Chapitre 5 - Âmes en peine
Il s'était évanoui.
Du moins était-ce ce qu'il semblait à Izuku. Ses iris rubis avaient commencé par fixer un point fixe, sans qu'il ne réagisse plus aux clous se faisant enfoncer dans sa chair, plus un cri, pas un frisson. Son esprit s'était dissocié de son corps. Cela n'avait pas manqué d'irriter le vert qui s'était empressé de claquer plusieurs fois ses joues en lui ordonnant de ne pas céder aux ténèbres. Mais rien n'y avait fait, les paupières de Katsuki avaient fini par se clore, l'emportant dans l'inconscience. La respiration paisible, c'était comme s'il s'était simplement endormi.
Frustrant. Izuku n'avait pu que planter trois vis. Il n'y avait rien d'amusant à poursuivre, si son prisonnier ne réagissait pas. Il demeura néanmoins accroupi face à lui, sans bouger, pendant plusieurs minutes, à scruter son visage détendu. Il trouvait cela injuste. Injuste qu'il puisse si facilement échapper à cette situation. Lui avait toujours fait face à tout ce que lui avait fait subir le blond, sans ciller.
« ... Au final, je me demande bien lequel de nous deux est le plus fort, Kacchan. »
Il attrapa le visage du héros entre ses mains, en coupelle, sans cesser de le regarder, d'admirer ces traits qui, sans faille, n'avaient jamais manqué de le faire craquer et pardonner les maltraitances de son ami d'enfance. Il ne pouvait le nier, il en avait souvent été effrayé, également, notamment lorsque ceux-ci se durcissaient et que son ton se haussait.
Encore aujourd'hui, alors que Katsuki se retrouvait totalement à sa merci, il ne pouvait s'empêcher de le trouver beau. Sa vulnérabilité lui faisait découvrir des expressions que jamais il n'aurait imaginées, quant au blond. Et il ne pouvait le réfuter, cela lui plaisait. Avoir enfin le dessus sur son ancien bourreau ne faisait que renforcer ce désir qu'il pouvait éprouver à son égard. Il avait envie, tellement envie, de le détruire, de le faire hurler, haleter, supplier. Mais des sentiments contraires s'immisçaient en lui, lui ordonnant de le choyer, de le garder à ses côtés.
Perturbé. Izuku était perturbé. Son esprit avait été brisé, il y avait plusieurs années, maintenant. Et les fragments restants avaient parfois du mal à demeurer stables. Il y avait une chose dont il était certain, cependant : il ne désirait pas tuer Katsuki. Non, jamais il ne le permettrait. Jamais il ne se le pardonnerait. Il voulait le faire payer, lui rendre la monnaie de sa pièce pour combien il avait souffert. Une simple punition, et ensuite... Ensuite, il aviserait, en fonction de l'état dans lequel en ressortirait le blond.
L'une de ses paumes remonta lentement vers ses cheveux en pétard, fourrageant délicatement ceux-ci. Puis, le vert se pencha vers l'avant, effleurant le coin des lèvres de son prisonnier des siennes. Etait-ce seulement possible d'éprouver autant de haine et d'amour envers une personne ? De souhaiter la briser de tout son cœur, mais également la protéger au péril de son existence ?
Sa contemplation prit fin, lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule. Il tourna la tête pour voir derrière lui un Kuklya, tenant sous son bras une petite trousse de soin. Ugh, ne pouvait-il pas attendre que leur détenu ne se réveille pour s'occuper de ce genre de choses ? Izuku avait à peine terminé qu'il désirait déjà le soigner... Cependant, celui-ci ne broncha pas, se décala et se laissa tomber sur les fesses, aux côtés de Katsuki, pour laisser l'albinos s'accroupir à son tour, afin d'examiner son genou abimé. Il le manipulait avec soin, comme s'il tenait entre ses mains un précieux objet de porcelaine menaçant de casser au moindre geste brusque.
D'un côté, il pouvait bien comprendre : s'ils le laissaient trop longtemps ainsi, il y avait des risques que son sang ne s'infecte puis s'empoisonne. Cela pourrait même aller jusqu'à lui faire contracter le tétanos. Et le but, ici, n'était absolument pas de devoir l'amputer d'une jambe, ou de lui transmettre une maladie mortelle.
« T'y es pas allé de main morte... commenta Kuklya, en commençant à retirer l'un des clous, à l'aide d'une petite pince qu'il avait pioché dans ses ustensiles de soin.
- J'avais pas fini, se plaignit Izuku. J'aurais bien voulu lui faire l'autre genou. Mais ça n'a rien de drôle, s'il ne réagit pas. »
Un rire enfantin échappa à l'infirmier improvisé qui faillit perdre l'équilibre lorsque la vis se délogea d'entre les os de Katsuki, la pointe teintée de sang dont quelques gouttes vinrent s'écraser au sol.
Ce garçon ne payait pas de mine. Derrière ses petits airs innocents se cachaient une personnalité des plus sadiques, instables, et sanguinaires. Même Izuku, plus froid et calculateur, ne partait jamais dans les extrêmes que son collègue Russe pouvait parfois atteindre. Ce n'était pas comme s'il se contrôlait, bien évidemment. Mais il devait bien avouer que, dans ces moments-là, l'on pouvait avoir à craindre pour sa vie.
Ne possédant pas d'alter, comme c'était le cas pour le vert, Kuklya avait été enlevé par la Ligue des Vilains, il y avait quatre ans de cela, le soir du réveillon de Noël. Il n'en avait pas été témoin, mais de ce qu'il avait cru comprendre, celui-ci aurait alors subi toute une batterie de tests, visant à modifier son corps ainsi qu'à lui implanter un alter ; il lui permettait de changer ses bras en lames acérées, capables de trancher tout ce qui se dressait sur son chemin. Lorsqu'il l'activait, ses yeux laiteux viraient au rouge sang, et sa vitesse, ainsi que sa force, se décuplaient.
Kuklya se plaisait à faire couler le sang, qu'il s'agisse du sien, ou de celui des autres. Il avait été brisé, de la même manière qu'Izuku. Les deux garçons, en comprenant la similitude de leur situation, s'étaient alors mis à se soutenir de façon tacite. Ils s'entendaient plutôt bien, même s'il demeurait fréquent que le Midoriya ne se sente vulnérable face au comportement psychotique de son collègue, pouvant survenir à n'importe quel moment. Ce dernier, en revanche, s'accrochait pas mal à son aîné, comme à un dernier espoir lui permettant de ne pas totalement sombrer dans les abîmes de sa perdition.
« Sa rotule sera sûrement fêlée... Et s'il s'en sort sans déchirure au niveau des ligaments, il aura pas mal de chance. Dans tous les cas, je pense pas être en mesure de totalement le soigner, finit par marmonner le garçon aux cheveux blancs. Il aura certainement besoin d'une rééducation.
- Ce ne sera pas utile, pour le moment. C'est pas comme s'il allait pouvoir marcher, dans les prochaines semaines, de toute façon. »
Izuku désigna les chaînes retenant son ami d'enfance pour souligner ses propos.
« D'ailleurs, ça m'étonne, tu sembles te soucier pas mal de son sort. C'est rare venant de toi, ajouta le vert.
- Mmh... Disons que j'ai cru comprendre que tu tenais pas mal à cette personne. Ce serait fâcheux qu'il lui arrive quelque chose qui ne soit pas prévu. »
Oh que oui, cela le serait. Le vert possédait ici un total contrôle sur Katsuki, et il tenait à le garder. Il serait le seul apte à décider de ce qu'il lui arriverait ou non. Il aurait beau hurler, se débattre et l'insulter, Izuku n'avait plus peur de lui. En cinq ans, il avait vécu bien assez de choses pour que le blond cendré lui semble n'être qu'un chaton énervé.
Il lui arrivait parfois de se demander si sa vie aurait pu prendre un autre tournant. S'il eût été en mesure de persévérer dans son rêve malgré tout, si son entourage lui avait tenu d'autres propos. Certainement.
Sans doute ne serait-il pas monté sur le toit de l'école, ce soir-là.
Sans doute n'aurait-il pas ressenti l'envie, le besoin, de sauter comme lui avait conseillé une certaine personne.
Ainsi, cette autre personne ne l'en aurait pas empêché, en lui promettant un avenir plus radieux à ses côtés.
Et il ne l'aurait pas suivie, guidé par son désespoir.
Son esprit ne se serait pas retrouvé brisé par la torture, la manipulation, auxquelles il avait dû faire face.
Il n'en serait pas là.
« Au fait, j'ai fait ce que tu m'as dit. »
La voix délicate de Kuklya ramena Izuku à la réalité. Il cligna des yeux, avant de poser ses iris sapin sur l'autre garçon, toujours en plein travail, d'un air interrogateur, ne voyant pas de quoi il parlait sur le moment. Il ne lui fallut qu'un nom pour comprendre ce à quoi le Russe faisait allusion.
« Eijirou Kirishima. »
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Hey, hey!
Désolé-e, ce chapitre est un peu plus court que les autres, mais j'espère qu'il vous a tout de même plu!
Je voulais vous remercier pour tout votre soutien, et vos gentils commentaires, ça me fait chaud au coeur!
D'ailleurs, il est possible que je commence une nouvelle fic KatsuDeku dans peu de temps, beaucoup plus légère que celle-ci, hé hé! ♥
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