Le son d'une douce mélodie fredonnée le tira de son sommeil.

Tiens ? Quand s'était-il endormi ?

Izuku lui avait posé cette question étrange, à laquelle il n'avait pas vraiment su répondre – il avait répliqué au hasard, trop concentré sur la douleur pour réfléchir à ses dires et ne désirant pas spécialement se retrouver avec un second doigt en moins – puis s'était éclipsé sans rien de plus, laissant Katsuki dans cet environnement sombre. Celui-ci avait alors recommencé à se déchaîner, à se débattre... Jusqu'à l'épuisement. Oui, c'est à ce moment-là qu'il était certainement tombé de fatigue. Il n'aurait su dire combien de temps il avait dormi. Longtemps, lui semblait-il. Mais pas assez pour autant. Son corps était complètement courbaturé. Rien d'étonnant au vu de la position dans laquelle il se trouvait depuis son arrivée ici. Il commençait à en avoir assez de maintenir ses bras au-dessus de lui.

Ses paupières papillonnèrent un instant, lourdes. Sa vue dû s'ajuster avant qu'il ne puisse discerner la personne de qui venait cette berceuse qui appliquait du baume à son cœur.

Il ne s'agissait pas d'Izuku.

Il aurait aisément pu le deviner sans avoir à ouvrir les yeux, cela dit : la voix possédait des tons beaucoup plus doux, moins graves. Elle collait parfaitement à la personne de qui elle s'élevait : un individu à l'apparence androgyne dont le visage semblable à celui d'une poupée en porcelaine était encadré de cheveux blancs mi-longs. Une courte natte se détachait de ceux-ci, à l'arrière de son crâne, légèrement décalée vers la droite. Son visage enfantin souriait, mais pas un sourire comme il avait pu en voir chez Izuku lorsqu'il lui avait rendu visite. Non, celui-ci était beaucoup plus rassurant, chaleureux. Innocent. Elle était totalement habillée de blanc, d'une tunique au bas quelque peu bouffant, ainsi que d'un short. De longues bottes à courts talons de la même couleur montaient jusqu'à ses genoux, et, au niveau de sa poitrine, se tenait un gros nœud rose pâle. Son cou était entouré d'une sangle en cuir noir. La personne en possédait deux autres, une à chaque poignet. Ses deux yeux, rivés sur le doigt brisé de Katsuki, ne possédaient aucune couleur : laiteux, dont les pupilles semblaient commencer à s'effacer. Ceux-ci se redressèrent d'ailleurs vers le blond, en remarquant le mouvement de ses paupières.

Est-ce que cette personne voyait vraiment quelque chose ? L'état de ses yeux indiquait tout le contraire.

« Ça y est, tu te réveilles ?

- Putain... » se contenta de grogner l'explosif.

Il secoua la tête, avant de pencher celle-ci légèrement vers l'arrière afin de la laisser se reposer contre le mur graveleux.

Il remarqua alors que l'autre personne, afin de... d'analyser son doigt ? avait détaché son poignet de ses chaînes. Malheureusement, l'autre s'y trouvait toujours. Il ne pouvait donc pas tenter de s'échapper.

Surtout que ses explosions ne se déclenchaient toujours pas.

Mais il ne pouvait le nier, une partie de ses muscles remerciaient grandement cet individu.

« T'es qui ? Qu'est-ce que tu me veux ? demanda-t-il néanmoins d'un ton renfrogné ; il ne devait pas perdre de vue que cette personne était très probablement du côté de l'ennemi.

- T'es aussi grincheux que ce qu'on m'a dit. »

Il éclata d'un petit rire bienveillant qui ne manqua pas d'irriter le blond. Est-ce que quelqu'un allait finir par répondre à ses questions sans détourner le sujet, ou partir sur un jeu glauque où il risquait des membres de son corps ?

L'albinos se détourna un instant, s'emparant d'un flacon se situant à ses côtés. Tiens, Katsuki n'avait pas remarqué, tout cela. L'autre personne avait amené avec elle diverses choses, tels que des bandages, du désinfectant, de la pommade et des...seringues remplies d'une substance qu'il ne parvenait – et ne voulait – pas à identifier.

« Je suis là pour m'assurer que tu ne finisses pas en mauvais état trop rapidement. J'm'appelle Kuklya.

- Ku...klya ? »

Quel nom étrange. Il ne possédait pas vraiment de consonnances Japonaises, plutôt d'Europe de l'Est. Et maintenant qu'il y pensait, il était vrai qu'un très léger accent se mêlait à la voix de l'albinos.

« Yep, Kuklya. Oh ! Et avant que tu ne demandes, je suis un garçon ! »

Katsuki n'aurait sans doute pas songé à le lui demander. Il était bien trop irrité pour cela, et ne se sentait de toute façon pas de taper la discute avec l'ennemi. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire de connaître le genre des enflures le retenant prisonnier ici ?

Le dénommé Kuklya s'appliqua à passer un peu de crème sur le doigt enflé de l'explosif, qui frémit au contact de cette substance froide. Il regardait l'androgyne tandis que celui-ci massait délicatement le membre cassé, de sorte à étaler la pommade, en essayant de faire le moins de mal possible au blessé, qui ne rechigna pas un seul instant. A vrai dire, il aurait bien voulu le repousser et lui hurler de lui foutre la paix, mais ce n'était probablement pas une bonne idée de laisser son index sans le moindre soin. Alors, encore une fois, il ravalait sa fierté, et se laissait faire, guettant tout de même l'autre, afin de s'assurer qu'il ne préparait rien de fourbe en contrepartie. Certes, son visage était marqué par une gentillesse et une innocence sans faille, mais il n'en demeurait pas moins un membre du camp adverse. Et ce n'était probablement pas pour rien. Il devait se montrer prudent.

Pourtant, tout se déroula sans accroche. Quelques minutes plus tard, sur le doigt violacé s'enroulait un bandage préparé avec soin, l'empêchant ainsi d'empirer son état, voire de s'infecter. Katsuki porta sa main libre près de son visage pour le scruter avec une certaine méfiance.

« Il est mal fait ? demanda Kuklya, l'air visiblement inquiet.

- ... Nan, admit le blond. Mais j'aurais préféré ne pas avoir besoin de ce genre de soins.

- Oui, oui, je me doute ! Bon, t'as eu affaire à Izu, alors je trouve que tu t'en es sorti plutôt indemne ! »

Izu ? Il parlait d'Izuku, pas vrai ? En être sorti indemne ? Parce qu'il aurait dû s'attendre à se retrouver bien plus abîmé que cela ? Il avait franchement peur pour la suite des évènements. Qu'était devenu ce maudit nerd, bon sang ? Que s'était-il passé pour qu'il change de la sorte ?

Son regard rubis glissa soudainement vers Kuklya. Peut-être, lui, serait-il en mesure de lui apporter des réponses ? Il avait l'air bien moins violent que le vert, alors pourquoi ne pas tenter ?

« ... Pourquoi il vous a rejoint ? demanda Katsuki, d'un ton plus sec qu'il ne l'aurait voulu.

- Izu ? Aucune idée ! Il était là avant moi, et il parle pas trop de lui. Je sais seulement qu'il en veut vraiment aux héros pour quelque chose, vu la haine qu'il a envers eux. Mais en même temps, c'est comme s'il les adulait quand même. Il a plein de cahiers où il note tout ce qu'il peut concernant chaque héros dont il entend parler, c'en est presque effrayant, parfois ! »

C'était plus d'informations que ce qu'il espérait. Il devait être tombé sur la bonne personne à interroger. Bonne chose.

Mais il ne comprenait pas comment Izuku pouvait vouer une quelconque haine à l'encontre des héros. Il avait toujours voulu en devenir un. Il les avait toujours adorés. Était-ce de sa faute ? Parce qu'il avait piétiné son rêve ? Non, cela ne l'aurait pas poussé à les haïr pour autant. Il devait y avoir autre chose. Mais quoi ? En tout cas, il ne semblait pas avoir perdu son fanatisme, au vu de cette histoire de cahiers. Il en remplissait depuis son plus jeune âge, rassemblant croquis, annotations, détails, informations en tout genre... Cela le rassura légèrement. Comme si l'ancien Izuku se trouvait toujours enfoui quelque part. Et si tel était le cas...il devrait faire en sorte de le ramener.

Tandis qu'il réfléchissait à tout cela, Kuklya attrapa son bras. Katsuki réagi à ce geste au quart de tour, et donna un coup à l'albinos, le faisant basculer vers l'arrière. Il se réceptionna dans un couinement de surprise, avant de se redresser.

Il semblait tellement faible, et pathétique. A moins que cela ne fut un rôle qu'il s'efforçait de jouer, il ne voyait pas comment quelqu'un comme cela pouvait être un vilain, ou quelque chose s'en rapprochant. Le plus jeune jeta un regard apeuré et nerveux au blond.

« J-je... Il faut que je te rattache. »

Katsuki lui lança un regard noir, ce qui le fit déglutir.

Le pauvre Kuklya ne se trouvait certainement pas devant un prisonnier docile qui accepterait facilement son sort.

« S'il te...plaît ? Je ne voudrais pas appeler Izu pour qu'il ait à le faire... Il risquerait de te faire à nouveau mal. »

Le blond aurait voulu hurler.

Son esprit lui dictait de crier qu'il n'avait qu'à l'appeler, ce sale nerd. Et qu'ainsi, il réglerait ses comptes avec lui. Qu'il refusait de se faire de nouveau attacher comme un animal, parce que bordel il n'en pouvait plus de cette sensation d'engourdissement.

Cependant, il se contenta de soupirer.

Il n'était plus le même que lors de ses quinze ans. Il avait appris à peu près à gérer sa colère. A ne pas la laisser prendre le dessus. Enfin, en général. Il était plus réfléchi, également. Il savait très bien que, dans cette position, face à Izuku, il ne pourrait rien. Et bon sang, que cela lui faisait mal de l'admettre.

Et puis, Kuklya l'avait soigné. Et il ne possédait ni la carrure, ni le caractère pour être un vilain. Même si tout cela lui paraissait étrange. Il n'avait aucune raison de se mettre en colère contre lui.

Il devait attendre. Attendre la bonne occasion pour se faire la malle. Et s'il n'y parvenait pas, eh bien... Les secours finiraient par arriver, de toute façon. Sa disparition alerterait assez rapidement ses collègues. Il tendit alors son bras en direction du garçon aux cheveux blancs, qui s'en approcha avec méfiance, pour s'en emparer, et se hâter de l'enchaîner de nouveau, ce qui fit tout de même grogner l'explosif.

« C'est quoi, ce vilain en mousse, sérieux... » souffla Katsuki.

Cette remarque fit échapper un petit rire gêné à Kuklya, qui se frotta la nuque en détournant le regard.

« J'ai encore beaucoup à apprendre...

- Pourquoi ? Ca t'apporterait quoi de bosser pour le mal ? Mh ? »

L'albinos devint pensif un petit instant. Il se mordilla la lèvre inférieure. Il devait trier les informations qu'il allait ou non donner au détenu.

Non pas que cela l'intéressait fondamentalement. Il se montrait seulement un peu curieux, lui qui ne s'était jamais retrouvé face à un représentant du crime à l'air aussi...mal taillé pour ce genre d'activités.

« Disons que j'ai une dette envers quelqu'un. Et que j'ai...des personnes à venger. »

Katsuki haussa un sourcil, face à l'air de l'androgyne qui s'assombrit légèrement.

La vengeance n'apportait jamais rien de bon. Il ignorait ce qui avait pu se passer pour ce garçon, mais si qui que ce soit avait fait du mal à ces personnes qu'il disait vouloir venger, pourquoi ne s'était-il pas plutôt tourné vers les héros, ou les forces de l'ordre ? Cela aurait certainement été plus efficace.

Dans tous les cas, tel qu'il le voyait, il serait probablement aisé de le remettre sur le droit chemin, avant qu'il ne commette quoi que ce soit d'irréparable.

Le blond cendré demeurait toujours un héros, malgré son caractère, ou sa posture actuelle. Il essayerait donc de réfléchir à un moyen de ramener Kuklya avec lui.

Et puis, avec un allié de son côté, peut-être lui serait-il plus facile de s'échapper de cet endroit.

« Bon ! J'ai plus qu'une chose à faire, et après ça, je te laisse tranquille ! »

L'explosif reporta son attention sur l'androgyne, le voyant fondre sur lui à une vitesse fulgurante, sans qu'il ne s'y attende. La seconde qui suivit, il sentit quelque chose lui piquer le cou : Kuklya venait de lui planter l'une des seringues dans la peau, pour lui injecter le liquide se situant à l'intérieur.

Il ne l'avait pas vu venir.

Merde.

Une soudaine nausée s'empara de lui. Il eut une irrépressible envie de vomir. Ses muscles se contractèrent d'eux même, le faisant légèrement convulser sur place. Sa vue se troubla, de petites mouches se mettant à danser devant lui.

Il n'eut pas le temps des'en rendre compte qu'il s'était déjà évanoui, se faisant submerger par lesabîmes de l'inconscience.