Chapitre 13

(Attention, séquence émotion, sortez les mouchoirs ! 😭)

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Jack traversa la ville à grandes enjambées sans s'arrêter une seule fois. Il ne s'arrêta que lorsqu'il trébucha sur une marche d'escalier qui le fit basculer en avant et tomber sur un genou. La douleur du genou tapant l'arrête de la marche de pierre fut si intense, qu'il fut incapable de se relever dans la seconde. Il s'assit alors sur la marche et frotta son genou en grommelant.

Les dernières minutes de sa promenade avec Elizabeth - promenade qui avait duré une bonne partie de l'après-midi et de la soirée, soit dit en passant - lui revinrent alors en mémoire et il pressa la paume de sa main contre son front.

— Non... souffla-t-il. Pas maintenant... Saramine...

Il serra les paupières et haleta. Il fut alors projeté de dix ans de le passé et il se retrouva devant un bar à la réputation correcte dont il avait oublié l'emplacement. Lorsqu'il y entra, il se rappela aussitôt et tourna la tête vers une table, non loin de la porte. Il reconnu Gibbs malgré l'absence de ses favoris et de quelques kilos, puis son regard tomba sur une belle femme aux longs cheveux noirs soigneusement remontés en une belle coiffure élaborée. Elle portait une robe bleue, très décolletée ce qui mettait sa généreuse poitrine en avant.

— Saramine...

Jack s'avança dans le bar quand soudain, il fut bousculé par un homme qui se dirigea vers la table et déposa entre Gibbs et Saramine, des chopes de bière. Il contourna ensuite la table et s'assit à son tour, non sans avoir gratifié la femme d'un solide baiser.

Jack eut un coup au cœur. Il se revit avec dix ans de moins, Capitaine depuis seulement quelques mois, à la recherche d'un équipage pour le Pearl qu'il venait d'hériter de son père...

Du coin de l'œil, Jack vit alors un homme se lever en menaçant un autre homme d'un couteau.

— Non... Pas encore...

La lame du couteau disparut dans l'homme en face du grand type puis un coup de poing vola, une chope s'écrasa derrière le bar, le tavernier disparut sous sa tablette... S'ensuivit une bagarre générale et Jack se regarda en train d'essayer de partir furtivement.

— Pas par là... souffla-t-il.

Mais son jeune lui ne l'entendait pas, il piqua droit vers la porte, mais un homme apparut soudain dans l'encadrement et fit face à Gibbs. Celui-ci le défia du regard, mais l'homme le repoussa comme un fétu de paille. L'homme se dirigea ensuite sur Jack et Saramine. Soudain, un autre homme sauta sur le dos du premier et lui abattit une chope sur le crâne.

— Non...

Jack ferma les yeux quand son jeune lui se prit une chope sur le crâne à son tour. Le front en sang, il tomba sur le sol et resta sur le carreau. C'était sa première baston générale et il ne l'oublierait jamais...

Jack ferma les yeux et quitta le bar. Depuis le temps qu'il revoyait cette épouvantable scène, il avait appris à la contrôler. Au début, il la revoyait d'un bout à l'autre, il revivait la mort de Saramine, si bête et pourtant si terrible, encore et encore, et puis, petit à petit, il avait appris à couper des passages, à les effacer...

Rouvrant les yeux, Jack regarda autour de lui. Il renifla et passa ses mains sur ses joues. Il repensa alors à Elizabeth qu'il avait lâchement abandonnée sur les quais.

Si après ça, elle veut encore de toi, tu as de la chance, mon ami ! songea-t-il en se levant.

Son genou le lança, mais il serra les dents et claudiqua jusqu'à la taverne.

~

— Tiens, regarde qui se pointe comme une fleur... soupira Anamaria.
— Une fleur bancale alors. Ça va, Capitaine ? Vous êtes blessé ? demanda Gibbs.
— Rien qu'un coup de rhum ne guérira.

Il leva l'index vers le barman et Gibbs lui saisit soudain les bras et lui fit face.

— Oh... Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le pirate.
— Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? demanda Anamaria. Vous êtes sérieux ?

Jack ferma les yeux.

— Elizabeth...
— Oui, Lizie ! s'exclama Anamaria. Vous l'avez abandonnée sur les quais ! C'est sympa ! Goujat !

Elle lui décocha une gifle et Jack la regarda avec surprise.

— De sa part, dit-elle.

Elle tourna ensuite les talons et Gibbs regarda son ami.

— Qu'est-ce que tu as fait encore ? demanda-t-elle.
— Rien, je te jure... C'est elle.

Gibbs haussa un sourcil puis croisa les bras.

— Tu vas me faire croire qu'une jolie plante comme elle a dit un truc qui t'a poussé toi, le plus grand pirate des Caraïbes, à fuir ?
— Elle l'a pas fait exprès. Elle savait pas, elle...
— Oh, dit Gibbs en décroisant les bras. Saramine, hein ?
— Ouais...

Jack se hissa sur un tabouret du bar et entreprit de raconter ce qui s'était passé entre Elizabeth et lui juste après que la patrouille de soldats soit passée. Quand il se tut sur le retour du plus terrible souvenir de sa vie, Gibbs soupira profondément.

— Elle pouvait pas savoir, dit-il en se servant du rhum.
— Je sais bien, mais...

Jack ferma les yeux et regarda son verre de rhum.

— Gibbs, je me suis enfui... dit-il alors. J'ai fui comme... comme un lâche, j'ai fui parce qu'une fille, et une belle avec ça, a malencontreusement prononcé le mot "femme" dans une conversation...

Jack se passa une main sur le visage et soudain, s'écroula sur le bar en bousculant son verre. Il gémit et Gibbs lui tapota le dos doucement.

~

— Allez, ça va aller... Viens te poser...
— C'est un rustre !

Elizabeth tournait en rond dans la chambre. Elle était furieuse.

—  Lizie, pose-toi, dit soudain Anamaria. Je vais te raconter un truc sur le Capitaine.
— Quoi, tu vas encore me dire que c'est un bon gars, blablabla ?
— Non, pas cette fois...

Elizabeth se figea et regarda Anamaria.

— Assied-toi...

Elizabeth, surprise par le sérieux soudain de son amie, s'assit lentement sur son lit et Anamaria entreprit alors de raconter l'épisode traumatisant auquel Jack avait dû faire face, à ses débuts dans la piraterie...

~

Rond comme une queue de pelle, Jack arpentait les rues du quartier des pirates sans savoir ni où il allait, ni même où il était. Il avait été sobre pendant plus de vingt-quatre heures et ces six verres de rhum d'affilée avaient eu un effet bœuf sur lui...

— Hic ! Oh, pardon...

Jack tituba et heurta un lampadaire.

—  Pardon, Madame...

Il reprit sa marche et eut un autre hoquet. D'ordinaire, il tenait assez bien l'alcool, mais ce soir, le chagrin, la honte et le rhum faisaient un mélange détonant...

— Eh ! Le poivrot !

Jack pivota sur un pied et regarda le soldat anglais qui s'approchait de lui.

— Un pirate ! dit-il. Et pas n'importe lequel ! Jack Sparrow en personne !
— Capitaine...  hic... Jack Sparrow ! hoqueta Jack, l'index levé. Steuplé...
— Eh ben... dit le soldat en plissant le nez. T'en tiens une belle, ce soir, dis donc...
— Une belle ? Où ça ?!

Jack fit un tour sur lui-même et s'emmêla les pieds. Il tomba lourdement et resta sur le sol. Quand il se mit à ronfler, le soldat soupira en levant les yeux au ciel. Il fit venir trois collègues et le transportant chacun par un membre, ils allèrent le jeter dans une charrette de foin, juste après la frontière immatérielle qui séparait la ville des bonnes personnes et le quartier des pirates et des voleurs.
Normalement, ils auraient dû l'emmener en prison, mais Jack Sparrow était connu comme le loup blanc et il ne ferait pas de mal à une mouche. Il était gauche, maladroit et constamment imbibé. Pas de quoi s'inquiéter avec lui...

~

À la taverne, dans leur chambre, cependant, Anamaria et Elizabeth essuyaient leurs larmes.

— Comment c'est possible... dit Elizabeth en se mouchant délicatement. Un tel malheur...

Elle soupira, s'essuya les yeux puis baissa les mains sur ses genoux.

— Je me sens stupide maintenant, dit-elle.

Anamaria renifla bruyamment et passa ses mains sur ses joues.

— Faut pas, dit-elle. C'était il y a longtemps mais ça le hante, et je sais pourquoi t'es là.
— Comment ça ?
— Tu es sa nouvelle Saramine, Lizie...

Elizabeth ronfla.

— Bien sûr...
— Écoute, ce moment que vous avez passé tous les deux, cachés des soldats, si tu n'avais pas été amoureuse, tu ne serais pas restée aussi proche de lui pendant autant de temps...
—  Ana, je t'ai déjà dit que...
— Tu es amoureuse de Jack, Lizie ! dit la jeune femme noire. C'est une évidence pour moi, sinon tu n'aurais pas bravé ton père et traversé la moitié des Caraïbes pour le retrouver !

Elizabeth avala sa salive puis se tamponna le nez de son mouchoir et soupira.

—  Tu crois ? demanda-t-elle.
— J'en suis même sûre. Tu étais mariée, Lizie, à un homme plus que bien, si j'en crois ce que tu m'as dit sur le Commodore Norrington, mais tu n'as pas réussi à l'aimer, tu n'as pas réussi à tomber enceinte de lui... Pour la simple et bonne raison que tu étais déjà amoureuse...
— On ne peut pas tomber amoureuse d'un homme qu'on ne connait pas...
— Bien sûr que si ! répliqua Anamaria. Bien sûr que si, voyons... Tu connais, le coup de foudre ?

Elle l'avait dit en français et Elizabeth la regarda avec étonnement. Elle soupira alors et se laissa tomber en arrière sur son lit. Anamaria la rejoignit et Elizabeth tourna la tête vers elle.

— Je fais quoi ? demanda-t-elle.
— Pour commencer, dormir, il est plus que tard, dit Anamaria en se relevant. Ensuite... On verra comment Jack est demain.

Elizabeth ronfla puis se leva et les deux jeunes femmes entreprirent de se préparer à aller se coucher.

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Dernière modification le 03/98/2020

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