Chapitre 13 - Déclaration

Un silence pesant s'était abattu dans la pièce, laissant les quatre personnes présentes à leurs réflexions, autour de cette table ronde, après que Katsuki n'ait accepté de tout leur raconter. Il n'était pas bien compliqué de constater qu'aucune d'entre elles ne semblait à l'aise, ne sachant absolument pas comment réagir face à une telle situation.

De temps en temps, le héros à la chevelure cendrée regardait son ami d'enfance en coin, pour voir les muscles de sa mâchoire tressauter ainsi que ses doigts battre nerveusement une mesure inaudible. Il ne devait pas être simple pour lui de se trouver dans la même pièce que trois héros, dont les deux tiers réfléchissaient à son sort à venir. Mais il s'efforçait malgré tout de rester tranquille, sachant très bien que s'agiter ne jouerait probablement pas en sa faveur.

Après l'incident, lorsqu'Eijirou avait surpris le... L'étreinte entre Izuku et Katsuki, ce dernier avait promis de s'expliquer, de lever la confusion que cette scène avait pu apporter à son meilleur ami mais que, pour cela, il avait besoin de mettre de l'ordre dans ses idées, de relier ce qu'il s'était passé, ce qu'il avait appris et ce qu'il supposait. Il avait alors proposé au héros à l'alter durcissant de les emmener chez lui, lui assurant que le vert se tiendrait tranquille puisqu'il ne possédait de toute façon pas de pouvoir, lui empêchant de se montrer offensif même s'il le voulait. Bien entendu, Eijirou s'était tout d'abord montré réticent quant au fait d'accueillir chez lui un vilain recherché, insistant sur le fait que s'ils se faisaient prendre, ils risquaient de graves ennuis. Mais en voyant cette lueur pour le moins troublante dans le regard de son ami, mélangeant une sorte de supplication qui ne lui ressemblait pas ainsi qu'une certaine détermination, il comprit qu'il ne pouvait décemment pas refuser de l'aider, quoi qu'il fût en train de se passer.

C'est ainsi qu'il les avait emmenés jusqu'à chez lui, décidant d'attendre que son compagnon ne revienne de l'agence afin qu'il puisse lui aussi écouter ce que Katsuki avait à dire. Inutile de préciser que cette situation avait totalement paniqué Tamaki qui, à peine rentré, s'était mis à s'agiter, clairement mal-à-l'aise en présence d'Izuku – qui pouvait l'en blâmer ?

Mais les quatre adultes s'étaient finalement installés autour de la table de la cuisine, et le blond avait pu débuter son récit. Il ne passa rien sous silence : son enfance avec l'autre garçon, la manière dont il avait commencé à le traiter peu après avoir reçu son alter tandis que l'autre n'en développait aucun, l'ancien rêve d'Izuku qui avait été piétiné à maintes et maintes reprises, jusqu'à sa disparition soudaine le jour où Katsuki lui avait gentiment conseillé de se jeter du toit du collège. Puis, il leur parla des cicatrices qu'il avait pu apercevoir sur le corps de son ami d'enfance et de cette personne qui l'aurait empêché de sauter dans le vide, ce fameux jour, en lui promettant un avenir, profitant de sa faiblesse pour le faire danser dans le creux de sa main telle une simple marionnette. Izuku avait été manipulé, afin de mieux se refaire briser par la suite, certainement par le biais d'un féroce lavage de cerveau. Et c'était ce qui avait causé sa chute. Ground Zero en était persuadé.


« ... Il faut qu'on prévienne les autres pro-héros. » déclara Tamaki.


Mais alors qu'il s'apprêtait à se lever, Eijirou vint délicatement poser sa main contre celle de son compagnon, plus fine, plus pale. Ce dernier lui lança un regard qui trahissait son malaise, son envie d'être loin d'ici afin de ne pas se retrouver mêlé à une histoire pareille. Le rouge soutenait celui-ci, chaleureusement, lui faisant tacitement comprendre qu'il était là, à ses côtés, et que tout se passerait bien. Entrelaçant ses doigts aux siens, il revint à son meilleur ami, prenant la parole à son tour.


« Je t'avoue que je sais pas trop quoi faire. Parce que même si son passé explique ses agissements, ça ne les pardonne pas pour autant. Ca ne change pas qu'il a torturé toutes ces personnes, Katsuki. Et qu'il a probablement aidé dans le fait d'en changer certaines en Brainless.

- Il a fait ça parce qu'on l'a formaté. Deku... Le Deku que j'ai connu n'aurait jamais ne serait-ce qu'envisagé de faire une chose pareille.

- Pourtant, il l'a fait.

- Il était pas en pleine possession de ses moyens.

- Je sais.

- Vous pourriez arrêter de parler comme si j'étais pas là ? » siffla Izuku, visiblement contrarié.


Eijirou soupira. Il fit courir sa main libre dans ses cheveux redressés, et laissa son dos s'appuyer contre le dossier de sa chaise, lâchant les phalanges de son aimé pour croiser les bras sur son torse.


« C'est justement parce qu'il... Parce que tu n'étais pas en pleine possession de tes moyens que je pense que Tamaki a raison, reprit Red Riot ses iris maintenant posés sur le vilain. Il faut mettre les autres pro-héros au courant de ta situation, afin qu'ils soient en mesure de t'aider. Je ne dis pas que ça t'évitera les ennuis, mais ça allégerait probablement ta peine.

- Hah, ils m'ont laissé crever y'a sept ans, mais ils accepteraient de m'aider cette fois-ci ? lança le vert. J'étais en 'pleine possession de mes moyens', comme vous le dites si bien, Kacchan et toi. Et je le suis toujours. Les traitements que j'ai subis m'ont simplement ouvert les yeux, m'ont permis de voir à quel point le monde des héros que j'idéalisais tant était en réalité pourri de l'intérieur.

- Ouais, ils t'ont manipulé et t'ont lavé le cerveau, c'est bien c'que j'dis, répliqua Katsuki en roulant des yeux. Les héros sont pas infaillibles, Deku. On peut pas toujours sauver tout le monde. Personne savait où t'étais. Sinon, on serait venu te chercher, et on aurait botté le cul à ces raclures. »


Le garçon aux taches de rousseur tiqua, et tourna la tête. Tenir tête à son ami d'enfance serait une vraie plaie, surtout avec ses deux collègues non-loin de là.

Les héros ne sont pas infaillibles... Il le savait. Bien sûr qu'il le savait. Mais cela ne l'empêchait pas de ressentir cette puissante injustice, ce sentiment de frustration qui n'avait cessé de grandir depuis le jour où il s'était mis en danger pour sauver Katsuki de ce vilain de boue, lui, le sans-alter minable qui apparemment ne 'pouvait pas devenir un héros'.


« Il y a quelque chose que je ne comprends pas, annonça Tamaki.

- Mmh ?

- Tu avais l'air de beaucoup le...détester ? Non, c'est peut-être trop fort... Mépriser, plutôt, quand vous étiez plus petits. Alors, je sais bien que tu as évolué depuis, mais pourquoi est-ce que tu mets autant d'efforts à défendre quelqu'un que tu ne supportais clairement pas ?

- Oh, c'est vrai que tout à l'heure vous aviez pas l'air de spécialement vous...détester. » se moqua gentiment Eijirou.


Ce fut au tour de Katsuki de tiquer.

Il n'avait aucune envie de parler de ce sentiment qu'il avait toujours éprouvé à l'égard du plus jeune. Il n'était pas du genre à mettre ainsi son cœur à nu, à dévoiler ses émotions aussi facilement. Il s'agissait bien de l'une des choses avec lesquelles il avait le plus de mal. Et c'était en partie à cause de cela qu'il avait agi si méchamment envers Izuku pendant toutes ces années.

Seulement, ici, il n'avait pas le choix. Il devait tout déballer, tout expliquer. Cela augmenterait ses chances de protéger le garçon à la chevelure boisée.

Merde.


« J'ai jamais détesté Deku. » déclara-t-il, faisant immédiatement réagir le concerné, qui se tourna vivement vers lui, un sourcil haussé.


Inspirant profondément, Katsuki se pinça l'arête du nez, priant pour que ces mots qui étaient restés si longtemps coincés dans sa gorge acceptent de sortir, de se révéler. C'était maintenant ou jamais. Il avait bien mis son égo de côté pendant sa détention, pour sa propre survie. Alors il pouvait bien recommencer, cette fois-ci pour le bien du jeune Midoriya.


« Je l'ai jamais détesté, reprit-il. Ni même méprisé. Ou alors, peut-être que je l'ai un peu méprisé, quand j'ai appris qu'il n'avait pas d'alter. Mais ce 'mépris' s'est vite changé en...désir de le protéger. Enfin, en quelque sorte.

- ... J'ai du mal à saisir, intervint Eijirou.

- Merde, c'est déjà pas facile à dire, alors laisse-moi finir, putain de tête d'orties. J'voulais le protéger. Du coup, ça me rendait malade de constater que, alors qu'il n'avait aucun pouvoir, il voulait quand même devenir un héros, mettre sa vie en danger, alors qu'il pourrait si facilement se faire tuer. C'pour ça que j'ai voulu l'en dissuader, que j'ai fait tout ce que je pouvais pour qu'il laisse tomber, quitte à être dur, injuste et cruel. Quitte à lui faire du mal pour ça.

- Te fous pas de moi. » gronda le tacheté.


Ce dernier se leva de sa chaise, les sourcils froncés et sans prévenir, attrapa le blond par le col, le forçant à se redresser à son tour. Celui-ci ne broncha pas, faisant face à Izuku – de façon quelque peu bancale, à cause de l'affaiblissement de ses jambes – avec le même air énervé sur le visage. Un énervement envers lui-même, à cause de combien il avait pu être stupide par le passé. A cause des conséquences qu'avaient eu ses actes. A cause du désastre qu'il avait engendré.


« T'es en train de dire que t'as fait tout ça pour mon bien, c'est ça ? Te fous pas de moi ! Pourquoi je te croirais, hein ? Pourquoi je te croirais alors que tu m'as littéralement conseillé de me suicider ? Ca aussi, c'était pour mon bien ? Tu vas me faire avaler ça ? vociféra-t-il en secouant violemment Katsuki.

- J'étais un putain de sale gosse, Deku ! répondit-t-il sur le même ton. Vouloir te protéger changeait pas le fait que j'avais un égo de merde, et que j'faisais souvent mon intéressant devant mes potes. Ca n'excuse rien, je sais, mais j'aurais jamais pensé que t'y serais allé, sur ce putain de toit, et qu'un enfoiré de cette foutue Ligue t'aurait mis le grapin dessus ! »


Bon sang, ce que cela pouvait faire mal ! Le blond avait l'impression de se faire saigner à blanc, d'avoir attrapé son cœur entre ses mains pour le presser, celui-ci menaçant d'exploser à tout moment. Et puis l'air qu'arborait Izuku ne l'aidait pas à se sentir mieux ; ces traits tirés par la colère, cette rage qu'il devait – à raison – ressentir à son égard, cette obscure lueur brillant dans son regard émeraude qui semblait percer son âme à vif... Mais l'heure était aux révélations, alors autant aller jusqu'au bout, déclarer ce qu'il s'était évertué à religieusement cacher pendant tout ce temps.

De leurs côtés, Tamaki et Eijirou observaient la scène, sans un mot. Le héros aux cheveux d'ébène leva un bras, commençant à activer son alter en laissant ses doigts entamer leur transformation en tentacules, probablement afin de séparer les deux garçons en train de se disputer dans sa cuisine avant qu'ils n'en viennent aux poings. Mais une fois encore, son amoureux l'en empêcha, posant sa paume contre son épaule pour se pencher discrètement vers son oreille, avant d'y glisser un 'Laisse, je pense qu'ils en ont besoin tous les deux', l'incitant ainsi à replier ses membres de mollusque.


« Et puis, puisque tu te considérais si supérieur aux autres, pourquoi est-ce que tu voulais me 'protéger' moi, le pauvre nerd sans pouvoir, hein ? Pourquoi tu tiens tant que ça à m'éviter les ennuis, alors que j'aurais pu te tuer, là-bas ? Pourquoi t'agis comme ça ? Parce que t'espères que je te pardonnerai, comme ça ?

- Putain, mais t'es complètement con, ou tu le fais exprès ? J'sais qu'une vie entière me suffirait pas pour rattraper le mal que j'ai pu te faire ! Mais j'veux faire de mon mieux pour que tu puisses être heureux malgré tout. Parce que je t'aime, et que je t'ai toujours aimé, putain de Deku ! »


Le silence tomba de nouveau dans la pièce, tous les regards désormais braqués sur un Katsuki au visage pourpre. Comme s'il avait reçu un choc électrique, ou que ces mots l'avaient brûlé, Izuku se recula soudainement, lâchant le pan du vêtement de son ami d'enfance qui retomba sur sa chaise sans cette force pour le maintenir debout. Il le fixa un long moment. Il ne sut pas exactement combien de temps. Quelques secondes, ou plusieurs minutes peut-être. La notion du temps lui échappait tandis que ces mots résonnaient dans son crâne.


Je t'aime et je t'ai toujours aimé.


Je t'aime et je t'ai toujours aimé.


Je t'aime et je t'ai toujours aimé.


Je t'aime.


Et je t'ai toujours aimé.


Ses défenses se brisèrent. Son cœur se mit à battre à un rythme affolant, comme cela n'avait plus été le cas depuis des années maintenant.

Izuku... Izuku était faible. Surtout lorsque l'on en venait à Katsuki. A ce garçon qui l'avait tourmenté des années durant et que, pourtant, il n'avait jamais réussi à véritablement détester. Parce qu'un sentiment bien plus fort que la haine l'animait, en ce qui concernait le blond. Un sentiment qui s'était décuplé alors qu'il s'était fait torturer par la Ligue, de sorte à ce que ses membres cherchent à lui faire perdre espoir. Combien de fois s'était-il égosillé à appeler All Might, sa mère, et surtout Katsuki ? Probablement assez pour que le spectre de ce son ne reste ancré dans les murs de ces salles dans lesquelles il avait, à l'époque, passé ses jours et ses nuits.

Mais également un sentiment qu'il s'était efforcé à oublier lorsqu'il avait basculé de l'autre côté, et que cet idiot de blondin venait de déterrer sans aucun scrupule.

Katsuki avait toujours été son héros numéro un. Bien au-dessus d'All Might qu'il avait pourtant si longtemps admiré, au point de vouloir devenir comme lui. De pouvoir se tenir côte à côte avec le blond, être un héros qui sauverait les innocents, aidé par son cher ami d'enfance.

Le corps d'Izuku se mit à tressauter, à trembler, avant que le garçon ne commence à éclater d'un long rire. Un rire sincère, amusé, qui trouvait sa source au plus profond de lui. Un rire si puissant qu'il fit apparaître quelques larmes au coin de ses yeux. Un rire si soudain qu'il faillit trébucher, ainsi secoué par ces petits spasmes.

Il se tenait les côtes, hilare, sous les expressions confuses de Katsuki, Eijirou et Tamaki, qui ne savaient comment réagir face à cela. Izuku était-il en train de craquer ? De péter un plomb ?

Il fallut plusieurs minutes au vert pour se calmer, prenant de grandes inspirations et soufflant longuement afin de revenir à lui, de se remettre de cette expulsion de trop-plein d'émotions.


« Oh, bon sang... Kacchan, je savais que tu étais très mauvais dans l'art d'être honnête envers tes sentiments. Mais à ce point ? J'aurais jamais deviné que tu ressentais ça pour moi, si tu me l'avais jamais dit !

- La ferme... grommela l'intéressé. Ca m'étonne que t'y crois aussi facilement, le nerd.

- Mmh, ça m'étonne aussi. Mais honnêtement, te connaissant, je sais très bien que tu ne mentirais pas là-dessus. Tu mettrais pas ta fierté de côté dans le but de mentir. »


Le garçon aux orbes d'émeraudes s'avança de nouveau vers son homologue au regard rubis, s'accroupissant à son niveau et approchant son visage du sien, un large sourire aux lèvres.


« Je pensais pas me confesser dans ces conditions. Mais moi aussi, Kacchan. Moi aussi, je t'aime. Et je t'ai toujours aimé. »

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