20 juillet 2424 - L'archipel de Scilly.

Cleite.

Je n'ai quasiment pas fermé les yeux de la nuit, torturée par des pensées plus sombres les unes que les autres.
Savoir qu'au dessus de moi, au troisième étage, se trouvait l'endroit où Gallia est mort... C'était insupportable.
Dès que je fermais les yeux, je voyais le visage de Gallia et j'imaginais tout ce sang...
Ne pas savoir m'a fait imaginer les pires scénarios.
Amethyst et Lùbtha ont eu du mal à trouver le sommeil également.
Je l'ai sentie.
Elles étaient plus agitées que d'habitude et ce matin, leurs yeux étaient aussi marqués que les miens par la fatigue.

Et maintenant, attablées dans la cantine, le silence de notre petit groupe parle pour nous.
Amethyst fixe son bol, en jouant machinalement avec sa cuillère et Lùbtha... Ses mains tremblent.

L'ambiance globale du réfectoire est étrange ce matin. Tout est plus silencieux que d'habitude, comme si l'événement de la veille pesait sur la demeure toute entière.
Les autres Uncleans ne savent pas pour la mort de Gallia, mais l'alarme générale était sans précédent et je pense que tout le monde attend une explication de Loroï.

Cependant, il n'est pas présent.

Il y a seulement des surveillants au quatre coins de la pièce. La table réservée pour les Minotaures est vide.

- pst, la cornue !

Rùnda me fait signe depuis sa table et son regard inquiet me reconnecte à la réalité.
En découvrant son état, je fronce instinctivement les sourcils.
Ses cheveux, habituellement attachés en chignon ou en large tresse sont aujourd'hui relâchés et emmêlés. Sa peau sombre ne cache pas non plus les énormes cernes incrustées sous ses yeux.

- ça va ? Il me murmure.

- et toi, tout va bien ? Je lui relance tout aussi bas.

Il hoche la tête de façon presque imperceptible et m'offre un sourire qui n'a rien de naturel. Je plisse les yeux et observe alors le reste de sa table.
Les trois autres garçons sont dans le même état. Tous ont l'air à bout de force ou de nerfs.
Tonn est figé, le regard dans le vague. Tasc grimace en se tripotant une oreille, à moitié recroquevillé sur lui-même et Triùr...
Son expression me fait presque peur.
Ses pupilles pratiquement de la même teinte que ses iris sont dilatées et il épie les gardes avec les mâchoires contractées et les poings serrés.
Son attitude me rappelle le jour de la disparition de notre gouvernante, ce jour où il a poignardé un garde...

- il s'est passé quelque chose ? J'insiste un peu.

Rùnda soupire et je me demande si l'ambiance de sa tablée n'est pas directement en lien avec le drame d'hier...
Aurait-il informé ses colocataires sur la disparition de Gallia ?
En sait-il plus que ce qu'il a pu nous dire à l'infirmerie ?

- dans le jardin, après manger. Il répond après un long moment.

J'acquiesce et termine ma bouillie en sentant mon cœur se faire plus lourd de bouchées en bouchées.
J'ai besoin de comprendre, d'en apprendre plus, même si...
La vérité m'effraie.

×××

😔😔😔