Chapitre 18 - « Avant que les méchants ne nous rattrapent. »
Ses iris ne le quittaient pas. Elles restaient concentrées sur lui tandis que sur son visage, posé sur le genou qu'il avait ramené vers son torse, s'était imprimée une expression des plus pensives. Que c'était rare de voir Katsuki arborer un air aussi paisible, aussi tranquille. Malgré le manque de lumière environnant, Izuku ne possédait aucun mal à discerner ses traits, notamment grâce à la proximité qu'il entretenait avec lui. Il ne s'était pas mis trop près non plus, histoire de ne pas le mettre mal à l'aise, ou le surprendre une fois qu'il reprendrait connaissance. Non, c'était une distance respectable qui les séparait.
Plusieurs heures s'étaient écoulées, depuis qu'il avait assommé son ami d'enfance afin de l'amener ici, dans ce bâtiment inhabité, désaffecté, là où personne ne les trouverait. Ou en tout cas, pas dans l'immédiat. De toute façon, ils ne s'y attarderaient pas. Ce serait compliqué de se déplacer, avec la jambe du blond, mais Izuku pourrait toujours le porter en cas de besoin. C'était bien ce qu'il avait fait, de l'appartement de Red Riot et Suneater jusqu'ici, alors il pouvait très bien recommencer. Certes, Katsuki faisait son poids, surtout avec le développement de ses muscles lors de ses années d'entraînements mais bien que le vert puisse sembler plutôt frêle aux premiers abords il était, lui aussi, capable de s'en sortir, physiquement.
Le jour ne tarderait sans doute pas à se lever. Il pouvait voir, depuis l'unique fenêtre de la pièce, que le ciel commençait à s'éclaircir, faisant peu à peu se fondre les étoiles dans son immensité, les rendant un peu plus pâles à chaque seconde. Les rues allaient bientôt commencer à s'animer, à se remplir de personnes se rendant à l'école, au travail, ou sortant tout simplement pour profiter de l'air frais matinal. Il n'y avait que peu de chances que qui que ce soit passe par la ruelle dans laquelle se trouvait le bâtiment en question, mais les bruits de la ville leur parviendraient sûrement de toute façon. Izuku se demandait s'il ne devait pas profiter de la tranquillité encore présente pour sortir afin de ramener quelque chose à manger pour lui et Katsuki. Il risquerait d'avoir faim en se réveillant. Mais s'il se réveillait, justement, pendant que le vilain ne se trouvait pas dans les parages ? Pouvait-il vraiment se permettre de le laisser sans surveillance ? Cela devrait aller si ce n'était que pour cinq minutes, pas vrai ? Et puis, ce n'était pas comme si le blond pouvait aller bien loin.
Le garçon aux cheveux bouclés soupira longuement avant de se relever. Il épousseta son pantalon, rabattit la capuche de son sweat noir – il avait pu se changer chez Eijirou et Tamaki, après s'être douché – sur le crâne, et avança vers son bel endormi, adossé contre le mur, pour poser une main dans ses mèches cendrées qu'il caressa le temps de quelques secondes, leurs filaments filants entre les doigts du tacheté.
« Je reviens vite, Kacchan. » souffla-t-il comme si l'intéressé se trouvait dans la capacité de l'entendre.
Il se détourna alors, sortit de la pièce, puis du bâtiment, et s'engagea dans les rues de cette matinée estivale. Les températures commençaient à monter, ces derniers temps. Elles n'en étaient pas encore au point où l'on pouvait se permettre de sortir en manches courtes, mais s'en rapprochaient petit à petit. Et le jour se levait plus tôt. Izuku ignorait l'heure qu'il pouvait être ; il n'avait pas eu le temps d'attraper son téléphone lorsque le Quartier Général de la Ligue s'était fait débusquer – et fort heureusement, même si les héros avaient mis la main sur celui-ci, il ne contenait aucune information à son sujet, puisqu'il ne s'en servait que pour contacter les autres membres lorsqu'il en avait besoin – et ne portait pas de montre sur lui, mais avec le Soleil apparaissant timidement à l'horizon, il en déduisait qu'il devait être dans les alentours de sept heures du matin. Les mains dans la poche kangourou de son hoodie, il avançait tranquillement, cherchant du regard un endroit où il pourrait trouver de quoi se restaurer. Une boulangerie, un konbini, ou quelque chose s'en rapprochant.
Et justement, c'est à ce moment que son regard se posa sur l'un de ces petits magasins qui demeuraient constamment ouverts, dans lequel semblaient se trouver seulement deux personnes – trois si l'on comptait celle occupant la caisse. Il y pénétra, sans retirer sa capuche, ne prenant pas la peine de répondre aux salutations de l'employée, pour se saisir d'un panier et directement se diriger là où se trouvaient les produits consommables. Il y mit quatre pains-melon, deux bouteilles d'un litre d'eau, quatre pommes, et quelques sachets de biscuits et autres petits gâteaux. Ce n'était rien de bien consistant, mais cela suffirait au moins à leur couper la faim – et la soif – le temps qu'ils trouvent une solution à leur situation. Et dans le pire des cas, Izuku pourrait très bien repasser dans la soirée. Pour le moment, il voulait simplement se hâter pour rapidement retrouver Katsuki. Et aussi pour ne pas avoir à se déplacer dans une rue bondée où l'on serait susceptible de le reconnaître. Il retourna à la caisse et y déposa ses articles, ne jetant qu'un bref regard à la jeune fille aux courts cheveux noirs et aux yeux bleus qui, après l'avoir salué une nouvelle fois de manière plus insistante, se mit à les scanner sans un mot. Elle avait l'air quelque peu contrariée – sûrement parce qu'Izuku ne lui avait pas rendu sa politesse – mais il ne s'en souciait pas vraiment.
« Ca vous fera mille-deux-cent yens (NDA : Environ 10 euros), s'il vous plaît. » annonça-t-elle après avoir déposé deux sacs en papier contenant ses achats à l'extrémité de la caisse.
Le vert farfouilla dans la poche arrière de son pantalon pour en sortir un petit porte-monnaie, duquel il tira l'argent nécessaire, qu'il tendit à la personne face à lui. Elle s'en empara, le rangea dans sa caisse enregistreuse avant de laisser un sourire forcé s'étirer sur ses lèvres pincées. Commencer la journée et directement tomber sur un client malpoli, cela ne devait pas aider à conserver sa bonne humeur. D'ordinaire, Izuku aurait sans doute été ravi de lui répondre, en vérité. Mais avec tout ce qui pouvait le travailler dernièrement, couplé au fait qu'il était très probablement recherché, mieux valait se faire le plus discret possible.
« Merci. Je vous souhaite de passer une bonne journée. » termina l'hôtesse de caisse.
Il attrapa les sacs entre ses doigts et sortit du konbini sans demander son rester pour repartir en direction de l'endroit où il s'était rendu, plus tôt, avec Katsuki.
Lorsqu'il y arriva, deux petites minutes plus tard, il constata avec soulagement que son ami n'avait pas bougé d'un pouce, somnolant toujours aussi paisiblement. Izuku déposa ses achats avant de fouiller dans l'un des sacs pour en sortir un pain-melon. Il le déballa et le porta à sa bouche, mordant à pleines dents dans la boule de pâte sucrée, tandis qu'il se rapprocha de la fenêtre pour scruter l'extérieur désormais un peu plus éclairé.
Une part de lui soufflait que s'enfuir n'avait peut-être pas été la meilleure chose à faire, et qu'il risquait de se retrouver dans de plus gros ennuis encore, puisqu'il avait 'enlevé' un pro-héros dans sa cavale. L'autre se disait qu'il avait, au contraire, agi pour le mieux. Qu'il n'y avait de toute façon rien d'autre à faire. Fuir pour conserver sa liberté. Ou rester pour la perdre. Il se demandait si l'une des personnes alors présentes avec eux s'était déjà rendue compte de leur disparition et lancée à leur recherche.
Alors qu'il avalait son dernier morceau de petit-déjeuner, la tête ailleurs, il fut ramené à la réalité par un petit râle plaintif ; le visage de Katsuki venait de se crisper en une grimace. Il semblait finalement se réveiller. Ses mains se levèrent pour venir frotter ses paupières du revers avant qu'il ne les fasse lentement glisser vers sa nuque, là où Izuku l'avait frappé pour l'assommer, qu'il se mit à masser lentement.
« Putain... » maugréa-t-il.
Le tacheté se déplaça pour venir s'accroupir face à lui, l'observant tandis qu'il émergeait. La position dans laquelle il se trouvaient pouvait en rappeler une autre si l'on y réfléchissait bien. Mais cette fois-ci, c'était tout de même différent : Katsuki n'avait pas été fait prisonnier. Aucun lien ne le retenait. Et le vilain se tenant non loin de lui ne comptait pas s'amuser à le torturer. Non, de toutes autres motivations l'animaient, à cet instant.
Le blond finit par ouvrir les yeux pour les relever, rencontrant pour commencer ceux d'Izuku. Ce dernier constatait une certaine confusion chez son ami qui se mit ensuite à scruter ses alentours en fronçant progressivement les sourcils, comme s'il comprenait petit à petit ce qui avait pu se passer pour qu'il se retrouve dans un tel endroit, au lieu de la chambre d'ami dans laquelle il avait été supposé passer la nuit. Son ami d'enfance ne pipait mot, se contentant d'attendre que l'autre garçon termine son tour d'horizon pour saisir un minimum leur position.
Un soupir lui échappa. Il laissa son crâne heurter sans trop de force le mur se situant derrière lui. Ses iris flamboyantes se posèrent sur le plafond avant de se focaliser de nouveau sur Izuku.
« T'es pas sérieux. Dis-moi que t'es pas sérieux. »
Sa voix trahissait une certaine déception. Ou en tout cas, quelque chose qui y ressemblait. Comme si le vert venait de déchiqueter la confiance qu'il avait pu placer en lui. Et cette sensation ne lui plut pas du tout. Il ouvrit la bouche pour prendre la parole, mais se fit devancer par Katsuki qui poursuivit sur sa lancée.
« Où est-ce qu'on est, Deku ? »
Bon... Peut-être que répondre à ses interrogations l'aiderait à se tranquilliser. Après tout, rien ne lui prouvait qu'Izuku ne l'avait pas kidnappé pour lui faire subir d'horribles choses à nouveau.
« On est près d'Hosu, dans un bâtiment laissé à l'abandon depuis plusieurs mois maintenant. Il n'y a que nous deux, ici.
- Près d'Hosu... Qu'est-ce qu'on fout là ? C'est toi qui m'as amené ici ?
- Oui, je t'ai porté après t'avoir...assommé. Désolé pour ça, d'ailleurs. Il fallait... Il fallait que je te parle, Kacchan.
- Que tu me parles ? »
Un rire nerveux s'éleva de la gorge du blond qui amena une main à son front. Il secoua la tête puis revint à Izuku, visiblement peu convaincu.
« Et tous les gens à qui tu veux parler, tu les emmènes dans des endroits aussi glauques sans leur demander leur avis ? demanda Katsuki qui, visiblement, commençait déjà à perdre patience. Va falloir trouver une meilleure excuse, Deku.
- C'est pas une excuse. C'est vrai. Ecoute, je me sentais pas en sécurité, chez tes amis.
- Pas en sécurité ? s'adoucit-il légèrement. Je sais que t'aimes plus les héros, que tu leurs fais plus confiance, mais on fait tout c'qu'on peut pour t'aider ! On compte pas te planter un poignard dans le dos ; on cherche vraiment une solution pour réduire ta peine le plus possi—
- Kacchan, le coupa Izuku. Je vous ai entendu discuter, hier soir.
- Justement, dans ce cas, tu devrais savoir que j'te raconte pas de conneries. »
Le plus petit serra la mâchoire. Oui, il le savait. Il savait que lui, Shouto, Eijirou et Tamaki réfléchissait au mieux pour trouver la solution la moins contraignante pour lui qui avait fait tant de mal autour de lui. Mais là n'était pas le problème. Et Katsuki ne semblait pas apte à le comprendre.
« Je veux pas un traitement de faveur seulement parce que tu as pitié de moi.
- Y'a pas qu'ça qui entre en ligne de compte, Deku. Ton vécu aussi peut jouer en ta faveur. Y'a plein d'autres facteurs qui sont pris en compte.
- Je sais, soupira-t-il. Mais même sans ça, je... Je veux pas être... 'remis sur le droit chemin'. Je veux pas de nouveau passer par ça. »
Son corps se mit à trembler tandis que de nombreux souvenirs affluèrent en lui. 'Montrez-lui le droit chemin'. Cette phrase résonnait dans son esprit, menace invisible menaçant de s'abattre sur lui à tout instant. Il ne voulait pas de nouveau passer des années pendant lesquelles son corps se ferait manipuler sans qu'il ne puisse rien y faire. Sans qu'il n'ait le moindre contrôle dessus. Il ne voulait pas revivre cet Enfer, ces méthodes que l'on avait utilisées sur lui pour le faire plonger dans les ténèbres, pour remodeler sa manière de pensée. Il préférait largement mourir plutôt que de subir une nouvelle 'thérapie'.
La main de Katsuki se posa sur son épaule, ce qui le fit sursauter sur le coup. C'est lorsqu'il reposa son attention sur lui qu'il se rendit compte que ses joues étaient mouillées de larmes qui avaient commencé à s'écouler. Il se sentait terrifié. Terrorisé. Affreusement vulnérable.
« Deku... J'sais pas exactement ce qu'on t'a fait vivre, là-bas. Mais sache que, nous, on t'fera pas d'mal. Si on parvient à t'obtenir une thérapie, ce s'ra des séances où on te parlera, où on te demandera de t'exprimer. Et puis, si j'apprends que qui que ce soit à levé la main sur toi, j'te promets de les exploser. Ca leur fera passer l'envie de recommencer. »
Izuku demeura silencieux une bonne minute. Il n'arrivait pas à se faire au fait que Katsuki se montre maintenant aussi protecteur à son égard. Malgré leurs parcours, leur passé, l'évolution de leurs caractères, leurs vécus, leur appartenance à des camps ennemis... Malgré tout cela, son ami d'enfance se montrait si tendre. Était-ce le fait de l'avoir cru mort pendant toutes ces années ? Les sentiments qu'ils éprouvaient mutuellement l'un envers l'autre depuis si longtemps, scintillants plus fort que jamais maintenant qu'ils avaient été exposés ? Une combinaison de ces deux choses, peut-être ? Le vert l'ignorait. Dans tous les cas, les mots de son ami firent se propager une agréable chaleur dans son cœur, enveloppant celui-ci dans l'affection que pouvait lui porter le blond.
Il passa ses manches sous ses yeux pour en balayer ces indésirables gouttelettes et se releva, se libérant par la même occasion du contact avec le héros. Il pivota lentement pour se retourner et profondément inspirer puis expirer, plusieurs fois d'affilé, jusqu'à ce que ses tremblements, eux aussi, ne s'arrêtent. Ainsi, et également avec l'aide de ce petit souffle d'espoir insufflé par Katsuki, il put se sentir plus calme assez rapidement.
« ... Kacchan ?
- Mmh ?
- Allons-nous-en.
- Ouais. J'sais pas depuis combien de temps on est là, mais vaut mieux retourner chez tête d'ortie avant qu'l'autre glaçon sur pattes lance l'alerte.
- Non, tu m'as mal compris. »
Sans faire bouger le reste de son corps, Izuku tourna légèrement la tête de sorte à pouvoir regarder l'autre garçon par-dessus son épaule.
« Toi et moi. Allons-nous-en. Loin. Assez loin pour que ni héros ni vilains ne puissent jamais nous retrouver. »
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