Chapitre 17

— Après vous, Madame...

Jack poussa la porte de la cabine du Capitaine, sur le Black Pearl, et Elizabeth sourit, amusée. Elle entra en baissant légèrement la tête et regarda autour d'elle.

— Oh... Vous avez même réaménagé ? demanda-t-elle en regardant le Contremaitre.
— Nous avons poussé un peu les meubles et essayé de tout remettre comme c'était, répondit l'homme.
— Étrangement, je ne trouve pas la pièce plus petite, dit Jack en se plantant au milieu, les mains sur les hanches. Bon, elle l'est forcément, mais...
— C'est du bon travail, acheva Elizabeth.
— Merci, Madame. Vous avez de quoi décorer ?
— Oui, répondit la jeune femme. Ne vous en faites pas.
— Quand partez-vous ? demanda alors l'homme en regardant Jack.
— Dès que le Pearl sera réarmé.

Le Contremaître opina. Inutile de demander où ils allaient, Jack ne lui répondrait pas. Les pirates étaient tolérés sur l'île, du moment qu'ils restaient dans le quartier qui leur était assigné et ne semaient pas le trouble dans le reste de la ville.
Remerciant le Contremaître, Jack lui demanda ensuite de sortir et s'approcha de la table avec la carte.

— Alors ? demanda Elizabeth en s'approchant à son tour. Vous pensez aller où ?
— Pour l'instant, je l'ignore, mais mes hommes ont besoin d'argent et surtout d'action.
— Donc pillage et abordage ?
— Principalement.

Elizabeth pinça la bouche puis sourit légèrement.

— Si vous voulez, nous irons à Tortuga, dit alors Jack. Ce sera notre point de chute.

La jeune femme sourit.

— Je ne connais pas du tout cette ville... Elle est dans les Caraïbes ?

Jack grimaça.

— Si je vous le dis je devrais vous tuer...
— Jack !
— Je rigole, Lizie !

Elizabeth lui donna un coup sur le bras puis s'éloigna. Jack rigola doucement. La jeune femme entra ensuite dans sa nouvelle cabine et sourit.

— Superbe. Qui a tout installé ?
— Les ouvriers. Ils sont payés pour ça...

Elizabeth opina. Elle s'approcha du lit et caressa les rideaux de velours vert qui l'encadraient. Elle s'approcha ensuite de la grande baie qui avait été conservée de la pièce principale et regarda dehors. D'ici, on voyait le port, entre les autres navires...

— On ne peut pas ouvrir, dit Jack, appuyé contre le chambranle de la porte. Rapport aux vents et à l'eau...
—  Les vagues peuvent atteindre le bateau à cette hauteur ? demanda Elizabeth.
—  Oui. Quand il y a une tempête le bateau peut être submergé sans aucun problème...

Elizabeth grimaça. Elle n'aimait pas les tempêtes. Elle aimait la pluie et le vent, mais pas quand ils étaient alliés pour détruire un endroit ou malmener un énorme navire.

— Je mettrais ce que j'ai acheté l'autre jour, quand nous nous installerons pour partir, dit-elle alors. Merci Jack...

Jack se redressa.

— Bah ! C'est le moins que je puisse faire pour celle qui a tout quitté pour venir me retrouver...

Elizabeth sourit doucement. On appela alors le Capitaine et il quitta la petite pièce. Elizabeth pinça la bouche et soupira. Elle glissa alors une main dans la poche de son manteau et en tira un petit chat en porcelaine. C'était sa mère qui le lui avait offert avant de mourir. Il était usé et les couleurs étaient passées, mais elle le gardait précieusement et le disposait dans les endroits qui lui tenaient à cœur. Et sa nouvelle chambre n'était pas une exception, au contraire.
En regardant autour d'elle, Elizabeth réalisa alors que sa vie serait désormais ici, dans cette cabine un peu étroite, mais confortable, sur un énorme bateau, entourée d'hommes, le tout partagé entre de longs voyages en mer, des combats, sans doute, le pillage de navires marchands, et quelques jours passés à terre pour réparer...
Lentement, la jeune femme s'assit sur son lit et serra les mâchoires. Elle se mordit les lèvres et renifla. Levant les yeux vers la porte de la chambre, elle sourit à Jack qui pencha la tête sur le côté.

—  Vous pleurez parce que cette chambre est magnifique ou...?

Elizabeth secoua la tête. Elle passa ses mains sur ses joues et les posa ensuite sur ses genoux. Jack la rejoignit et se baissa devant elle.

— Je tâcherai de vous épargner les combats les plus violents, dit-il. Mais vous ne pourrez y échapper quand même, prenez en conscience...
— Je sais... Et je sais que je vais devoir m'habituer à voir mourir des gens, que je vais devoir me faire à l'idée que pour avoir une nouvelle chemise, il me faudra de l'argent volé à un honnête marchand...
— Ça prend un peu de temps, mais on s'y fait, dit Jack en se relevant. Vous verrez la vie autrement après quelques semaines avec nous autres. Et si vraiment ça ne passe pas, vous pourrez vous installer à Tortuga.

Il la fit lever en lui prenant les mains et l'entoura de ses bras. La jeune femme soupira contre son épaule puis recula et Jack lui caressa la mâchoire. Elizabeth ferma les yeux et sourit.

— Je n'aurais jamais imaginé qu'un pirate pouvait être aussi... délicat, dit-elle doucement.

Jack sourit.

— Je ne suis pas délicat, dit-il. Je suis un pirate, méchant et sanguinaire ! Arrrrh !

Il recula et fit mine de tirer son sabre. Elizabeth se mit à rire. Elle tendit les bras et se blottit contre lui.

— Vous ne feriez pas de mal à une mouche, dit-elle, amusée.

Jack la serra contre lui en se balançant d'un pied sur l'autre et l'embrassa sur la tempe. Elizabeth soupira alors et se redressa.

— J'ai de la chance dans mon malheur en fait, dit-elle.
— C'est-à-dire ?

Les mains nouées sur les reins de la jeune femme, Jack se tenait un peu arrière pour pouvoir la regarder et apprécier sa beauté.

—  Je n'arrête pas de me dire que j'aurais pu me noyer si vous n'aviez pas été à Port-Royal ce jour-là... Et maintenant, je me dis que j'ai de la chance que vous ne m'ayez pas repoussée...

La jeune femme baissa le nez et joua avec des perles sur l'une des mèches de Jack.

—  Disons que dans d'autres circonstances, je ne vous aurais sans doute même pas regardée, dit-il. Mais je suis un amoureux des femmes et vous êtes la créature la plus exquise qu'il m'ait été donné de voir depuis... longtemps.

Il détourna la tête et s'éloigna vers la fenêtre.

— Saramine vous hante, n'est-ce pas ? demanda Elizabeth.

Jack la regarda, les mains dans le dos, et baissa ensuite le nez.

— Elle est morte si bêtement... dit-il. Une bagarre dans un bar qui dégénère... Quelqu'un la pousse et elle heurte le bar... Elle est morte instantanément... Je ne m'en remettrai sans doute jamais.

Elizabeth hocha la tête.

— Je ne suis peut-être pas à ma place... dit-elle en croisant les bras.
— Ne dites pas de bêtises...

Jack se retourna et s'appuya de ses mains contre le bureau installé devant la fenêtre.

— Saramine est morte il y a plus de dix ans, reprit le Capitaine. Il est sans doute temps pour moi de la laisser partir, et notre rencontre, il y a huit mois, était un signe de sa part.
— Vous croyez à cela ? Aux signes ?
— Et pourquoi pas ?
— Non, bien sûr, ça ne pose pas de problème, répondit Elizabeth. Je trouve juste étonnant, pour un pirate, de croire aux signes du destin ou... du ciel.
— Disons que j'y ai mis le temps, mais que j'ai fini par comprendre que laisser passer une telle opportunité de refaire ma vie était une grosse erreur...

Jack  indiqua la jeune femme de haut en bas d'un geste de la main et Elizabeth sourit. Les mains dans les poches de son manteau, elle pinça la bouche.

— Vous m'aimez, Jack ?
— Il me semble vous avoir déjà répondu, non ?

Elizabeth sourit. Jack leva les yeux au ciel.

— Je vois, dit-il. Vous êtes ce genre qui fille qui a besoin qu'on lui confirme nos sentiments tous les jours ?
— Pas tous les jours, non, juste... régulièrement, répondit la jeune femme avec un haussement d'épaules.

Jack et secoua la tête. Il regarda ensuite la cabine et se redressa. Il passa son bras autour des épaules de la jeune femme et ils sortirent sur le pont.

— Alors Ana ? Elle te plaît, ta cabine ? demanda le Capitaine.
— C'est génial, Capitaine ! répliqua la jeune femme. Je vais enfin pouvoir dormir sans entendre tous ces gros lourdauds ronfler !

Les autres hommes de l'équipage la regardèrent en fronçant les sourcils, Gibbs y compris, et Anamaria leur tira la langue.

— Viens, dit soudain Elizabeth. Viens voir ma cabine !

Anamaria ne se fit pas prier et les deux filles disparurent dans la cabine du Capitaine.

— Et toi, Capitaine, dit alors Gibbs. Tu vas coucher où, du coup ?
— Comment ça ? J'ai toujours ma cabine...
— Ah... Je pensais que tu la lui avait donnée...
— Bien sûr ! s'exclama Jack. Pas question qu'une femme dorme dans la cabine du Capitaine !
— Et quand elle sera devenue ta femme, Capitaine ? demanda Marty.
—  On n'en est pas encore là, répondit Jack.
—  Ce qui est étonnant, d'ailleurs, dit Duncan en enroulant un épais cordage autour de son avant-bras.
— Ça suffit ? demanda Gibbs. Mademoiselle Elizabeth est un Lady, une vraie Lady anglaise, c'est pas une des putes de Tortuga...

Marty et Duncan échangèrent un regard, d'un air de dire, Lady ou pas, elle reste une fille, et Gibbs soupira. Quand il se retourna pour parler à Jack, il ne le trouva plus devant lui et le chercha des yeux pour le repérer sur la dunette, près de la roue du gouvernail.

— Eh bah, tu t'enfuis ?
— Non...
— Pas de ça avec moi, Capitaine, je sais très bien à quoi tu penses, là maintenant...

Jack serra les mâchoires et agrippa sa main gauche à l'une des branches du gouvernail. Il la fit bouger un peu puis soupira.

— Elizabeth n'est pas Saramine, dit-il alors.
— Content que tu l'aies remarqué...
— Arrête, tu sais ce que je veux dire.
— Oui. Je sais bien, mais Elizabeth et Saramine n'ont rien en commun, Jack...
— Je sais... Mais comme je l'ai dit à Elizabeth tout à l'heure, si je l'ai rencontrée lorsque le Pearl était à Port-Royal, ce n'est pas par hasard...
—  Tu crois que c'est un signe ? Saramine en aurait assez que tu sois encore accroché à son souvenir ?
—  Va savoir... J'ai rencontré Elizabeth alors que cela faisait dix ans que Saramine était morte, ce n'est pas un hasard...

Gibbs plissa la bouche.

— Je te souhaite d'être aussi heureux avec Elizabeth que tu l'as été avec Saramine, Jack, dit-il. C'est le moins que je puisse faire.
—  Merci...

Il regarda ses hommes occupés à ranger le pont, puis demanda à Gibbs de faire la liste de ce qu'il fallait acheter pour réarmer le vaisseau. Il descendit ensuite de la dunette et entra dans sa cabine pour s'atteler au tracé d'une route en direction de Tortuga.

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