Chapitre 12

— Le Capitaine Barbossa n'est pas avec nous ?
— Je suis désolée, j'ignore où il est, répondit Elizabeth. Vous serez donc mon hôte, ce soir, et c'est très bien, car je n'ai vu personne depuis deux semaines.

Le Capitaine Ed Simons haussa les sourcils.

— Deux semaines ? Mais qu'est-ce qu'une belle demoiselle comme vous fait donc ici ? demanda-t-il, surpris, en prenant place dans un fauteuil près d'une imposante cheminée.

Elizabeth s'installa dans un second fauteuil, avec toute la grâce dont elle disposait, en prenant garde de bien mettre ses atouts en valeur, et une fois installée, elle soupira.

— J'imagine que vous avez entendu parler, comme tous les pirates, d'une rumeur me concernant...

Simons plissa un œil.

—  Une rumeur... ? Une minute, est-ce que vous seriez...

Elizabeth esquissa un sourire et posa son menton dans sa main, le coude en appui sur le bras du fauteuil. À sa main, une bague qui jurait avec sa belle tenue, énorme, en argent, avec une pierre rouge ovale qui brillait de mille feux.
Simons devint aussitôt pâle.

—  Lizie Sparrow ! hoqueta-t-il. Vous êtes...

Elizabeth haussa discrètement un sourcil. De Elizabeth Swann, fille de Gouverneur, elle était passée, en moins d'un an, à Lizie Sparrow, femme de Seigneur Pirate. Les choses allaient vite parmi les forbans, apparemment...

—  Je n'en reviens pas ! Mais que faites-vous ici ?!

Simons était réellement choqué et Elizabeth fit signe à un matelot de servir à boire. Une bouteille de Rhum apparut sur le guéridon entre eux, et une bouteille de Cherry. Le matelot servit un grand verre de Rhum à Simons et, dans un petit verre à pied, une goutte de Cherry pour Elizabeth.
Simons avala cul-sec son Rhum et Elizabeth grimaça. Elle prit son verre et en sirota une brève gorgée puis elle le reposa.

—  Voyez-vous, dit-elle alors. La rumeur me concernant semble avoir été... surestimée.
— Surestimée ? C'est à dire ?
— Eh bien, je n'ai pas été envoyée en Angleterre par mon père pour couvrir une prétendue grossesse et donner le jour à l'enfant du Capitaine Sparrow en toute discrétion.
— Ah non ? Mais alors...
— Ce serait trop long à expliquer, sachez toutefois que ces mois dans ce couvent sont ma punition pour avoir "voulu voir le monde", selon mon père, et c'est cette rumeur qui fait que je ne suis pas ici de mon plein gré...

Simons plissa les yeux. Elizabeth lui expliqua alors que, sous couvert d'un retour anticipé à Port-Royal, Barbossa avait réussi à tromper la Sœur-Mère du Couvent de Londres et à récupérer la jeune femme, en toute légalité.

— Et depuis, me voilà cloîtrée ici, sans visites, ni même le droit de sortir dans les jardins, soupira Elizabeth. Barbossa ne me croit pas, il est persuadé que la rumeur est vraie et que je cache donc le successeur du Capitaine Sparrow. Cependant, s'il est vrai que j'ai été mariée par le passé, j'ai divorcé et ai ensuit décidé de vivre ma propre vie.
— En tant que pirate ?
— Et pourquoi pas ? Vous n'avez aucune idée de la platitude d'une vie bourgeoise, répondit Elizabeth, les sourcils froncés. Lorsque je me suis enfuie, faussant compagnie au Capitaine qui devait me conduire en Espagne, j'ai enfin pu me débarrasser de ces robes françaises hors de prix, de ces corsets qui vous brise les côtes, et être moi-même.

Simons pencha la tête sur le côté.

—  Je sais ce que c'est, la vie de bourgeois, dit-il alors. Je suis un pirate, mais un Marchand, et j'ai de ce fait, les mêmes préoccupations qu'un anglais de la haute-noblesse comme votre père, ou vous-même, Mademoiselle Swann.

Elizabeth pinça les lèvres.

— Aidez-moi à partir d'ici et à retrouver Jack, dit-elle alors.
— Et qu'y gagnerais-je ? Je suis un Marchand, et un marchand doit vendre, répondit Simons. Si je vous embarque sur mon navire, ce sera comme marchandise. Une marchandise fort délicieuse, farouche et sans peur, d'ailleurs...

Elizabeth baissa le nez. Passer de captive à marchandise n'était pas exactement ce qu'elle avait en tête, mais quand elle avait imaginé faire croire à cet homme en face d'elle que la rumeur était vraie et qu'il devait l'aider à retrouver son bébé, puis à les ramener près de Jack, elle avait rapidement compris que ce plan était une bombe à retardement. Si elle s'embringuait dans une telle histoire sans avoir l'ingrédient principal, le bébé, elle serait vite découverte et passerait sans doute un très mauvais moment. Elle avait donc décidé de réviser son plan.

—  Écoutez, je dois partir d'ici, dit Elizabeth. Je me fiche de devoir payer pour quitter votre coque de noix, mais je dois partir d'ici, je dois retrouver Jack et je dois rassurer mon père ! Barbossa ne me laissera pas repartir, je suis certaine qu'il a déjà prévu de contacter Jack et d'organiser un échange entre moi, mon prétendu enfant, et le Pearl.

Simons écouta attentivement puis soupira.

—  Barbossa veut le Pearl, c'est bien connu, dit-il. Mais irait-il jusqu'à ça ?
— Il ferait n'importe quoi pour humilier Jack et l'obliger à faire quelque chose contre son gré, marmonna Elizabeth. Jack offrira le Black Pearl et tout son contenu pour me récupérer, même si nous sommes abandonnés sur une île déserte après ça.
— Hm, vous semblez avoir confiance en Sparrow...

Elizabeth baissa le nez en regardant sa bague.

— Je suis sa femme... dit-elle en haussant les épaules.
—  D'accord... 

Simons soupira et Elizabeth se leva. Elle fit un tour sur elle-même puis se rassit.

— Selon vous, combien vaux-je ?

L'homme en face d'elle l'observa un moment et soupira.

— Un bon paquet d'or, dit-il, un peu désabusé. Mais si je vous prend sur mon bateau, en qualité de marchandise, une femme noble, doublée de la femme d'un Seigneur Pirate, je risque d'avoir de gros ennuis, ajouta-t-il. Sans compter Barbossa qui va me traquer jusqu'à ce que je vous rende à lui...

Elizabeth baissa les yeux, les lèvres serrées.

—  Il n'y a donc rien à faire ?
—  Dans l'immédiat, non, mais si vous avez encore un peu de patience, je peux conduire mon équipage à la poursuite de Sparrow et lui indiquer l'emplacement de cette île.
—  Pourquoi feriez-vous cela ?
—  Parce que vous êtes belle, que vous êtes charmante, et que vous feriez une très bonne épouse de pirate. Surtout celle de Jack Sparrow.

Elizabeth esquissa un sourire.

—  Et pourquoi Jack en particulier ? demanda-t-elle. Qu'a-t-il de plus qu'un autre Seigneur Pirate ?
— Pas grand chose, mais il est un Seigneur Pirate, et son père est un pirate respecté. Vous n'êtes pas dans la piraterie depuis longtemps, mais sachez que Teague a toujours voulu une fille, Miss Swann... Sa femme est morte avant de la lui donner, mais je suis certain que si son fils s'amourache d'une fille comme vous, le Capitaine Sparrow père en sera plus que ravi.

Elizabeth sourit doucement et se sentit rougir. On se racla alors la gorge et un mousse les informa que le dîner était servi. Ils rendirent donc dans la salle à manger mais la discussion était morte et le repas se passa en silence.
Quand le dessert fut apporté, Simons refusa la part de gâteau et préféra une pomme. Elizabeth ne se priva pas de la part de gâteau, au contraire. Après tout, elle en avait été privée pendant des mois !

—  Miss Swann ?

Elizabeth releva la tête, étonnée.

— Je vais faire ce que j'ai dit, dit Simons en pelant sa pomme pensivement.
— Ce que vous avez dit ?
— Oui, concernant votre "fuite", d'ici...

Elizabeth se redressa et porta sa serviette à ses lèvres puis elle hocha lentement la tête.

— Cela va m'obliger à rester encore des semaines ici, dit-il en regardant autour d'elle. Je vais mourir d'ennui...
— Je vais laisser des livres et des coupons de tissu à vos gens, dit Simons. Cela occupera un temps votre séjour. Je mettrais tout cela sur la note de frais de Barbossa, bien entendu.

Elizabeth eut un mince sourire et Simons lui tapota la main du bout des doigts. La jeune femme soupira puis s'excusa et quitta la salle à manger. Elle regagna sa chambre et se jeta sur son lit en serrant les paupières.
Elle y avait cru ! Pendant un moment, elle avait cru pouvoir partir d'ici, même en payant ce Marchand Pirate, mais non... Il avait décidé de la laisser là, de l'abandonner aux mains de Barbossa et à ses idées infernales...

~

Un peu plus tard dans la soirée, on informa Elizabeth que le Capitaine Simons avait regagné son bateau et que le lendemain, il fera livrer les achats qu'elle avait "faits", puis qu'il partirait. 
Rester encore des semaines dans cette maison, seule avec ces matelots, ces gamins qui se prenaient pour des pirates, et deux femmes un peu distantes, c'était encore pire punition que le couvent !
La jeune femme se coucha donc avec le moral en berne et toute la nuit, elle ne cessa de penser à Jack, à Anamaria, à Gibbs, et de se demander où ils étaient et combien de temps ils allaient mettre pour venir la secourir...

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Dernière modification le 11/08/2020

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