Chapitre 10
Laissant ses mésaventures à Port Royal, Elizabeth eu tôt fait de redevenir la jeune recrue pirate qu'elle était malgré son "titre" de Madame Capitaine. Le seul changement majeur, qui surprit Jack, fut quand elle lui demanda à s'installer dans sa chambre, tout en gardant la sienne, bien entendu, pour ces jours du mois où être seule est plus appréciable pour une femme.
Ce matin-là après un mois de mer, Elizabeth quitta donc le large lit qu'elle partageait désormais avec son compagnon et descendit aux cuisines. À défaut de servir à autre chose sur un navire, elle avait décidé de faire tous les repas et de s'occuper de la lingerie. Alors, certes, les pirates n'avaient pas forcément besoin de changer de chemise tous les jours, mais au moins une fois de la semaine ou après avoir été trempés par un grain. Et ce n'était pas Jack qui allait dire le contraire, ravi de voir que celle qu'il considérait comme sa femme trouvait sa place parmi eux en leur adoucissant la vie dans la foulée.
Elizabeth surveillait donc le gruau du petit déjeuner tout en pliant du linge quand Anamaria apparut en nouant son bandana jaune sur ses cheveux crépus.
— Salut. T'es trop matinale, dit-elle en s'écroulant sur une chaise.
— Faut bien que le repas soit prêt quand tout le monde émergera, sourit Elizabeth. Sers-toi si tu veux, ça doit être prêt, du reste.
— Tu as mis quoi dedans, ce matin ?
— Des raisins à la gnôle.
Anamaria haussa un sourcil puis sourit. Elle attrapa un bol et se servit une bonne louche de l'épaisse soupe d'avoine tout en reniflant pour s'imprégner de l'odeur.
— Ça sent bon ici ! s'exclama soudain une voix.
Elizabeth baissa les yeux sur Marty, le matelot nain, et il lui décocha un sourire. Sans un mot, il attrapa un marchepied, se hissa dessus en prenant un bol, et renifla dans la grande marmite.
— Vous avez mis d'la gnôle dans l'gruau ? s'étonna-t-il.
— Des raisins à la gnôle, plus précisément, sourit Elizabeth. Il en restait un bocal et ils semblaient me supplier de les utiliser.
Marty rigola et se servit. Il s'assit près d'Anamaria et Elizabeth continua son pliage. Bientôt le reste de l'équipage vint se nourrir et les deux matelots qui avaient été de nuit descendirent se coucher. Les autres remontèrent et une fois qu'il n'y eu plus personne, Elizabeth attrapa deux bols, les remplit de gruau et monta réveiller son compagnon qu'elle trouva assis au bord du matelas.
— Bonjour...
— Oh, ma femme... sourit Jack.
Il repoussa les dreads sur sa tête et soupira.
— Vous avez mal dormi, dit alors Elizabeth. Vous avez remué toute la nuit, des mauvais rêves ?
— Des souvenirs avec Barbossa...
— Vous voulez en parler ?
Jack inspira et haussa les épaules.
— Il y a environ dix ans, j'avais engagé Barbossa comme Second, ici, à bord du Pearl. À l'époque, je cherchais un fabuleux trésor, celui de Herman Cortez et j'avais besoin d'un équipage fidèle. Je savais où se trouvait son île et Barbossa, à l'époque je lui faisais confiance, à réussi à me faire dire la localisation de l'île. La nuit suivante, il a provoqué une mutinerie et ils m'ont abandonné sur une île avant de se tirer avec le Pearl. Le père de votre ami, Will Turner, il a trouvé la mort ce soir-là, il était de mon côté et Barbossa l'a attaché à un canon et jeté par-dessus bord.
Elizabeth plissa le nez. Elle fronça soudain les sourcils comme un souvenir lui revenait.
— Il y a dix ans, vous dites ?
— Oui, pourquoi... À une vache près.
— Nous étions en route pour Port Royal à ce moment-là, et en chemin, nous avons croisé les restes d'un navire civil détruit... William était à bord et il avait une pièce autour du cou avec un crâne aztèque dessus.
Jack fronça les sourcils à son tour.
— Une pièce... Comme celle-ci ? demanda-t-il en prenant quelque chose dans le tiroir du chevet.
La jeune femme prit ce qu'il lui tendait et serra les lèvres en hochant la tête. Jack récupéra la grosse pièce amérindienne puis soupira.
— Barbossa a trouvé le trésor et ils l'ont dépensé, dit-il. Ils n'ont pas tenu compte de la malédiction qui était associé et...
Elizabeth plissa les yeux. Jack soupira et secoua la tête avec un sourire.
— Changeons de sujet, dit-il. Remuer le passé n'est jamais une bonne chose. Ça sent bon, ça, c'est quoi ?
— Du gruau aux raisins, répondit la jeune femme en lui tendant un bol.
Jack esquissa un sourire. Elizabeth lui prit soudain le bol et le posa entre eux sur le lit. Quand le pirate tourna la tête vers elle, elle l'embrassa.
— C'est en quel honneur ? demanda-t-il avec un sourire.
— J'en avais envie, c'est tout. Dois-je avoir une raisons pour embraser mon homme quand j'en ai envie ?
— Oh, chérie, sûrement pas ! répondit Jack en souriant.
Il retourna l'embrasser avec vigueur. La jeune femme se hissa soudain sur ses genoux et il brisa le baiser pour fourrager dans son corsage. Elizabeth rigola et Jack releva la tête.
— Quand vous serez mienne, Elizabeth, je vous promets que vous aurez la vie que vous avez toujours voulu avoir ! dit-il en lui tenant la taille. Vous entendez ? Je vous le jure, vous n'aurez aucune bride, vous pourrez être libre comme le vent.
— Intéressant, mais j'espère que je vous appartiendrai toujours quand même, sourit la jeune femme.
— Ne vous en faites pas pour cela...
Jack sourit et Lizzie l'embrassa de nouveau avant d'émigrer sur une chaise pour qu'ils mangent en tête à tête.
.
— Capitaine, un navire à bâbord.
— Pavillon ?
— Civils anglais.
— Hm, on est loin des côtes, y a probablement rien à bord... répondit Jack en plissant le nez.
— On n'a pas piraté depuis des semaines, les gars commencent à s'ennuyer, répondit Gibbs.
— Je sais bien... Bon, on approche, on leur demande ce qu'ils ont à bord et on voit ensuite.
— S'pas vraiment de la piraterie, ça, bougonna le Second.
— J'ai pas envie de détruire un navire pour rien aujourd'hui, Gibbs, c'est tout.
— Mouais. Bon, bah allons-y alors. Allons demander à ce navire l'autorisation de l'aborder !
Le ton était amer et railleur en même temps, mais Jack ne releva pas. Il quitta la dunette et regagna sa cabine. Il trouva Elizabeth en train de lire.
— Un navire anglais à bâbord, annonça-t-il. Ce sont des civils, alors on va leur demander de faire leurs poches sans les attaquer.
— Plutôt délicat comme attention...
— Bah, j'ai juste pas envie de couler un navire pour m'amuser, c'est tout. Vous en êtes ?
— Je peux ?
— Vous pouvez même mener l'assaut si vous voulez. Ça risque d'être calme, alors vous craignez rien.
Elizabeth sourit, ferma son livre et disparut dans la chambre pour se changer. Jack sourit. Il mesurait à peine la chance qu'il avait d'avoir cette fille à ses côtés, que moins de deux ans en arrière, elle était encore une bourgeoisie engoncée dans un corset et engluée dans une vie maritale dont elle ne voulait pas.
Un appel à l'extérieur lui fit tourner la tête et il sortit sur le pont.
— Y s'passe quoi, Monsieur Gibbs ?
— Capitaine, y a un truc pas net avec le navire. Y bouge pas.
Jack fronça les sourcils et grimpa près de son Second. Il prit sa longue-vue et observa le gros bateau à environ cent mètres deux.
— Je vois personne sur le pont, c'est bizarre en effet... En avant toutes, on va aller voir ça.
— À vos ordres, Cap.
Elizabeth apparut alors près de son compagnon et le Pearl tourna pour se diriger vers le navire qui battait pavillon civil anglais.
Lorsque les deux navires furent côte à côte, les marins du Pearl lancèrent les perches puis une passerelle et Jack se hissa dessus avant de plisser le nez et de remonter son bandana dessus.
— Choléra, dit-il. Ils sont tous morts.
— On va pas voir quand même ? demanda Elizabeth.
— C'est risqué. Si la maladie...
— Oui, mais il y a peut-être encore quelqu'un en vie, non ?
— Je n'ai pas envie de risquer votre vie sur un peut-être, chérie, répondit Jack en fronçant les sourcils.
Elizabeth pinça la bouche. Jack redescendit alors de la passerelle en ordonnant que le Pearl soit désarrimé et que l'autre navire soit brûlé. Ses hommes obéirent en silence et alors que la passerelle était retirée, Elizabeth se figea.
— Silence ! ordonna-t-elle.
— Quoi ? demanda Anamaria. Qu'est-ce qui se passe ?
Elizabeth leva la main et écouta. Soudain tout le monde entendit parfaitement le faible appel à l'aide.
— Il y a quelqu'un qui est encore vivant là-dedans ! s'exclama Anamaria. Capitaine !
Jack pivota et revint. Il écouta et entendit clairement l'appel.
— Allez-y, dit-il aux deux femmes. Achevez-le s'il le demande. Il a peu de chances de survivre de toute manière.
Elizabeth déglutit, mais obéit. Elle était Madame Capitaine, mais elle devait tout de même se soumettre à ses ordres. Elle ne voulait de toute manière pas se considérer au-dessus des autres.
S'enroulant le visage dans un bandana et enfilant une cape de pluie en cuir huilé, les deux jeunes femmes prirent pied sur le navire civil et s'approchèrent de la dunette en évitant les cadavres déjà en état de décomposition avancé.
— Ça venait d'où ? demanda Anamaria.
— Dessous, je pense.
— Allons-y alors.
— Surtout, ne touchez à rien, dit Jack.
Elizabeth hocha la tête et s'engouffra ensuite par la première porte qu'elle vit. Armée d'une lampe tempête, elle éclaira l'endroit, mais c'était une pièce vide. Anamaria lui passa ensuite devant et descendit l'escalier. Elle enjamba une femme morte en bas des marches en faisant un rapide signe de croix, puis elle pénétra dans la première cale aménagée en pièce à vivre pour au moins vingt personnes.
— Seigneur... souffla Elizabeth en entrant à son tour. Pauvres...
Elle ferma les yeux et elles traversèrent la salle jusqu'à un second escalier. Cette fois-ci, la seconde cale avait été aménagée en chambres. Elles étaient toutes vides, sauf une.
— Aidez-moi, je vous en prie...
— On est là, dit Anamaria. On arrive...
Elle contourna un lit défait et découvrit entre ce dernier et le mur, deux enfants. Du moins, un jeune enfant et un autre plus âgé. Le plus jeune était très mal en point.
— Comment tu t'appelles ? demanda alors Anamaria.
— Thibault... Vous êtes des pirates ?
— Oui. Nous avons entendu ton appel. C'est ton frère ?
Thibault hocha la tête. L'enfant serré contre lui respirait à peine. Il était blême et couvert de salissures.
— Tu es malade ? demanda alors Anamaria.
— Non... J'ai déjà eu cette maladie, je ne peux plus l'avoir on m'a dit... Et c'est vrai. Mon frère...
Elizabeth secoua la tête. Thibault se mit alors à pleurer et Anamaria saisit doucement l'enfant par les épaules et le déposa sur le lit. Son grand frère se leva ensuite et chancela un moment. Il caressa les cheveux crasseux du plus jeune puis les deux femmes échangèrent un regard. Elizabeth tendit alors la main vers Thibault et il la regarda. Il jeta un œil sur Anamaria puis renifla et prit la main d'Élisabeth. Il la suivit hors de la chambre, jusque dans la petite pièce vide sous la dunette, là, il tomba sur les genoux en se mettant à hurler de douleur. Elizabeth l'accompagna et le prit dans ses bras. Il écrasa son visage contre sa poitrine et lui planta ses ongles dans les cuisses en hurlant.
Quand Anamaria reparut, Elizabeth l'observa, mais la femme pirate ne dit rien. Elle se contenta de retourner sur le pont et Elizabeth se releva en aidant Thibault à en faire autant...
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