Chapitre 18
Gibbs soupira. Accoudé au bastinguage du nid de pie, il observait l'immensité bleue de l'océan sans rien repérer.
— C'est dingue quand même... On a appareillé une heure après l'altercation et on les a perdus de vue...l
Il marmonna et repensa à ce qu'il s'était passé sur le quai de Tortuga. Les faits remontaient à un mois maintenant et Jack continuait de naviguer à l'aveugle pour chercher sa femme. Il avait promis à son fils qu'il ne rentrerai pas sans l'avoir trouvée, il tiendrait parole.
Entendant une porte en bas, Gibbs baissa les yeux vers le pont et découvrit son Capitaine qui s'étirait. Le jour venait de se lever et, sans rien à annoncer, Gibbs décida de descendre sur le pont et se laissa tomber devant Jack dans un bruit sourd.
— Rien ? demanda-t-il.
— Que de la flotte à perte de vue... Capitaine, faut qu'on fasse une pause, répondit Gibbs. Ça fait un mois qu'on est sur les mers, on trouvera rien ici, faut qu'on se renseigne sur la terre.
Jack soupira, les pains sur les hanches, puis opina en grimaçant.
— T'as raison. Met le cap vers les îles les plus proches, on va voir s'ils sont passés là-bas. Ils ont forcément du se ravitailler quelque part en eau ou en bouffe fraîche.
— Entendu.
Gibbs s'éloigna ensuite et monta sur le gaillard d'arrière pour étudier la carte. Jack l'observa un moment puis soupira et retourna dans sa cabine.
.
Trois jours plus tard, le Black Pearl accostait le quai d'une île plutôt vaste avec une grande ville dessus. Jack s'étonna de ne pas la connaître avant d'apprendre qu'elle était récente et qu'elle n'avait que trois ans.
— En trois ans, ils ont construit tout ça ?!
— Savez, Capitaine, quand ils s'y mettent les français, ça se voit tout de suite... sourit un des matelots. On fait quoi maintenant ? Je baragouine par un de leurs mots alors je sais pas... Vous parlez français, vous ?
— Je me débrouille... répondit Jack. Restez à bord, Gibbs et moi on va aller se renseigner.
— Maintenant que j'y pense, le gars que vous avez tué à Tortuga, il avait pas un drôle d'accent ?
Jack fronça les sourcils.
— Si... Je crois bien... C'était du français, tu crois ? Ça nous arrangerait. J'aurais du demander à mon père qui c'était ce mec...
— Ou lui laisser une chance de causer avant de le refroidir... souffla un matelot.
— Il menaçait mon fils d'un pistolet, j'avais le choix selon vous ?
Jack regarda ses hommes puis grogna et demanda à ce que la passerelle soit jetée à quai. Il descendit aussitôt fait et Gibbs soupira.
— C'est la première fois depuis qu'ils l'ont adopté qu'il le désigne comme son fils... nota Martin, le matelot court sur pattes.
— C'est une bonne chose, je pense. Le Capitaine, ça fait longtemps qu'il veut un môme, bien avant de rencontrer Lizzie et même si elle lui a collé Thibault dans les pattes sans le prévenir, je pense qu'il l'apprécie quand même et qu'il s'y fera. Après, c'est sur que c'est pas la même chose de mettre une femme enceinte et avoir huit ou dix mois pour se faire à l'idée...
Martin grimaça. Gibbs indiqua alors qu'il rejoignait Jack et l'équipage accepta d'attendre à bord et en profita pour vérifier tout le matériel et réarmer le navire.
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— Essayons celle-ci.
— C'est la troisième taverne qu'on fait...
— Et c'est peut-être la bonne.
Gibbs n'ajouta rien. Jack poussa la porte et ils entrèrent. Aussitôt, le silence se fit et des murmures montèrent.
— Jack Sparrow ? lança alors quelqu'un.
— Barbossa ? s'étonna le plus jeune. Ben merde alors, le monde est petit !
Le vieux pirate chassa les filles assise à sa table et fit venir Jack et Gibbs.
— Qu'est-ce que tu fiches chez les français ? demanda alors Jack.
— Mission pour le roi.
— Ah oui, t'es un corsaire maintenant...
Barbossa sembla se rengorger et leva le bras pour faire servir une nouvelle tournée de bière.
— Vous êtes loin des Caraïbes ici, qu'est ce que vous fichez dans ce coin paumé de l'océan ?
— On cherche Elizabeth, répondit Gibbs.
Barbossa haussa un sourcil avant de sourire méchamment en dévoilant des dents manquantes.
— La petite à enfin compris que c'était une erreur d'être avec vous ? ricana-t-il.
— Ta gueule... soupira Jack. Elle s'est sacrifiée à la place de notre fils qui allait se faire enlever par des chasseur de tête...
Barbossa leva les mains en s'ébrouant.
— Attends, attends ! Sacrifiée ? Votre fils ? Chasseur de têtes ? Je suis resté absent pendant combien d'années, moi ?
Gibbs rigola.
— Thibault est un gamin qu'on a trouvé sur un navire mort du choléra, expliqua-t-il. Il a treize ans et Lizzie s'est entichée de lui au point de ne plus vouloir le laisser partir. Le gamin ne demandait pas mieux que d'avoir une nouvelle famille...
— Okay, jusque là, je suis, mais depuis quand c'est ton gamin, Jack ?
— Depuis que nous l'avons officiellement adopté et qu'il est l'héritier des Sparrow et des Swann.
— Oh bah merde alors ! Ce gamin sera plus riche que moi à son âge !
Les trois pirates se mirent à rire puis Jack reprit son sérieux.
— Non, s'est passé quoi à Tortuga, pour que vous soyez aussi loin ?
— Je te l'ai dit, des négriers sont venus faire leurs emplettes chez nous. On était là-bas depuis un mois pour nous marier, Lizzie et moi, mais on attendait son père... On se promenait quand on a entendu un coup de feu. On s'est précipités dans la direction et on a vu Thibault qu'un mec tenait par le cou en braquant une arme sur la foule massée devant lui.
Barbossa plissa les yeux.
— Il a dit qui était son patron ?
— Non, je l'ai tué avant.
— Jack...!
— Oh ça va ! Il avait son arme sur la tête du gamin et il a insulté mon père !
— OK d'accord j'ai rien dit ! Tu connais son nom au moins ?
— C'est Teague qui l'a dit... Il s'appelait Sébastien, répondit Gibbs. Vous le connaissez ? Apparement, il bosse pour le grand-père du petit, un riche marchand d'esclaves...
Barbossa grimaça, semblant réfléchir. Il allait répondre quand une femme s'approcha d'eux.
— Vous parlez de Martin Manchesky ? demanda-t-elle.
— Qui ? s'étonna Gibbs. Manche-quoi ?
— Manchesky, répondit la femme. C'est le plus gros propriétaire d'esclaves que je connais... Il brasse des milliers de Guinées et je crois qu'il a plusieurs dizaines de navires qui ratissent un peu partout pour le fournir en esclaves.
— Tu veux dire... Même des blancs ?
— Des blancs, des noirs, des jaunes... Du moment que ça marche sur deux jambes, que ça ait une queue ou pas, c'est vendable pour Manchesky. Vous cherchez quelqu'un ?
— Ma femme... répondit Jack.
La femme serra les lèvres.
— Pauvre de vous, Capitaine... souffla-t-elle alors. Si jamais vous arrivez à la retrouver, elle sera plus la même quavant...
— C'est à dire ?
— Les hommes de Manchesky ne sont pas les plus délicats avec les esclaves... En général, ils les essaient avant de les ramener, si vous voyez de que je veux dire...
Jack fronça les sourcils.
— Elizabeth ne se laissera pas faire, répondit-il. Elle leur coupera la queue bien avant qu'ils aient fait quoi que ce soit !
Barbossa rigola grassement.
— Ta femme n'a jamais vu une queue ! s'exclama-t-il. Comment tu voudrais qu'une fille de bourge comme elle sache à quoi ça ressemble ?
— C'est peut-être une fille de bourgeois, mais elle a été mariée !
— Norrington n'était pas ce qu'on appelle le plus viril des maris, hein !
— Minute, les interrompit alors la femme. Vous n'êtes pas en train de parler du Commodore Norrington de Port Royal, si ?
— Si, pourquoi ? répondit Jack. Tu le connais ?
— Bah, tout le monde sait qui il est ici, mais la femme que vous cherchez, Elizabeth... C'est pas la fille du Gouverneur Swann, si ?
— Si, c'est elle... Elle a quitté Port Royal il y a deux ans pour me rejoindre, répondit Jack. C'est ma femme maintenant et il y a un mois, elle a été enlevée à la place de notre fils.
— Pauvre d'elle... Vous ne la retrouverez jamais plus comme avant... Ils vont la torturer et la briser pour qu'elle soit obéissante et puisse être vendue des milliers de Guinées...
Gibbs secoua la tête.
— Elle ne laissera pas faire. Elle est plus forte qu'il n'y paraît, elle en a maté d'autres...
Barbossa se renfrogna. Il avait encore en travers de la gorge son échec cuisant quand il avait fait sortir Elizabeth de son couvent en pensant qu'elle avait eu un bébé avec Jack et qu'il pourrait en tirer profit...
— Je vous donne cinq Guinées si vous dites où je peux la trouver, dit alors Jack.
— Un pirate avec autant d'argent, ça se saurait ! siffla la femme en se détournant.
Jack fronça les sourcils et fit mine de répondre quand une bourse s'écrasa sur la table. Barbossa et Gibbs sursautèrent et la femme recula d'un pas, soudain apeurée.
— Dix Guinées, dit l'homme. Dix ans de salaire pour toi, la gueuse, si tu nous indiques où est la fille du Gouverneur.
La femme déglutit.
— Commodore... souffla-t-elle.
Jack tourna alors la tête vers l'homme qui se tenait debout près de Barbossa. Quand il repoussa sa capuche, les pirates purent découvrir le Commodore Norrington en personne.
— Je savais bien que je connaissais cette voix, dit-il en regardant Jack. Alors c'est vrai, vous m'avez réellement volé ma femme ?
— Je n'ai rien volé à personne, Lizzie est suffisamment grande pour savoir de quelle veut.
— Ce n'est qu'une femme, elle n'a pas la capacité à décider de cela.
Gibbs grogna et Jack inspira. Il se leva soudain et Gibbs l'imita.
— Vous ne voulez pas savoir où elle est ? demanda Norrington. Sparrow !
— Je n'ai pas besoin de la charité de l'homme qui croit que ma femme n'a pas de cervelle !
Le capitaine du Pearl quitta alors la taverne et le Commodore grimaça.
— Je suis sûr que si vous allez à sa suite, il acceptera, suggéra alors Barbossa. Ils ont un gosse, vous savez ?
— Pardon ? Mon Elizabeth avec...
Norrington eut un haut de cœur et se détourna en emportant la bourse. Barbossa grimaça. Avec dix Guinées, il aurait pu s'envoyer toutes les bières de la taverne et toutes les filles !
.
Norrington observait le Black Pearl depuis le quai. Il se trouvait sur cette île depuis un mois, pour affaires. Il savait qu'Elizabeth Swann avait envoyé une lettre au Gouverneur pour lui annoncer son mariage avec Jack Sparrow et l'y inviter. Cependant, le Gouverneur n'avait aucune envie de se retrouver à Tortuga, seul au milieu de milliers de pirates, et encore moins pour un mariage qui n'avait aucune légalité aux yeux des bonnes gens.
— Restez pas en bas, montez... grogna soudain une voix.
Norrington croisa le regard de Jack, accoudé au bastringuage. Il posa ensuite le pied sur la passerelle et monta sur le pont.
— Vous savez où elle se trouve ? demanda alors le pirate.
— Non, mais j'ai les moyens de le savoir.
— Qu'est-ce que vous foutez ici, si loin de Port Royal, d'abord ?
— Je suis en mission diplomatique pour le Gouverneur Swann, mais cela ne vous regarde pas. Par contre, de savoir où se trouve Elizabeth, cela m'intéresse, moi.
— Allez pas me faire croire que vous tenez à elle, vous l'avez malmenée pendant une année !
— Malmenée ? C'est ce quelle vous a dit ? Ah ! Elle est bonne ! Elizabeth n'a jamais été malmenée, au contraire, elle avait tout ce qu'elle voulait !
— Y compris vous dans son lit même quand elle était indisposée ? grimaça Jack. Ne savez-vous donc pas que les femmes doivent rester en paix à ce moment là ?
Norrington ne répondit pas. Apparemment Elizabeth avait révélé beaucoup de choses sur son mariage avec lui... Un peu trop, visiblement.
— Quoi qu'il en soit, le Gouverneur sera ravi d'apprendre que vous avez perdu sa fille au profit d'un marchand d'esclaves.
— Je ne l'ai pas perdue, elle s'est sacrifié à la place de notre fils.
Norrington plissa le nez.
— Qu'est-ce qu'un négrier pourrait vouloir faire d'un bébé ?
— Thibault n'est pas un bébé, il a treize ans, répondit alors Jack. Grâce à vous, Elizabeth me refuse son lit depuis qu'elle a rejoint mon équipage. Elle a peur des hommes, elle est dégoutée par la chose.
Norrington serra les mâchoires. Il n'avait jamais forcé la jeune femme à coucher avec lui, elle était toujours consentante, elle ne participait certes pas, mais ce n'était pas ce qu'on lui demandait non plus, juste de tomber enceinte...
— Nous parlerons de ma vie privée avec Elizabeth un autre jour, lâcha alors le Commodore. Je vais retourner à la taverne et parler avec cette danseuse. J'arriverai bien à la faire parler.
— Évitez de la baiser, pensez à votre femme... marmonna Jack.
Norrington s'étouffa. Il grogna ensuite et tourna les talons pour quitter le Pearl. Jack esquissa un sourire. Il n'avait jamais aimé le Commodore Norrington et le moindre prétexte était bon pour l'embêter.
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