Chapitre 15 - Ca passe ou ça casse

« Je reste persuadé que c'est pas une bonne idée... » maugréa Izuku, bras croisés, le regard posé sur le paysage nocturne défilant au-dehors.


Katsuki, installé sur le siège avant de la voiture d'Eijirou, côté passager, tourna la tête en direction de son ami d'enfance, pour l'observer quelques instants avant de laisser un soupir filer entre ses lèvres. Il revint à la route sans dire le moindre mot, ne laissant que le vrombissement du véhicule ainsi que la radio mise à un volume relativement bas se faire entendre dans l'espace clos dans lequel ils se trouvaient.

Ils y avaient réfléchi une bonne dizaine de minutes avant de mettre les voiles ; Izuku devait-il les accompagner ou non ? Les deux héros professionnels et anciens camarades de classe s'y rendaient à coup sûr. Tamaki restait à l'appartement, puisqu'il travaillait dans une agence différente. Et le jeune fugitif, dans tout cela ? Eijirou avait directement avancé le fait que de toute façon, Shouto était censé le rencontrer le lendemain, qu'ils ne faisaient qu'accélérer les choses. Katsuki ne partageait pas le même avis, pour commencer, se disant que le garçon aux cheveux bicolore ne serait probablement pas d'humeur à les écouter défendre un membre de la Ligue des Vilains. Et ce dernier semblait bien d'accord sur ce point. Seulement, voilà, avec deux autres membres de cette organisation s'étant enfuis, le héros de feu et de glace n'y serait sûrement pas enclin avant un moment. Alors, mieux valait lui en parler le plus tôt possible, plutôt que de faire traîner les choses, et de prendre le risque qu'il ne le découvre par lui-même, ce qui ne ferait qu'empirer la situation. Et Katsuki avait détesté l'admettre, mais Eijirou avait raison, sur ce point. Le vert, lui, était demeuré silencieux durant tout l'échange ; pour lui, dans tous les cas, c'était une mauvaise idée, et il sentait qu'on l'attendrait au tournant. On lui demanderait probablement de collaborer avec les héros pour prouver sa bonne foi, ou quelque chose dans le genre.

Sauf qu'Izuku ne possédait pas la moindre envie de venir en aide aux héros.

Alors quoi, il était amoureux de l'un d'entre eux, alors les autres se sentaient pousser des ailes, c'est ça ? Il ne vendrait pas ses camarades, certainement pas. Certes, en l'espace de quelques jours, Ground Zero était parvenu à l'adoucir quelque peu. Mais il en voulait toujours autant aux héros malgré tout. Comment pouvait-il en être autrement ? Comment pouvait-il envisager leur pardonner, eux qui lui avaient donné l'espoir, avant de le lui retirer brutalement ?


*


Il avait du mal à voir. La zone cérébrale liée à sa vue rencontrait quelques difficultés à fonctionner de manière efficace. Le peu de nutriments qu'on lui laissait ingérer préféraient se concentrer sur des organes plus importants, plus vitaux. C'est pourquoi tout semblait désagréablement flou autour de lui, et qu'il lui fallait toujours un long moment d'adaptation avant de se trouver en mesure de discerner quoi que ce soit.

Izuku était allongé, par terre, sur une sorte de bitume froid. Son corps recroquevillé, trempé, tremblait violemment, secouant au passage des plaies encore fraîches qui lui faisaient atrocement mal. Chaque jour, désormais, avait-il le droit de subir cette simulation de noyade, celle qui lui donnait l'impression que la Mort lui tendait les bras, prête à le recueillir en son sein. Il ignorait combien de temps s'était écoulé depuis la première fois où il avait goûté à cette torture. Des semaines ? Des mois ? Il n'arrivait plus à suivre la trace du temps. La faim le faisait délirer. La fatigue lui donnait des hallucinations. Les drogues qu'on s'était mis à lui injecter le faisaient vomir, hurler, supplier. Et la douleur lui rappelait que tout ceci était réel.

Il avait du mal à garder les yeux ouverts. Ses membres étaient engourdis, tendus au maximum. Ses poignets, liés dans son dos, et ses chevilles elles aussi attachées l'empêchaient de bouger, de trouver une meilleure position. Il ne pouvait que rester là, au sol, et attendre. Attendre que l'on vienne l'achever. Pourquoi ne le tuaient-ils pas ? Pourquoi continuaient-ils de lui faire vivre ce supplice ?

... Pourquoi personne n'était encore venu le chercher ? Il avait tant appelé à l'aide, au point de s'en briser la voix. Et pourtant... Pourtant, les héros ne se montraient pas.


« ... Tout va bien se passer... Et vous...savez pourquoi... ? Parce que...la cavalerie est...là... » murmura le garçon d'une voix tremblotante à peine audible, comme pour se donner du courage.


Un long souffle lui échappa alors qu'il se résolvait à fermer les yeux pour tenter de s'endormir. Peut-être que, lorsqu'il se réveillerait, tout cela n'aurait été qu'un cauchemar. Ou qu'All Might serait venu le chercher.

Ou peut-être serait-il assez chanceux pour mourir de froid durant son sommeil, mettant ainsi fin à ces conditions dans lesquelles il évoluait depuis maintenant Dieu seul savait combien de temps.

Mais à peine eut-il fermé les paupières qu'un bruit soudain les lui fit rouvrir, le faisant légèrement lever la tête vers une personne venant de pénétrer dans la salle où se trouvait la cellule dans laquelle il se tenait. Une personne qui ne faisait pas parti du camp des héros. Izuku se tendit, se recroquevillant davantage sur lui-même, comme si cela suffirait à le protéger d'une quelconque attaque.


« Pas...encore... Pas encore... Je vous en prie... » supplia-t-il en voyant l'individu s'approcher de lui pour ouvrir la porte de sa prison.


C'était cette personne qui lui injectait de drôles de substances dans l'organisme parfois, et qui prenait des notes tandis que le vert se tordait de douleur. Il s'agissait d'un homme d'une trentaine d'années, toujours habillé d'une blouse blanche de médecin, une paire de lunettes posée sur le nez. Il avait l'air bienveillant, aux premiers abords, mais Izuku avait vite compris que se trouvait en réalité face à lui un individu totalement dénué d'empathie, qui ne voyait l'adolescent que comme un objet d'expérimentation, un cobaye, et non comme un être humain. Celui-ci s'accroupit pour porter une main à son épaule, observant le plus jeune comme s'il était une sorte d'animal blessé et effrayé. Son sourire aux allures rassurantes donnait la nausée au prisonnier, qui se mit à respirer plus rapidement, plus bruyamment.


« Dis, Izuku, j'ai eu une merveilleuse idée. »


L'interpelé ne pipa mot, se contentant de fixer avec terreur la personne face à lui.


« Comme tu le sais, les individus sans-alter le sont à cause de cet os inutile dans leur petit orteil. »


Il avait très peur de savoir où l'homme au-dessus de lui allait en venir.


« Non... Non... implora le vert.

- Du coup, si je te brisais l'os en question... Ou si je te le retirais... Tu développerais un alter, tu crois ? Je connais la réponse, personnellement. Mais que dirais-tu de le constater par toi-même ? »


A peine eut-il posé sa question qu'il plongea sa main dans la poche de sa blouse pour en sortir un scalpel, attrapant la cheville d'Izuku de l'autre. Ce dernier, paniqué, tenta de se débattre comme il le pouvait, mais dans l'état dans lequel il se trouvait, il ressemblait plus à un poisson sorti de l'eau qu'autre chose, ce qui fit rire le médecin.


« Allons, allons... Ca va seulement piquer un peu, ne te mets pas dans des états pareils ! »


La seconde suivante, la lame du scalpel pénétrait dans sa chair.


*


« Hé, Deku ? On est arrivés ! Deku ! »


Ses yeux émeraudes s'ouvrirent d'un coup, et il se redressa subitement pour attraper la main posée sur son épaule pour l'y dégager, et saisir par la même occasion son propriétaire par le col. La respiration haletante, quelques gouttes de sueur perlant sur son front, il lui fallut quelques secondes pour réaliser que cette personne n'était autre que Katsuki, qui s'était mis à le secouer doucement afin de le réveiller.

Katsuki qui ne broncha pas malgré la façon brutale avec laquelle Izuku l'avait agrippé.

Un cauchemar. Cela n'avait été qu'un cauchemar.

Non.

Un souvenir. Un douloureux souvenir de lorsqu'il était...

Il secoua la tête, et relâcha le blond avant de laisser son crâne se poser contre l'appui-tête présent derrière lui, un long soupir échappant à ses poumons. Tout allait bien. Cette période-là était terminée depuis un moment, déjà.


« Tout va bien ? T'avais l'air assez agité, déclara Eijirou qui coupait le contact du véhicule.

- Ca va. » se contenta-t-il de souffler en détachant sa ceinture, avant d'ouvrir la portière pour sortir de la voiture.


Celle-ci était garée devant le commissariat, là où Shouto attendait probablement les deux autres héros et Izuku ne put s'empêcher de frémir face à l'endroit en question. Pour être honnête, il était à deux doigts de prendre la fuite dans l'épaisseur de la nuit pour ne plus jamais réapparaître face à Katsuki.

Quelle mauvaise idée cela avait été d'aller l'attendre dans son appartement. Oh, s'il avait su, il aurait opté pour une toute autre méthode. Mais bon, le retour en arrière n'était pas envisageable.


« Ca passe ou ça casse, maintenant, c'est ça ? maugréa-t-il.

- T'en fais pas, Deku. Tête d'orties et moi, on est là. » répliqua le héros aux explosions qui était venu se placer à ses côtés, à l'aide de ses béquilles.


Izuku ne lui lança qu'un petit regard en coin, avant de s'avancer en direction du bâtiment, les deux autres garçons à ses côtés.

Ils se firent accueillir par un agent de nuit qui les salua, et leur indiqua que Celsius les attendait non loin des salles d'interrogatoire. Il plissa les yeux, cependant, à la vue du garçon aux tâches de rousseur, et s'apprêta à ajouter quelque chose quand Katsuki le devança d'un « Il est avec nous » sec, faisant comprendre à l'agent qu'il n'avait pas son mot à dire. Ce dernier se contenta alors de hausser les épaules, et de retourner à la paperasse de laquelle il était en train de s'occuper lorsque les trois jeunes adultes étaient rentrés.

Les salles d'interrogatoire se trouvaient juste après les cellules servant aux gardes à vue. Quelques personnes se trouvaient à l'intérieur de celles-ci, somnolant pour la plupart. Shouto, lui, les attendait un peu plus loin, adossé à l'un des murs blancs du bâtiment, un gobelet porté à ses lèvres.


« Yo, Shouto ! l'interpela Eijirou. Uravity va grogner si elle te voit encore en train de tourner à la caféine ! »


L'intéressé tourna la tête en direction des nouveaux arrivants, et manqua bien de s'étouffer avec sa boisson, en reconnaissant cette personne en compagnie de Red Riot et Ground Zero. Le vilain aux taches de rousseur.

Il se décolla du mur pour se mettre en position d'attaque, tendant sa main droite vers l'intrus, prêt à projeter sa glace en sa direction. Cependant, avant qu'il n'en ait l'occasion, Katsuki s'interposa entre eux deux, ce qui fit lever un sourcil au héros au double-alter.


« Relax, Double-Face. Il est avec nous.

- Oui, je le constate. Mais je constate également qu'il n'est même pas menotté, ou quoi que ce soit qui l'empêcherait d'attaquer ou de s'enfuir.

- J'irai nulle part, déclara Izuku en croisant les bras.

- Et il n'a pas d'alter. Ni d'objets susceptibles de blesser qui que ce soit. Donc calme-toi, et évite de nous le geler sur place. » ajouta le cendré.


Le bicolore demeura pensif quelques instants, et décida – au grand soulagement de ses collègues et amis – de baisser sa garde, sans pour autant perdre cet air dubitatif inscrit sur son visage. Une fois qu'ils furent arrivés à sa hauteur, lui et 'taches de rousseur' se jaugèrent un instant du regard, se dévisageant avec une méfiance évidente l'un envers l'autre.


« Alors, j'écoute. Qu'est-ce que vous fabriquez avec ce vilain ?

- Si tu nous permets, on va tout t'expliquer depuis le début ! » répondit celui à l'alter durcissant.


Il s'éclaircit la voix, et ouvrit les bras en direction de Katsuki, comme pour mimer une sorte de projecteur qui le mettrait au-devant d'une scène invisible.


« Il détruit les rêves d'un de ses camarades au collège, ça tourne mal ! »

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