin possible d'elle.

Bien que ses mains tremblaient Abby résista de toutes ses forces à la peur qui commençait à engourdir son visage.

Sans crier gare il la rejoignit en quelques enjambées et planta ses poings de chaque côté de son corps paralysé par cette force qui émanait de lui dangereusement.

  - Il y a quelque chose dans tes yeux Abby que je ne m'explique pas, dit-il d'une voix très grave.

Abby serra les lèvres alors que celles-ci tremblaient aussi fort que la vibration qu'elle sentait dans le matelas à cause de ses poings fermés de rage.

  - Vous devriez être satisfait que je ne lutte pas, parvint-elle à dire la gorge serrée.

Il tiqua derrière son masque puis ses mains sur posèrent sur ses épaules. Abby aurait dû sursauter, pleurer, hurler, mais elle resta immobile, les yeux plantés sur son masque.

  - Tu t'es entaillé les bras, tu as traversé un toit instable pour ensuite escalader des balcons et tu as fait une chute qui aurait pu te coûter la vie pour fuir cet homme, énuméra-t-il d'une voix étouffé par la colère. Pourquoi tu ne fais rien pour me fuir moi ?

Les yeux larmoyants, elle exhala un soupir tremblant en baissant les yeux.

  - Parce que vous êtes plus fort, plus dangereux et parce que je sais que je n'ai aucune chance, murmura-t-elle sans le regarder.

  - Il y a autre chose, dit-il d'une voix très basse en relâchant ses bras pour se redresser de toute sa hauteur.

Abby cessa de respirer et à aucun moment elle tenta de relever les yeux pour le regarder.

  - Termine ton repas, ordonna-t-il ensuite.

Elle entendit ses pas s'éloigner puis plus rien. À nouveau seule, Abby allongea sa tête sur l'oreiller en inspirant profondément, les yeux fermés.

" Il y a autre chose "

Si seulement elle était en mesure de savoir quoi, songea-t-elle en sentant une larme rouler sur sa joue.

Elle-même ne comprenait pas pourquoi elle n'avait jamais essayé de le fuir et pourquoi elle n'essayait pas de le faire maintenant.

Le pire c'est qu'il venait de soulever une vérité qu'elle peinait à accepter. Lorsqu'elle s'était réveillée dans ce grenier insalubre son instinct de survie s'était réveillé immédiatement et elle avait cherché un moyen de fuir peu importe les conséquences. Elle avait failli mourir et elle avait même incité l'homme cagoulé à la laisser tomber dans le vide.

Le tueur au masque sans visage l'avait incité à fuir lorsqu'il avait ouvert cette cage et pourtant elle n'avait pas saisi cette opportunité pour retrouver la liberté peu importe si la mort l'attendait au bout du chemin.

Seulement il ne semblait pas avoir conscience de l'impact que cette démonstration de force qui irradiait chaque parcelle de sa physionomie avait sur ses proies.

Arrachée à ses réflexions quand un bruit se mit à progresser jusqu'à elle, Abby prit la fourchette pour piquer un morceau qu'elle mit dans sa bouche.

Chacune de ses arrivées étaient différentes mais toujours accompagnée de cette domination qui se lisait autant dans sa hauteur que dans sa démarche de chasseur.

Elle voulait tant savoir qui se cachait derrière le masque qu'elle songeait même à lui arracher peu importe le prix à payer.

  - Est-ce que nous sommes encore à Mercer Island ?

  - Oui, répondit-il sombrement en s'arrêtant à mi-chemin.

  - Je vous en prie, murmura-t-elle le regard suppliant.

  - Je vous en prie quoi Abby ?

  - Je veux savoir pourquoi vous êtes revenu ? Qu'est-ce que vous voulez ?

  - Je te veux toi, lâcha-t-il à travers un silence glaçant.

Un frisson indescriptible courut le long de son échine et tout autour d'elle devint sombre.

  - Pourquoi ?

Il ne répondit pas et s'approcha jusqu'à elle pour poser ses doigts sur son menton afin de le soulever légèrement pour que sa tête s'incline légèrement.

Le cœur battant à la chamade elle serra la fourchette dans sa main comme une arme de défense qui bientôt n'en fut plus une, car sa main libre encercla lentement son poignet.

Le silence qui perdurait devint alors une éternité et elle resta paralysée par sa force inégalé et implacable jusqu'à ce qu'il lui réponde enfin.

  - Parce que tu es ce que je ne peux pas avoir et que je n'aurai jamais...

Il ne lui laissa pas le temps de réagir et guida sa main qu'il tenait par le poignet vers son masque sans visage.

Abby sentit son cœur cesser de battre et sa respiration se couper brutalement car c'est volontairement qu'il pressa ses doigts contre les siens pour qu'elle lui retire ce masque et qu'elle confronte enfin son visage.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top