Chapitre 2 - Jouons ensemble!

Un bruit sourd, suivi d'un violent cliquetis se fit entendre dans la petite pièce où se trouvaient les deux garçons. Katsuki se débattait afin de se libérer de l'emprise de son geôlier qui, étonnamment, obtempéra, séparant leurs deux mains en reculant même de quelques pas. Il regardait son prisonnier d'un air amusé, comme un félin guettant avec fascination sa proie à l'agonie.

L'agonie, le blond en était loin, bien loin. Il lui en fallait davantage pour se briser. Dans l'état actuel des choses, il était beaucoup plus énervé qu'autre chose. Une once de peur résonnait également en lui, mais il préférait ne pas l'écouter. Hors de question de perdre ses moyens face à Izuku. Même après tant d'années.


« T'es complétement barge ! » cracha Katsuki à l'attention de son ami d'enfance.


Pour toute réponse, ce dernier se contenta de glousser, ce qui eut le don d'agacer l'explosif. Bordel, où était passé ce nerd niais et innocent qui l'énervait tant ? Cet enfoiré qu'il feintait de haïr pour ne pas montrer la faiblesse que son visage occasionnait chez lui ? Parce que oui, la vue d'Izuku l'avait toujours troublée. Encore aujourd'hui, alors que se trouvait face son ami totalement changé, il sentait ce petit quelque chose, au fond de son estomac, qui le dérangeait vivement.

Mais l'heure n'était pas à ce genre de réflexions. Ici, sa vie était en jeu. Il sentait bien que le vert ne plaisantait pas. Il devait se montrer prudent. Surtout dans cette position où il ne pouvait rien faire pour se défendre.


« Barge, dis-tu ? Possible ! Mais ce n'est pas une question, ça, Kacchan.

- Va te faire foutre, avec tes questions ! »


Il n'allait pas risquer ses doigts. C'était grâce à ses mains qu'il pouvait produire des explosions, alors il devait en prendre le plus grand soin. Et puis, merde, même dans le cas où il proposerait de lui briser autre chose, il n'allait pas laisser Izuku faire ce qui lui chantait ! Il trouverait les réponses de lui-même. Il sortirait d'ici, et capturerait le vert. Ensuite... Il ne savait pas très bien ce qu'il en ferait – devrait-il le livrer à la police ? – mais ce qui était sûr, c'est qu'il lui imposerait un interrogatoire serré, là où Katsuki aurait l'avantage.

Voyant que le blond ne rentrerait pas dans son jeu – sérieusement, qui le ferait, à moins d'être désespéré – le sans-alter amena un doigt contre ses lèvres, pensif.


« C'est étrange. Il me semblait que tu en avais plein, juste avant. Tu voulais pas savoir où on est ? Ce qui a pu m'arriver ?

- J'ferai en sorte de le découvrir par moi-même.

- Oh ? Et comment tu comptes t'y prendre ? Y'a que moi pour te renseigner.

- ...

- ... Attends, ne me dis pas... Que tu songes sortir d'ici ? »


Un long éclat de rire échappa à Izuku, qui se pencha légèrement en avant en se tenant les côtes. Qu'est-ce qu'il lui tapait sur les nerfs ! S'il avait eu les mains libres, il lui aurait envoyé un bon coup de poing dans l'estomac pour lui remettre les idées en place !


« Oh, allons, Kacchan... poursuivit-il après s'être calmé. T'es enchaîné, et tu ne peux pas te servir de ton alter. Personne ne sait où tu te trouves. Comment tu crois pouvoir t'échapper, mmh ? »


Il l'ignorait. Mais il trouverait bien une solution. Une faille. Et puis, son alter finirait bien par revenir, non ? C'était tellement frustrant de ne pas savoir ce qui pouvait causer la disparition de celui-ci. De temps à autres, il essayait de l'activer, espérant pouvoir exploser ce foutu mur et les chaînes l'entravant. Pour le moment, cependant, cela semblait voué à l'échec. Le vert avait parfaitement préparé son coup.

D'ailleurs, était-il seul ? Ou y'avait-il d'autres personnes derrière son enlèvement ? A quoi cela rimait-il ? Izuku allait-il simplement s'amuser avec lui, puis le tuer lorsqu'il se serait lassé ? N'était-ce qu'une simple vengeance ?

Pourquoi est-ce que tant de questions lui venaient, alors qu'il ne pouvait en poser aucune ?

Il devait d'ailleurs faire attention, lorsqu'il prenait la parole, et faire en sorte de n'employer aucune tournure interrogatoire, rhétorique ou non. Il se doutait que son ami d'enfance sauterait sur l'occasion. C'est ce que ferait n'importe quel v...

Non.

Non, rien à faire.

Il ne pouvait attribuer ce mot à Izuku.

Son cœur se serrait bien trop au sein de sa cage thoracique, lorsqu'il l'envisageait. Même si la réalité se trouvait là, face à lui.


« Bon, puisque tu ne sembles pas enclin à jouer, on va changer les règles. », annonça soudainement le vert.


Qu'est-ce qu'il allait lui sortir, maintenant ? Izuku s'accroupit de nouveau face à Katsuki pour se mettre à sa hauteur. Il avança une main pour la passer dans les cheveux du blond, qui eut un mouvement de recul à ce contact. Il lança un regard noir à son geôlier.


« C'est moi qui vais poser les questions. Et à chaque fois que tu refuseras de répondre – ou que tu ne seras pas assez rapide à mon goût – je te casserai un doigt.

- Je jouerai pas avec toi, Deku.

- Tu ne vas pas trop avoir le choix, si tu ne veux pas perdre l'usage de tes dix doigts, Kacchan. »


L'explosif plissa les yeux. Quel genre de questions allait-il poser ? Réclamerait-il des informations sur d'autres héros ? L'interrogerait-il sur des choses le concernant lui ? Quelle était la meilleure option ? Répondre ? Trahir ses camarades ? Mettre sa fierté de côté ?

Il se sentait mal, tellement mal.


« Bien entendu, je te poserai seulement des questions dont je suis sûr que tu connais la réponse. Tu n'as pas à t'en faire pour ça.

- Va te faire foutre, bordel ! J'ai dit que je jouerai pas ! »


Izuku posa ses bras sur ses cuisses et haussa un sourcil, perplexe.

Il n'aurait pas le choix, et il le savait bien. Mais Katsuki demeurait Katsuki. Garder la face, et sauver les apparences avant tout, pas vrai ? Pourquoi était-il ainsi, à se laisser aveuglément guider par son égo ? Ce comportement risquait de lui apporter des ennuis, dans la situation présente. Il le concevait parfaitement, et pourtant...


« Voyons... Commençons simplement pour voir si tu as compris. Comment je m'appelle ?

- Ta gueule.

- Mauvaise réponse, Kacchan. »


Le vert s'empara de la main de son ami d'enfance. Ce dernier sentit son index commencer à se faire plier vers l'arrière, laissant une vive douleur se répandre au niveau de ses phalanges. Il serra les dents, réprimant un petit couinement douloureux.


« Je te laisse une deuxième chance, parce qu'il s'agissait de la première question. Je répète : comment je m'appelle ? »


La pression sur son doigt se fit plus forte.

Mets ta fierté de côté, bordel, Katsuki. Tu vas pas te faire péter les doigts pour quelque chose d'aussi con.


« I...Izuku Midoriya. » marmonna-t-il.


Dès qu'il eut répondu, la douleur s'arrêta. Le vert tenait toujours son index, mais ne cherchait plus à le plier pour le casser. Un soupir soulagé échappa alors au blond. Si toutes les questions étaient de cet acabit, il n'aurait pas de réel problème à répondre, si ce n'était que son égo risquait d'en prendre un sacré coup.

Mais il valait mieux ne pas trop rêver.


« Tu vois, ce n'est pas si compliqué !

- Je vais te le faire regretter, Deku. Je te jure que dès que j'aurai trouvé comment me barrer...

- Mais oui, mais oui. Comme au collège, c'est ça ? »


Son ton s'était fait plus froid, au point d'en faire frémir le blond. Il déglutit, de déplaisants souvenirs traversant son esprit.

Oui, il avait été une ordure. Il ne pouvait le nier. Mais il avait eu ses raisons. Cela ne justifiait pas son comportement, mais...

Il ouvrit la bouche, s'apprêtant à répliquer. Cependant, rien ne vint. Que pouvait-il répondre, de toute façon ? Il se contenta de soupirer, et de baisser les yeux.


« Bien. Poursuivons. Quel était mon rêve de gosse ?

- ... Tu voulais être un héros. »


Comment aurait-il pu l'oublier ? Lui qui ne cessait de le répéter, qui admirait le symbole de la paix, All Might, sans faille, qui racontait à qui voulait l'entendre qu'il serait comme lui, plus tard. Seulement, voilà, Izuku n'avait développé aucun alter. Et en le découvrant, Katsuki l'avait rabaissé comme pas permis, lui rappelant chaque jour qui passait qu'il n'avait aucune chance de réaliser son rêve.

Le dernier jour où il l'avait vu, il l'avait même incité au suicide, lui 'conseillant' de sauter du toit du collège en priant pour recevoir un alter dans sa prochaine vie.

Quel enfoiré avait-il été.


« Et pourquoi n'ai-je pas pu le devenir ?

- Parce que tu n'avais pas d'alter. »


Izuku sembla prendre le temps de réfléchir si cette réponse lui convenait ou non. C'était en partie vrai. Comment pouvait-on décemment devenir un héros sans aucun pouvoir ? Cela aurait été totalement inconscient de sa part.

D'un autre côté, Katsuki était également coupable. Et sûrement qu'All Might aussi. Tout le monde. Tout le monde avait écrasé son rêve, sans aucune pitié.


« Pourtant, aujourd'hui, je n'ai toujours pas d'alter. Et je suis parvenu à maîtriser un héros de ta trempe.

- S'attaquer à un héros par surprise, et combattre des vilains, ce n'est pas exactement la même chose, Deku.

- Il n'en demeure pas moins que je te suis supérieur, pour le moment. D'ailleurs, question suivante. Qu'est-ce que ça fait, de se retrouver à la merci du raté sans alter que je suis ?

- Ce... »


A quoi s'attendait Izuku, sérieusement ?


« C'est humiliant.

- N'est-ce pas ! Maintenant que tu sais ce que ça fait de se retrouver à cette place, je vais te demander pourquoi tu m'as traité de la sorte, lorsque nous étions enfants ? »


Pourquoi ?

Parce qu'il ne supportait pas cette sensation apparaissant en lui à chaque fois qu'il voyait le vert. Il ne supportait pas les battements effrénés de son cœur, qui semblait comme vouloir s'arracher de sa poitrine. Il ne supportait pas la chaleur apparaissant au niveau de ses joue, ou que l'on lui demande s'il avait trop chaud, pour être rouge de la sorte. Il ne supportait pas de se sentir aussi vulnérable en compagnie du vert, aussi faible, lui qui ne cessait de se vanter de sa force. Et surtout, surtout, il ne supportait pas l'idée qu'Izuku puisse se mettre en danger, en voulant devenir un héros, et tout cela sans aucun pouvoir pour l'y aider.

Il était allé beaucoup trop loin avec lui, parfois. Et il en avait bien conscience. Mais ainsi était son caractère. Il n'avait jamais été honnête avec lui-même, avec ce qu'il pouvait ressentir. Encore aujourd'hui, il éprouvait des difficultés lorsqu'il s'agissait de ses sentiments.


« Kacchan ? »


La voix d'Izuku le sortit de ses pensées. Il ne pouvait décemment pas lui dire la vérité. Et même s'il le faisait, jamais son ami ne le croirait.

Un mensonge, un mensonge... Lui dire simplement qu'il l'avait méprisé, à l'époque ? Oui, c'était le plus crédible. Pas vrai ?

Il n'eut cependant que le temps d'ouvrir la bouche. Au lieu de générer la réponse qu'il avait préparé, c'est un hurlement soudain et empli de douleur qui lui échappa.

Un craquement avait résonné dans l'air.

La souffrance se répandait dans l'entièreté de sa main, comme une puissante décharge électrique.

Son index venait de se faire briser de sang-froid.

Sa respiration se fit plus forte, haletante. Bon sang, ce que cela pouvait faire mal ! Jamais il ne s'était cassé quoi que ce soit, lors de ses nombreux entraînements, ou missions. Et même lorsqu'il se blessait, généralement, il voyait Recovery Girl dans l'heure, l'héroïne capable de stimuler les défenses immunitaires du corps – et donc de faciliter la guérison des plaies – d'un simple baiser, et tout était réglé.

Le blond se rendit compte qu'une larme solitaire roulait le long de sa joue. Sûrement sous l'effet de l'élancement.


« Putain... Espèce d'enfoiré... grinça Katsuki.

- Je t'avais prévenu. Tu mettais un peu trop de temps à répondre. Alors j'ai compris que tu ne comptais pas me dire la vérité. »


Il n'aurait jamais pu lui dire.

Il ne fallut pas bien longtemps pour que la douleur ne se fasse remplacer par une désagréable sensation d'engourdissement. Comme si cet os brisé ne lui appartenait plus. Il ressentait tout de même une sorte de tiraillement, mais celui-ci semblait tellement lointain.

Izuku ne perdit pas de temps et s'empara du prochain doigt, son majeur, exerçant déjà une certaine pression sur celui-ci comme s'il s'attendait à devoir rapidement le briser également. Katsuki n'en pouvait déjà plus. Il faisait de son mieux pour contenir toutes ses émotions en lui, mais la tâche était bien plus compliquée qu'il ne l'aurait pensé.

Jamais il n'aurait pensé son ami d'enfance capable de faire preuve de tant de violence.

Mais peut-être ne récoltait-il que ce qu'il méritait ?

Une colère sourde émergeait peu à peu, en réponse à ces sentiments se faisant écraser.


« Continuons. Est-ce que tu m'as cherché, lorsque j'ai disparu ?

- Bien sûr que oui, maudit nerd ! cracha Katsuki. Tu croyais quoi, que j'allais rester les bras croisés ? Je t'ai cherché. J'ai aidé ta mère. Je me suis juré de te botter le cul pour la faire s'inquiéter autant, une fois que je t'aurais retrouvé. Elle ne s'en est toujours pas remise, d'ailleurs, ta mère. Bordel, Deku ! T'étais où, espèce de connard ? Comment t'as pu devenir...ça ?! »


Il eut à peine terminé sa phrase qu'Izuku lui claqua le visage avec force, faisant de nouveau partir sa tête vers la droite. Son air s'était fermé. Visiblement, il avait touché une corde sensible. Mais Katsuki ne se démonta pas pour autant. Il agita les poignets, comme un animal enragé, ignorant la douleur irradiant de nouveau au niveau de son index.

Il était furieux.


« Je vais te traîner devant elle, une fois que je me serai libéré ! Tu lui dois un sacré paquet d'explications ! Et à moi aussi ! Putain ce qu'elle serait déçue de voir ce que t'es aujourd'hui !

- La ferme... La ferme !! »


Le sans-alter se redressa, et frappa immédiatement le plexus du blond de son pied. L'explosif en eut le souffle littéralement coupé. Son corps se pencha vers l'avant, où il se mit à tousser violemment, essayant de retrouver de l'air, avec beaucoup de mal.

Puis, il sentit son crâne se faire redresser d'un coup par la main d'Izuku qui avait empoigné ses cheveux. Il n'en avait probablement pas fini avec lui. Le souffle court, il s'apprêtait à se faire de nouveau frapper... Mais il n'en fut rien. Son ami d'enfance se contentait de le regarder, analysant avec minutie ses expressions. A quoi s'attendait-il ? A ce que Katsuki se retrouve tout sourire face à ce traitement ? Bien sûr que non. Ses muscles étaient tendus. Un bleu était apparu là où le genou d'Izuku avait atterri. Et une légère marque rouge s'étendait à cause de la précédente claque. Il aurait probablement un hématome là où le coup de pied avait été reçu.

Les sourcils froncés, il soutint le regard du vert, comme pour le défier.


« Le jeu est fini. » annonça Izuku après un long silence en relâchant la chevelure du blond.


Ce dernier secoua la tête, se collant contre le mur derrière lui dans un réflexe pour s'éloigner comme il le pouvait de son ravisseur. Une vague de soulagement traversa son corps, lui permettant de se détendre. Le sans-alter s'approcha de la porte située de l'autre côté de la pièce et l'ouvrit, mais, avant de sortir, se tourna une dernière fois vers le prisonnier.


« Ah, pardon. J'ai une dernière question. »


Qu'est-ce que ça allait être cette fois ? Katsuki se tendit de nouveau, visiblement agacé. Ses doigts demeurant intacts se rétractèrent sans qu'il ne s'en rende compte.


« Dis-moi, Kacchan... Marteau ou perceuse ? »

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