Chapitre 23 - Attente

Le Soleil passait à peine au travers de la petite fenêtre de sa cellule, ne formant qu'un petit carré lumineux sur le sol. Le reste de l'endroit se faisait éclairer de manière artificielle. Et peut-être était-ce mieux ainsi car, avec la blancheur des murs l'entourant, l'endroit deviendrait probablement très vite éblouissant si l'on venait à pleinement autoriser l'astre diurne d'y pénétrer.

Mine de rien, avoir le regard constamment rivé sur le même décor s'avérait bien plus épuisant que dans ses souvenirs. Et pourtant, cela ne faisait que trois jours qu'il y était enfermé. Qu'il attendait, patiemment, que la sentence tombe. Serait-il transféré en prison ? Libéré ? D'après cette brunette lui ayant rendu visite dans la matinée, Uravity, il aurait la réponse dans la journée. Et comme il avait déjà reçu son repas de midi depuis un petit moment déjà, l'après-midi devait certainement être bien entamé.

Après qu'il eut été trouvé, trois jours plus tôt, dans cette rue non-loin de Hosu en compagnie de Katsuki, il avait été transporté, avec lui, au sein de l'agence de super-héros la plus proche. Là-bas, l'équipe médicale de l'agence en question avait bandé son genou en attendant qu'un examen plus poussé ne diagnostique le véritable problème et son ami d'enfance s'était vu offrir une nouvelle paire de béquille, lui permettant de se déplacer par ses propres moyens à nouveau. Ce qu'il s'était bien entendu empressé de faire, visiblement ravi de parvenir enfin à tenir debout, malgré le personnel héroïque lui sommant de demeurer au repos en attendant que la personne ayant lancé l'alerte de sa disparition n'arrive. Que voulez-vous, Katsuki a toujours été d'un naturel têtu, et ce n'est pas une thrombose veineuse qui va y changer quoi que ce soit.


« De toute façon, j'dois faire de la rééduc', non ? Bah voilà, j'fais fonctionner mes muscles, ils en ont besoin ! » avait-il clamé lors d'un énième aller-retour dans le couloir de l'agence sous le regard exaspéré – mais pas dépourvu d'amusement – des autres héros aux alentours.


Et puis, finalement, Celsius était arrivé une petite quinzaine de minutes plus tard, en compagnie de Red Riot et Suneater. Leur simple vue avait suffi à provoquer des tensions au sein du corps d'Izuku qui se doutait que, cette fois-ci, le héros de feu et de glace ne ferait preuve d'aucune clémence à son égard. Et effectivement, dès que ses yeux vairons avaient rencontré ceux du garçon aux taches de rousseur, il avait ordonné à ce que ce dernier se fasse immédiatement placer en cellule de détention provisoire une fois transféré au sein de l'agence dans laquelle il travaillait. Bien sûr, Katsuki avait tenté de prendre sa défense mais, cette fois-ci, le jeune Todoroki n'avait rien voulu savoir : compréhensible lorsque l'on sait que la dernière fois, cela avait conduit à la fuite du concerné ainsi qu'à la disparition du héros aux explosions. Izuku ne pouvait le blâmer pour cette précaution.

C'est ainsi qu'il avait été séparé du blond puis soumis à de divers examens médicaux et interrogatoires, notamment deux séances en compagnie d'une psychiatre censées déterminer sa part de responsabilité dans les actes desquels il était accusé. D'abord méfiant, il s'était montré réticent, refusant de parler à cette personne, de lui dévoiler quoi que ce soit le concernant. Mais celle-ci était peu à peu parvenue à le persuader, le rassurant, lui promettant que plus vite elle serait en mesure de le cerner, plus vite Izuku serait en mesure de revoir Katsuki – Celsius lui avait très certainement parlé de leur attachement mutuel.

Alors il avait fini par tout lui conter. Son enfance, son désir de devenir un héros malgré son absence d'alter. Les moqueries des autres, le harcèlement le conduisant à sa tentative de suicide. Cet homme l'en ayant empêché, lui promettant monts et merveilles, son arrivée au sein de la Ligue des Vilains débouchant à ces années de torture, de brisement physique, de reformatage mental. Du moment où il avait commencé à perdre espoir, à haïr les héros, à gagner le désir de se battre contre cette société qu'il s'était mis à considérer comme injuste, hypocrite. De la manière dont lui s'était mis à torturer d'autres personnes dans le but de les briser à leur tour, de la place qu'il s'était trouvé au sein de la Ligue, de la manière dont tout le monde le traitait désormais comme un égal, chose qu'il n'avait jamais ressenti jusqu'alors dans sa vie. Plusieurs fois lors de son récit avait-il senti son esprit s'égarer, prêt à exploser, à tout envoyer balader. Mais la personne face à lui parvenait à le ressentir, notamment à l'aide de sa voix qui se faisant vacillante, de sa respiration qui accélérait. Et elle lui conseillait alors de faire une pause, de souffler, pour reprendre lorsqu'il s'en sentirait prêt. C'est ainsi qu'il était parvenu à parler de son vécu, de ce qu'il s'était passé pour lui durant toutes ces années.

Et maintenant, il ne lui restait plus qu'à patienter, seul dans sa cellule avec de tourbillonnantes pensées. Que faisait Katsuki, pendant ce temps ? Les autres membres de la Ligue ? Il n'y serait certainement plus le bienvenu. Pas après avoir été pris pour un traître. Il n'avait plus aucun endroit où aller. Nulle part où il pourrait être 'chez lui'. Parce que la Ligue ne pardonne pas les traîtres. D'ailleurs, qu'en était-il de Kuklya, lui qui l'avait défendu, qui s'était opposé à Dabi ? Etait-il sauf ? Avait-il pu s'enfuir, ou raisonner le vilain de feu ? Si Izuku sortait de là, l'une des premières choses qu'il ferait serait de s'assurer de la sécurité de l'albinos, quitte à le prendre sous son aile. Avoir la Ligue à dos ne représentait jamais une bonne nouvelle. Et les chances d'en réchapper lorsque tel était le cas demeuraient souvent bien minimes, pour ne pas dire inexistantes.

Izuku poussa un long soupir et se leva du petit banc inconfortable sur lequel il passait la plupart de son temps depuis qu'il se trouvait en ce lieu, s'aidant de son unique béquille, celle qui l'aidait à se déplacer malgré les mini-déchirures abîmant son ligament. Une sorte de tapis de sol rembourré avait été posé sur le banc en question, visant probablement à rendre sa surface moins dure et froide, et une couverture restait à disposition du vert, dont il se servait la nuit, lorsque la température baissait. Sa silhouette se tenait maintenant debout, au sein de ce carré de lumière, le regard levé vers la fenêtre de laquelle il provenait. Son interminable attente toucherait bientôt à sa fin. Il ignorait quelle conclusion il préférerait voir s'abattre sur lui. Mais ce qui demeurait certain, c'était que cette dernière ne se trouvait plus bien loin.




« Tu devrais sérieusement rester à l'appartement, tu sais. T'as pas eu de congé maladie ? »


Katsuki leva la tête en direction de son meilleur ami, le jaugeant d'un sourcil levé, comme si celui-ci venait de déclarer quelque chose d'incroyablement stupide. Il secoua les documents qu'il avait en main, malgré celles-ci accrochées à ses béquilles, de manière à attirer l'attention d'Eijirou sur ces derniers, ce qu'il ne fit que l'espace de quelques secondes avant de revenir au blond. Il semblait inquiet. Inquiet pour son état. Mais Katsuki en avait déjà vu d'autres. Ce n'était pas la condition dans laquelle se trouvaient ses jambes qui l'empêcherait de se montrer actif. Un héros ne peut décemment pas s'arrêter à un tel détail.


« Parce qu'avec ce qu'il se passe ces derniers temps, tu crois vraiment que j'peux rester là-bas, les bras croisés, à attendre des nouvelles ? Nan. Clairement pas, nan. »


Il avait assisté en premières lignes à toute cette histoire, avait subi et témoigné de choses qu'il n'aurait jamais imaginé. Il avait retrouvé son ami d'enfance, celui qu'il pensait mort, déterré les anciens sentiments qu'il éprouvait envers lui. Et ce même ami d'enfance se trouvait en ce moment-même au sein d'une cellule de détention provisoire, attendant de savoir ce qu'il adviendrait de lui. Katsuki ne pouvait certainement pas rester simple spectateur. Il ressentait ce besoin d'agir, d'être présent. Surtout après toutes ces journées passées sans qu'il ne parvienne à bouger. Et Eijirou savait très bien qu'il pourrait essayer autant qu'il le voudrait : le blond ne l'écouterait pas, et agirait comme bon lui semblait. C'est pourquoi il se contenta de secouer la tête d'un air désapprobateur et de pénétrer à ses côtés au sein de l'ascenseur de l'hôpital central sans rien ajouter.

La montée jusqu'au sixième étage sembla durer une éternité. Le blond tapait nerveusement du pied contre le sol, serrant les appuis de ses béquilles jusqu'à ce que les jointures de ses phalanges ne virent au blanc pâle. Il avait encore tant à faire, aujourd'hui, et il était déjà quatre heures de l'après-midi. Il commençait à comprendre pourquoi double-face passait parfois vingt heures à travailler sans la moindre interruption. Vingt-quatre heures en une journée, ce n'est définitivement pas assez.

D'ici quarante-cinq minutes, il devait être de retour à l'agence pour un rendez-vous...plus ou moins important. Un rendez-vous qu'il ne pouvait pas se permettre de manquer. Et à vrai dire, il avait initialement prévu de ne pas bouger de l'agence de la journée et de se contenter d'éplucher les différents documents susceptibles de leur apporter la moindre piste quant à cette affaire, quant à la Ligue en elle-même, cherchant à faire concorder les témoignages d'Izuku et son propre vécu à d'autres événements permettant de rassembler le plus d'informations possibles. Et il avait fini par trouver quelque chose. Quelque chose qui avait bien failli lui passer sous le nez. Mais qui avait provoqué un véritable choc en lui lorsque la réalisation l'eut frappé. Voilà pourquoi il se trouvait maintenant dans l'ascenseur de cet hôpital, en compagnie d'Eijirou.

Lorsque les portes s'ouvrirent, il ne perdit pas la moindre seconde et sortit de l'ascenseur pour se diriger vers la chambre qui l'intéressait, le rouquin sur ses talons. Deux des membres du personnel infirmier, circulants dans le couloir, durent se décaler à son passage comme s'ils craignaient de se faire emporter par cette tornade du nom de Katsuki Bakugou. Son ami s'excusa pour lui auprès d'eux d'un petit hochement de tête coupable, avant de retourner à sa poursuite. Bon sang, même sans sa forme habituelle, il n'en demeurait pas moins rapide !

Le blond finit par bifurquer pour entrer au sein d'une chambre justement ouverte dans laquelle se trouvait la personne qu'il cherchait : Shouto, assis au chevet du patient encore inconscient. Le son de l'électrocardiogramme, lent mais régulier, résonnait entre les murs, mesurant en temps réel les battements du cœur du garçon aux cheveux blancs qui n'avait pas repris connaissance depuis qu'il avait été retrouvé, quelques heures après Katsuki et Izuku, dans la ruelle où celui-ci s'était interposé pour eux. Son corps avait été horriblement mutilé, profondément poignardé çà-et-là. Après leur départ, Himiko avait certainement fini par se montrer et se rallier à Dabi. Et à deux contre un, Kuklya n'avait visiblement pas fait le poids. Arrivé à l'hôpital, son corps avait déjà perdu une certaine quantité de sang, et il était difficile de savoir s'il parviendrait à survivre à ses blessures. En attendant que son état n'évolue, plusieurs héros ou membres des forces de l'ordre se passaient le relai afin de veiller sur lui, au cas où l'un des membres de la Ligue reviendrait terminer le boulot, ou que le blessé finisse par se réveiller et prendre la fuite. Après tout, il n'en demeurait pas moins dans le même cas qu'Izuku : et pire encore, puisque lui avait tué un certain nombre de personnes.


« Putain, Double-Face, faut que tu voies ça ! s'exclama Katsuki en arrivant à sa hauteur.

- Oui, bonjour, Katsuki, ravi de voir que tu sembles te porter à merveille, répliqua Shouto dans un soupir. Bonjour, Eijirou.

- Salut, Shou—

- J'ai pas le temps pour vos formalités. Regarde ce que j'ai trouvé. »


Sans un mot de plus, le blond brandit les documents qu'il transportait avec lui, incitant le bicolore à y jeter un œil, ce qu'il s'empressa de faire. Le premier d'entre eux suffit à lui faire lever un sourcil, lui faisant lancer un regard au patient inconscient, puis revenir à la feuille de papier entre ses mains. Il s'agissait d'un avis de recherche datant de plusieurs années sur lequel l'on pouvait voir le visage d'une personne androgyne au sourire angélique. Ses cheveux blancs aux reflets rosés rassemblés en deux longues et épaisses tresses à l'arrière de son crâne, sa peau de porcelaine et ses iris azurées la faisait ressembler à une poupée plus vraie que nature. Sa ressemblance avec Kuklya se faisait plutôt frappante si ce n'était la couleur de ses prunelles sans la moindre trace de bleu ainsi que celle de sa chevelure dont les reflets semblaient délavés.

Le nom, lui aussi, était différent. Mais il n'y avait aucun doute possible : il s'agissait bel et bien de la même personne. Les traits de son visage, son expression et cette innocence dans le regard... Tout cela demeurait identique. Et cela correspondait également à ce qui était arrivé à Izuku : une disparition mêlée à un lavage de cerveau.


« Anya Tchernov, disparu le soir du vingt-quatre Décembre, il y a quatre ans de ça... marmonna Shouto.

- J'ai fais des recherches par rapport à ça, indiqua Katsuki. Apparemment, on l'a jamais retrouvé. Et deux ans après sa disparition, ses parents ont été retrouvés assassinés dans leur propre demeure. Un vrai bain de sang que le meurtrier, qu'on n'a jamais retrouvé non plus, a essayé de dissimuler en brûlant son méfait. Mais comme les héros sont intervenus, bah ils ont quand même retrouvé les corps.

- Les membres tranchés nets, visiblement à l'aide d'une arme blanche. Quelque chose d'assez tranchant pour que l'on ne se soit pas acharné sur la peau non plus... » récita le jeune Todoroki en feuilletant les documents.


Eijirou s'approcha davantage, se penchant par-dessus l'épaule de Shouto pour lire lui aussi ce qu'il avait en main tandis que Katsuki observait leur réaction, silencieux.


« Donc, cet Anya Tchernov, ce serait lui ?

- Ouais. Et j'pense pouvoir affirmer que c'est lui qui a tué ses propres parents. Ou qu'on l'y a forcé. La Ligue serait tout à fait capable d'une chose pareille, commenta le blond.

- Vu l'état de ses yeux et de son corps, je pencherais plutôt pour la seconde option. Il a clairement été drogué à plusieurs reprises avec les marques d'aiguilles qui recouvrent ses bras. Et on l'a pas mal charcuté. Sans doute pour lui implanter ces lames dont il se sert, ajouta Shouto.

- Mais pourquoi 'Kuklya' ? Je veux dire, Izuku n'a pas changé de prénom, pas vrai ? s'interrogea le rouquin.

- Izuku n'a pas l'air d'avoir subi de transformations, ni la moindre expérience visant à modifier son corps, répondit le bicolore.

- Quel est le rapport ?

- En Russe, 'kuklya' signifie 'poupée'. Ou 'pantin'. Il s'est probablement attribué ce nom à cause de ce qu'il a vécu. Ou c'est une moquerie de la part de la Ligue. » expliqua le héros de feu et de glace dans un haussement d'épaules.


Les trois collègues et amis jetèrent un regard à l'albinos. La Ligue devait impérativement être stoppée. L'on ne pouvait décemment pas la laisser continuer à détruire des vies comme elle le faisait. Katsuki poussa un soupir, tentant comme il le pouvait de réprimer une montée de nausée. Combien de personnes avaient été détruites, brisées par leur faute ? A quel point ses membres pouvaient-ils se montrer inhumains, dénués de toute empathie ? L'état dans lequel se trouvait Izuku aurait pu être pire. Bien pire. Et cette simple pensée lui suffisait à se sentir en proie à un léger tournis.

... Oui ! Izuku ! Il devait vite retourner à l'agence !


« J'étais juste passé te donner ça. Tu l'éplucheras quand t'auras le temps, y'a d'autres trucs mêlés à eux. Bon, par contre, fais gaffe, c'est pas toujours super agréable à lire.

- Mhm... se contenta d'acquiescer Shouto.

- Moi, j'dois retourner à l'agence. Non pas que ta compagnie me déplaise, mais j'ai encore pas mal de trucs à faire. Amuse-toi bien, Double-Face ! » le salua Katsuki, sortant de la chambre aussi rapidement qu'il y était entré.


Bien entendu, Eijirou le suivit, prenant lui aussi congé du bicolore.

D'ici une petite demi-heure, il devrait retrouver Inko Midoriya, à l'agence. Il lui avait demandé de passer, sans lui expliquer pourquoi. Qu'Izuku soit libéré ou non, elle était en droit de savoir que son fils, celui qu'elle croyait perdu à jamais, était encore vivant. Que, même s'il avait beaucoup changé, malgré les dégâts subis par son esprit, il était sauf. Il serait cruel de ne pas la mettre au courant, de la laisser dans la tristesse de sa solitude.

Elle méritait, plus que quiconque, de retrouver son fils, de pouvoir le serrer dans ses bras, de pleurer combien elle avait été inquiète, combien il lui avait manqué.

Le simple fait de s'imaginer la scène arracha un petit sourire à Katsuki.

Oh, que ce soit elle ou son fils, aucun d'entre eux n'était prêt pour ces retrouvailles. Et qu'il le veuille ou non, cela risquait également d'être son cas.

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