Chapitre 9
Elizabeth était furieuse et encore, le mot était faible. Elle arpentait sa chambre en long et en large sous le regard un peu coupable du majordome de son père.
— Vous pensiez vraiment que j'allais bien le prendre ? demanda-t-elle soudain.
— Non, Mademoiselle, bien sûr que non, et je l'ai dit à votre père, répondit l'homme. Mais vous le connaissez aussi bien que moi...
Elizabeth soupira.
— Combien me donne-t-il ? demanda-t-elle alors un peu durement.
— Il avait été question de cent Livres par an...
La jeune femme détourna la tête en levant les yeux au plafond. Un sourire amer étira alors sa bouche.
— Cent Livres... dit-elle. Alors c'est donc ce que je vaux... Cent Livres pour se débarrasser d'une fille qui a choisi un chemin différent de celui qui était prévu ? C'est pathétique. Dites à mon père que je ne prendrais pas son argent.
Le majordome resta immobile un moment.
— Si je puis me permettre, Mademoiselle...?
— Quoi ?
— Vous devriez prendre cet argent, non pas pour ce qu'il représente dans votre tête, mais pour ce que vous allez pouvoir en faire...
Elizabeth regarda l'homme, sceptique, ne comprenant pas trop où il voulait en venir. Il sourit.
— Imaginez, Madame Capitaine... souffla-t-il. Imaginez une seule seconde ce qu'une femme pirate comme vous, épouse du Seigneur des Mers du Sud, pourriez faire...
— Madame Capitaine ? répéta Elizabeth, surprise.
Le majordome sourit et inclina la tête.
— Ma famille descend de pirates, Mademoiselle Elizabeth, dit-il. Je ne peux qu'admirer la force avec laquelle vous combattez vos idéaux par amour pour le Capitaine Sparrow.
Elizabeth serra les lèvres. Elle avala sa salive puis renifla et se leva. Elle connaissait le majordome de son père depuis une dizaine d'années, il devait avoir environ quarante ans, peut-être moins, et elle réalisa, comme il lui prenait les mains, qu'elle n'avait jamais vraiment pris le temps de connaître les gens qui l'entouraient. Et c'était aussi valable pour l'équipage du Pearl...
— Merci... souffla alors la jeune femme. Vous avez raison, je dois voir le côté positif de la situation. Je vais prendre cet argent, puis aller m'installer sur le Pearl le temps qu'il soit réarmé, ensuite, nous partirons. Faites-le savoir à mon père, vous voulez ?
Le majordome inclina le menton, quitta la chambre et retourna dans le bureau du Gouverneur. Comme l'homme était absent, il laissa un message sur le bureau, indiquant qu'Elizabeth acceptait les cent Livres qu'il lui offrait en contrepartie de son départ. Il n'ajouta rien, mais il savait parfaitement que la dote avait été abaissée et que le Gouverneur allait râler en apprenant que sa fille voudrait quand même la totalité...
.
— Oh, regardez qui voilà...
Les marins du Pearl observèrent Elizabeth marcher le long du quai où se trouvait la chaloupe du Pearl. Sur les pierres, une partie de l'équipage attendait à l'ombre d'un palmier.
— Madame Capitaine est de retour ? railla l'un des hommes. Fini de jouer les princesses ?
— Suffit, soupira Elizabeth. Poussez-vous.
L'homme quitta sa chaise sans un mot et Elizabeth s'affala dessus. Gibbs l'observa puis lui tendit sa flasque de rhum, mais elle secoua la tête et posa son sac entre ses pieds. Le Second du Pearl agita alors la main et ses hommes s'éloignèrent.
— Allez, dites-moi tout, dit-il alors.
— Il m'a mise dehors. Il n'y a rien de plus à dire. Il m'a donné cent Livres et il m'a mise dehors.
Gibbs s'étouffa avec son rhum et s'essuya le menton avec le foulard crasseux qu'il avait autour du cou.
— Cent Livres ?! Bon dieu, mais vous allez en faire quoi ?
— Pour le moment, rien, répondit la jeune femme. J'ai pris et je suis partie. Je vais remonter sur le Pearl et essayer de comprendre ce qui se passe.
— Jack est à la taverne, vous devriez aller passer un moment avec lui, ça vous remontera un peu le moral.
Elizabeth serra les lèvres puis opina. Elle récupéra son sac et prit la direction de la grande maison toute éclairée d'où provenaient des rires et des bruits de chopes qu'on entrechoque.
Jack repéra sa belle dès l'instant où elle entra dans la salle enfumée. Il lui fit signe de venir vers lui, au bar, et elle lui prit la main pour l'entraîner au fond de la salle.
— Oups ! lâcha-t-il en s'asseyant lourdement sur une chaise. Ça ne va pas, chérie ?
— Mon père vient de me mettre dehors, répondit la jeune femme. Je vais remonter sur le Pearl et aviser quoi faire ensuite.
Jack serra les lèvres et son bouc remua.
— Vous savez quoi ? J'en ai marre de la terre qui bouge pas, je vais vous ramener sur le Pearl, dit-il.
— Ce n'est pas la peine, Jack, répondit la jeune femme en secouant la tête. Restez ici, surveillez le ravitaillement, je vais rester avec Anamaria, ça me fera du bien d'être loin de la ville.
— Vous êtes sûre ?
Elizabeth hocha la tête. Jack grimaça. Il lui prit alors la main et l'embrassa une longue seconde.
— Ça va, nous ? demanda-t-il.
— Oui, bien sûr, sourit la jeune femme. Nous allons bien, Jack, c'est juste que j'ai besoin de solitude un petit moment, pour comprendre ce qui a poussé mon père à me demander de partir.
Jack sourit.
— M'est avis que ça à un rapport avec moi !
— Oh, sans aucun doute ! répliqua la jeune femme, amusée.
Elle tendit le cou et l'embrassa. Il lui rendit son baiser avant de lever le bras pour qu'on apporte à boire.
.
Le soleil se levait, mais Elizabeth était déjà levée. Elle avait très peu dormi, non pas parce qu'elle était de nouveau sur le Black Pearl, mais plutôt parce qu'elle avait ruminé toute la nuit après son père.
— Ah, tu es levée !
Elizabeth regarda Anamaria et lui adressa un sourire. La femme matelot s'approcha et s'accouda au bastingage en observant la ville au loin.
— Alors, dit-elle soudain. Tu ne m'a pas dit hier soir ce que tu fais de retour sur le navire. Je pensais que tu allais rester chez toi...
— Désormais, c'est ici chez moi, répondit Elizabeth.
Anamaria haussa les sourcils.
— Oh... Il t'a mise dehors, c'est ça ? souffla-t-elle. Pourquoi ?
— Parce que je ne suis plus la petite fille modèle que j'étais ? ironisa Elizabeth, amère. Je pense qu'il a compris que l'Elizabeth qu'il connaissait à disparu derrière Madame Capitaine et que j'ai trouvé mon bonheur dans une chose qu'il ne supporte pas.
Anamaria serra les lèvres.
— C'est dur... dit-elle. Mais tu as toujours Jack et lui, il ne te mettra jamais dehors.
— Je l'espère. J'espère vraiment que je n'ai pas tiré un trait sur toute une vie et ma famille pour rien, Anamaria. Vraiment.
— Si tu veux en avoir le cœur net, offre-toi au Capitaine, montre lui que tu veux être sa femme plus que tout et que même ton père te tournant le dos, ne te détourne pas de cet objectif.
Elizabeth serra les lèvres. Elle soupira et se tourna vers Port Royal. D'ici, la ville paraissait tellement paisible !
— Tortuga est comment ? demanda-t-elle soudain.
Anamaria haussa les sourcils, surprise du changement de sujet.
— Eh bien, c'est un sanctuaire pour les pirates... répondit-elle néanmoins. Le Compagnie des Indes et les Corsaires n'ont pas le droit de venir jeter l'ancre dans la baie, ce sont les termes des accords passés il y a des dizaines d'années entre les pirates et les belles gens... Nous avons nos familles, les femmes et les enfants des matelots vivent à Tortuga... Mais pourquoi tu me demandes tout ça, tu le sais déjà, non ?
— Oui... C'est vrai, admit Elizabeth. Mais j'aurais aimé savoir si je pourrais y vivre, seule ou avec un enfant ?
— Hm, sans doute, répondit Anamaria en haussant les épaules. Tu es la femme de Jack Sparrow, et Papa Sparrow est jamais bien loin, de toute façon. Il t'adore, tu sais ? Tu es bien la seule fille que son fils ramène à la maison qu'il ne tue pas.
— Eh ! Encore heureux ! s'exclama Elizabeth, choquée. Allons bon, je l'avais jamais entendu celle-là, tiens... !
— Tu demanderas au Capitaine ! répondit Anamaria en levant les mains. Mais Papa Sparrow n'a jamais vraiment aimé les filles que son fiston lui ramenait... avant toi.
Elizabeth plissa le nez. Jack n'avait jamais mentionné ça, ni même Teague alors qu'elle avait passé du temps à Nassau en sa compagnie... Bon, évidemment, ce ne sont pas forcément des choses qu'on aborde au détour d'une bière ou d'un thé, mais tout de même, il aurait pu le mentionner, non ?
Avec un soupir, Elizabeth retourna dans sa cabine pour défaire son sac. Elle avait récupéré tout ce qu'elle avait pu de sa chambre dans la maison de son père, et elle installa beaucoup de souvenirs, des cadres, des bibelots, tout en prenant grand soin de les fixer sur les murs ou les étagères afin qu'ils ne passent pas au sol au premier roulis du navire.
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