20. Le Frère Ainé
Les médias locaux publièrent lundi matin la nouvelle de la mort d'un capitaine de police près de son commissariat. Il avait été assassiné par des bandits à bord d'une voiture noire.
'' C'était certainement un règlement de compte, '' se disait-il par endroit.
Les personnes interrogées sur le lieu du crime connaissaient l'homme et n'en disaient que du bien. On disait qu'il dirigeait le poste de police le plus propre de la commune.
'' Il inspirait l'ordre et la discipline, en plus d'être le policier le plus honnête que j'aie connu, '' commenta une vendeuse de pain installée à proximité du commissariat.
On regrettait la disparition d'un policier exceptionnel.
'' Ce pays n'a pas assez d'hommes intègres. Pourquoi tue-t-on les rares qui le sont ? '' s'interrogea un habitant du quartier Masambila.
'' Contrairement aux autre postes de police, ici on ne payait jamais pour faire une déposition. Je vous parie qu'après sa mort, les choses vont se dégrader, '' faisait remarquer un juriste du quartier.
Vendredi soir Wivine appris la triste nouvelle en rentrant chez elle. Dévastée, elle prit près d'une heure pour s'en remettre, puis téléphona Alphy Kiyungu.
'' Ce sont tes hommes qui ont tué le chef du poste de police, et tu le sais, '' lui dit-elle, furieuse.
'' Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, '' répondit le fils Kiyungu, embêté.
'' Ils n'ont pas réussi à l'embarquer à l'hôpital alors ils lui ont tendu une embuscade près du poste. Tout le monde les a vu. La voiture noire qui était à l'hôpital est la même qu'on a vu conduire ses assassins. ''
'' Arrête de délirer. Tu parles de choses dont tu n'as pas la moindre preuve. ''
'' Les gens savent, Alphy. Cette fois, tu ne t'en tireras pas. ''
'' Comment les gens de Masambila peuvent-ils identifier mes gardes ? D'où les connaissent-ils ? ''
'' Ça c'est ton problème, pas le mien. Brule en enfer, Alphy ! ''
Elle appela ensuite Evelyne Kiyungu.
'' Les gardes du corps de ton frère Alphy ont assassiné le capitaine Bosco Masaki cet après-midi, '' dit-elle, en colère.
'' Comment le sais-tu ? '' répondit Evelyne, n'en revenant pas.
'' Je les ai vu. ''
'' Ce sont ses gardes, pas lui. ''
'' Il sera jugé pour ce meurtre. Bosco Masaki était protégé par l'armée nationale. C'est un tribunal militaire qui jugera ton frère. ''
'' Je ne crois pas qu'Alphy soit lié à tout ça, '' persista Evelyne.
'' Quoi qu'il en soit, tu ne pourras plus rendre visite au capitaine Bosco dans mon dos. ''
'' De quoi tu parles ? ''
'' Vous avez le sang de plusieurs innocents sur les mains. Vous avez assassiné votre cousine Clarisse. Ce sang vous reviendra. Tu es complice de toutes ces tueries parce que tu ne les as jamais dénoncées à la police. Tu mérites autant la prison que tes assassins de frères ! ''
Ce à quoi Evelyne raccrocha immédiatement.
Alphy fut en réalité foudroyé par le coup de fil de Wivine. On avait découvert que ses gardes du corps étaient liés aux assassins d'un capitaine de la police nationale. Des arrestations se feraient, des langues se délieraient. Cela conduirait inévitablement à découvrir son implication évidente dans l'incident. Il devait quitter le pays du plus vite qu'il pouvait, s'il ne voulait pas finir en prison, n'étant plus si intouchable depuis la mort de son père.
N'ayant point le moyen de se trouver un avion ce soir-là, il fut contraint de s'éclipser par bateau jusqu'au Congo-Brazzaville voisin. Le grand-frère d'Evelyne logeait dans une suite d'un grand hôtel de la commune de Gombe, riveraine du fleuve Congo, précisément là où ce dernier sépare les deux capitales les plus proches du monde : Kinshasa et Brazzaville. Alphy ne prit sur lui que son téléphone et des cartes bancaires. Il sortit ensuite prendre seul le volant de son SUV Mercedes, sans avertir sa maîtresse qui se douchait dans la chambre, ni quiconque d'autre dans l'hôtel où il logeait depuis quatre jours, et roula à destination d'un mini-port privé dont les propriétaires lui étaient proches, situé à quelques minutes de son hôtel. Personne ne devait savoir où il se rendait. Il n'avertit ni sa mère ni sa sœur, seules proches membres de famille présentes dans la ville ce soir-là. Le fils ainé du sénateur avait, soit dit en passant, une épouse et quatre enfants qui vivaient aux Etats-Unis, loin de toute inquiétude financière.
C'est précisément sa sœur Evelyne qui lui téléphona alors qu'il roulait sur l'Avenue de la Justice, évitant les lumières du grand Boulevard du 30 Juin.
'' Eve, je conduis là. Rappelle-moi dans deux heures, s'il te plaît, '' lui dit-il.
'' Wivine prétend que tes gardes ont assassiné le chef du poste de police de Masambila, '' dit-elle, inquiète.
'' Tu sais bien qu'elle dit n'importe quoi. Je n'ai rien à voir avec ça, sois tranquille. ''
'' Avait-il un lien avec ce qui est arrivé à Papa ? ''
'' Je n'en sais rien. Je ne le connais même pas ! Ecoute, j'ai un autre appel urgent. Je te recontacte dès que possible. Bisous. ''
En regardant l'écran de son téléphone pendant qu'il conversait avec sa sœur, Alphy vit s'afficher le nom « Ahmed M.H ». L'on se souviendra que l'affaire qui conduisit à l'arrestation du trafiquant Gérard Kabeya avait commencé dans la résidence d'un sujet Libanais dénommé Khalid Mediani. L'homme qui appelait Alphy était Ahmed Mediani, le neveu de Khalid.
'' Oui, Ahmed, '' répondit Alphy.
'' Bonsoir mon frère. Où es-tu ? je dois te voir ce soir. ''
'' Je suis très occupé ce soir. Remettons ça à demain. ''
'' Non. Je dois te voir ce soir. Peux-tu passer d'urgence chez moi ? ''
'' Il y a un problème ? ''
'' Tu sais qu'on ne peut pas parler au téléphone. Tu as trente minutes pour arriver chez moi. ''
'' Je ne suis pas à mon hôtel, Ahmed. Et j'ai encore beaucoup de courses à finir. ''
'' Ce n'est pas le genre de problème qui laisse le temps de finir ses courses, '' dit-il, fermement.
'' Ok. J'arrive. ''
La résidence d'Ahmed n'était qu'à une légère déviation de l'endroit où se trouvait Alphy. Le fils du sénateur se dit intérieurement qu'il valait mieux se rendre chez le Libanais. S'il partait sans voir Ahmed, cela pouvait revenir à devenir incapable de remettre les pieds dans son propre pays, tant le cercle libanais était influent dans la sphère politique congolaise. Il prit la première entrée à gauche et piqua sur la rue où habitait le neveu Mediani.
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