Chapitre 8

Accoudée au bastingage, Elizabeth regardait l'immensité de l'océan. Elle voyageait depuis trois semaines à présent et elle s'était, à sa grande surprise, parfaitement adaptée à la vie en mer.
La dernière fois qu'elle avait passé autant de temps sur un bateau, c'était pour venir à Port-Royal... Elle avait alors dix ans et c'était à ce moment-là qu'ils avaient repêché William Turner, seul rescapé du naufrage de son vaisseau, attaqué par les pirates...

Avec un soupir, Elizabeth regarda l'heure sur la montre de gousset qu'elle s'était achetée lors de la dernière escale. Elle avait songé à rester sur ce petit bout d'île, mais elle n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait Tortuga et elle avait besoin d'un pirate pour s'y rendre. Elle pourrait toujours se faire passer pour un pirate, mais elle était tellement prude et mauvaise actrice qu'elle se ferait attraper dès les premières minutes...

Au bout d'un moment, elle redescendit dans sa cabine et n'en ressortit que pour préparer le déjeuner. Elle se réfugia rapidement dans la cuisine quand ils commencèrent à picoler.

— À table, ma belle ! Aujourd'hui, c'est steak de bœuf et carottes !

Elizabeth esquissa un sourire et June s'assit lourdement sur sa chaise et attaqua son repas.
À l'étage, on pouvait entendre les marins qui rigolaient et parlaient fort. Le bruit des chopes d'étain qui s'entrechoquent couvrait parfois les rires gras de ceux qui ont un peu abusé.

— Tu es bien silencieuse...

Elizabeth sortit de ses pensées et secoua la tête.

— Je suis fatiguée, j'imagine...
— Mouais... Après trois semaines, tu aurais eu le temps de t'habituer, tu sais ?
— Oui mais... Non, laissez tomber, ce n'est pas grave, ça va passer... Le mal du pays sans doute...

June plissa les yeux.

— Tu m'en diras tant... Tu peux me parler, tu sais, je n'ai pas l'habitude d'aller répéter ce qu'on me dit...
— Je sais mais... Si je vous parle, vous allez vous moquer de moi et me trouver puérile.
— Ah ? Tu crois ça ? Ma petite Lizie, j'ai six enfants, dont quatre filles, et je sais écouter sans juger... répondit June.

Elizabeth se mordit la lèvre et de redressa en soufflant par le nez.

— Je ne sais pas, dit-elle. J'ai plutôt honte de ce que j'ai fait...

June haussa les sourcils.

— Tu veux dire que tu as demandé le divorce sur un mensonge ?

Elizabeth la regarda vivement, surprise.

—  Mais... ? Comment...

June inspira et se leva en emportant ses couverts. Elizabeth l'imita et déposa ses couverts dans le baquet de lessive. Elle s'adossa ensuite contre et se frotta les mains l'une contre l'autre.

— J'ai menti, dit-elle alors.
— À quel moment ?
— Dès le début.
— Mais encore ?

Elizabeth soupira. Elle entreprit alors d'expliquer par quel moyen elle avait réussi à divorcer de James Norrington, Commodore de Port-Royal...

~

—  Tiens.

Elizabeth accepta la tasse de café et soupira profondément.

— Alors comme ça, tu es une bourgeoise... Eh bien, je ne m'en serais jamais doutée...
— Vraiment ? Parce que je ne suis pas exactement comme vous... Enfin je veux dire, je n'ai jamais travaillé de ma vie, je n'avais jamais menti jusqu'à maintenant et...

June secoua la tête.

— Mentir ne t'enverra pas en enfer, ma petite, mais tu risques de devoir rendre des comptes un jour et ça risque d'être douloureux...
— Je sais bien, mais de toute façon, je ne pense pas que je rentrerai un jour à Port-Royal...
— Pourquoi ?

Elizabeth se mordit la joue.

— Je... Mon père pense que je suis en route pour l'Espagne...
—  Ce qui n'est pas exactement le cas... dit June, étonnée. Nous allons revenir à Port-Royal dans un mois, tu le sais n'est-ce pas ?

Elizabeth opina.

— Je... June, je vais vous dire la vérité mais ne me jugez pas, d'accord. J'ai besoin de savoir...

June hocha la tête et Elizabeth lui raconta alors sa rencontre, huit mois en arrière, avec un pirate, un capitaine, un homme paumé, ivre et aux manières douteuses.
Quand la jeune femme en vint a son mensonge sur son incapacité à avoir des enfants, simplement pour se débarrasser de son mari et de l'influence de sa vie de princesse effarouchée qui ne connaît rien à la vie, June parut surprise mais en même temps impressionnée.

— Alors ça ! s'exclama-t-elle.

Elizabeth baissa le nez, honteuse.

— C'est tout bonnement hallucinant ! reprit June. Tu rencontres un stupide pirate pendant quelques minutes et tu en tombes amoureuse au point de vouloir tout abandonner et le retrouver ! Je n'avais jamais entendu une histoire pareille !

Elizabeth n'avait qu'une envie, rentrer dans un des trous du plancher. Elle avait honte et entendre June rigoler sur elle n'arrangeait pas les choses.
Sentant sa jeune apprentie mal à l'aise, June finit par se calmer, mais Elizabeth était mortifiée. Un silence s'installa alors et soudain, June décida de faire la vaisselle et envoya la jeune femme ramasser les restes du déjeuner des marins.

Quand elle redescendit avec son baquet, Elizabeth était silencieuse, pensive, et elle sursauta lorsque June lui posa une question.

— Pardon ? demanda Elizabeth.
— Je te demandais le nom de ton pirate... répéta June.

Elizabeth pinça la bouche.

—  C'est le Capitaine Sparrow... dit-elle doucement.

Il y eut aussitôt un bruit vif de vaisselle et Elizabeth rentra la tête dans les épaules, fermant les yeux.

— Tu plaisantes... dit June en pivotant. Pas lui...

Elizabeth resta silencieuse.

— Oh, Lizie... soupira alors June en s'asseyant.
— Pas de leçon, s'il vous plaît... répondit la jeune femme. Je... J'ai entendu les marins parler des pirates et de Sparrow en particulier...
—  Alors tu devrais cesser ces simagrées tout de suite et rentrer chez toi ! répliqua June en se levant. Sparrow n'est pas pour toi, loin de là !

Elizabeth fronça les sourcils et déposa sa bassine sur la table.

—  Je pense que c'est à moi d'en décider, répondit-elle. Je suis peut-être un peu naïve, mais je sais ce que je ressens ! Enfin... La plupart du temps. Si je veux le retrouver ce n'est pas parce que je suis amoureuse, c'est pour avoir la confirmation que ce n'est pas ça !

June serra les mâchoires et soudain, se détourna. Elle reprit sa vaisselle avec brusquerie et Elizabeth, contrariée, décida d'aller prendre l'air sur le pont.

~

Assise dans un coin du vaste pont du gros vaisseau, Elizabeth boudait. Les bras autour des jambes, elle ignorait les marins qui passaient près d'elle en la regardant, parfois de façon gourmande. Elle avait l'habitude depuis trois semaines, mais aujourd'hui, elle n'était pas franchement d'humeur, ainsi que l'un des marins le découvrit à ses dépens quand elle lui envoya à la figure un morceau de corde coupé...

—  Qu'est-ce qui se passe ici ?

Elizabeth leva la tête et regarda le Capitaine. Il venait de sortir de sa cabine et avait sans doute entendu les jurons fleuris du marin "agressé" par Elizabeth.

—  Cette femelle m'a jeté un bout de corde au visage, Capitaine ! se plaignit aussitôt le marin.
—  C'est vrai ? demanda le Capitaine à Elizabeth.
—  Il m'a regardée ! se défendit la jeune femme.
—  C'est pas une raison ! répliqua le marin.
—  Ça suffit ! coupa le Capitaine. Retourne à ton poste, Grid. Lizie, tu me suis.

Elizabeth grimaça et regarda le marin durement. Elle lui tira la langue puis se leva ensuite et suivit le Capitaine jusque dans sa cabine. Elle s'arrêta à un mètre de la porte qu'elle referma en silence.

—  Alors comme ça, on s'amuse à canarder les hommes ? demanda alors le Capitaine.
— Il m'a regardée d'une façon mauvaise !
— Et donc cela te suffit à l'agresser ?
— Tout de suite... grogna Lizie en croisant les bras. Et non, vous avez raison, j'irais m'excuser...

Le Capitaine haussa les épaules.

— Il s'en remettra, dit-il. Dis-moi plutôt pourquoi tu es la, toute seule, au lieu de te reposer dans ta cabine ou d'aider June ?

Elizabeth se mordit la lèvre. Pouvait-elle faire confiance à cet homme qu'elle n'avait vu que deux fois en tout et pour tout ? Si elle lui parlait, allait-il se moquer, la rabrouer, lui faire la leçon ?
La jeune femme décida de tenter le coup. Elle raconta au Capitaine sa vie depuis huit mois et quand elle en vint au moment où elle avait refusé de suivre Jack lorsqu'elle l'avait rencontré à Port-Royal, il grogna.

— Tu aurais dû, dit-il. Cela t'aurait évité des mensonges inutiles et des tracas encore plus inutiles...
— Je ne le pouvais pas... J'étais mariée...
— Et alors ? Tu n'aurais pas été la première bourgeoise à être enlevée par des pirates, tu sais ?

Elizabeth baissa le nez et se mordit la lèvre. Soudain le Capitaine se redressa, appuyé contre son bureau.

—  Tu sais quoi ? Tu as bien fait de me parler.
—  Ah bon ? s'étonna la jeune femme. Pourquoi ?
— Pourquoi ? Parce que je connais une femme pirate qui me doit un service...
— Comment ça ? Vous... Vous voudriez m'aider à retrouver Jack ? Je veux dire...
— Non seulement je veux t'aider, mais je vais demander à la femme qui me doit un service de t'amener directement à lui. Tous les pirates se connaissent, ils savent approximativement où ils sont, les uns les autres, dans les océans de cette planète. Si quelqu'un peut te dire où se cache Jack Sparrow, c'est Tzi-Yin.

Elizabeth haussa les sourcils. "Tzi-Yin" ? Mais qui diable pouvait bien être cette personne...  N'ayant rien à perdre, la jeune femme décida de faire confiance au Capitaine et accepta de rencontrer cette Tzi-Yin lors de la prochaine escale dans l'une des nombreuses îles des Caraïbes...

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Dernière modification le 2/08/2020

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