Chapitre 10 - Réveil

Une gorgée de café brûlant descendit le long de sa trachée, sa température lui faisant esquisser une petite grimace. Son neuvième de la journée. Et celle-ci était encore loin de se terminer. Avec l'affaire que Shouto avait sur les bras, en ce moment, il devenait compliqué de trouver du temps pour se reposer. Alors, le héros au double alter tournait à la caféine, lui qui n'y touchait pas vraiment d'ordinaire, bien plus friand de thé.

Il passa une main dans ses cheveux bicolores, coupés en undercut et ramenés vers l'avant. Cette mission, c'est lui qui l'avait demandée. Alors, il ne pouvait pas s'en plaindre, maintenant. Il savait très bien qu'elle risquait d'être compliquée, ou du moins s'en était-il douté. Même si jamais il n'aurait imaginé retrouver Ground Zero dans cet état.

Une semaine était passée depuis le sauvetage des personnes retenues prisonnières par la Ligue des Vilains. Une longue semaine pendant laquelle lui et les autres héros s'étaient tués à la tâche pour retrouver les criminels ayant fui ce jour-là, s'élevant au moins au nombre de trois – Kurogiri, Shigaraki Tomura, et cet autre vilain inconnu de leur service, aux cheveux verts et aux taches de rousseurs. Pendant ce temps, la police, elle, faisait en sorte de contacter les familles des victimes et de récolter les témoignages de celles-ci. Plusieurs d'entre elles n'avaient pas encore regagné leur domicile pour retrouver une vie plus ou moins normale – comment pouvait-on retrouver une vie 'normale' après une expérience pareille ? – et, parmi elles, Katsuki Bakugou, son ancien camarade de classe lorsque tous deux étudiaient à U.A dans le but de devenir des héros, et collègue. Depuis que le blond avait été tiré d'affaire et admis à l'hôpital, il n'avait pas retrouvé conscience.

Il s'était bien réveillé, quelques fois. Mais jamais en possession de ses moyens. Lorsque cela arrivait, il hurlait, pleurait, appelait un certain « Deku », sans être en mesure de discerner l'environnement l'entourant. Ces crises duraient en général jusqu'à ce qu'un membre du personnel de l'hôpital ne vienne lui administrer un calmant, le faisant se rendormir, et ce jusqu'à la prochaine.

Au moins avait-il été traité, physiquement : Recovery Girl était rapidement intervenue, après son admission à l'hôpital, utilisant son pouvoir pour réparer ses os brisés, ainsi que ses ligaments déchirés.


« Du nouveau ? s'enquit Shouto lorsqu'Ochako pénétra dans l'enceinte de son bureau, un dossier à la main.

- Rien de rien. Tu t'en doutes, ils refusent de nous donner la moindre information.

- Ca aurait été trop beau... Comme on en a laissé s'échapper trois, ils pensent qu'il reste un espoir pour leur organisation. Et encore, il y a des possibilités pour qu'il en reste bien plus que ça. »


La brune s'assit en face de son collègue, déposant sa paperasse sur le bureau. Les iris vairons de Shouto se posèrent rapidement dessus, pour voir de quoi il s'agissait ; les maigres éléments qu'ils possédaient quant à chacun des vilains attrapés.


« Qu'est-ce que Shigaraki cherche à accomplir ? murmura-t-il, se parlant davantage à lui-même qu'à l'héroïne face à lui.

- Reprendre là où All for One s'est arrêté, probablement, répondit-elle malgré tout.

- Mais dans quel but ? Ca fait bientôt deux ans qu'All for One est mort. On n'entendait plus parler de la Ligue, à tel point qu'on pensait qu'elle avait été démantelée. Ils se préparaient dans l'ombre pendant tout ce temps ? »


C'est sur cette interrogation qu'il termina son breuvage, sa collègue ne sachant que dire, et qu'il se leva, attrapant au passage le téléphone dans la poche de son pantalon pour regarder ses notifications. Il constata qu'Eijirou avait tenté de l'appeler deux fois, dix minutes plus tôt. Et bien sûr, il n'avait laissé aucun message, si ce n'était un « Appelle-moi dès que tu peux ».


« Il est temps d'y retourner, déclara le bicolore en se dirigeant vers la porte du bureau.

- Shouto, tu devrais peut-être te reposer, tu ne crois pas ?

- C'est ce que je viens de faire. Dix minutes de pause, le temps de souffler et de prendre un café, énonça-t-il en posant sa main sur la poignée.

- Non, je veux dire... Rentrer chez toi, et dormir. Il va être vingt-trois heures, et tu es là depuis huit heures ce matin. Et hier, tu es parti à trois heures, au beau milieu de la nuit. Tu vas finir par t'effondrer. »


Il reporta son attention sur la brune, qui le jaugeait d'un air inquiet. Elle n'avait pas tort, il était épuisé, au point de se retrouver pas mal à cran et d'enchaîner les maux de crâne tout au long de la journée. Mais il ne pouvait pas se relâcher. Pas maintenant. Il s'approcha d'elle, et posa une main rassurante sur son épaule, étirant un léger sourire lui étant destiné. Il ne voulait pas que son amie s'en fasse pour lui. Son corps n'avait pas encore atteint ses limites, alors il pouvait continuer.


« Je vais bien, Ochako.

- Tu passes ton temps à courir à droite à gauche, à te rendre au commissariat, à l'hôpital, à traquer ces vilains... Je comprends que tu prennes cette affaire à cœur, puisque nos amis aussi ont été pris pour cibles... Mais si tu n'as plus d'énergie, tu ne pourras plus rien faire.

- Je sais. Je sais bien. Mais même si je rentrais, je serais incapable de rester tranquille. Alors je veux au moins pouvoir me rendre utile sur le terrain. Fais-moi confiance, d'accord ?

- Mais...

- S'il te plaît. »


Ses prunelles vairons se plongèrent dans celles chocolatées de sa collègue, qui l'observa un instant avant de secouer la tête d'un air résigné. Elle savait très bien que, de toute façon, elle ne pourrait pas le forcer à se reposer.


« D'accord. Mais fais attention à toi.

- Promis. »


Il tapota son épaule, gentiment, puis sortit finalement du bureau, portant son téléphone à l'oreille, sur lequel il venait de composer le numéro de son ami à la chevelure rouge.


Et une trentaine de minutes plus tard, le bicolore passait les portes de l'hôpital avec précipitation, arrivant dans un grand hall peu animé à cette heure de la nuit. Quelques infirmiers circulaient, lui jetant un bref coup d'œil en passant à ses côtés, ainsi qu'un sourire léger en guise de salutation avant de reprendre leur route. Et dans un coin de ce hall, assis dans un espace d'attente, se trouvait le héros à l'alter durcissant, une cannette de soda à la main. Il se leva en apercevant son collègue et ami, et alla à sa rencontre. Ils ne prirent pas le temps de s'arrêter pour se saluer se dirigeant directement en direction de l'ascenseur menant aux différents étages, où se trouvaient les chambres des patients.


« C'est pour de bon, cette fois ? demanda Shouto.

- Bah écoute, il m'a direct reconnu, alors je suppose. J'espère, en tout cas.

- Pas de cris, ou quoi que ce soit d'autre ?

- Nope. Par contre, il avait l'air surpris de me voir en vie. Je sais pas ce qu'ils ont fait avec mon clone, là-bas, mais ça devait pas être joli à voir. »


Eijirou avait mentionné ce fait, lorsqu'il avait été interrogé sur ce qu'il s'était passé. Apparemment l'un des vilains, capable de créer des doubles, avait usé de son alter sur lui, créant un deuxième Red Riot, en tout point identique à l'original. On ne lui avait pas donné la raison de ce dédoublement, spécifiant seulement que ce que son clone ne faisait pas, il serait obligé de l'accomplir lui, qu'ils n'avaient pas le choix que d'agir ainsi. Ce qui signifiait que s'ils n'avaient pas procédé de la sorte, il serait mort, à l'heure qu'il était ?

Il se considérait chanceux, sur ce coup-là.


« On va pas tarder à en savoir plus. Ca va, toi ?

- Tu comptes me le demander à chaque fois qu'on se voit ? rit le rouge. J't'ai dit, ils ont pas vraiment eu le temps de me faire quoi que ce soit.

- Non, je veux dire, par rapport à ton alter ?

- Ah, ça. »


Il esquissa une grimace, tendant son bras devant lui et le faisant durcir, comme son pouvoir le lui permettait.


« Ouais, je peux de nouveau l'utiliser, mais ça me draine pas mal d'énergie. Je pensais pas qu'elle était aussi puissante que ça, leur drogue.

- C'est déjà ça. Ca devrait revenir petit à petit. Je suppose que Katsuki sera dans le même état. Voire même pire. Comme il est resté plus longtemps là-bas, qui sait quelle dose ils lui auront injecté. »


Les deux hommes arrivèrent à l'étage où se situait la chambre dans laquelle se trouvait leur ami. Ils traversèrent le couloir longé de portes, en silence, jusqu'à arriver au bon numéro. Shouto frappa deux coups, et entra avec le rouge.

Katsuki, redressé dans son lit d'hôpital, posa le regard sur eux, un demi-sourire se dessinant sur son visage. Un sourire narquois que le bicolore lui connaissait bien.


« Bah alors, double-face, paraît que tu t'inquiétais pour moi ? »


L'intéressé ne releva pas la remarque, se contentant de prendre place sur l'une des deux chaises placées aux côtés de la literie, suivi par Eijirou qui s'installa à ses côtés.

Le blond faisait vraiment peine à voir. Ses iris rubis soulignés de cernes semblaient dépourvues de toute trace de vie. Sa peau avait légèrement perdu de ses couleurs, et ses traits paraissaient épuisés. Une perfusion injectait continuellement dans ses veines un produit visant à le stabiliser en nutriments et en hydratation, tandis que des patchs collés un peu partout sur son torse, reliés à un électrocardiogramme, enregistrait sa fréquence cardiaque. Jamais il n'avait fini dans un tel état auparavant.


« Content que tu te sois enfin réveillé, Katsuki. Comment tu te sens ?

- J'pète le feu comme tu peux le constater. »


Ground Zero leva les yeux au ciel, désignant l'endroit dans lequel il se trouvait.

Au moins était-il assez en forme pour faire de l'ironie.

Quoique. On ne pouvait pas réellement se fier à cela. Le cendré avait toujours détesté faire part de ses faiblesses, et il n'y aurait absolument rien d'étonnant à ce qu'il s'efforce de paraître fort face à ses amis – surtout lorsque, parmi eux, se trouvait son rival de toujours. Ils devraient alors se montrer vigilants, à son égard, jusqu'à nouvel ordre. Le personnel de l'hôpital avait mentionné l'apparition de potentiels troubles de stress post-traumatique. Ils garderaient un œil là-dessus, et feraient ce qu'ils pourraient pour l'épauler, le temps qu'il ne se remette de cette expérience.


« Je sais que tu viens de te réveiller, et que ça risque d'être difficile pour toi. Mais est-ce que tu peux me raconter ce qu'il s'est passé, là-bas ? »


L'air de Katsuki s'assombrit. Il baissa la tête, le regard voilé par des mèches de ses cheveux retombant devant celui-ci. Et après un soupir, il se décida à débuter son récit. Il leur raconta tout. Comment il s'était réveillé dans cet endroit lugubre, sans comprendre ce qu'il se passait. La torture, le stress, cette impression constante qu'il pouvait basculer dans la folie à n'importe quel instant. Il devait parfois marquer des pauses, frissonnant en se rappelant de certaines choses – comme de la sensation des clous s'enfonçant dans son genou – puis reprenait d'une voix calme, basse, jusqu'à raconter la dernière chose dont il avait eu conscience ; la supposée mort de son meilleur ami.


« C'était pas moi, mec. C'était juste un clone. Je vais très bien, le rassura Eijirou.

- J'sais bien. Mais bordel, t'imagines même pas le choc que c'est, de voir une personne à laquelle tu tiens se faire décapiter juste devant tes yeux, sans que tu puisses faire quoi que ce soit...

- Je me doute. C'est fini, maintenant, t'es en sécurité.

- Ouais...

- Tu as une idée de pourquoi ils t'ont pris pour cible ? » les interrompit Shouto, les bras croisés sur le torse.


L'explosif releva les yeux vers lui, clignant plusieurs fois des paupières suite à cette question. Il sembla en proie à une longue réflexion, haussant finalement les épaules, un air navré sur le visage.


« Aucune idée. J'suppose qu'ils voulaient juste se faire un héros, et que c'est tombé sur moi.

- Mmh... Ou alors, comme tu es bien placé dans le classement, ils se sont dit que cela sèmerait le chaos, si tu venais à être porté disparu. Heureusement qu'on t'a retrouvé assez rapidement. »


Cela avait toujours été le but de la Ligue. Faire en sorte que la population se détourne des héros, bouleverser la société dans laquelle ils évoluaient, cette civilisation régie par les alters. Alors cette supposition était plus que probable.

Aux yeux de Shouto, ils n'étaient qu'une bande d'enfants ne cherchant qu'à se faire remarquer. Une bande d'enfants dangereux. Et certains de ces garnements se trouvaient encore dans la nature. Il se devait de les retrouver et de les arrêter, avant qu'ils ne se mettent à poser d'autres problèmes.

Tiens, cela lui rappela autre chose...


« D'ailleurs, Katsuki, tant que j'y pense. Qui est 'Deku' ?

- Deku ?

- Oui.

- Alors là... J'en ai aucune foutue idée. »

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