Chapitre 11
- Un autre s'il vous plaît.
Silas poussa le verre en direction du serveur avec un air bougon et déporta son regard sur la bande de jeunes qui riaient et buvaient avec insouciance. Un sentiment amer creusa un rictus sur ses lèvres et il reporta son attention sur poste de télévision installé en hauteur.
La porte du bar s'ouvrit derrière lui et il abaissa son regard sur la vitre fumée derrière la rangée de bouteilles. Un homme s'avança et Silas se redressa lentement sur le tabouret avec humeur.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Lança Silas avec humeur.
Massimo Di Marzio le chef de la mafia Italienne et ami prit place à côté de lui.
- Je suis venu m'assurer que l'élément le plus important de ma mafia n'était pas en train de jouer au boucher, plaisanta l'italien en levant la main pour faire signe au serveur. Un whisky s'il vous plaît.
Silas ne lui accorda aucun regard et fixa son verre à moitié vide.
- En tout cas, si jamais un producteur décide de faire un film qui a pour titre " Terreur à Mercer Island " surtout n'hésite pas à leur proposer ton manoir comme décor.
Silas pivota légèrement sur le tabouret de façon à le regarder droit dans les yeux.
- Tu as fait des milliers de kilomètres juste pour me dire ça ?
- Non, je suis venu m'assurer que tu allais bien et tu n'imagines pas le choc que j'ai eu quand j'ai appris qu'une belle rousse du nom de Abby était elle aussi à Mercer Island.
- Et tu n'imagines pas le choc que j'ai eu quand je me suis retrouvé face à elle juste à quelques mètres d'une scène de crime qui ressemble à la mise en scène que mon géniteur utilisait avec ses victimes.
Massimo se rembrunit légèrement.
- Ose imaginer le choc que j'ai eu quand j'ai découvert qu'elle était à l'intérieur de ton manoir à l'aspect terrifiant.
Cet échange ne l'amusait guère et il préféra se remettre droit sur le tabouret.
- C'est quoi le plan ? Achever ton œuvre ? T'amuser avec elle ?
- Je crois au destin, répondit Silas en agrippant son verre dans sa main forte. Mercer Island est le dernier endroit où j'aurai cherché pour la retrouver. Elle a été remise sur mon chemin et je dois savoir pourquoi.
- Et tu t'es dit que la ramener dans ton manoir perdu au milieu des bois serait la bonne option ?
- Si tu es venu me faire la morale sache que je ne suis pas disposé à t'écouter, dit Silas d'une voix sombre et agacée.
- Je suis venu voir si tu allais bien pour commencer.
- Je vais bien pour l'instant, dit-il en faisant tourner son verre sur le comptoir.
- Tu éprouves des regrets ?
Silas lui jeta un regard menaçant que le mafieux lui rendit aussitôt.
- Si tu parles de ma vengeance macabre alors la réponse est non et toi Massimo Di Marzio ? Est-ce que tu éprouves des regrets ? Nous avons tous nos démons et les tiens ne sont pas en cours de rédemption tout comme les miens.
Massimo approuva en levant son verre pour ensuite boire une gorgée.
- J'en ai épargné, ajouta Silas d'une voix faible et remplie de rage. J'aurai pu tous les tuer et pourtant j'ai fait le choix de leur couper une main pour les punir d'avoir filmé les souffrances de ma sœur pendant que d'autres baissaient leur pantalon pour la...
Le verre éclata dans sa main qu'il serra en poing tout en ignorant les bouts de verre qui entaillaient sa paume.
- Tout va bien ! S'exclama Massimo avec son sourire nonchalant à l'adresse du serveur. Il a juste une petite montée de tension.
Silas grogna dans un voile de silence en écartant sa main. Les bouts de verre tombèrent sur le comptoir et quelques gouttes de sang se mirent à émerger des entailles.
- Tu as raison, commença Massimo sur un ton posé. Tu aurais pu tous les tuer et nous avons tous nos démons, mais ce qui me pose problème c'est la fille. La fille que tu as gardé prisonnière pendant une année entière et qui demeure maintenant dans ce manoir assez flippant.
- Tu crains que je veuille la tuer pour finir ce que je n'ai pas pu faire ? S'enquit Silas en fixant froidement le serveur qui s'approchait pour poser un autre verre plein devant lui.
- Est-ce que c'est le cas ?
- Non, je n'ai pas l'intention de la tuer, répondit Silas en le regardant droit dans les yeux. Je cherche des réponses et celles qui me sont apportées depuis mon arrivée ne me plaisent pas du tout.
- C'est-à-dire ?
- J'ai le sentiment désagréable que je me suis trompé, avoua-t-il en regardant son verre. Il y a quelque chose qui ne colle pas et comme si ce n'était pas suffisant, elle donne l'impression de craindre d'être sous mon emprise. Elle laisse entendre que je vais tôt ou tard revenir à elle pour finir ce que j'ai commencé.
- Tu as le sentiment désagréable de t'être trompé ? Répéta Massimo en peinant à comprendre.
- Elle a raison sur un point, dit-il en levant son regard vers lui. Ils se connaissaient tous, mais elle ne les connaissait pas. Je les ai beaucoup observé depuis ma zone de surveillance et c'est à peine si elle avait de l'importance pour eux.
- Mais tu as des preuves qu'elle était dans cette maison n'est-ce pas ?
- Oui ! S'emporta Silas les dents serrées. Tu crois que je me suis amusé à enlever cette fille pour m'amuser ? Elle était dans la maison le jour du drame. Son nom figurait sur la liste établie par la police qui a enquêté à l'époque avant de refermer le dossier et étouffer le meurtre de Sarah.
- Et pourtant tu as des doutes ?
- J'ai en effet des doutes que je dois rapidement estomper.
- Et si tu t'es trompé ?
À ces mots Silas se redressa lentement sur tabouret tandis que ses mâchoires convulsaient dangereusement. Depuis qu'il était entré dans ce bar, Silas songeait à cette question et refusait catégoriquement que ce soit le cas. Parce que si jamais il s'était trompé alors Silas allait devoir vivre avec le poids de cette innocence qu'il avait traqué comme une bête monstrueuse.
- Si je me suis trompé alors je ne sais pas comment je vais réagir, lui confia-t-il avec une sombre sincérité. Si jamais j'ai pris sa vie pendant un an alors qu'elle...
Silas ferma les yeux, le visage torturé et en colère.
- Tu avais mille opportunité de lui couper la main et la libérer comme les autres, et au lieu de ça, tu l'as séquestré et tu as refusé de la laisser mourir. Quelque chose au fond de ton âme sombre t'en a empêché et pour moi ce n'est pas un hasard.
- Elle a dit qu'elle était déjà morte avant que je la prenne.
- Dans ce cas à toi de trouver si oui ou non elle est coupable ou innocente.
Massimo lui donna une tape amicale sur l'épaule en le regardant l'air inquiet.
- Et je n'en reviens de ce que je vais dire mais je prie pour qu'elle soit coupable parce que si jamais tu découvres qu'elle est innocente, je ne sais pas ce qui va se passer, mais...
Le mafieux n'alla pas au bout de sa prédiction et descendit du tabouret.
- J'espère que tu reviendras en Italie auprès de ta nouvelle famille quand tu en auras fini avec tout ça Vincenzo ou Silas...peu m'importe quel prénom tu sied le mieux.
Son ami s'en alla en le laissant seul avec ses démons. Silas termina son verre et quitta le bar toujours hanté par cette principale question qui le tourmentait plus que n'importe quelle autre.
Il était plus de 21h lorsqu'il gara la voiture dans l'allée. Les lumières éclairaient une bonne partie du rez-de-chaussée lui laissant comprendre que la jeune femme était là, à quelques mètres de lui sans se douter un seul instant qu'il était le tueur en série que tout le monde recherchait y compris elle.
Depuis son arrivée à Mercer Island Silas avait déjà élaboré un plan b et il n'avait jamais été aussi proche de se concrétiser. Il avait passé la journée à plusieurs kilomètres du manoir pour bâtir ce plan et il priait de toute ses forces pour que ce plan ne se réalise jamais car cela voudrait dire qu'il s'était trompé.
Silas sortit de la voiture et pénétra dans le manoir silencieux et faiblement animé par quelques bruits de vaisselle.
Il suivit ce bruit jusqu'à ce qu'il en atteigne la source. C'est alors qu'il découvrit la fille en train de disposer sur la table son dîner.
Elle avait mis qu'un seul couvert et prenait soin de dresser la table avec ses mains fines et si...
- Bonsoir.
Comme redouté elle sursauta en étouffant un cri et ses mains se mirent à se perdre sur la table.
- Vous m'avez fait peur, dit-elle en lâchant un rire nerveux.
- Que faites-vous Abby ? S'enquit-il en ignorant délibérément ce qu'elle venait de dire.
- Votre dîner, n'est-ce pas pour cette raison que vous m'avez embauché ?
Elle fronça des sourcils l'air perplexe.
- En effet, dit-il en s'approchant tout en retirant son manteau. Seulement j'aurai dû préciser que je ne voulais pas dîner seul.
Il alla ouvrit l'armoire pour prendre une seconde assiette et des couverts.
- Je ne suis pas certaine que...
- Considérez que ça fait partie de votre contrat, la coupa-t-il en la regardant avec une intensité qu'il ne put empêcher de rendre sombre et incontrôlable.
Il tira la chaise pour qu'elle s'installe.
- Vous êtes toujours comme ça ? Demanda-t-elle en se laissant tomber sur la chaise.
Silas crispa ses mains sur le dossier de la chaise en fixant sa nuque délicate.
- Comment suis-je ? parvint-il à dire la gorge serrée.
- Autoritaire.
Son torse se soulevait de façon irrégulière et lourde. Au prix d'un effort douloureux il s'écarta de la chaise et contourna la table.
- Oui je suis un homme autoritaire et j'aime l'autorité. Est-ce que ça vous rend mal à l'aise ?
Elle mordit sa lèvre inférieure en dépliant la serviette.
- Je dirais plutôt que c'est votre comportement très changeant qui me rend mal à l'aise.
Cet aveu aiguisa son désir dévorant de connaître chaque parcelle de ses pensées. Il ne dit rien et l'interrogea du regard pour l'inviter à poursuivre.
- Vous pouvez être chaleureux et la seconde suivante votre regard devient sombre et inquiétant.
- Je suis navré si mon comportement vous rend mal à l'aise Abby, ce n'est pas mon intention. Il se trouve que nous sommes tous doté d'un passé, d'une histoire et il se trouve que la mienne peine à disparaitre.
Elle acquiesça en lui témoignant de la compassion.
- Je comprends, murmura-t-elle en se servant de la salade. Comment s'est passé votre journée ?
- Très longue.
- Vous avez trouvé quelque chose qui peut faire avancer l'enquête ?
L'enquête était le dernier de ses soucis même s'il était déterminé à trouver ce piètre imitateur.
- Je n'ai pas travaillé sur l'enquête aujourd'hui mais sur un projet personnel.
Intriguée la jeune femme se pinça les lèvres et il ne put s'empêcher de les fixer.
- Ah oui ? Quel genre de projet ?
Intérieurement Silas était tourmenté de questions mais il n'en demeurait pas moins changer pour autant.
- Je suis un bâtisseur, et je suis en train de bâtir de mes mains quelque chose de particulier, mais je ne peux pas vous en dire plus.
L'intrigue gagna son regard et il en fut satisfait. Coupable ou non la jeune femme était la pièce la plus importante de son jeu et l'avait toujours été, mais cependant il était désormais conscient que tout pouvait basculer à tout moment.
Il était prêt...et peu importe quel dénouement aura la fin de ses recherches pour la vérité.
- Vous avez presque fini ?
- Oui, j'ai quasiment terminé, répondit-il d'une voix rauque en fixant la veine sur sa gorge qui palpitant au rythme de ses battements de cœur.
Elle lui sourit lui offrant ainsi ce côté si naïf qui la rendait encore plus savoureuse à regarder. Silas lui sourit en retour, mais ce sourire cachait bien des failles.
Une partie de lui voulait la protéger et ce sentiment ne l'avait jamais quitté pendant qu'il le retenait captive. Comment était-ce possible de ressentir de tels sentiments diamétralement opposés ?
Comment pouvait-on désiré protéger ce qu'une autre partie voulait détruire ?
Silas devait mettre fin à ses souffrances psychologiques dès demain et pour cela il n'y avait qu'un seule moyen...
Rendre une petite visite à Margaret Stones...
Mais serait-elle prompt à lui révéler des informations confidentiels sur Abby ou allait-il devoir ressortir son masque pour les obtenir ?
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