Chapitre 21 - Étau de feu
Le bâtiment s'élevait face à eux, discret, mêlé au décor, quasiment indiscernable si l'on ignorait son existence, au sein de l'ombre de cette petite rue dans laquelle peu de passants s'aventuraient. Surtout à cette heure-ci où les mauvaises rencontres commençaient à se faire légion, où le côté sombre de la ville s'animait, laissant les citoyens modèles se faire peu à peu remplacer par toutes sortes de malfaiteurs, bandits, trafiquants et autres vilains. Ce n'était pas pour autant, bien entendu, que le trio ne devait pas se faire discret : Kuklya et Dabi demeuraient des fugitifs, et tant qu'ils resteraient dans le coin, ils seraient amenés à faire profil bas. C'est pourquoi le garçon aux cheveux blancs n'appela pas Izuku comme il l'aurait fait d'ordinaire, en restant là, en bas de l'édifice, se contentant de crier son nom pour lui signifier sa présence. Non, il ne pouvait se permettre de se faire remarquer, même si les risques de se faire attraper se faisaient moindres une fois la nuit tombée.
« Il est entré là-dedans, donc ? demanda Dabi.
- Yup ! acquiesça la blonde.
- Et s'il s'est tiré, entre-temps, on fait quoi ?
- On avisera. » répliqua l'albinos.
Ce dernier poussa alors la porte du bâtiment qui s'ouvrit avec difficulté tant elle raclait le sol à cause de l'usure du temps. Esquissant une petite grimace suite au bruit, il jeta un regard à ses compagnons, prêts à le suivre dans l'exploration de cet endroit à la recherche de leur ami. Comme le lieu possédait des étages, ils s'étaient mis d'accord, un peu plus tôt, pour se séparer afin de le trouver plus rapidement. Himiko se chargerait du premier, Dabi du second, et Kuklya du troisième.
C'est ainsi qu'il se mit en route, gravissant les escaliers abîmés, poussiéreux, jusqu'à arriver au niveau en question. Visiblement, il s'agissait du genre de bâtiment ne contenant qu'un appartement par étage. Devant la porte de ce dernier, il s'éclaircit la voix et, posant la main contre la poignée, commença à appeler le vert qui réagirait certainement rapidement s'il se trouvait dans les parages.
« Izu ? T'es là ? C'est moi, Kuklya ! »
La chute fut douloureuse, surtout avec le poids supplémentaire sur son dos. Izuku sentit son ossature entière vibrer, ce qui lui arracha une grimace tandis que son genou gauche heurtait le sol, que sa cheville se tordit et que son bassin se plia violemment, claquant au passage. Il dut cependant faire en sorte de ne pas laisser le moindre son lui échapper. Heureusement qu'il avait eu la présence d'esprit de descendre au premier étage pour sauter. Il n'imaginait pas son état, s'ils étaient restés au second.
« Tout va bien, Deku ? » entendit-il chuchoter.
Il tourna la tête vers le blond qui restait accroché à lui comme un koala et qui avait légèrement resserré son étreinte lors de la chute pour ne pas perdre l'équilibre, et opina lentement à son adresse. Pourquoi fallait-il que le corps humain s'affaiblisse aussi rapidement ? Quelques jours sans bouger, et l'on se retrouvait dans l'incapacité de se servir convenablement de ses membres : il avait bien vu la façon dont Katsuki s'était redressé – ou en tout cas, avait essayé – lorsqu'il lui avait annoncé qu'ils devaient débarrasser le plancher. Il lui avait semblé voir un bébé animal tenter maladroitement de tenir debout juste après être sorti du ventre de sa mère.
Non pas qu'Izuku ne voulait pas retrouver ses amis, mais si ces derniers le surprenaient avec le héros... Mieux valait revenir une fois que celui-ci aura été déposé près de chez Red Riot, comme il lui avait annoncé plus tôt.
« Si jamais t'oses te barrer une nouvelle fois, j'te promets de te traquer, jusqu'à l'autre bout du monde s'il le faut, et de te ramener. »
Les paroles du cendré lui revinrent, résonnant au fin fond de son esprit comme si elles cherchaient à le dissuader d'agir de la sorte. Tandis qu'il se redressait pour commencer à se mettre en marche, boîtant quelque peu à cause de la chute, il se mordit la lèvre inférieure, rongé par l'hésitation. Il avait pourtant pris sa décision, plus tôt. Mais les mots de son ami d'enfance l'avaient ébranlé. Comment pouvait-il dire pareilles choses, s'obstiner à ce point envers un vilain, quelqu'un qu'il n'avait pas vu depuis des années ?
Izuku secoua la tête. Ce n'était pas important. Il se sentait reconnaissant que tel soit le cas. De toute façon, qu'il décide malgré tout de rester à ses côtés ou non, ils ne pouvaient pas s'attarder dans les parages avec les autres membres de la Ligue lancés à sa recherche. Ils s'en prendraient à Katsuki, s'en serviraient comme d'un otage. Et le vert ne le supporterait pas. Sa priorité était de l'éloigner d'ici. Il verrait plus tard ce qu'il ferait ensuite. Ce n'était pas comme s'il avait véritablement eu le temps d'y songer, avec la vitesse à laquelle il avait embarqué son ami d'enfance sur son dos pour filer du bâtiment dans lequel ils avaient passé la journée. Il aurait peut-être dû le laisser à l'un des étages, et aller à la rencontre de ses compagnons afin de repartir avec eux ? Le blond s'en serait tiré, de toute façon : même sans ses jambes, un héros de sa trempe était certainement bourré de ressources. Il était trop tard pour y penser.
Son genou, fragilisé par le saut, se fit capricieux et vint de nouveau rencontrer le bitume, le forçant à s'arrêter un petit instant. Il tut une nouvelle complainte en pinçant les lèvres et serrant la mâchoire et dut laisser passer quelques secondes avant de pouvoir se redresser, titubant légèrement au passage.
« Deku, tu peux pas me porter comme ça. Fais-moi descendre, j'vais marcher.
- Tu vas faire deux pas et tu seras par terre. Nan, t'en fais pas, j'ai un peu de mal à encaisser le choc, mais ça va aller.
- T'as entendu le claquement comme moi, non ? Vu comme tu marches, tu t'es pété ou déchiré un truc. Et on va pas aller loin non plus si c'est le cas ! répondit le blond, haussant légèrement la voix.
- Je vous rassure : vous n'irez pas loin dans tous les cas. »
La voix s'élevant derrière eux leur glaça le sang. Moqueuse, mais également mauvaise. Un timbre qu'Izuku connaissait bien. Les deux amis d'enfance tournèrent la tête pour voir, perché à la fenêtre du second étage du bâtiment duquel ils étaient sortis, un homme aux cheveux d'un noir charbonneux et à la peau qui semblait, par endroits, comme rafistolée à la manière d'un patchwork humain ; Dabi.
Ce dernier s'élança dans le vide pour se réceptionner plus bas, au sol, de manière nettement moins maladroite que le garçon aux taches de rousseur qui, lui, se retourna lentement afin de lui faire face, arborant un air qui se voulait impassible, bien qu'en lui résonnait une panique sans nom. Ils n'avaient pas été assez rapides. Ou assez discrets. Et vu l'état dans lequel ils se trouvaient, inutile d'espérer fuir : le vilain à l'alter de feu aurait tôt fait de les rattraper.
« Je savais pas que tu faisais dans la trahison.
- Je vous ai pas trahi.
- Et tu ne t'es pas barré par la fenêtre en embarquant ton ami le héros estropié, probablement parce que tu nous as vu arriver, non plus ? Je t'ai connu meilleur menteur, Izuku. »
Inutile de chercher à discuter. Il ne l'écouterait pas. Et à vrai dire, si les rôles étaient inversés, le vert réagirait probablement de la même façon. Il devait réfléchir. Réfléchir à une façon de s'en sortir qui exclurait le combat, la fuite ou toute tentative de persuasion.
... Est-ce qu'une telle alternative existait ? Si oui, il devait rapidement la trouver.
Si seulement il était tombé sur Himiko ou Kuklya... Il serait parvenu à tenter quelque chose, avec eux. Avec Dabi, c'était peine perdue d'avance.
« Deku, faut vraiment que tu me fasses descendre. » l'interpela Katsuki, sur son dos.
En baissant légèrement le regard, il put voir les paumes de celui-ci rougir, peu à peu, et commencer à émettre de minuscules explosions ce qui, bien sûr, n'échappa pas non plus à l'homme face à eux qui se mit, lui, à créer de petites flammes bleues dans le creux de ses mains. Entre l'un d'eux qui se montrait prêt à en découdre, et l'autre qui attendait pour répliquer... Les chances d'échapper au moindre combat semblaient bien minces.
« Tu es incapable de marcher, et tu penses pouvoir te battre ? le réprimanda Izuku. Surtout que ton alter doit encore être pas mal affaibli, non ?
- Fallait y penser avant d'me droguer. Mais si t'as une meilleure solution, j't'écoute. »
Tel était le problème. Il ne voyait aucune solution qui leur serait favorable.
A moins que...
« J'ai peut-être quelque chose. Ca ne te plaira sans doute pas, mais je ne vois que ça à faire. Je vais te poser. Mais tu n'attaques pas, d'accord ?
- Tch... Je te préviens qu'au moindre souci, je l'explose. »
Izuku soupira. Il s'abaissa et lâcha Katsuki qui se décala en gardant tout de même appui sur le vert pour venir se positionner à ses côtés. Ses jambes tremblaient, menaçant de céder à la moindre occasion. Entre cela et le genou du vert dans lequel se propageait cette douleur aigue... Ils formaient une jolie paire de bras cassés – ou plutôt de jambes cassées. Ils devaient avoir l'air bien pitoyables, ainsi, face à ce vilain qui pouvait, à tout moment, décider de mettre un terme à leur existence, les calciner pour ne laisser d'eux qu'une petite floppée de cendres.
« Je ne vous ai pas trahi, Dabi. Vous me cherchiez ? Je suis là. Je rentre avec vous. Mais vous le laissez repartir. Il a beau être un héros, c'est grâce à lui que je suis pas derrière les barreaux, actuellement.
- Pardon ? J'vais nulle part sans toi, Deku.
- Je ne te demandais pas ton avis, Ground Zero.
- Ah, parce qu'en plus t'es un sentimental, maintenant ? rit le vilain dont le regard bleuté faisait la navette entre les deux amis. J'ai une meilleure idée. Tu viens avec nous, et on l'embarque aussi. Ca tombe bien, il nous fallait une monnaie d'échange pour faire libérer Twice. »
... Prévisible. Izuku s'apprêta à répliquer, à marchander pour qu'ils trouvent, ensemble, un autre moyen. Cependant, avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, Katsuki le devança, prenant la parole d'une voix menaçante bien que tendue.
« J'vais nulle part sans Deku, mais ça veut pas dire non plus que j'vais gentiment vous servir de rançon pour votre pote. Ecoute-moi bien, le puzzle sur pattes : vous êtes recherchés et y'a un héros qui a disparu, expliqua-t-il en lançant un regard accusateur au vert. Si tu veux mon avis, y'a des patrouilles qui sont sans doute pas loin, et qui s'feront une joie de débarquer au moindre raffut.
- Mmh ? Mais il faudrait que tu sois capable de le faire, ton raffut, pour ça. »
Et c'est ainsi que, sansen ajouter davantage, Dabi se rua en direction de Katsuki, paume en avant, etqu'une lueur bleutée à la chaleur incandescente s'élança de celle-ci, prête àengloutir le héros et ses menaces.
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