Chapitre 37
Julien ouvre un œil, doucement. La tête est douloureuse. La lumière chirurgicale lui brûle la rétine et il referme donc les yeux aussitôt. Il tente alors de comprendre l'environnement qui l'entoure à l'aide des autres sens.
La chambre est calme, et le seul bruit perceptible est celui d'un bip-bip entêtant de machine. Il sent une perfusion, plantée dans la chair de l'avant-bras. Il n'ose pas bouger, de peur de déloger l'aiguille. De peur aussi des douleurs qu'il sent remonter jusque dans la mâchoire. Il porte la main libre jusqu'au visage, pour le tâter. Il constate que le côté droit est tuméfié et grimace lorsque les doigts effleurent la peau. Il se concentre sur la douceur du tissu des draps, le moelleux du matelas sous le corps endoloris. Il tâche d'ignorer les élancements qui naissent dans la tête et pulsent au bout des doigts.
Dans la pièce, flotte une odeur d'hôpital. Il se souvient par flash les dernières images qu'il a vues : Jen, l'homme qui la menaçait d'un pistolet, Enzo, l'humus de la forêt. Après cela, le grand trou noir. Il ne se souvenait plus de rien. Depuis combien de temps était-il allongé ici ? Quelques heures ? Quelques jours ? Il n'en avait aucune idée.
Un bruit de porte qui s'ouvre. Julien se force à ouvrir de nouveau les yeux. Il ne voit que le plafond blanc et le néon qui l'éclaire. Il plisse les yeux et détourne la tête pour voir qui entre.
Un homme, le crâne chauve et une blouse blanche. L'homme sourit brièvement en croisant le regard de Julien, puis les coins des lèvres retombent.
— Les machines viennent de nous avertir que vous êtes réveillé.
L'homme contourne le lit et contrôle le moniteur, avant de se tourner vers la perfusion. Les gestes sont rapides, appliqués, sûrs.
— Vous avez encore mal ? demande-t-il soudain.
Julien tente de répondre par l'affirmative, mais la voix se bloque dans la gorge. Il a l'impression qu'une chape de plomb a été coulée dans la trachée. Le « oui » meurt dans un gargouillement et Julien est alors contraint de hocher la tête, et même ce petit geste lui donne l'impression que le crâne va s'ouvrir en deux.
— Très bien, je vous la laisse alors.
Puis, le médecin s'apprête à quitter la pièce. Alors qu'il pose la main sur la poignée, Julien parvient à articuler, d'une voix croassante :
— Quel jour nous sommes ?
— 6399 après l'ère ▲ ■ ●. Vous avez donc dormi presque deux jours, répond le médecin sans même se retourner.
La porte claque à nouveau et Julien se retrouve seul dans la pièce. Il soupire et profite de s'être habitué à la lumière blanche pour détailler la pièce. Les murs et le plafond sont blancs, tandis que le sol est un lino de gris clair. À côté de lui, un autre lit, mais vide.
Avec une grimace, il tourne la tête à gauche. Là, une unique fenêtre laisse voir un coin de ciel bleu où un nuage passe paresseusement. Il aurait aimé pouvoir se redresser pour se rendre à la fenêtre et découvrir le paysage qui s'y cache. Mais le moindre mouvement lui arrache une grimace.
Alors il fixe le plafond et regarde la tache de soleil avancer lentement le long du mur, au fur et à mesure de la journée. Parfois, il sombrait dans un sommeil sans rêve et se réveillait sans savoir combien de temps il avait dormi.
Le temps s'étirait, inexorablement, lentement. Il ignorait ce qu'il allait lui arriver et parfois, cela le réveillait en sursaut, dans un terrible cauchemar. D'autres fois, il repensait à la dernière semaine, à quel point tout avait changé pour lui en si peu de jours. Il repensait également à Jen. Souvent. Il se demandait ce qu'elle devenait, si elle se trouvait également quelque part dans cet hôpital, ou bien si elle dormait toujours au côté d'Enzo. Et à cette pensée, le cœur du jeune homme se serrait et il devenait désespéré.
Le ballet des médecins et des infirmières vérifiant l'état de santé du jeune homme était la seule distraction de la journée. Au début, il avait essayé de glaner quelques informations, mais il avait rapidement compris que l'équipe médicale répondait à l'ordre tacite de ne communiquer que le moins possible avec lui. Alors il se contentait d'attendre, de manger ce qu'on lui apportait, de coopérer aux soins qu'on lui prescrivait. Le plus souvent, il dérivait dans cet état à mi-chemin entre conscience et inconscience.
*
La brume avait envahi la boîte crânienne de Julien, il n'avait pas entendu la porte s'ouvrir. Aussi sursauta-t-il lorsqu'une voix grave retentit :
— Salut Julien.
La première chose que le jeune homme vit en ouvrant les yeux est la tache de soleil, rendue au milieu du mur, signe qu'il était quelque part au milieu de l'après-midi. Puis les yeux de Julien se posèrent sur la silhouette élancée d'Enzo, vêtue non pas de noir, mais d'un t-shirt blanc et d'un jean.
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