Chapitre 4
Monsieur Gibbs soupira profondément en regardant l'horizon. Il pivota ensuite et observa le Black Pearl, ancré au loin dans la rade, au milieu d'autres navires et esquifs de toutes les tailles.
Gibbs marmonna ensuite et du bruit se fit entendre derrière lui. Il se retourna et vit Anamaria sortir d'une cabane en rondins. Elle lui adressa un sourire puis s'éloigna et disparut derrière un grand rideau.
La Baie des Naufragés... songea alors Gibbs en regardant les maisonnettes faites de bois flotté qui semblaient s'empiler les unes sur les autres, tenant dieu sait comment accrochées au flanc d'un piton rocheux qui se dressait loin au-dessus de la mer, très loin.
L'équipage du Black Pearl créchait ici depuis trois mois, après avoir passé deux mois en mer à chercher quelque chose à piller. Avant cela, ils avaient parcouru les mers des Caraïbes pendant trois mois, pillant et coulant des bateaux marchands, faisant de la piraterie, quoi, mais Gibbs, et tous les autres, avait rapidement constaté que le cœur n'y était pas.
Jack était égal à lui-même, farfelu, ivre, inconstant, mais là aussi quelque chose n'allait pas. Il lui manquait quelque chose, non quelqu'un, et c'est bien connu, quand quelqu'un vous manque, tout est dépeuplé...
— Gibbs ?
Le second du Pearl se retourna et Anamaria s'approcha.
— On va bientôt repartir ? demanda-t-elle.
— Je ne sais pas. Avec tout ce qui se passe en ce moment en mer, c'est risqué pour les pirates de naviguer...
Anamaria baissa la tête et grimaça.
— La Compagnie des Indes... dit-elle en regardant devant elle. Quelle plaie !
Gibbs ne put qu'acquiescer. Depuis des semaines les navires de la marine anglaise escortaient les plus gros bateaux marchands en provenance de France, d'Angleterre, d'Afrique... Il n'y avait pas moyen de les approcher sans prendre un coup de canon.
— Comment va Jack ? demanda ensuite la jeune femme.
— Bah, il va. Elizabeth lui manque, c'est normal, mais j'avoue que j'avais jamais vu mon Capitaine comme ça...
— Il est où, là ?
Gibbs haussa les épaules et regarda l'amoncellement de bicoques et de chemins en cordes et en planches, qui s'étirait au-dessus de sa tête...
~
— Tia...
Tia Dalma leva les yeux au ciel et posa son menton dans sa paume.
— Qu'est-ce que tu veux encore, Jack ?
Elle se redressa et Jack Sparrow sortit des ombres de la cabane. Il était visiblement ivre et la bouteille de Rhum qu'il avait à la main n'aidait pas...
— Tu sais que tu es un garçon pénible, Jack ? demanda alors Tia. Je me demande comment ta mère faisait...
— Maman va très bien... susurra Jack d'une voix étrange. Elle va bien...!
— Oui, oui... Et qu'en dit le Capitaine Teague ?
Jack eut un hoquet. Il regarda autour de lui d'un air effrayé et Tia rigola. Elle tira alors une boîte en bois à elle et l'ouvrit.
— C'est... C'est quoi ? tituba Jack.
— Des os d'oiseaux...
Jack grimaça en tirant la langue. Tia ramassa alors les os et les jeta sur la table.
— Oui, dit-elle en les regardant. C'est bien ce que je pensais...
Jack eut un hoquet qu'il essaya de rendre discret. Tia lui jeta un regard aigu.
— Ta belle s'ennuie, Jack... dit alors la prophétesse. Elle s'ennuie et se fait rabrouer par tout le monde...
Jack grimaça. Il s'assit alors sur un coffre et regarda sa bouteille. Elle était vide. Il soupira.
— Moi aussi je m'ennuie, Tia...
— J'ai cru le comprendre...
— Ne te moque pas, s'il te plaît... ronchonna le pirate. Elle me manque et j'ai qu'une envie, piquer droit sur l'Angleterre...
Tia posa son menton sur sa main.
— Il te reste encore trois mois... dit-elle. Qu'est-ce qui t'en empêche ? Tu es fou amoureux d'elle, Jack, et ça c'est une chose que j'ai rarement vu chez toi...
Jack ne répondit rien. Elizabeth avait passé un mois sur le Black Pearl et il avait l'impression qu'elle avait toujours été à bord... Son absence était pesante, il rêvait d'elle, il la voyait et l'entendait parfois...
— Tia... gémit alors le Capitaine.
— Va la chercher, répondit la jeune femme. Va chercher Elizabeth, enlève-la, pars avec elle et prie pour que la Compagnie des Indes ne vous retrouve jamais !
Jack fronça les sourcils et Tia haussa les siens.
— Tu attends quoi ? dit-elle. Qu'un typhon réduise la baie à néant ?
— Non, je...
Jack se tut et Tia soupira alors bruyamment.
— Tu es pire qu'un gosse, dit-elle. Si tu pars maintenant, vous serez en Angleterre dans deux mois. Tu auras un mois pour mettre un plan en place.
Tia agita la main.
— Parce que j'imagine bien que des religieuses ne laissent pas les leurs sortir quand elles veulent...
— Sûrement pas... Sinon le Gouverneur ne l'aurait pas envoyée là-bas... grogna Jack.
— Tu sais, quand j'avais ton âge...
Jack et Tia se regardèrent, surpris, puis Edward Teague sortit des ombres.
— Salut, papa... dit Jack en jetant un coup à Tia. Quel bon vent t'amène ?
Il semblait gêné. Tia lui adressa un sourire.
— Continuez, Capitaine Teague... dit-elle. Que disiez vous ?
Teague lui lança un regard puis se concentra sur son fils.
— Je disais... Quand j'avais ton âge, j'ai rencontré une femme dans le genre d'Elizabeth...
— Avant maman ?
— Hm, non, pendant...
Jack fit une grimace, mais ne dit rien. Après tout, même les pirates mariés et fidèles pouvaient avoir des écarts...
— Je vous laisse, dit alors Tia en quittant la cabane.
Teague la regarda s'en aller puis soupira profondément et regarda ensuite sln fils unique.
— Regarde toi... dit-il. Tu es une vraie loque, fiston...
— Épargne moi les conseils paternels, tu veux bien ? Raconte plutôt ce que tu disais...
Jack quitta son coffre et se mit à chercher à boire dans les placards de Tia. Il ne trouvait rien d'autre que du thé et il ronchonna. Teague décida alors que le thé serait très bien pour qu'ils avaient à se dire...
~
— Tiens... Tia Dalma...
— Sers moi un verre, tu veux ?
— Ouais, quoi ?
Tia haussa les épaules et soupira ensuite. Le barman déposa un verre devant elle et le remplit de whisky. La jeune femme lui jeta un regard puis hocha la tête et se retourna dos au bar. Elle regarda la salle pleine a craquer, comme tous les soirs, et distingua dans un coin l'équipage du Black Pearl. Ils buvaient en discutant, mais ils étaient étrangement calmes...
Tia grimaça. Elle vida son verre cul sec et les rejoignit.
— Tiens... dit Gibbs en poussant une chaise du bout du pied, à son intention. Tu sais où est le Capitaine ?
— Chez moi, répondit Tia. En grande conversation avec son père.
— Teague est ici ? s'étonna Anamaria.
Tia haussa les épaules.
— Tu sais, la plupart des Capitaines du coin sont dans les parages en ce moment... Avec la Compagnie qui écume les mers, ils n'ont pas envie de risquer bateaux et équipages pour une poignée de pièces d'or...
— Ouais... C'est les Marchands qui doivent être contents... grommela Gibbs. Plus de pirates a l'horizon ! Quelle aubaine !
— Je sens de l'amertume dans ces propos... sourit Tia. Vous êtes des pirates, je crois, non ?
— Ouais, mais...
— Il n'y a pas de mais, Monsieur Gibbs, grondant Tia en se redressant. Vous êtes des pirates alors faites-le savoir ! Les mers des Caraïbes sont à vous ! Pas à la Compagnie des Indes !
Gibbs regarda Tia de travers puis soupira profondément.
— Et avec un capitaine qui pleure sa copine, on fait quoi, hein ?
Tia haussa les épaules.
— Vous avez vraiment besoin de Jack ? susurra-t-elle.
Gibbs fronça les sourcils et ses hommes se regardèrent sans trop savoir quoi faire avant qu'un étrange sourire n'apparaisse sur leurs trognes déformées par les coups.
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Dernière modification le 7/08/2020
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