Chapitre 20
— Comment est-ce que tu connais ces passages ?
Adam poussa une grille qui s'ouvrit en grinçant affreusement et le couple se faufila derrière.
— J'étais un garde, avant, avoua alors le jeune homme. J'ai défié mon supérieur, j'ai été jeté en prison et il y a environ deux ans, des pirates ont débarqué dans ma ville et l'ont mise à feu et à sang. J'ai alors réussi à fuir sur un navire, mais nous sommes tombés sur les négriers de Manchesky et tu connais la suite.
— Tu es ici depuis deux ans ?
— Je crois. Le temps passe différemment quand tu es enfermé...
Elizabeth grimaça. Elle regarda autour d'elle et un courant d'air la fit frissonner.
— Et les couloirs, alors ?
— J'ai eu le temps de les explorer, répondit Adam. Quand j'ai découvert qu'une dalle de mon sol était descellée et qu'elle donnait dans les égouts, j'ai profité de l'occasion. Ainsi, tous les soirs, je me carapatais au nez et à la barbe des soldats et j'allais me promener.
— Et tu n'as pas jugé bon de ficher le camp ?
— Impossible seul. Mais avec la Reine des Mers du Sud, j'ai bien plus de chances ! Sous prétexte de te ramener chez toi, nous pourrons monter à bord d'un navire pirate qui ira droit à Tortuga !
— Tu ne pourras pas y entrer, tu n'es pas un pirate... De plus, je ne te connais pas, tu pourrais être un Corsaire sous couverture et tu pourrais te servir de moi pour atteindre Tortuga et la détruire de l'intérieur.
Adam pinça la bouche.
— Et tu as toutes les raisons de penser cela, répondit-il. Avançons, nous discuterons plus tard. Les soldats ne vont pas tarder à revenir et quand ils se rendront compte qu'on a filé, ils vont nous traquer.
Elizabeth opina. Ils reprirent donc leur chemin et finirent par débouler sur une plage. La nuit était noire, sans lune, et sans le bruit des vagues, Elizabeth aurait été incapable de localiser la mer. Adam lui prit soudain la main et l'entraina le long de l'eau jusqu'à la ville.
— Il faut qu'on trouve des vêtements... souffla la jeune femme. Ces guenilles vont nous faire repérer...
Adam opina. Il ne portait qu'une tunique rêche, il n'avait rien du tout dessous et un courant d'air glacial confirma les dires de sa compagne. Il regarda alors autour de lui et soudain, un sourire étira sa bouche.
— C'est exactement ce qu'il nous faut, dit-il.
Elizabeth suivit son regard et sourit en avisant une corde à linge, dans la cour d'une maison, qui supportait des vêtements. Ils s'en approchèrent en surveillant la maison dont les fenêtres étaient éclairées, et rapidement, chacun s'empara de deux ou trois pièces de linge avant de filer rapidement dans les ombres pour s'habiller.
Adam n'attendit pas d'être en sécurité ou seul pour s'habiller. Sans un mot, il sauta dans le pantalon de toile brun et retira sa tunique. Elizabeth détourna aussitôt le regard et s'éloigna derrière un rocher pour s'habiller à son tour et enfiler la culotte longue, la jupe et le chemisier qu'elle avaient volés. Elle se sentir immédiatement plus en sécurité...
Cinq minutes plus tard, ils étaient prêts et Elizabeth remonta ses cheveux sous un bonnet de cuir qu'elle trouva près de la maison, oublié sur un banc. Ses longs cheveux blonds étaient ainsi invisibles et elle passait pour une femme tout a fait normale qui prenait le frais avec son mari.
— On va aller jusqu'au port et on trouvera un endroit pour dormir, dit Adam alors qu'ils déambulaient dans les rues, bras dessus bras dessous. Je ne sais pas s'il y a des gros bateaux, on verra bien.
— Si au moins je pouvais envoyer un lettre à Tortuga... Je me doute que Jack est parti à la poursuite de mes ravisseurs, mais Papa Teague est avec mon fils et je dois leur faire savoir que je suis entière.
Adam opina. Ils continuèrent à marcher en silence un moment et, alors qu'ils tournaient au coin d'une rue, ils manquèrent heurter un couple qui venait en sens inverse.
— Milles excuses !
— C'est nous, nous ne regardions pas notre route, répondit la femme. Vous n'êtes pas d'ici, je me trompe ?
— Non, nous sommes en escale, nous reprenons la mer bientôt, mentit Elizabeth. Bonne soirée.
— À vous aussi... Minute, Mademoiselle, je ne vous connais pas, vous êtes sûre d'être à bord de mon navire ?
Elizabeth se mordit la joue. Soudain, des sifflets retentirent en direction du fort aussitôt suivit de cloches.
— Ils ont trouvé nos cellules vides ! Il faut qu'on parte ! s'agita soudain Adam.
— Cellules ? répéta la femme. Robert, ce sont des esclaves en fuite !
Le mari de la femme regarda le couple qui recula d'un pas, terrifié, prêt à fuir, mais l'homme tendit les mains dans leur direction.
— Non, n'ayez crainte, nous ne vous ferons pas de mal, dit-il. Comment vous appelez-vous ? D'où venez-vous ?
— Tortuga, répondit Elizabeth. Je m'appelle Lizzie...
— Je viens d'Espagne, répondit Adam. Je m'appelle Adam... Si vous avez l'intention de nous aider, il va falloir faire vite. Cette femme coûte plus de trois mille Guinées selon le Maître...
— Trois mille ? Bon sang, mais qui êtes-vous, ma fille ?
Elizabeth hésita. Devait elle dire qu'elle était la fille du Gouverneur Swann ou la femme de Jack Sparrow ? Elle opta pour la sécurité.
— Je m'appelle Elizabeth Swann, je suis la fille du Gouverneur de Port Royal... souffla-t-elle. Vous pouvez nous aider à nous en fuir ?
— Oui, bien entendu. Nous connaissons Manchesly et ses pratiques douteuses pour vendre des esclaves qui n'en sont pas toujours... répondit l'homme. Venez avec nous. Nous allons vous cacher sur notre bâteau. Ils n'iront pas le fouiller.
— S'il est à quai... commença Elizabeth.
— Mon navire appartient au Roi de France, mademoiselle. Personne d'autre que lui n'a le droit de poser le pied dessus.
L'homme se rengorgea et Elizabeth croisa le regard d'Adam qui haussa les épaules. Ils n'avaient rien à perdre et les deux personnes leur semblaient sincères.
Après quelques secondes de flottement, ils finirent pas acquiescer et les quatre prirent la direction du port.
Comme prévu, l'île grouilla bientôt d'hommes armés qui fouillaient toutes les tavernes et les écuries. À quai, il y avait un énorme navire et deux plus petits plus des bateaux de pêche au mouillage pour la nuit.
Cachés dans la soute, Elizabeth et Adam n'étaient pas sereins. Le navire du couple qui les avait aidés était encore plus gros le Black Pearl et sa décoration prouvait de son appartenance à quelqu'un de très riche et très puissant.
Entendant appeler depuis le quai, Adam s'approcha d'un hublot et demeura caché tout en observant dehors. Le hublot donnait au ras du quai et il ne voyait de ce fait que des bottes.
— Capitaine ! Par ordre du Maître Manchesky, nous devons monter à bord ! s'exclama un homme.
— Qui donc ? répondit quelqu'un sur le pont. Ce navire appartient à sa Majesté le Roi de France Louis XIII, personne n'est autorisé à monter à bord sans son aval.
— Nous n'avons aucune autorisation à demander, le Maître Manxhesky à tout pouvoir sur les navires qui accostent son quai ! Nous sommes à la recherche de deux fugitifs, nous allons monter et fouiller ce navire !
Elizabeth porta une main à sa bouche quand elle entendit le bruit d'une arbalète qu'on arme. Adam la rejoignit et ils se pelotonèrent dans un coin entre deux sacs de riz.
— Si vous posez le pied en terre de France sans autorisation, vous serez le premier mort d'une guerre ! prévint le capitaine. J'ignore qui est votre maître, mais s'il n'est pas Roi ou Empereur alors il n'a aucune autorité sur mon navire. Passez votre chemin à présent et laissez dormir les honnêtes gens !
Le soldat sur le quai jura puis la troupe tourna les talons. Le capitaine ordonna alors que les amarres soient larguées et que le navire soit déporté dans la rade pour plus de sécurité.
Tremblante, Elizabeth était blanche. Adam le serrait contre lui en chuchotant et quand la porte de la soute s'ouvrit, le couple sursauta.
— Tout va bien, assura la femme qu'ils avaient rencontrée un peu plus tôt. Nous avons largué les amarres et nous quittons le quai. Dès que tous mes compagnons seront remontés à bord demain, nous partirons.
— Merci, répondit Adams. Nous ne pourrons jamais vous remercier...
— Allons, ce n'est rien, les français sont réputés pour leur générosité. Reposez-vous, je vous apporterai à manger dans un moment.
Adams opina puis la femme quitta la soute et le jeune homme regarda autour de lui. Il avisa rapidement une grande caisse remplie de tissus et, laissant Elizabeth un moment, il se leva pour aller fouiller dedans. Il tira des couvertures de laine et revint vers la jeune femme qu'il couvrit avec avant de la pousser à s'allonger sur le flanc ; il se glissa dans son dos et l'entoura de ses bras en la serrant contre lui.
.
En mer, bien loin de là, Jack essayait de faire abstraction de la présence de Norrington à bord de son navire. Ils n'avaient aucune idée de l'endroit où ils devaient chercher Elizabeth, même si plusieurs sources leur avaient confié que le négrier possédait une île tout au nord des Caraïbes, loin des côtes et des eaux territoriales des pays où les autorités pourraient lui causer des soucis.
— Cap, on va naviguer encore longtemps sans but ? demanda Martin, trois semaines semaines après le départ de l'île où ils avaient ramassé le Commodore. Pas que je m'ennuie, mais bon...
— Je sais, mais nos infos sur l'île de ce trafiquant d'esclaves sont très vagues... Je veux retrouver Elizabeth, mais ça fait bientôt deux mois et j'ai peur de l'état dans lequel je vais la récupérer...
Martin grimaça.
— Si... Si jamais elle... commença-t-il. Je veux dire, si...
— Si elle a été vendue ?
— Oui, mais aussi si... Si elle a été abîmée, vous la ramenerez à son père ?
Jack releva le menton en comprenant le sous entendu et grimaça.
— Je ne sais pas ce que je ferais, répondit-il. C'est ma femme, notre fils nous attend à Tortuga... Si elle veut rentrer chez son père, alors je l'y conduirait, mais avant, Thibault doit savoir qu'elle est vivante, même brisée.
Martin opina puis retourna au travail. Jack sentit alors une présence et se retourna.
— Vous garderiez une femme qui a été violée ? demanda Norrington.
— Pardon si je choque vos chastes oreilles, mais les vierges, chez les pirates, on a du mal à en trouver ! grinça Jack en retour, sourcils froncés. Elles ne sont pas toutes des catins, j'admets, mais il y a beaucoup plus de filles déflorées que non !
— Je connais Elizabeth, si quelqu'un l'a force, elle ne s'en remettra pas.
— Vous ne connaissez pas mon Elizabeth, répondit Jack. Vous en connaissez une version, celle qui est douce et toujours gentille. Moi je connais la version libérée, celle qui boit et qui jure en rotant à table !
Norrington plissa le nez de dégoût. Il avait bien du mal à imaginer la jolie jeune femme qu'il avait épousée deux ans en arrière, à roter comme une paysanne à table...
— Si vous voulez la garder malgré tout, c'est un plus que vous ayez déjà adopté un enfant, répondit-il, mauvais. Car elle n'en aura jamais avec une telle épreuve. Elle avait déjà peur de l'intimité avec vous, Sparrow, si elle a été violée, elle ne vous approchera plus jamais.
— Encore une fois, Commodore, vous ne la connaissez pas. Bonne journée.
Jack tourna alors les talons et Norrington grimaça. Une fille qui avait été abusée, à Port Royal et dans les autres endroits civilisés, cela finissait bonne sœur ou catin, jamais épouse et encore moins mère...
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