4ème flashback

Je ramasse soigneusement tous les dessins réalisés par les enfants durant le cours que je viens d’animer et pars les accrocher sur le mur situé au fond de la grande salle. Tandis que je me laisse toucher par cette innocence qui se dégage de leurs petits chefs-d’œuvre, je sursaute en apercevant Mr Taylor à l’entrée de la pièce.

- Bonsoir Clarke.

Il se rapproche et vient m’aider à terminer ma tâche.

- Bonsoir Monsieur.

- Tu as fait du très bon travail aujourd’hui. C’est seulement ton troisième cours et les parents ne m’ont dit que du bien de toi. Les enfants t’adorent vraiment.

- Merci, lui dis-je gênée.

- Tu as un don pour l’enseignement.

Mr Taylor est l’un de mes professeurs à l’université et il est de loin le meilleur que j’ai pu avoir jusqu’à présent. Il a une réelle confiance en ses élèves et ne cesse de montrer le meilleur d'eux-mêmes. J’ai été très surprise lorsqu’il m’a proposé d’animer des cours pour ces petits bouts de 5 ans. Certes, il est seulement question de quelques cours dans le cadre de loisirs créatifs pour l’association culturelle mais j’ai été très fière qu’il pense à moi pour les enseigner.

J’adore travailler avec les enfants. Ils ont tellement d’imagination et leur franchise est la plus pure que je puisse connaître. Ils ne cessent de me surprendre. Quand je suis avec eux, j’oublie instantanément la timidité qui me ronge. Ces cours me font énormément de bien.

Ce poste est, en général, occupé par un professeur. Une personne plus qualifiée qu’une simple étudiante de 19 ans mais Mme Davis, qui assurait les cours depuis septembre, a dû partir en congés maternité. Je fais donc l’intérim le temps de trouver un autre enseignant.

Je jette un rapide coup d’œil à Mr Taylor et il rit en regardant l’un des dessins qui représente ce qu’il me semble être un chien sur le dos d’une licorne. Les yeux pétillants, mon professeur a l’air attendri.

-  Les enfants ne sont-ils pas extraordinaires ?

Il dit cela d'une telle façon que l'on pourrait croire qu'il vient de faire une incroyable découverte.

-  Ils ont surtout une imagination débordante.

-  Ca te dirait de continuer les cours le temps que Mme Davis revienne?

Moi ? Mr Taylor a toujours été un brin fantasque mais là, il est tombé sur la tête.

- Je n’ai pas les qualifications pour !

- Et alors ?

-  Mais..

-  Mais quoi ? Tu remets en question mon jugement ?

-  Bien sûr que non mais je ne suis qu’une étudiante.

- Et de loin la meilleure que je connaisse ! Tu es plus apte à enseigner que certains de mes confrères qui osent enseigner l’art sans avoir touché un pinceau de toute leur vie. Qu’as-tu à perdre ?

Rien bien évidemment. L’envie d’hurler un oui à sa proposition me démange mais je crains de ne pas y arriver. Pourtant, je meurs d’envie de continuer à les animer.

-  Alors ?

Il se penche en avant, l’air taquin. Je connais cette expression. Celle qui veut dire « ma petite je sais déjà que tu veux dire oui, mais je veux juste te l’entendre dire ».

-  J’accepte.

-   Yes !

 Il tape dans ses mains, l’air victorieux et me demande de le suivre pour lancer les démarches administratives. Il ne perd vraiment pas de temps… Il s’assoit sur le bureau en fouillant dans la sacoche posée sur ses genoux. Son bas de pantalon légèrement relevé laisse entrevoir de magnifiques chaussettes oranges. Je ne sais pas si cela était volontaire de sa part, mais elles sont assorties à son nœud papillon old-school. Son look vestimentaire reflète parfaitement cette personnalité très loufoque. Beaucoup d’étudiants se moquent de lui et ne le prennent pas au sérieux mais moi je l’adore. Il est vrai. J’ai eu la chance de voir certains de ses tableaux et ils sont justes époustouflants. C’est tout ce qui compte pour moi.

-  Attendez, vous aviez déjà le contrat ? lui demandé-je surprise lorsque je le vois me tendre le papier.

- Bien sûr ! Je savais que tu allais dire oui.

Il me fait un grand sourire et me tend son stylo. Un stylo avec un très beau pompon en fourrure sur le dessus. Je signe rapidement et le remercie.

Alors que je le suis jusqu’à la sortie, je l’écoute parler d’une oreille distraite. Avec du recul, je pense avoir pris la bonne décision. Cela peut être bénéfique pour moi d’ajouter cette première expérience sur un curriculum vitæ. Sait-on jamais, un jour cela pourra m’aider dans mon avenir professionnel. Et puis, une indépendance financière n’est pas du luxe. Je suis fière de gagner mon propre argent sans avoir à utiliser la carte bancaire de mon père.

Une fois à l’extérieur, il me salue et me dit de faire très attention sur la route. Malgré le fait d’être toujours en automne, les températures ont bien chutées. Signe que l’hiver sera rigoureux.

Je cours pour rejoindre au plus vite ma voiture qui est garée à l’autre bout du parking. Cela m’apprendra à avoir eu du retard. La prochaine fois, j’aurai certainement plus de chance d’obtenir une place vers l'entrée.

Comme une petite fille, je lance des regards anxieux autour de moi, de peur de voir surgir un monstre derrière les buissons. En même temps, il fait si sombre ici que je ne pourrais même pas le voir. Est-ce si compliqué d’investir dans un éclairage pour ce parking ?

La voiture de Mr Taylor ralentit lorsqu’il passe vers moi. Ses phares m’aveuglent et je mets ma main devant les yeux afin de diminuer cette agression. Je lui fais un petit signe de tête quand il me salue rapidement avant de me laisser seule ici. Il n’y a plus personne et le silence qui m’entoure m’effraie encore plus.

Je grogne lorsque je remarque les vitres gelées pas ce froid si sournois. Je m’aide de la torche de mon portable pour chercher les clés dans mon sac à main. Je suis frigorifiée et me dépêche d'aller à l’intérieur. Finalement, je vais peut-être penser à remettre en question mon amour pour le froid.

Mon chauffage à fond, je farfouille dans ma boîte à gant pour récupérer le grattoir. J’affronte de nouveau le froid et me dépêche d’enlever la fine couche de gel avant de partir en direction du centre commercial.

Il me faut à peine cinq minutes pour arriver à destination. C’est avec la boule au ventre que je me gare soigneusement. Je laisse mon moteur tourner afin que le chauffage puisse continuer à me réchauffer. Je vois de nombreuses personnes qui s’activent devant moi, se pressant de rentrer dans les magasins. Je regarde nerveusement ma montre.

18h30.

Il est en retard.

C’est la deuxième fois que nous nous rencontrons ici, au milieu de cette foule. Il n’y a pas de meilleur endroit que celui-ci pour échapper aux regards indiscrets. Ces personnes ne prêtent vraiment aucune attention à ce qui les entourent. Des parents crient après leurs enfants de ne pas courrir à cause des voitures alors qu’un peu plus loin, un couple se tient la main en se regardant amoureusement.

Oui, c’est définitivement le bon endroit pour le revoir.

Mon portable sonne. Octavia me propose de la rejoindre comme tous les vendredis soirs mais je décline son offre. Elle paraît surprise mais ne fait aucune remarque. Je ne préfère pas m’épancher sur les raisons de mon absence car je déteste les mensonges. Elle doit cependant sentir que quelque chose cloche chez moi car elle me demande si je vais bien, me trouvant bizarre ces dernières semaines. Je raccroche rapidement après avoir fait de mon mieux pour la convaincre et la rassurer.

Je n’arrive plus à lui faire face tout en sachant la vérité sur son père. Comment lui avouer que je l’ai rencontré chez eux alors qu’elle était dans la pièce voisine. Comment lui dire que je sais qu’il est dans cette ville alors qu’elle continue tranquillement sa petite vie. Elle a dû certainement le croiser plus d’une fois au coin d’une rue sans savoir que c'est l'homme qu'elle rêve de connaître depuis gamine.

Je déteste mentir à ma meilleure amie.

Je sursaute lorsque la portière, côté passager, s’ouvre brusquement. Ma culpabilité envers elle, mais aussi à présent envers son frère, augmente en flèche lorsque leur père prend place à mes côtés.

- Bonsoir ma jolie.

Il me répugne tellement que je ne daigne pas le regarder. Un homme qui ose réclamer de l’argent à son propre fils n’a pas le mérite qu’on lui prête la moindre attention. Bellamy croit que l’argent lui servirait à s'acheter de la drogue, mais ce n’est pas le cas. Il me l’a avoué la première fois. Non, il ne se drogue pas, mais il boit. Un père alcoolique... Ce n’est pas mieux…

Je récupère dans mon sac, une enveloppe que je lui tends.

- J’étais loin de penser qu’après ma visite chez mon fils, sa copine jouerait le rôle de banquier. Pas très gentlemen le fiston.

- Bellamy est loin d’être comme vous, craché-je, il ne sait pas que je vous donne cet argent et il serait préférable pour vous qu’il n’en sache rien. C’est compris ?

Il hausse simplement l’épaule, renifle grossièrement en me l’arrachant presque de la main et l’ouvre hâtivement.

- J’avais demandé plus. Lâche-t-il exaspéré comme si j’avais commis une erreur.

- C’est tout ce que j’ai, m’indigné-je, et vous n’aurez pas plus. Donc vous vous contenterez de ce que je viens de vous donner.

- Il me semblait pourtant que Jake Griffin ne manquait pas d’argent. Votre baraque est sacrément énorme.

- Comment connaissez-vous mon père ?

La nervosité grandit en moi alors que j’imagine cet homme rôder autour de notre maison, épiant nos moindres faits et gestes. Si il n’obtient pas plus de moi, va-t-il chercher à me faire chanter en se servant de mon père ?

- Arkadia est une petite ville Clarke, sourit-il, mauvais.

- Vous êtes ici depuis combien de temps ? m'affolé-je.

- Un petit moment ma jolie… et je t’avoue que je me plaît bien ici. Les gens sont plutôt gentils… et généreux.

Je cache mes mains tremblantes entre mes cuisses. Vient-il de sous-entendre qu’il allait rester ? Non, non, il ne faut pas.

-  Nous avions un marché. Je vous donne l’argent et vous partez. Il n’y aura pas de troisième fois donc vous les laissez tranquille ou sinon je n’hésiterai pas à appeler la police.

- Ah oui ? Et pour leur dire quoi ma jolie ? Ricane-t-il.

Jamais je ne pourrai les appeler car si je le fais, Octavia et Bellamy apprendront la vérité et je ne peux pas me le permettre. Ils ne doivent pas souffrir à cause de mes bêtises. J’espère de tout cœur qu’il respectera notre marché et qu’il partira le plus vite d’Arkadia.

Mais va-t-il le faire si facilement maintenant qu’il m’a prise au piège. Est-il un homme de parole ? J’aimerai pouvoir le croire. Je n’ose pas imaginer Aurora tomber amoureuse d’un homme comme lui. Elle qui était si douce et aimante.

Je meurs d’envie de connaître les raisons qui l’on poussé à abandonner ses enfants. A-t-il toujours été comme ça ? Aurora n’a jamais fait mention de lui à ma meilleure amie mais Bellamy doit forcément avoir des souvenirs. Comment un enfant en vient-il à détester autant son propre père.

-  Pourquoi ? soufflé-je.

-  Quoi ? demande-t-il en rangeant l’argent dans sa poche.

-   Pourquoi être parti ?

Regrette-il au moins de les avoir laissé derrière lui ? Pourquoi ne pas être revenu après la mort de sa femme.

- Personne n’est parfait… dit-il simplement en ouvrant la portière.

Il sort et le froid vient frapper de plein fouet l’intérieur de la voiture.

- A très bientôt ma jolie, poursuit-il avant de la claquer pour disparaître dans l’obscurité.

Cette dernière phrase ne laisse planer aucun doute. Je suis devenue sa poule aux œufs d’or. Je savais que j’avais très peu de chance pour qu’il lâche l’affaire si facilement. Mais j’ai voulu y croire jusqu’au bout, me disant qu’il devait forcément avoir un peu de bon en lui. Qu'il se contenterait de ce que je lui donnerait, mais non. Ce que je peux être conne. Il faut que je trouve une solution pour qu’il disparaisse définitivement de nos vies sans que personne n’apprenne la vérité. Si je n’y arrive pas, je vais devoir continuer à jouer son petit jeu. Même si au fond de moi, je préfère que se soit avec moi plutôt qu'avec mes amis.

Et je prétends détester mentir…

Je pose mon front contre le volant et respire un bon coup afin d'évacuer tout ce stress. Cela ne change rien à tous les remords que j’ai au fond de moi mais qu’importe. Je dois juste rester forte et encaisser.

Tout simplement…

 ------------------------------------------------------------

Coucou!

Très bonne année à vous tous! J'espère vraiment que vous avez passé  de bonnes fêtes. 😘

J'ai mis énormément de temps à écrire ce petit chapitre... Désolé pour l'attente. 😔

Bonne lecture!

Bisous.

 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top