Chapitre 14 - Doutes
Les prunelles à la teinte vermillon du héros fixaient un point droit devant lui, ses mains posées à plat sur la petite couverture recouvrant son torse, allongé dans un futon qu'Eijirou et Tamaki avaient sorti et installé au milieu de la chambre d'amis.
« Peut-être qu'elle servira à accueillir un nouveau membre dans notre famille, un de ces jours ! » avait déclaré son meilleur ami, la première fois que Katsuki s'était rendu dans leur appartement, et qu'ils lui avaient fait la visite. Les deux pro-héros envisageaient l'adoption, ils en avaient déjà parlé au blond – enfin, Eijirou lui en avait parlé, pendant que Tamaki avait enfoui son visage cramoisi dans la paume de ses mains – mais se trouvaient encore dans l'hésitation à l'heure actuelle : il n'est clairement pas aisé d'entretenir une vie de famille, lorsque l'on est un héros, entre les horaires susceptibles de fluctuer et ce flirt constant avec le danger. Mais en tout cas, cette idée ne leur déplaisait pas. A côté de cela, le garçon aux cheveux rouges comptait très prochainement demander sa main à la personne partageant sa vie. Il attendrait le jour de leurs quatre ans de relation pour lui faire la surprise. Il en avait parlé quelques semaines plus tôt à Katsuki pour lui demander son avis à ce sujet, car il craignait qu'il soit peut-être un peu tôt. Le blond avait rétorqué dans un haussement d'épaules qu'il faisait sa vie comme il l'entendait, et que s'il se sentait prêt à franchir ce pas, cela ne regardait que lui. Les autres n'avaient pas à décider de ce qu'il devait ou non faire au sein de son couple. Et puis, ils s'étaient imaginés la réaction de Tamaki face à la demande ; le pauvre garçon ne saurait probablement pas où se mettre. Oh, Katsuki donnerait cher pour voir sa tête à ce moment-là.
Mais il était heureux pour son ami. Ces deux-là méritaient tout le stock de bonheur disponible dans le monde.
Et pendant ce temps, Katsuki Bakugou, vingt-et-un ans, ne possédait personne dans sa vie et n'avait trouvé rien de mieux à faire que de réveiller de vieux sentiments – réciproques – pour son ami d'enfance qui avait mal tourné et se faisait rechercher activement par d'autres pro-héros qui le foutraient probablement en taule s'ils lui mettaient la main dessus.
Tout. Est. Parfait.
Un long soupir lui échappa tandis qu'il se retournait sur le flanc pour faire face à l'ami d'enfance en question qui le regardait de ses grands yeux verts soulignés de cernes. Tiens, il ne dormait pas, lui non plus ? Bon, cela pouvait se comprendre. La situation était assez particulière et Izuku stressait certainement quant au fait de se retrouver chez un couple de héros, surtout alors que ce dernier s'était mis d'accord avec Katsuki pour appeler Shouto – Celsius de son nom de héros – dans la matinée, afin de le faire venir pour lui expliquer la situation. Les trois espéraient simplement que celui-ci serait en mesure de comprendre. Ce n'était pas lui qui aurait le dernier mot quant au garçon aux taches de rousseur, mais s'il pouvait plaider en son honneur, cela les aiderait pas mal. Plus ils auraient de héros de leur côté, mieux les choses se dérouleraient pour Izuku.
Après être venu à cette conclusion, les quatre hommes étaient allés se doucher chacun à leur tour, avaient mangé, puis décidé qu'il était temps d'aller se coucher. Mais le couple ne possédant qu'un seul grand futon, Katsuki s'était retrouvé à partager celui-ci avec son ami d'enfance.
« J'peux prendre le canapé, au pire, avait-il dit à Eijirou.
- Vaut mieux que quelqu'un reste avec lui, avait rétorqué son ami. Et puis, ça vous fera du bien de vous retrouver. » avait-il ajouté avec un sourire plein de sous-entendus.
Maudite tête d'ortie. A quoi pensait-il ? Qu'à peine leurs sentiments dévoilés, ils se sauteraient dessus pour assouvir Dieu sait quelles pulsions sexuelles ?
Katsuki devait bien avouer que de voir Izuku allongé ainsi à ses côtés, le haut légèrement trop grand qu'Eijirou lui avait prêté pour faire office de pyjama dévoilant négligemment une partie de son épaule et de sa clavicule ne le laissait pas indifférent. Et puis, cette manière que le plus petit avait de le scruter, sans dire un mot... Cela donnait au moins envie au héros aux explosions de l'embrasser jusqu'à en perdre son souffle mais... Est-ce qu'il le pouvait ? Est-ce que le vert l'accueillerait bien ?
Merde, depuis quand il se posait ce genre de questions ? Depuis quand ne se contentait-il plus d'agir comme bon lui semblait ?
Oui, mais tout de même, l'on parlait ici d'Izuku. De la personne qui, certes, lui avait retourné ses sentiments, mais dont les liens les unissant demeuraient tellement, oh tellement fragiles. En l'état actuel des choses, Katsuki savait bien que le moindre faux pas risquait de faire se refermer l'autre garçon. Il devait y aller en douceur, ne surtout pas le brusquer. Car malgré tout ce qu'il avait pu faire, il ne pouvait le voir autrement que comme le petit Izuku Midoriya pleurnichard qui lui traînait toujours dans les pattes étant enfant.
Sacrée erreur. Il s'en doutait. Le vert devait avoir changé du tout au tout depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Il avait même pu le constater. Mais selon lui, une part de ce petit nerd fragile se trouvait encore enfoui en lui, parmi les débris de son esprit brisé.
« Dors, Deku. C'est pas en restant à me fixer que tes cernes disparaîtront, murmura Katsuki en osant amener l'une de ses mains contre la joue du concerné.
- Je me sens pas super bien. » admit-il en détournant le regard.
Le pouce du blond se mit à bouger afin d'effleurer la peau de son interlocuteur dans la plus grande délicatesse, cherchant à le rassurer.
Ouais, il cherchait à rassurer un type qui avait essayé de le bousiller psychologiquement une semaine plus tôt. Mais ce type, c'était Izuku. Izuku, qu'il pensait ne jamais retrouver, qu'il avait cherché pendant des années, qu'il avait cru mort. Izuku, qu'il s'était promis de sauver.
Izuku, qu'il aimait.
Et puis Katsuki lui en avait fait voir de toutes les couleurs également, plus jeune. Il ne lui avait jamais rien cassé, ne l'avait pas non plus torturé. Mais le fait restait qu'il avait agi en belle ordure à l'égard de son ami d'enfance, si bien que ce dernier avait bien failli sauter d'un toit par sa faute.
Alors, pouvait-il lui en vouloir, d'avoir cherché à se venger ? Oui, il le pouvait. Ce foutu nerd possédait l'âme d'un héros, pas celle d'un vilain. Et les héros ne sont pas censés chercher vengeance.
Mais pourtant, il ne lui en voulait pas. Parce qu'Izuku était en vie. Il était de retour. A ses côtés. Et il l'aimait.
Et Katsuki ferait de son mieux pour recoller les morceaux brisés de son âme de justicier.
« Parce que Celsius risque de venir demain ? Et qu'on ne sait pas trop comment il va réagir ?
- Entre autres.
- Je suppose que le fait d'être entouré de héros ne doit pas aider non plus, vu comme on t'a appris à les détester...
- Mmh...
- ... Deku. »
Ce dernier releva les yeux vers Katsuki. Son regard n'était plus contemplateur comme précédemment. Non, maintenant, le cendré pouvait y déceler une pointe de...doutes ?
« Je sais que tu ne serais pas du genre à mentir à propos de tes sentiments, Kacchan. Mais... En fait, depuis que je t'ai révélé les miens, une part de moi arrête pas de se demander 'Et si ?', admit Izuku.
- Et si quoi ? demanda le héros en levant un sourcil. Et si je m'étais dit 'Tiens, j'vais faire une prank à Deku et lui dire que j'l'aime pour voir comment il va réagir' ?
- Pas pour voir comment je vais réagir. Mais pour me... Ah... Me mettre en confiance ? M'adoucir ? Pour mieux me livrer aux autres héros par la suite... »
Il pensait vraiment Katsuki capable d'une telle chose ? D'utiliser les sentiments de quelqu'un pour s'en servir à son avantage ? Ouch, ça faisait mal... Il retira sa main de là où elle se trouvait pour directement venir faire une petite pichenette entre les deux orbes d'émeraudes de son ami d'enfance qui ne put retenir une complainte suite à ce geste.
« Je sais que t'as été manipulé pendant des années, Deku, mais franchement... Tu crois que j'me serais emmerdé à jouer les sentimentaux si j'ressentais rien pour toi ? Et puis, c'est pas toi qui m'as sorti que tu savais que je te livrerai pas ? Si j'avais voulu te traîner par la peau du cul jusqu'à Celsius, j'l'aurais fait de force, pas avec des mots doux. J'aurais laissé Suneater t'emprisonner dans ses tentacules, et on aurait appelé des renforts pour venir te chercher. »
Lorsque Katsuki mentionna le fait de se faire 'emprisonner par les tentacules de Suneater', plusieurs images le frappèrent de plein fouet, se glissant dans son esprit sans y être invitées, montrant Izuku dans des situations pour le moins...déstabilisantes. Voire carrément érotiques.
D'accord, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de demander à Tamaki de le ligoter avec ses membres de mollusque, un de ces jours.
Ou peut-être que si.
Ouais, si, ce serait carrément une mauvaise idée.
Il chassa ces divagations intrusives de son esprit en secouant la tête, le visage soudainement plus chaud.
« J'ai pas ce genre de fantasmes, Kacchan.
- Que—
- Les tentacules.
- Ecoute, est-ce que j'y peux quelque chose si son corps peut assimiler les caractéristiques de ce qu'il ingère, et que c'est de ses tentacules dont il se sert le plus souvent ?
- T'es qu'un pervers, Kacchan.
- Je veux pas entendre ça de la personne qui m'a tendu une embuscade chez moi et s'est jeté sur moi dans le noir. Espèce de stalker.
- Et c'est pas toi qui as profité de la situation pour m'embrasser, peut-être ? l'accusa Izuku.
- J'irais pas jusqu'à dire que j'ai profité de la situation, mais ouais j't'ai embrassé, et rien m'empêche de recommencer. Ni même d'aller plus loin.
- Ah ouais ? Bah fais-le, alors, si t'en es capable. »
Il n'en fallut pas plus à Katsuki pour attirer son ami d'enfance contre lui afin de capturer une fois de plus ses lèvres des siennes. Un baiser de nature impatiente démarra alors entre les deux garçons, moins timide que ceux qu'ils eurent échangé plus tôt ce jour-là, moins pressé par la peur de se faire surprendre. Ils se trouvaient ainsi, pour la première fois, dans la capacité de se transmettre leur affection, leurs émotions, ces sentiments qu'ils avaient tous deux réprimé depuis si longtemps maintenant. Comme si toutes ces années passées à tenter d'enterrer ceux-ci leur revenaient, les rendant avides l'un de l'autre, les poussant dans ce besoin inexorable de ressentir la tendresse de l'autre. Toute cette tension accumulée s'exprimait enfin, comme un élastique que l'on aurait trop étiré et qui reviendrait soudainement et violemment claquer contre son détenteur.
Leurs lèvres bougeaient à l'unisson, en réclamant un peu davantage à chaque nouveau contact, intégrant peu à peu leurs langues à l'équation dans le but d'intensifier le baiser, de le rendre plus ardent, plus désireux encore, revenant là où ils s'étaient arrêtés dans l'appartement de Katsuki, un peu avant de se faire interrompre.
Rapidement, les mains d'Izuku, qui s'étaient posées sur les épaules du héros au début de leur échange, glissèrent le long de son abdomen pour venir se faufiler sous le t-shirt de celui-ci, effleurant sa peau du bout des doigts. Il voulait, il avait besoin d'un contact plus direct.
Alors, rompant le contact entre leurs bouches, il se décala afin de se redresser et de venir se positionner au-dessus de l'autre garçon, assis sur son bassin, et attrapa le bas du t-shirt lui bloquant l'accès au torse du blondin pour le lui retirer, et le jeter un peu plus loin.
« Bah alors, t'es pressé, le nerd ? se moqua Katsuki.
- Peut-être bien.
- Moi qui pensais que tu aurais la décence d'attendre au moins le troisième rendez-vous pour ça... »
Les deux se mirent à glousser à l'unisson avant d'échanger un nouveau baiser, plus chaste, plus tendre. Les phalanges de celui avec les taches de rousseurs se baladaient contre les muscles du blond, passant d'abord par ses abdominaux, puis ses pectoraux, avant de redescendre le long de ses biceps. Il tentait de mémoriser ses formes au toucher, d'imprimer les courbes de sa musculature dans un coin de sa tête.
Si Celsius n'acceptait pas les choses comme elles étaient, il risquait de ne plus revoir Katsuki avant un moment. Et ce dernier risquait même des ennuis à fricoter avec quelqu'un comme lui. Si cela venait à arriver, Izuku voulait au moins pouvoir se rappeler du corps de celui pour qui son amour était aussi élevé que sa haine, lorsqu'ils se feraient séparer.
Il savait que le héros à l'alter de feu et de glace, fils d'Endeavor, pouvait se montrer d'un tempérament plutôt...froid. Il était compliqué de lire en lui, selon les informations qu'il avait récoltées à son sujet. Ainsi, il était impossible pour le vert de prévoir ce qu'il risquait de se passer, lorsqu'ils se rencontreraient.
Autant profiter de sa liberté tant qu'il le pouvait.
C'est à cette pensée qu'il retira son haut à son tour, dévoilant une fois de plus à Katsuki son corps couvert de cicatrices en tout genre. Le cendré leva une main pour caresser le torse d'Izuku, qui plissa les yeux à cette attention, un petit sourire aux lèvres. Il se pencha vers lui, dans le but de l'embrasser de nouveau, mais se fit soudainement interrompre lorsque la porte de la pièce s'ouvrit, le faisant sursauter sur le coup.
« Katsuki, je— »
L'intrus s'arrêta net en remarquant la scène qu'il venait de surprendre. Quelques secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles le vert tourna lentement la tête en direction d'Eijirou qui, décidément, tombait toujours à point nommé. Un soupir lui échappa, tandis qu'il revenait prendre place aux côtés de Katsuki, laissant ce dernier se redresser pour s'asseoir dans le futon. Malgré la pénombre, l'on pouvait aisément deviner les rougeurs colorant son visage, au vu de son air grandement troublé.
« Putain, qu'est-ce que t'as, tête d'ortie ? Tu dors pas encore ?
- Pardon, je voulais pas vous interrompre, je pensais pas que—
- Abrège, le coupa Katsuki.
- Oui, euh, en fait, Tamaki et moi on était en train de discuter, de se demander ce qu'on allait pouvoir dire à Shouto, en ce qui concerne Izuku. Et figure-toi qu'il m'a appelé.
- Ah ouais ? Il voulait quoi ? »
Le blond ne se sentait pas particulièrement rassuré. Se faire appeler aussi tard par Shouto n'était jamais bon signe. En général, cela arrivait lorsque celui-ci avait besoin de renforts, qu'un incident était arrivé, ou quelque chose de cet acabit. Et vu l'expression qu'arborait Eijirou, l'on devait se trouvait dans un cas comme celui-ci.
« Des vilains se sont échappés, annonça Red Riot en posant son regard sur Izuku. Des vilains que tu connais bien. »
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