Une âme errant dans le cimetière

Hellow. Étant donné qu'une certaine personne qui a fait des siennes après avoir été mentionnée trouvait que ce n'était pas assez drama et ce n'est pas forcément. Mais je n'ai pas envie de supprimer la version originelle donc je fais une seconde version plus drama. Fin je vais essayer. Bonne lecture !
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Aujourd'hui, il y a eu une mort dans ma famille. J'ignore de qui il s'agit, mais ceux qui comptent vraiment pour moi ont été épargné. Mon frère, ma sœur et mes parents ont tous présents lorsque je l'ai appris, ce qui m'a rassuré. Même si connaître l'identité du défunt m'intrique, ce qui est primordial, c'est qu'ils aillent bien. Je n'aurais pas supporté que ce soit l'un d'eux. J'ai beau avoir eu quelques différents avec chacun d'entre eux, je les aime plus que tout au monde. Je ne supporterai pas de me retrouver séparée de l'un d'entre eux. Ils comptent plus que tout pour moi. Même si je ne le leur démontre pas souvent, je leur suis reconnaissante de faire partie de mon existence. Sans eux, je serais totalement différente.

Plus que tout, je suis soulagée que ce ne soit pas arrivé à Théo, il est encore si jeune. Il vit dans un monde d'insouciance dans laquelle tout lui parait possible. Emerveillé par la moindre découverte, ce qui lui arrache un sourire. Ce qui le rend vraiment adorable. Même s'il se montre parfois teigneux, il se comporte plutôt bien pour un enfant de son âge. Dans les prémices de ses beaux jours, il semble tout avoir pour réussir. La plupart du temps joyeux, je l'ai rarement vu pleurer. Même objectivement, c'est un véritable trésor de bonté et de gentillesse. Et j'espère que cela durera le plus longtemps possible. Suite à l'annonce, ses prunelles saphir fixent nos parents. Il semble comprendre la tristesse qui les accable sans en saisir l'origine. Son innocence me perce le cœur en cet instant de deuil.

Puis mon attention se porte sur l'aînée de notre fratrie : Naïa. Mon aînée avec qui j'ai toujours eu une relation compliquée. Dans notre enfnace, il n'y a pas eu un jour qui passe sans que l'on ne se dispute. A vrai dire, nous avons toujours eu des personnalités opposées. Et j'ai toujours tenté de la surpasser. Je crois que mon esprit de rivalité a parfois ruiné les rares moments paisibles que nous avons pu partager. Pourtant, je l'estime. Elle est brillante et sait affirmer ses opinions. Je suis certaine que rien ne lui résistera jamais. En ce jour funeste, son visage est froid et impassible. Hormis ses prunelles marrons, nul de ses traits ne vient trahir la peine qu'elle ressent. Fidèle à elle-même, elle ne verse pas la moindre larme. Cela ne veut pas dire qu'elle ne ressent rien ni que ce n'est qu'une coquille vide. Elle désire simplement renfermer ce qu'elle éprouve. Pour elle, les éclats de joie ont toujours été superflus que ce soit de la joie ou de la tristesse. Austère, elle se renferme donc sur elle-même par peur d'accabler les autres et de les déranger dans leur propre deuil. A la voir, on croirait qu'elle encaisse le choc sans la moindre difficulté comme si cela ne la touchait pas. Malgré nos différents sur ce sujet, j'avoue que j'admire sa contenance. Personnellement, je n'arrive pas à taire les larmes qui inondent mes joues. Perles salées et amères qui m'empêchent de prononcer le moindre mot ni de prodiguer le moindre secours émotionnel à ma grande sœur. Je suis certaine qu'elle se sent mal même si elle refuse de l'afficher. Et au lieu de venir la soutenir, je reste tapie dans mon coin, muette comme une carpe, les yeux rougis par mes larmes.

Enfin, je me tourne vers les annonciateurs de cette funeste nouvelle. Ceux qui nous ont mis au monde et élevé durant toutes ces années. Ils me paraissent effondrés et cela m'inquiète, je ne les ai jamais vu dans un tel état. Si les deux pleurent, ma mère crie comme si on lui avait déchiré une partie de son être. Tandis que mon père tente de la consoler sans grande conviction, le regard vide, éteint par la douleur et le chagrin. Cela m'affole car ça ne leur ressemble pas. Malgré les épreuves de la vie, ils ont toujours gardé un semblant de bonne volonté. Alors que là, ils semblent totalement détruits. Je crois même que j'ai affaire à des inconnus. A des humains dont la chose la plus chère au monde leur aurait été arrachée. Je ne comprends pas ce qui pourrait expliquer leur attitude. Après tout, nous sommes tous les cinq en vie et c'est le plus important. Du moins, ça l'est, à mes yeux. Hélas, mes géniteurs ne partagent pas le même point de vue et se lamentent sans cesse. Ils tentent tout de même de ne pas trop inquiéter le bambin de la famille, mais c'est peine perdue puisque ce dernier court se réfugier contre Naia lorsque notre mère pousse un énième cri déchirant. Ce détail me surprend aussi puisque Thomas a toujours eu l'habitude de venir me voir quand il se sent mal. Et non Naia. Tout ceci est louche. Hélas, je n'ai aucun moyen de répondre à mes questions vu que mon entourage n'est plus que l'ombre de lui-même. Il faut que je prenne mon mal en patience et que j'obtienne des réponses seule.

Plusieurs heures passent avant que la situation ne se calme. Notre génitrice finit par partir s'enfermer dans sa chambre. Tandis que le reste de ma famille décide de trier des photos. Je tente de participer à cette activité familiale, mais je ne parviens pas à distinguer les photos qu'ils tienennt entre leurs doigts. J'ai beau plisser les yeux ou coller ma tête à ladite photo, rien n'y fait. Tout demeure flou. Après de nombreux échecs, je finis par soupirer de résignation et me rend à l'évidence ; encore une fois, je suis mise à l'écart. Cette soudaine perte de vue ne me ressemble pas, mais je ne m'y attarde pas plus que ça. Etant donné qu'ils sont absorbés par les souvneirs qui les envahissent et les sentiments qui menacent de les faire imploser, je décide de me mettre à l'écart. De toute façon, personne ne fait attention à moi. Cela ne me change pas de l'ordinaire, mais ils pourraient faire un effort en ce jour de deuil !

Indignée, je rejoins mon cocon, mon jardin secret dans cette demeure froide et détruite par le chagrin. Soupirant de nouveau, je me mets à réfléchir aux évènements de la journée. Tout me semble bizarre. Comme si c'était une mauvaise blague. J'ai toujours eu l'impression d'être un fantôme dans cette famille, mais ça n'a jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui. Et ce, sans aucune raison. Paradoxalement, je crois être la seule personne en vie dans cette maison. Aussi étrange que cela puisse paraître, je suis la seule à n'être accablé par aucune fardeau. En même temps, tant que j'ignore l'identité du défunt, je ne peux rien éprouver en termes de tristesse, de dépit ou de rage. Ce qui me fait un avantage par rapport au reste de ma charmante famille. Quelque part, je me sens coupable de ne pas ressentir de peine, de ne pas pleurer et de ne pas être en deuil. Je me pense presque insensible alors que je suis d'habitude la première à fondre en larmes. Cela ne me ressemble pas d'être aussi stoïque face à une telle situation. De toute manière, rien n'est normal en ce jour de désespoir.

Avant de me retrancher dans mes quartiers, j'ai tenté de les faire réagir. J'ai tout essayé, mais j'ai l'impression d'être devenue transparente. Pourtant, j'ai employé plusieurs techniques pour me faire remarquer. J'ai commencé par parler d'une voix doucereuse pour ne pas les brusquer vu leur état émotionnel. J'ai tenté de faire quelques blagues sur leur état d'esprit. J'ai fini par perdre patience et j'ai hurlé de toutes mes forces. Tout ça pour rien. Je n'ai reçu aucune réaction. Rien ne parvient rallumer ces lanternes vacillantes que sont ces personnes qui discutent avec nostalgie dans le salon. Ceux que j'ai côtoyé toute ma vie et qui me traitent comme une étrangère. Ce n'est pas normal. Malgré mes efforts pour prouver mon existence, je n'ai reçu aucune réaction de leur part. Ils n'ont pas montré le moindre signe qui m'indiquerait que je compte à leurs yeux. Ils ne m'ont pas adressé un soupir, pas un sourire, pas un grognement, pas une injure, pas un cri ni un sanglot échappé par lassitude. Rien, absolument rien.

Je comprends qu'ils peuvent être bouleversés par la perte d'une personne qu'ils ont chéri, ce n'est pourtant pas une raison pour me snober ! Je suis outrée qu'en ce jour qui devrait nous réunir, je me fais exclure une fois de plus. Enfin bon, je ne vais pas m'appesantir encore dix siècles sur ce sujet. Il faut que je passe à autre chose. Que je me change les esprits et que je m'apaise avant que le plus dur n'arrive : à savoir la cérémonie au cimetière.


Pour me défaire de cette situation oppressante, je me décide de lire un livre. Je passe plusieurs heures, enfermée dans un autre monde qui me permet de me défaire de toute cette angoisse anormale et atypique. Plusieurs heures de détente qui filent à toute vitesse. Hélas, tout a une fin et lorsque je pose mes iris sur l'horloge qui trône dans ma chambre, je constate qu'il est l'heure de se préparer. Arborant une simple robe noire, je coiffe ma longue chevelure blonde avant de descendre et d'enfiler mes escarpins noirs. Silencieusement, je m'installe derrière la place du mort et attends le reste de la compagnie. Je suis étonnée d'être la première à me trouver dans le véhicule familial. En même temps, je n'éprouve qu'une hâte : que ce calvaire se finisse au plus vite. Je ne supporte pas le fait d'être ignorée par tout le monde donc autant que ça dure le moins longtemps possible. Ce qui ne semble pas être l'avis général puisqu'il me faut attendre bien une demi-heure pour que tout le monde ait rejoint la voiture familiale et que l'on ne prenne enfin la route. Un silence de plomb règne dans l'habitacle hormis Théo qui pose une tonne de questions demeurant sans réponses. J'avoue que même moi, je ne l'écoute pas vraiment et je suis loin d'être la seule. Chacun semble obnubilé par ses pensées chaotiques. Quant à moi, je me demande juste ce qui cloche. Ce que j'ai bien pu faire pour être répudiée. Le jour où j'ai le plus besoin de soutien moral, ils m'abandonnent. C'est injuste. Cependant, ils peinent à surmonter leurs tourments, cela se voit dans leurs visages fermés et leurs prunelles hagardes. Au lieu d'insister sur des choses futiles, je préfère conserver mon calme et profiter de voyage. Je saurais bien assez vite ce qui motive cette attiude étrange de mon entourage.

Je préfère m'adonner à contempler le paysage qui défile devant mes yeux. Sans savoir pourquoi, j'éprouve une immense peine en voyant ces routes familières défiler à toute vitesse devant mes yeux. Pour la première fois de la journée, je fonds en larmes. C'est stupide, mais on dirait que c'est la dernière fois que je vois ce décor urbain qui a marqué toute mon existence. C'est totalement irrationnel. Pour échapper à cette vague émotive, je ferme mes orbes non sans imprimer certaines images sur ma rétine. Je pense que je les ai fermés trop longtemps car quand je les rouvre, nous sommes déjà arrivés. Quand mes pieds foulent la terre de ce lieu sacré, une immense panique m'envahit. Je veux fuir, j'ai presque envie de prendre mes jambes à mon cou. Sauf que je ne veux pas me ridiculiser. Déjà qu'on m'en veut pour une raison inconnue, je ne vais pas creuser ma propre tombe non plus !

Secouant la tête de gauche à droite, je m'enfonce dans le déni avant de suivre ma famille. Comme d'habitude, je suis celle qui ferme la marche. Cela ne me dérange absolument aps car je déteste être mise en avant ou prendre une quelconque initiative. Et ceci est encore plus vrai lors de cette situation. J'ignore pourquoi, mais j'ai la désagréable sensation d'être un condamné qui se rend à l'échafaud. Une puissnace étrangère m'oppresse et je peine à respirer convenablement. Comme si je m'apprêtai à faire une crise de panique. Crise que je parviens à contrôler et j'avance comme si tout allait bien. Ce qui est faux bien sûr. Notre première destination n'est autre que le funérarium. En ce lieu, la tombe du macchabé sera ouverte et j'aurais enfin des réponses à mes questions. Avant que la mise en terre s'effectue, tout le monde vient se recueillir ici. Tout le monde sauf moi. Je veux simplement rassaiser ma curiosité et connaître l'identité de cette personne perdue qui a décimé le mental de ma famille. J'aimerais savoir quelle personne est si importante pour bouleverser mes parents à ce point. Et comprendre pourquoi je ne me sens absolument pas concernée. Comme si j'étais hors du temps. Alors que mon rythme cardiaque s'accélère quand nous approchons de cette fameuse salle, le temps semble se ralentir lorsque nous y pénétrons. Ou plutôt quand j'y pénètre, tout semble se passer au ralenti. J'aimerais aller plus vite que la musique, mais cela ne m'est pas permis. Alors que les autres humains continuent à se mouvoir normalement, je peine à aligner deux pas dans la même seconde. J'ignore ce qu'il se passe, mais je marche à grand peine jusqu'à la tombe ouverte. Marcher est bien grand mot. Je dirais plutôt que je me hisse jusqu'à la destination que je souhaite atteindre. Chaque pas me demande de fournir un effort titanesque. Si bien que je pense mille fois abandonner avant d'atteindre ma cible. La seule raison qui me pousse à avancer, c'est ce besoin de savoir. Savoir ce qui pousse mes parents et ma fratrie à m'ignorer. Savoir pourquoi je suis devenue soudainement un bloc de glace. Savoir pourquoi me déplacer dans ce cimetière me paraît si insupportable. Savoir qui suscite autant de peine, de tristesse et de rage auprès de mes proches. Alors je continue malgré tout. Pourtant, plus je m'approche du cercueil, plus je sens une force invisible m'écraser de tout son poids. A chaque mouvement, instable, je pense que je vais défaillir et m'étaler de tout mon long. Je ne comprends pas le mal-être qui m'habite. Donc je choisis de l'ignorer, ce n'est pas cela qui m'arrêtera si près du but. Il en est hors de question. Quand je constate qu'il ne me reste qu'un pas à esquisser pour détruire toute distance qui me séparerait de la boîte mortuaire, je chancelle et tombe à genoux. Suant à grosse gouttes, ma respiration se fait haletante et il me faut quelques instants avant de me ressaisir. Epuisée par l'effort fourni, je finis tout de même par me relever et me penche pour découvrir le corps de la personne qui a trépassé.

Ce que je vois me fige d'effroi. Terrifiée, je recule précipitamment de quelques mètres avant de m'emmêler les pieds et de tomber lourdement sur le sol. Abasourdie par le choc, je reste à terre. A mille lieux de la réalité, je ne prête pas la moindre attention au monde qui a repris un tempo plus soutenu. Abattue par cette évidence, je ne parviens tout de même pas à y croire. C'est juste impossible. Je pourrais croire à une blague si les autres personnes n'étaient pas si détruites.

C'est impossible, impensable, illogique. Et pourtant, ça expliquerait tout. Au final, ça a trop de sens pour n'être qu'une fantaisie. Je dois me rendre à l'évidence. Comme mes semblables un peu plus tôt, je ne parviens pas à l'admettre. Et comme eux, je me fais assaillir par une tornade de sentiments divers. Alors perdue entre colère et incompréhension, un goût d'amertume se répand dans mon palais, je trouve cela injuste...Peur, ce mot résonne en moi comme une nécessité. En même temps, vue les circonstances, il ne peut pas en être autrement. Impuissante, faible, inutile : je n'y peux rien. J'aurais beau nier, faire des pieds et des mains, prier jusqu'à ce que ma voix s'éteigne dans ma gorge, rien n'y fera. Relevant la tête vers le cercueil, je me rends compte que mon Destin est déjà scellé.

Je suis morte.

Je suis raide morte, là, étendue, éteinte et inerte. Ce constat m'effraie au plus haut point. Cela explique tant de choses. Pourtant, mon âme ne parvient pas à s'y résoudre. Si j'avais vraiment rejoint l'Au-delà, je devrias m'en souvenir. Cela n'a rien d'anodin que de passer l'arme à gauche. Alors que je ne me souviens nullement de m'être retrouvé dans...cet état. Non, ce doit être une mauvaise farce. Il doit y avoir une explication rationnelle. A moins que ce ne soit une erreur et qu'on m'ait enterré trop tôt. Non, si c'était le cas, je serais dans un hôpital au lieu de me trouver dans cette boîte. Je n'arrive pas à me faire à l'idée que mon existence soit achevée. Je n'y suis pas préparée. C'est trop tôt, ce n'est pas normal ! Je ne devrais pas être là ! Je veux partir ! Enfin, si j'en avais la possibilité car ce qui me sert de corps astral refuse de m'obéir. Comme si j'étais contrainte de subir ce supplice jusqu'à la fin. Pour moi, ce n'est rien d'autre qu'une torture. C'est inhumain de m'infliger ça ! En même temps, pas sûre que ce soit le fait d'un être humain. Je tente de me secouer, mais je ne bouge plus. Pire encore, je me rends compte que je ne respire plus et que mon myocarde a cessé de battre. Je dois m'y résoudre, c'est fini. Je ne possède aucune échappatoire !

Accablée par la rage et la haine, je tente tout de même de ma calmer. M'emporter ne servira à rien. Et cela ne répondra pas à mes questions. Je décide donc d'inspirer et d'expirer de grands coups. Acte plus psychologique qu'autre chose vu que mon être n'est plus. Au moins, ça a le mérite de fonctionner. Une fois apaisée, je tente de remettre mes pensées en ordre. Je cherche une explication à tout ce cirque. Je tente de faire fonctionner ma mémoire. Si je suis morte, j'aimerais au moins savoir ce qui a causé ma perte. Je tente donc de refaire mon trajet de la veille. Puisque cela semble récent. Je m'en serais rendue compte si cela datait. Il faut simplement que je me rappelle ce qui m'est arrivé et tout ira bien. Ou du moins, tout prendra un sens. Je tente donc de me remémorer ce qui m'a conduite jusqu'à la tombe. Hélas, je commence à peine à trouver un sens à tout cela que mon esprit dérive sur autre chose. Ce qui pourrait passer pour un détail m'est d'une importance capitale. En effet, des hommes referment le cercueil afin de le mettre en terre. Ils ne touchent pas à n'importe quelle boire en bois, c'est MON cercueil et je ne supporte pas qu'on le touche impunément. Echauffée par l'indignation, je me relève vivement et tente de les arrêter en m'écriant :


<< Non, vous n'avez pas le droit !!! Je ne suis pas morte !!! Vous n'avez pas le droit ! Vous n'êtes que des monstres !!! Ne m'enfermez pas !!!>>.

Mes paroles semblent tomber dans l'oreille de sourds. Elles résonnent creux et ces idiots continuent leur infâmie. Parler ne semble pas les atteindre comme si je n'existais pas. Techniquement cela est vrai, mais je suis toujours là. Et je refuse que l'on m'enterre sans rien faire. Je ne vais pas les regarder commettre un tel crime sans essayer de me révolter. Mes paroles ne suffisent pas, eh bien tant pis ! Je vais tenter de recourir aux actes ! Vivement, j'amorce un mouvement pour saisir le bras d'un de ces hommes, mais ce geste est également vain. Horrifiée, je comprends que ma main ne peut pas toucher la sienne. Comme si nous n'étions pas faits de la même matière. Peut-être que cela est vrai. Après tout, ils sont composés de chair et de sang tandis que je ne suis plus qu'une vulgaire âme en détresse. Un monde nous sépare. Ils appartiennent à ceux des vivants tandis que je devrais appartenir à celui des morts. Sauf qu'apparemment, tout ne s'est pas passé comme prévu puisque je suis toujours présente sur cette Terre. Alors que ma place devrait être ailleurs. Je ne peux en être certaine, mais je le ressens : je ne devrais pas être ici.

Pourquoi ?

Cettequestion s'impose à moi comme une évidence. Question dont je ne possède pas laréponse. J'ignore ce qui justifierait ma présence en ces lieux alors que jesuis censée avoir disparu. Je peine à croire que ce soit une simple ironiecéleste. Il doit y avoir une raison plus profonde qui expliquerait que je soistoujours ici. Peut-être s'agit-il de la vie après la mort et que mon sort estsemblable aux autres défunts. Non, si c'était le cas, je verrais mes aïeuls etautres spectres qui m'ont précédé dans la tombe. Le doute subsiste en moi carje ne trouve aucune raison qui me pousserait à me retrouver coincée ici. Aucinéma, le fantôme doit accomplir une dernière volonté ou un truc du genre,mais ce n'est pas mon cas. Peut-être suis-je là pour comprendre quelque chose.Comprendre ce qui m'a tuée, ce que je vais abandonner et ce que je ne pourraisjamais réaliser. Ce qui est cruel, mais nécessaire. Je sens que si je resteaccrochée à mon existence terrestre, je ne pourrais jamais obtenir le reposéternel. Je dois donc tourner la page et suivre le rythme de la mélodie que leDestin m'impose. Et ce, sans rechigner. 

Déterminée à avoir le fin mot de cette histoire, je me redresse fièrement. Hésitante, je laisse mes pas me guider jusqu'à l'endroit où on déposa mon cercueil en terre. J'observe ce qui devrait être ma dernière demeure. Et ce serait mentir que d'affirmer que je souhaiterai y résider pour toujours. La perspective de me faire enterrer sous six mètres de terre ne m'enchante pas. Quoique je ne le ressentirais pas vraiment, je ne possède plus de lien avec ce qui a été mon corps. Seul mon âme errante subsiste et contemple une dernière fois son monde. Une fois arrivée à destination, je décide de m'assoir en tailleur contre une pierre tombale voisine à la mienne. Ainsi, je pourrais observer tout ce qu'il se passe. Et par la même occasion, bénir ou maudire les actions de ceux que j'ai côtoyé.

Alors que j'attends patiemment, je comprends qu'il y a un flottement dans le programme car le prêtre est en retard. Incroyable de voir que celui qui doit officier considère si peu ses fidèles endeuillés. J'hallucine ! En même temps s'il s'agit du même homme que celui qui a officié l'enterrement de mon grand-oncle, cela ne m'étonne même pas ! Enfin, je dois avouer que cela m'arrange car cela me permet de rester plus longtemps ici. Plus que ce que je ne devrais durant ma vie d'ectoplasme. Alors que je patiente sagement, je tente de ne pas penser, mais cela est un échec lamentable ! Au contraire, un volcan d'émotions et de réflexions ne demandent qu'à exploser et s'exprimer. Ce n'est pas le moment propice, mais je crains ne pas avoir le choix. Comme toujours, mon esprit entre en fusion quand il ne le faut pas. Et ce flot d'émotions s'accompagne d'un raz-de-marée de souvenirs.

La première chose qui m'attaque de plein fouet concerne mon enfance. Chaque détail me paraît d'une importance capitale. Si bien que j'ai peur de ne pas avoir le temps de m'appesantir sur chacun d'entre eux. Ce qui me marque le plus sont mes moments en famille, les fêtes et les disputes. Je me souviens aussi bien de mes rires que de mes larmes. Je me souviens parfaitement que j'ai fait tourner en bourrique ma grande sœur plus d'une fois. Nostalgique, je souris tendrement en me rappelant tous les mauvais coups que j'ai pu faire. Seule ou accompagnée de mes amis. J'ai vraiment été une véritable terreur et je ne saurais dire si cela s'est atténué avec le temps. Le souvenir le plus marquant demeure l'anniversaire de mes quatre ans durant lequel j'ai transformé notre chien en majordome. Passant à mon adolescence, je revis la naissance de mon frère qui a été une surprise pour tout le monde. Je pense que ça a été un des plus beaux jours de ma vie. A partir de là, les souvenirs affluent dans le désordre. Je repense donc à ma première chute de cheval, si phénoménale que j'ai songé ne plus jamais en faire. Le décès de mon chien puis de mon chat me reviennent en tête et j'aurais versé une larme si je le pouvais encore. J'espère que je pourrais les revoir quand mon âme rejoindra enfin les cieux. Comme pour contrebalancer cet élan de tristesse, le jour où j'ai repeint le mur des voisins avec de la bouse séchée me revient en mémoire. Pour ma défense, leur rejeton m'a insulté en prétendant que j'ai été moche.

Plus vaguement, je suis replongée dans toutes mes déceptions, celles qui m'ont déchiré le cœur et m'ont fait perdre en foi en l'humanité. L'instant d'après, je retiens tous les fous rires que j'ai pu éprouver, ceux qui m'ont redonné l'espoir et la force d'avancer. Ceux qui m'ont permis de me détendre et de redevenir positive, l'espace d'un instant. Même si je déteste le reconnaître, j'ai fait des erreurs et j'en revois les conséquences qui ont été le plus souvent minimes. Je revis les bons moments comme les mauvais car ils ont forgé ma personnalité. Je me souviens de mes regrets et de mes remords qui m'ont souvent causé du tort. Enfin, je me rappelle la première déclaration d'amour que l'on m'a faite. De simples mots prononcés avec toute la tendresse du monde. Un moment qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Je n'ose pas me souvenir des mes rêves ni de mes projets car ils ne se réalisaeront jamais. Je comprends que c'est fini. Que je ne pourrais rien faire, mis à part comprendre ce qui a causé le glas de mon existence. On pourrait me traiter de sotte car il semble facile de comprendre que l'on a trépassé. Facile à dire quand l'on vit toujours. Quoique comprendre est faux, je l'ai compris dès que j'ai vu ma carcasse reposer dans cette boîte morbide. Non, il s'agit plutôt d'admettre. Admettre que l'on s'est éteint, qu'on ne pourra plus rêver, écrire ou parler. Admettre que l'on ne pourra plus jouir de notre existence et que l'on ne sera rien de plus qu'une étoile qui brille dans le ciel, une âme trop vite effacée par la vie et qui sera oubliée dans une ou deux décennies.

Alors que je soupire intérieurement, désespérée par moi-même et le moral à zéro, l'homme d'église daigne enfin nous honorer de sa présence. Après de plates excuses, il commence à discourir. Il commence par cette fameuse phrase qui consiste à rappeler que l'être naît poussière et redevient poussière. Il déblatère bien d'autre mots qui sonnent creux pour moi, mais qui semblent rassurer le reste de l'assemblée. Une preuve de plus qu'un enterrement ne sert qu'à ceux qui vivent encore. Cette crapule religieuse parvient tout de même à reconquérir mon attention lorsqu'il évoque les circonstances de mon trépas. A l'entendre, ce serait un bête accident de la route, un fléau qui toucherait tant de personnes. Sauf que la seconde d'après, ma haine est intense puisque le chauffard en question aurait bu. Quelle inconscience de conduire en état d'ébriété quand cela peut gâcher des vies. Cela gâche ma vie en l'occurrence. L'envie d'aller hanter ce pauvre type me démange. Ce que j'aurais pu faire si je n'avais pas revécu ce moment. Je me revois en train de sourire et de faire la pitre avec mes amis. Une soirée semblable à tant d'autres. Rentrant de soirée, nous avons emprunté cette route nocturne comme toutes les autres fois. Je n'aurais jamais pu savoir que ce serait la dernière. Encore stimulé par l'ivresse de la fête, mes amis décident de se lancer dans une course effrennée sans même m'avertir. Sans hésiter, je me suis lancée à leur poursuite. Alors que nous avons parcouru une dizaine de mètres, je rejoins le trottoir et m'arrête un instant pour reprendre mon souffle. Quand je me relève, j'aperçois un véhicule foncer droit sur moi. Le conducteur en a perdu le contrôle, les phares m'aveuglent, la voiture roule à toute allure, elle m'heurte de plein fouet et le choc m'est fatal. Sur le coup, je n'ai pas compris, c'est comme si je vivais un rêve qui se serait déroulé au ralenti. Je n'ai pas ressenti une vive douleur puisque mon esprit s'est éteint avant mon corps. C'est sûrement pour cela que je n'ai pas reconnu tout ce qui m'a indiqué cet accident. Ma chair humaine a été la seule à subir cet impact. Elle s'est disloquée comme un vulgaire amas de verre qui volerait en éclat. Amorphe, j'ai plongé dans le noir et me suis réveillé en tant que morte-vivante, inconsciente de mon état. 

Mon regard se perd dans les alentours tandis que j'encaisse le choc que cela me fait. Le déni ne peut plus être de mise. Je ne peux que voir la réalité en face. Désespérée, je finis par regarder ceux qui sont venus et j'essaie de me souvenir des bons moments que j'ai passé avec eux. Quoiqu'il y en a certains qui sont inconnus au bataillon si bien que je me demande pourquoi ils sont présents à cette cérémonie. A moins qu'il ne s'agisse de famille éloignée ou d'amis venus accompagnés les personnes endeuillées par ma perte. J'envie presque les nourrissons et les enfants en bas âge qui ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. Leur innocence ou plutôt leur inconscience est beaucoup plus opportune que ce qui n'y paraît.

Je continue d'observer mon entourage. Je ne prends pas le temps de m'appesantir sur chaque tête qui trône dans cette place funeste et sombre. Jusqu'à ce que mes iris tombent sur des prunelles qui semblent renfermer une partie du ciel ombragé qui recouvre leurs têtes. Elles semblent contenir toute la souffrance de l'Univers. Je n'aurais jamais cru qu'elles pourraient abriter autant de douleur. Dans cette foule d'inconnus, elles me semblent familières car je les ai contemplées maintes et maintes fois dès que l'occasion s'y est prêtée. Elles appartiennent à Benjamin, inutile de préciser que je l'ai aimé à en perdre la tête sans jamais le lui avouer. Il n'a jamais semblé me prêter le même intérêt. Il n'a toujours été qu'un simple ami. Et si tout cela a été une erreur, ce jour macabre montre qu'il a raté sa chance tout comme j'ai raté la mienne. Quelque part, j'espère que ça lui fera moins mal. Comme il ne s'est jamais accroché, il pourra finir par m'oublier. Enfin, m'effacer suffisamment de sa mémoire pour pouvoir avancer.

En parlant d'mais, je me tourne vers ceux qui m'ont toujours accompagnée. Peu nombreux, je l'accorde, ils ont toujours été là pour me soutenir. Nous avons grandi ensemble et je les considèrerai toujours comme ma seconde famille. Ce sont d'ailleurs les seules personnes extérieures à ma famille de sang qui peuvent se vanter de m'avoir supporté depuis notre plus tendre enfance. Je les aime et j'ai peur de ne pas leur avoir assez dit ou montré. Je ne supporte pas de les perdre, eux, ma béquille de toujours. Ils vont tellement me manquer quand je serais passée pour de bon dans cet Au-delà que tout le monde promet ! J'aimerais tellement les emmener avec moi, mais ce serait égoïste. Au contraire, j'espère sincèrement qu'ils mèneront une longue et merveilleuse existence. Alors que j'observe ces êtres chers pour la dernière fois, je ressens le temps qui semble me rappeler à l'ordre, ce qui me fait frémir. Je dois partir...

C'est une évidence à laquelle je possède du mal à me résoudre. Je ne veux pas y aller, je ne peux pas partir, j'ai trop de choses à perdre. C'est impossible, j'aimerais tellement que ce ne soit qu'un horrible cauchemar. Si c'était le cas, je me serais réveillée. Hélas, tout cela est bien réel, mais c'est trop tôt. Je ne suis pas prête. Etrangement, je sens que je n'ai guère le choix. Emue par cette pensée, je relève une de mes mains devant mes pupilles grises et je constate qu'elle se fait de plus en plus translucide. Je commence à disparaître. Bientôt, je rejoindrai le néant. Inquiète, je penche la tête pour inspecter le reste de mon être et le résultat est sans appel : je suis réduite peu à peu à l'état de spectre.

Paradoxalement, plus je me désagrège, plus je me fais à cette idée. De toute manière, je ne peux rien faire pour lutter. Il est trop tard, mon heure a sonné. Je suis peu à peu effacée. Et rien, mis à part les souvenirs de ceux qui m'ont aimée, ne pourra me faire revenir. Je rejoins ces milliers d'âmes qui n'ont été que de passage et qui ont vécu sans laisser de véritable trace. Si elles ont marqué des esprits, elles n'ont pas pu marquer l'Histoire. Je ne suis plus qu'une âme qui restera perdue dans les méandres de l'oubli historique. Quand les dernière fibres de mon être se défont de ce monde matériel, je décide de fermer les yeux. Quitte à vivre mes derniers instants, je préfère les passer libre et sans crainte. Je veux que mon dernier souvenir demeure l'amour que l'on m'a porté au lieu de rester sur la dernière peur de ne plus être. Je choisis donc de partir dans un dernier éclat de douceur et de volupté.

Après un certain temps, je rouvre les yeux et vois une clairière. Immédiatement, je suppose qu'il s'agit d'une dernière passerelle entre la vie et la mort. Cet endroit est recouvert d'arbres et de fleurs épanouis et au meilleur de leur forme. Je pourrais presque jurer sentir leur parfum. Dans ce lieu inconnu règnent la sérénité, la bienveillance et la chaleur. Dans ce temple sacré du repos de l'esprit, une jeune femme qui ressemble comme deux gouttes d'eau vient m'accueillir. C'est troublant de se voir en double exemplaire. Surtout quand on sait que cette personne est quelqu'un de différent. Cela permet peut-être de rassurer les êtres qui doivent passer dans l'Au-delà. Je l'ignore, mais personnellement, ça me trouble plus qu'autre chose. Cette inconnue me tend la main dans l'optique que je vienne la saisir. Geste qui n'est pas naturel car j'hésite vraiment à lui faire confiance. Je refuse de la laisser me guider alors que je ne la connais pas. Ce qui me sort de représentation physique refuse de m'obéir car mes jambes se mettent à avancer pour se rapprocher d'elle et de saisir cette main tendue. Suivant cette inconnue malgré moi, je me retrouve à devoir traverser un pont à sa suite. Une fois fait, nous continuons de marcher. Cependant, plus nous avançons, plus le chemin devint flou, les contours se confondent, tout devient une masse informe et indiscernable. Au fur et à mesure de cette ultime randonnée, tout s'évanouit sous nos pas. Tout devient noir et je me sens incapable de ressentir quoique ce soit. La dernière sensation que je ressens n'est autre qu'une sensation de flottement.

Et dans l'indifférence la plus totale, je disparais. 

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