PARTIE 3 - Chapitre 1

— Bonjour, ma chère...

Elizabeth se tourna dans son lit et sourit en s'étirant. Elle tendit le menton quand Jack se pencha sur elle pour l'embrasser, puis il déposa un plateau sur un banc près du lit et la jeune femme se redressa sur un coude.

— Encore le petit-déjeuner au lit ? s'étonna-t-elle avec un sourire. Vous aurais-je manquée ?
— Vous n'imaginez même pas à quel point... répondit Jack avec un sourire.

Elizabeth se mordit les lèvres puis il quitta la chambre pour la laisser tranquille. La jeune femme repoussa alors ses draps et se leva. Elle s'approcha du hublot qui inondait sa chambre de soleil et sourit en ne voyant que le bleu du ciel qui se confondait avec le bleu de l'océan.
Cela faisait une semaine qu'ils avaient quitté Londres et Elizabeth avait hâte de revoir les Caraïbes et surtout, de retrouver son père après une année entière sans l'avoir vu. 

Alors certes, il l'avait envoyée dans un couvent pour la punir d'avoir désobéi et d'avoir préféré une escapade avec un pirate à la renommée douteuse plutôt qu'un époux riche à la réputation impeccable, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. Il était son père, elle n'avait plus que lui, il n'avait plus qu'elle, mais il devait cependant comprendre qu'elle avait désormais envie de liberté et que peu importe ce qu'il dirait, elle repartirait avec Jack et le Black Pearl, et ce jusqu'à ce qu'il se lasse d'elle.

Elizabeth sourit pour elle-même puis retourna s'asseoir au bord de son lit et tira le banc à elle. Rien d'extraordinaire dans ce petit-déjeuner pirate : du poisson en saumure, un bol de thé, un bout de pain et des fruits séchés. On était bien loin du gruau du couvent, et encore plus des petits-déjeuner gargantuesques du temps où elle était mariée au Commodore... mais elle s'en contenterait.

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Après ce maigre petit-déjeuner et une toilette de chat, Elizabeth sortit sur le pont. Elle retrouva Anamaria avec plaisir et les deux jeunes femmes se donnèrent l'accolade, ravie de se retrouver avec une si longue période sans même pouvoir échanger une lettre de temps en temps.

— Je suis contente que tu sois revenue à bord, dit Anamaria en s'appuyant sur le manche de sa serpillière. J'ai cru que le Capitaine allait devenir fou, tu sais ?
— Oui, on m'a raconté, vous ne faisiez plus grand chose, répondit la jeune bourgeoise en grimaçant.
— Ouais, on a passé des mois à Tortuga sans rien faire et le Capitaine, il voulait pas repartir, il n'avait plus le cœur à pirater...soupira Anamaria. Imagine, on a même sauvé ce qui restait d'un abordage sur la route de l'Angleterre ! On les a débarqués en France en faisant une trêve temporaire avec leurs navires, le Capitaine français nous a même donné du fric pour la gêne occasionnée, puis on a filé...

Entendre le mot trêve et sauvetage dans la même phrase ayant pour sujet le Capitaine Jack Sparrow provoquait un son étrange aux oreilles d'Elizabeth. Elle n'avait aucunement la prétention de faire changer son compagnon, elle l'aimait comme il était, à la fois sérieux et totalement dérangé, mais de là à jouer les bons samaritains...

— Il devait vraiment en avoir assez, répondit la jeune aristocrate avec un sourire.

Anamaria hocha la tête puis son amie lui demanda si elle pouvait aider, mais on lui répondit que non, que sur le pont, il n'y avait quasiment plus rien à faire, mais qu'en cuisine, par contre, il y avait le déjeuner à préparer.

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  — Alors, Cap'taine, t'es content de l'avoir récupérée ?

Jack grimaça. Gibbs lui tendit la bouteille de Rhum et le pirate en avala un grande lampée avant de soupirer.

— Les femmes à bord des bateaux, c'est pas bien, dit-il en s'essuyant le menton avec sa manche. Mais on en a deux et faut bien avouer que quand y'en manque une, ben ça fait un vide !

Gibbs s'esclaffa. Il récupéra la bouteille de Rhum en avala à son tour une bonne gorgée.

— Ah bon dieu que ça fait fait du bien par où ça passe, dis voir ! s'exclama-t-il. C'était un bon plan ça non ? Cent cinquante bouteilles de Rhum pour un sac de pièces ! Et en plus, c'est du bon !
— Oui, admit Jack. C'est vrai qu'il est bon... Mais bon, il vient certainement de chez nous...

Gibbs rigola. Jack récupéra la bouteille, mais la garda dans la main un moment.

— A quoi qu'tu penses, Capitaine ? demanda Gibbs avec un hoquet. Bois ou donne !

Jack lui tendit la bouteille et Gibbs s'en alla en la vidant. Il jura ensuite et la jeta dans un tonneau en passant. Jack soupira. Deux bras se glissèrent alors sur sa taille et Elizabeth posa son menton contre son épaule.

  — Oh, ma femme... dit le pirate en se retournant. Vous êtes déjà levée ? Vous sentez bon en plus...

Il fourragea son nez dans son cou et Elizabeth rigola. Elle prit les mains du pirate quand il les faufila sous sa chemise, et elle recula.

— Pas question, dit-elle. Si j'ai divorcé, c'est pour une bonne raison.
— Ué... marmonna Jack. Et moi, dans le lot ?
— Oh, je ne me fais pas de soucis, mon ami... répondit la jeune femme. Je ne vous interdit rien, hein ! Je ne suis pas encore au courant de tout ce qui s'est passé pendant que j'étais enfermée dans mon couvent, mais j'imagine que les filles de Tortuga ont su jouer de leurs charmes, non ?

Jack plissa le nez. Elizabeth sourit doucement.

— Femme de Capitaine, mais pas amante, dit-elle. Laissez-moi encore un peu de temps pour profiter de ma liberté, ensuite, j'aviserai.
— Je suis ravi de l'entendre, répondit Jack.

Il la reprit dans ses bras et la jeune femme sourit en l'entourant de ses bras. Elle regarda alors le paysage maritime qui s'offrait à ses yeux et apprécia l'air salé. Elle observa une mouette et fronça les sourcils.

— Une île, dit-elle alors.

Jack tourna la tête vers la direction indiquée. Soudain, la vigie hurla "Terre en vue !" et Jack abandonna sa dulcinée pour ordonner qu'on mette le cap sur l'île, droit devant. Après une semaine de voyage en pleine mer, les hommes avaient besoin de se défouler, et rien de mieux qu'une bonne partie de chasse pour ça !

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— Vous deux, vous restez ici, vous faites un feu et vous préparez ce qu'il faut pour dépiauter les bestioles qu'on va vous ramener.
— Entendu Capitaine, répondit Anamaria. Viens, dit-elle ensuite à Elizabeth. Allons ramasser du bois.

Le Black Pearl était ancré à environ cinquante mètres de la plage, dans une petite crique abritée par de hautes falaises. Deux chaloupes avaient permis à la moitié de l'équipage de débarquer, Gibbs étant resté sur le vaisseau avec les trois derniers matelots engagés.

— Tiens, dit Elizabeth en ramassant un gros morceau de bois flotté.

Elle le déposa dans les bras d'Anamaria qui en avait déjà une douzaine.

— Heureusement que c'est léger, dit celle-ci. On devrait revenir en arrière, on s'est un peu trop éloignées, non ?

Elizabeth observa le lieu où ils avaient débarqué, et opina. Elles revinrent sur leurs pas et déposèrent leur fardeau près d'un tas de pierres. Anamaria s'empara ensuite d'un briquet et d'herbe sèche, et rapidement, un feu monta.

Les deux jeunes femmes sortirent ensuite leur attirail de cuisine, couteaux et gamelles, et entreprirent de confectionner des claies pour faire sécher la viande plus rapidement. Le bac de sel du Pearl avait également été descendu, afin que les morceaux de viande y soient plongés pour être conservés plus longtemps.

Les hommes ne revinrent que plusieurs heures plus tard, et quand Jack sortit des fourrés avec trois énormes lièvres à la main, suivit par deux hommes qui transportaient un cochon bien gras, les deux jeunes femmes en salivèrent d'avance.

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— Bientôt prêt ?
— Bientôt, répondit Elizabeth. Encore quelques minutes.

Jack hocha la tête. Sa compagne remua le contenu d'un grande gamelle cabossée puis reposa le morceau de bois qui lui servait de cuillère.

— On va pas passer la nuit ici, dit Jack en observant les alentours, les mains sur les hanches. Je la sens pas cette île.
— Qu'est-ce qui vous fait penser à ça ? demanda Elizabeth en se relevant.

Elle frotta les genoux de son pantalon pour en ôter le sable, puis s'approcha du Capitaine pirate qui posa une main dans son dos.

— Je ne sais pas, répondit-il au bout de quelques secondes. Un mauvais pressentiment.
— Et en général, quand il a un mauvais pressentiment, faut pas le prendre à la légère, dit Anamaria.

Avec les autres matelots, elle était en train de découper les morceaux du cochon aussi finement que possible pour faire sécher la viande sur les claies. Des morceaux plus gros avaient été lavés à grande eau dans la mer puis plongés dans le bac de sel qui allait progressivement retirer toute l'humidité contenue dans la viande. C'était un procédé très long, mais la viande se conservait presque indéfiniment si on en prenait soin.

— Vous avez bientôt terminé ? demanda alors Jack.
— D'ici la fin du repas, ça sera bon, répondit un matelot. Vous voulez récupérer quoi sinon ? Cuir et peau ? Les sabots ?
— Mettez le gras de côté, ça sert toujours, répondit Jack. Le cuir du cochon et les peaux des lapins aussi, mais vous jeter tout ce qui se mange pas.
— Les abats se mangent, dit Elizabeth.
— Chez les riches, sans doute, mais pas chez les pirates, répondit Anamaria en grimaçant de dégoût. C'est comme les crustacés que vous bouffez tout le temps là...
— Les huîtres ? demanda Elizabeth. Sache que c'est un met raffiné qui est très cher... Nous n'en mangeons que quelques-unes à chaque fois.

Jack haussa un sourcil de sa façon bien particulière et Elizabeth croisa les bras.

— Quel est l'intérêt de ne manger que quelques morceaux d'un aliment ? demanda-t-il. À moins d'avoir un estomac de la taille d'une pomme, je n'en vois pas le but...
— Seuls les gens raffinés peuvent comprendre, répondit Elizabeth, vexée.

Personne ne releva. Un pirate était loin d'être une personne raffinée, même un Seigneur Pirate à la réputation irréprochable...

Un peu contrariée, Elizabeth alla s'asseoir sur un rocher au bord de l'eau et Jack soupira en allant remuer le ragoût de lièvre qui sentait diablement bon. Il finit par la rejoindre et s'assit près d'elle en l'entourant de son bras.

— Pas besoin d'excuses, dit la jeune femme en soupirant. Je suis une bourgeoise qui veut faire semblant d'être un pirate...
— Ce n'est pas de votre faute, répondit Jack. Nous venons de deux mondes tellement différents... Vous avez des tas de trucs à apprendre sur les pirates, les vrais pirates, pas ces détrousseurs de pacotille qui vous piquent votre bourse à la sortie de la taverne... J'avoue que si je devais être à votre place et évoluer dans votre monde, je serais sans doute aussi perdu que vous l'êtes à présent...

Elizabeth sourit doucement. Jack n'était pas féru des longs discours en général, mais quand il se lançait, souvent, il disait des choses agréables à entendre et surtout, très vraies.

— À table ! s'exclama soudain Anamaria.

Le couple la regarda puis ils se levèrent et rejoignirent le feu.

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La nuit tombait et la lune était bien haute dans le ciel quand ils eurent terminé de faire sécher la viande du cochon. Ils rejoignirent alors le Pearl et mirent les voiles en direction du sud, en direction de la Baie des Naufragés, en direction de Nassau, pour commencer.

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