Chapitre 16
Les mains sur les oreilles, Elizabeth tâchait d'ignorer les hurlements du nourrisson qui lui vrillaient la tête.
— Mais que quelqu'un s'en occupe ! s'écria-t-elle soudain.
Il y eut des bruits de pas rapides sans la pièce adjacente puis les pleurs se turent et Elizabeth soupira.
— Merci, mon Dieu...
— Madame, il semble avoir faim...
Elizabeth regarda la jeune femme avec dureté.
— Et vous voulez que j'y fasse quoi ? demanda-t-elle sèchement. Nourrissez-le !
— Mais, Madame, je...
Elizabeth se détourna et la jeune femme, le bébé dans les bras, déglutit. Elle tourna ensuite les talons, avec un peu d'hésitation, puis descendit à la cuisine.
En la voyant entrer, la cuisinière jura dans sa barbe.
— Il y a du lait dans le cellier, dit-elle. Non mais franchement, il croyait quoi le vieux barbu ? La petite, elle s'en fiche ce gosse !
— Mais c'est...
— Ce n'est pas le sien ! répliqua la cuisinière. Elizabeth Swann et Jack Sparrow n'ont pas eut un bébé en secret !
— Mais pourtant...
La cuisinière fronça les sourcils puis posa ses mains sur ses hanches.
— Une pauvre femme, dehors, doit pleurer la disparition de son bébé ! siffla-t-elle. Et il serait bien plus judicieux de le lui ramener et fissa !
La jeune femme rentra la tête dans les épaules puis se détourna et alla chercher le lait dans le cellier. Elle prépara un biberon puis s'assit dans un fauteuil et entreprit de nourrir le bébé.
~
— Bon, vous avez bien compris ?
— Mais oui, Simons, ça va aller.
Simons regarda Jack et posa les mains sur ses hanches.
— Je sais ce que ça fait de bientôt retrouver celle qu'on aime, Sparrow, alors je te jure que si tu fais tout foirer, je t'attache à la figure de proue pendant une semaine !
Jack grimaça. Depuis le matin, ils répétaient ce qu'ils allaient faire pour entrer dans la maison de Barbossa et récupérer Elizabeth.
Le plan était simple. Le vaisseau de Simons accostait l'île et des matelots, auxquels s'étaient mêlés Jack et Gibbs, déchargeraient les marchandises. Ayant accès à la maison pour ranger tout ça, il serait aisé à Jack se prendre la tangente pour trouver Elizabeth.
Et le plan se déroula sans aucun problème... du moins jusqu'à ce que Jack s'éclipse du groupe de matelots.
Ne sachant pas où aller, le Capitaine entreprit de visiter toutes les pièces de l'étage, se doutant que la jeune femme s'était retranchée dans sa chambre. Il n'avait cependant pas prévu que des matelots de Barbossa traînaient ici...
— Qu'est-ce que tu fiches ici, toi ?
Jack se retourna et leva les mains.
— Je cherche les commodités... dit-il avec son air de pas y toucher. On m'a dit que la maison en avait, mais...
L'homme devant lui fronça les sourcils puis fit signe à Jack de passer devant. Il lui indiqua alors une salle de bains et grogna ensuite quelque chose qui disait en gros qu'il avait intérêt à retourner vite au bateau.
Jack hocha rapidement la tête et s'enferma dans la salle d'eau. Il colla ensuite son oreille contre la porte et attendit que le matelot s'éloigne. Comme cela ne semblait être le cas, il se mit à imiter une personne constipée avec tout un répertoire de mimique et de bruits plus ou moins ragoûtants. L'effet fut immédiat, le matelot s'en alla en jurant et Jack se retint difficilement d'éclater de rire, les deux mains sur la bouche.
Quand le Capitaine fut sûr que l'homme était partit, il sortit en faisant mine d'avoir pourri la pièce et ferma soigneusement la porte avant de reprendre l'exploration de la maison.
Il ouvrit une à une les portes, tombant sur une chambre inoccupée, ou bien une lingerie, ou encore une pièce totalement vide, sans aucun meuble. Cela l'intrigue, car dans une maison aussi grande, il y aurait largement la place de loger confortablement tous les matelots qui semblaient errer dans la demeure.
Où vivent-ils ? Et Barbossa ?
Jack fronça les sourcils, intrigué. Soudain, un vagissement de bébé résonna dans la maison et il sursauta. Il grimaça immédiatement. Pas qu'il n'aimait pas les enfants, mais leurs hurlements lui vrillaient la tête dès qu'il en entendait un, et puis les enfants, c'est mieux chez les autres ! Cela lui indiqua cependant la direction à prendre car apparemment, Barbossa avait prit la fausse rumeur au pied de la lettre et devait être persuadé que ce bébé qui réclamait sa pitance était l'enfant de son pire ennemi et de la femme qu'il retenait prisonnière.
Tournant au coin d'un couloir, Jack fit immédiatement marche arrière et se cacha derrière un piédestal supportant une amphore grecque. Il jeta un regard par-dessus la pièce de terre et observa une femme, visiblement une servante, sortir d'une chambre avec un paquet de couvertures dans les bras. Un paquet très bruyant...
Comprenant que la chambre devait être celle d'Elizabeth, Jack attendit que la servante ait disparut pour longer le couloir avec toute la discrétion dont il était possible. Loin d'être dans son humeur de déconneur, il avait bien l'intention de retrouver sa compagne et de quitter cette île avec elle, quitte à ce que Barbossa les poursuive sur les mers pendant des semaines après ça. Il était trop près d'elle, aujourd'hui, pour se permettre d'échouer.
J'arrive, Lizie...
Jack s'avança le long du couloir et observa la porte de la pièce que la servante avait quittée avec le bébé. Il n'y avait bien entendu rien de marqué dessus, sinon, ça aurait été trop facile, mais Jack tourna quand même le bouton et entra vivement en jetant des regards dans son dos.
— Vous n'avez rien à faire ici, Matelot ! aboya soudain une voix.
Jack sursauta et se retourna, l'air d'un animal pris au piège.
— Jack... ?
Le pirate regarda alors la femme qui se tenait devant lui et se redressa. Il se racla la gorge puis ouvrit les bras et s'inclina.
— Pour vous servir, Madame Capitaine, dit-il.
Elizabeth porta alors ses mains à sa bouche et regarda autour d'elle. Soudain, elle poussa un cri et se jeta en avant. Elle trébucha sur sa robe, jura et bondit dans les bras de Jack, sans aucune pudeur, nouant ses jambes sur sa taille.
Le Capitaine la saisit à bras le corps et quand elle l'embrassa presque farouchement, il s'adossa à la commode et la jeune femme reposa ses pieds au sol.
— Lizie...
Jack prit le visage de la jeune femme entre ses mains et la força à reculer. Elle le regarda, presque hallucinée, et il sourit.
— Il faut partir, dit-il. On aura tout le temps de... Après.
Il agita les mains puis attrapa celle d'Elizabeth et la tira vers la porte de la chambre. Elle lui résista et il la regarda, surpris.
— Allez ! dit-il. Venez !
— Oui mais... Jack, il faut ramener le bébé à sa vraie mère ! dit Elizabeth en allant dans une autre pièce.
Le pirate la suivit et la regarda jeter dans un sac, quelques vêtements de femme et des petites affaires. Elle se figea soudain et Jack bondit dans la chambre comme la porte de la pièce principale s'ouvrait.
— Madame Elizabeth, je vous ramène votre... Oh par tous les dieux !
En voyant Jack, la servante ouvrit la bouche pour hurler, mais le pirate lui bondit dessus et lui plaqua sa main sur la bouche.
— Pas un mot ! dit-il en glissant son poignard contre les côtes de la femme. Si vous ouvrez la bouche, vous êtes morte. Donnez le bébé à Elizabeth et laissez-nous partir.
Elizabeth s'approcha alors et prit le nourrisson pour la première fois depuis son arrivée.
— On te ramène à ta maman, bonhomme, dit-elle en le glissant dans un panier souple tressé. Venez Jack, allons-y. Où sont les autres ?
— Gibbs est sur le navire de Simons, il va nous ramener à bon port. Mais avant...
Forçant la servante à s'asseoir sur le sol, Jack arracha la tenture et la ligota avec. Il lui fourra le bout libre dans la bouche et lui caressa ensuite la joue.
— Dites à Barbossa que les Sparrow le saluent bien bas ! souffla-t-il. Au revoir, Madame !
Il rejoignit ensuite Elizabeth qui avait ouvert la fenêtre. Jack se pencha alors et inspecta les environs. La façade était lisse, mais rien n'arrête un pirate quand il veut filer. Arrachant l'autre tenture, ledit pirate la jeta par la fenêtre en se servant de la solide tringle comme d'une ancre en travers de la fenêtre. Il descendit ensuite en rappel contre la façade et quand il posa les pieds dans l'herbe, à trois ou quatre mètre de là, il leva la tête.
— Lancez le panier ! dit-il en tendant les bras.
— Le lancer ? Mais vous êtes fou !
— Allez, chérie, on n'a pas le temps, là !
Elizabeth regarda Jack, puis le panier du bébé, puis la servante qui la regardait avec des yeux fous. Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit à la volée et deux matelots apparurent.
— La garce fiche le camp ! hurla l'un d'eux. Sonnez l'alerte !
Elizabeth n'eut pas trop le choix. Elle passa le panier par-dessus le rebord de la fenêtre et tâcha de la positionner à l'aplomb de Jack avant de la lâcher. Il tomba comme une pierre, pile dans les bras du pirate.
— Je te tiens, salope ! cria soudain une des matelots en saisissant Elizabeth à la taille.
La jeune femme poussa un hurlement strident et lui planta ses ongles dans les mains. L'homme grogna de douleur, mais ne lâcha pas sa prise pour autant. Soudain, une détonation résonna et Elizabeth se figea. Les mains qui la tenaient se desserrèrent et l'homme tomba au sol, mort, un trou dans le front.
— Jack...
Blanche, Elizabeth regarda Jack en contrebas, il tenait encore son mousquet fumant de la main gauche, et le panier du nourrisson de la main droite.
— Maintenant, descendez, dit-il.
Elizabeth ne se fit pas prier. Choquée, elle enjamba l'appui de la fenêtre et se laissa glisser le long du rideau de velours rouge. En arrivant en bas, ses jambes lui firent défaut et elle tomba sur le dos.
— Debout, dit Jack en la prenant par le bras. On n'a pas le temps, Lizie...
Elizabeth opina et suivit ensuite son compagnon, dans un état second. Ils firent le tour de la maison dans les hautes herbes et en arrivant devant, ils tombèrent nez à nez avec une douzaine de matelots qui leur faisaient face.
— On ne bouge plus ! grogna l'un d'eux. Le Capitaine Barbossa ne va pas être content, vous savez, quand il apprendra que la donzelle s'est fait la malle !
— Pour info, c'est ma donzelle ! siffla Jack. Et je me fiche des états d'âme de Barbossa ! Je...
Le sifflement caractéristique d'un boulet de canon se fit alors entendre et la bute de terre la plus proche explosa dans une gerbe de sable et d'herbe. Tous les matelots se jetèrent au sol et Elizabeth serra le panier du bébé contre elle. Le nourrisson hurlait de terreur et elle n'avait aucune idée de comment faire pour le calmer.
Profitant de la pagaille générale, Jack saisit Elizabeth par la main et l'entraîna après lui dans les herbes déchiquetées, jusqu'à la plage. Ils manquèrent de tomber à plusieurs reprises et évitèrent de peu des balles de mousquet.
— On y est ! dit alors Jack.
Il trébucha soudain et tomba la tête première dans le sable. Il fit un roulé boulé et se releva adroitement avant de continuer à courir en entrainant sa compagne après lui.
— Encore quelques mètres ! cria Gibbs, debout dans une barque qui tanguait dangereusement. Allez !
Le couple de fugitifs mit un coup de collier et une balle passa soudain à travers des jupes d'Elizabeth qui poussa un cri en bondissant. Elle trébucha et lâcha le panier du bébé. Jack le récupéra et le lança à Gibbs avant d'aller récupérer la jeune femme qu'il chargea sur son épaule avant de la jeter à son tour dans la barque.
— Fonce ! hurla-t-il en poussant la barque dans l'eau.
Il se hissa à bord laborieusement et Gibbs se mit à ramer comme jamais il n'avait ramé de sa vie, alors que les matelots de Barbossa se rassemblaient sur la plage en leur tirant dessus avec des fusils ou des mousquets.
Plusieurs balles ricochèrent contre la coque de la barque sans dommages et bientôt, les trois pirates furent hors de portée des matelots et Jack se laissa tomber au fond de la barque avec un profond soupir. Il se tourna ensuite vers Elizabeth, mais la joie des retrouvailles avait disparut de son visage. Elle était blanche comme sa robe, couleur lait caillé, plutôt, et ses yeux étaient terrorisés. Elle tenait le nourrisson contre sa poitrine en se balançant d'avant en arrière, les jambes repliées contre elle.
— On s'en occupera une fois sur la terre ferme, dit Gibbs.
Jack hocha lentement la tête puis regarda le navire de Simons qui étendait son ombre sur eux.
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Dernière modification le 12/08/2020
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