Candy Floss

« Bonne soirée Louis ! Profite bien de ta Saint Valentin ! » me lance Niall avant de grimper dans le bus. 

En guise de réponse, j'enroule ma main autour de mon cou afin de faire mine de me pendre. Mon meilleur ami se met à rire derrière la vitre. Evidemment mon désespoir l'amuse, ce con. Je lui adresse mon majeur alors que le bus démarre puis s'éloigne dans la nuit, me laissant seul sur le trottoir. Moi qui espérais un minimum de compassion, j'ai l'impression que je peux m'asseoir dessus. Je regarde le véhicule disparaitre au détour d'une rue puis me remets en marche. J'ai hâte de rentrer. A vrai dire je me sens un peu seul au milieu de tous ces couples dégoulinant d'amour.

Ce n'est pas que je n'aime pas la Saint Valentin, hein. J'adore cette fête ; les chocolats, les films niais et les nuits torrides c'est mon rayon. Câliner sa moitié devant Coup de Foudre à Notting Hills, c'est top. Passer sa soirée à faire l'amour, c'est encore plus top. Le problème, justement, c'est que je n'ai personne. Donc adieu les ébats ardents et bonjour la main droite. Je soupire dans mon écharpe, dépité. Ma soirée allait certainement se résumer à me gaver de cookie dough, à haïr les personnes en couple et à pleurer devant Le secret de Brokeback Mountain ainsi que sur ma vie sentimentale inexistante. Le planning de merde, quoi.

« Louis ? »

C'est très probable que la personne s'adresse à moi étant donné que mon prénom est plutôt rare en Angleterre, mais la voix ne m'étant pas familière je continue ma route. Je passe pour un mec malpoli mais il faut me comprendre : il est presque vingt-et-une heures, je suis seul et il fait quasiment nuit. Pas question de faire de mauvaises rencontres. Pourtant, l'inconnu ne semble pas être de mon avis puisque je sens bientôt une main sur mon épaule qui me force à me retourner.

« Ah, j'étais sûr que c'était toi ! »

Ce que je peux déjà dire c'est qu'il est grand, le bougre ; je dois lever les yeux pour croiser son regard. Et, wow, d'accord, l'inconnu est agréable à regarder. La lumière émanant du lampadaire me permet de distinguer le vert émeraude de ses yeux, les fossettes creusant ses joues et la couleur rosée de ses lèvres charnues. Des boucles chocolat encadrent son visage et il en repousse d'ailleurs quelques-unes qui lui tombent devant les yeux en souriant. Je sens mon visage s'empourprer en réalisant qu'il m'a vu le reluquer sans aucune gêne.

« Euh, oui ? » demandé-je.

« Quoi, tu ne me reconnais pas ? » Son sourire s'agrandit, me laissant l'occasion d'apercevoir ses dents parfaitement alignées.

Il faudrait déjà que j'arrive à réfléchir pour ça, pensé-je. Je toussote pour reprendre contenance avant de le regarder brièvement de haut en bas. Il porte un long manteau noir lui arrivant aux genoux ainsi qu'un jean et des bottines de la même couleur. Je fronce les sourcils. Des mecs qui portent ce genre de chaussures je n'en connais...Mais...Se peut-il que...

« Harry ? » 

« Tu en as mis du temps, dis donc, » répond-il en me faisant un clin d'œil. Je rougis de plus belle.

« C'est que...Wow, tu as...Changé. »

Et pas qu'un peu. Il s'est radicalement métamorphosé depuis le lycée. A l'époque il faisait ma taille, avait des cheveux bien plus courts coiffés avec du gel et des lunettes. Par contre, les bottines, je vois que ça n'a pas changé. Et si au lycée je craquais déjà pour ce petit hétéro que je considérais comme mon meilleur ami, six ans plus tard...Je fonds littéralement.

« Je peux te dire la même chose. »

Je sens son regard me scanner de la tête au pied. Je détourne la tête, gêné, et cache le bas de mon visage dans mon écharpe. C'est vrai que j'ai abandonné les vêtements colorés pour un style plus classique et qu'une barbe de quelques jours vieillit désormais mes traits.

« Bon, sauf pour la taille, » ajoute-t-il en riant.

« Eh ! Tout le monde ne peut pas faire un mètre quatre-vingt-dix, » lui rappelé-je en le rejoignant malgré moi dans son rire.

Nous rions quelques secondes avant qu'il n'enchaine. « Et dis-moi, que fais-tu seul dans les rues un soir de Saint-Valentin ? »

« Je raccompagnais un ami à l'arrêt de bus, » je lui désigne rapidement avant de remettre ma main au chaud. « Et toi alors, tu n'as pas une belle demoiselle qui t'attend à la maison ? »

« Moi, une demoiselle ? »

Je crois que j'ai dit la chose la plus drôle du monde car il se met à rire à gorge déployée, la tête légèrement inclinée vers l'arrière. Je le regarde sans vraiment comprendre, attendant qu'il éclaire ma lanterne.

« Louis, je suis pédé comme un foc. Ne me dis pas que tu l'ignorais, » dit-il une fois son sérieux repris.

« A-ah bon ? » Mes yeux s'écarquillent et mes lèvres s'entrouvrent sans que je ne le contrôle. Heureusement pour moi ma bouche est cachée par mon écharpe, me rendant moins ridicule.

« Tu pensais vraiment que j'étais hétéro ? Mon dieu, Louis, je n'arrêtais pas de te faire du rentre-dedans ! »

Je reste un instant interdit, abasourdi par ses paroles. Le moins qu'on puisse dire c'est que je suis sur le cul. Moi qui pendant nos années lycée avais réfréné mes sentiments en pensant qu'il était hétéro...Je ne peux empêcher un rire nerveux de franchir mes lèvres. Putain, je me sens con d'un coup.

« Tu n'avais rien remarqué ? »

Je remonte mon regard dans le sien en me balançant sur mes pieds, honteux.  « C'est même pire que ça. J'ai préféré taire mes sentiments pour toi au lieu de te les avouer car je croyais que tu étais plus branché filles. »

« Louis, Louis, Louis. » Harry se frotte le menton en soufflant par le nez. Je pense tout d'abord qu'il est énervé, mais le sourire étirant ses lèvres me montre qu'il est plutôt amusé.

« Oui ? » demandé-je innocemment. Je me mets à taper le bout de mes chaussures contre le sol dans l'espoir de me réchauffer.

« Tu étais mon fantasme absolu. »

Je rougis jusqu'aux oreilles et me mords la lèvre inférieure. Je n'ai cependant pas le temps de répondre quoi que ce soit que le bouclé me propose de continuer la conversation ailleurs, comprenant que je commence à avoir froid.

Je reste silencieux tout le long du trajet, timide, et me contente de lui jeter des regards furtifs de temps à autre. Enfin, pas si furtifs que ça si l'on en croit le sourire qui ne quitte pas ses lèvres.

Harry m'emmène dans un petit restaurant italien sans prétention et je suis agréablement surpris de voir que l'endroit est relativement calme. Une fois nos repas commandés, Harry croise ses mains sur la table, le regard plongé dans le mien.

« Je suppose que toi non plus tu n'as personne qui t'attend à la maison ? »

« Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? » dis-je en faisant tourner l'agitateur dans mon verre de mojito, un sourire joueur aux lèvres.

Harry pouffe de rire. « J'ose espérer que si tu avais quelqu'un tu serais avec lui le soir de la Saint-Valentin et non pas à errer dans les rues. »

« Pas faux. Non, effectivement je n'ai personne. »

« Et tu prévoyais de faire quoi de beau si je ne t'avais pas accosté ? »

« D'ailleurs tu m'as foutu la frousse au début, » je lâche un petit rire.

« Oui j'ai vu, tu m'as allègrement ignoré. »

« On ne sait jamais, tu aurais pu être un gros pervers qui me reluquait le cul. » Je prends une gorgée de ma boisson.

« Ah mais c'était le cas, crois-moi. »

Je crache le liquide sur la table sans pouvoir me retenir, aspergeant mon set et un peu celui du bouclé. Il fait mine d'être dégoûté mais je vois bien qu'il se retient de rire. Je m'essuie rapidement la bouche sous le regard de quelques personnes de la table voisine. Je dois certainement être aussi rouge qu'une pivoine.

« Bref, » dis-je pour recentrer le sujet. « Concernant ta question je serais rentré chez moi et j'aurais regardé un film d'amour en pleurant sur mon sort de pauvre célibataire. Programme alléchant, n'est-ce pas ? »

« J'ai bien fait d'avoir insisté alors, ça te permet de passer une meilleure soirée. » Il prend quelques gorgées de son soda. Et non, je ne regarde pas sa pomme d'Adam monter et descendre. Ou juste un peu.

« Et toi, tu comptais faire quoi ? »

« Je devais rejoindre des amis à un bar, rien de bien spécial. » Il hausse les épaules. « J'étais sur le chemin quand je t'ai vu. »

« Ils ne vont pas s'inquiéter en ne te voyant pas venir ? »

Harry secoue la tête en souriant. « Ils sont sûrement déjà trop saouls pour s'en apercevoir. »

Nous rions quelques instants avant que le serveur ne nous interrompe en déposant une assiette devant chacun de nous. Harry a pris un Osso buco et moi des spaghettis au basilic. La conversation se fait plus espacée lorsque nous nous mettons à manger. Je ne regrette d'ailleurs pas une seconde d'avoir suivi le bouclé dans ce restaurant ; la nourriture est absolument divine. La discussion dérive rapidement sur nos études et j'apprends qu'il a finalement laissé tomber les siennes pour ouvrir un salon de tatouages, au grand dam de ses parents, et que les affaires marchent plutôt bien. Je lui promets d'ailleurs de m'y rendre afin de lui faire un petit coucou. Nous discutons ainsi de tout et de rien pendant tout le repas, rattrapant simplement le temps perdu par ses années d'éloignement. Ca me fait plaisir de voir que nous sommes toujours aussi complices, même après tout ce temps. Je pensais que j'allais être gêné, mais non ; je me surprends au contraire à répondre à ses remarques ambiguës, ce qui l'étonne autant que moi.

Malgré le fait que nos estomacs soient déjà bien remplis nous commandons tous deux un dessert, par pure gourmandise. « Les fondants sont une tuerie, tu ne peux pas partir d'ici sans avoir goûté un » m'a dit le bouclé en voyant mon hésitation. Alors oui, j'ai finalement craqué et j'en ai commandé un. Au diable les calories, ce soir je me fais plaisir. Le serveur a cependant dû mal nous comprendre car il ne pose qu'une seule assiette au centre de la table avant de nous chantonner un « beaucoup de bonheur » et de disparaître dans la cuisine.

« Je crois qu'il pense que nous sommes en couple, » lancé-je en regardant l'assiette.

« C'est le glaçage en forme de cœur ou le fait qu'il n'y ait qu'une seule assiette qui te fait dire ça ? » me taquine Harry en saisissant sa cuillère.

« Mange et tais-toi, » lui répondis-je en commençant à manger ma part.

Harry fait mine d'être offusqué, ce qui m'arrache un petit rire. Je baisse ensuite mes yeux vers mon assiette afin de couper un bout de mon fondant. Lorsque je les remonte, je m'aperçois que le bouclé me regarde toujours.

« Quoi ? J'ai quelque chose sur le visage ? »

Il semble sortir de ses pensées et secoue doucement la tête. « Désolé. C'est juste, ton sourire est encore plus beau que dans mes souvenirs, » dit-il en prenant une bouchée de son dessert.

Ne m'attendant pas à une telle réponse je pique un fard et reporte immédiatement mon attention sur le reste du fondant. Je n'ai pas l'habitude d'une telle franchise, personne de mon entourage n'est pas comme ça, alors évidemment ça me gêne. Surtout venant de lui. Je l'entends rire, certainement amusé part ma réaction. Je joue encore quelques secondes avec ma cuillère avant de finalement oser remonter mon regard vers lui. Un sourire orne son visage rieur, causant à ses fossettes de creuser ses joues légèrement rosies par l'alcool. Et je ne sais pas si c'est le verre de vin blanc que j'ai bu qui me monte à la tête mais je sens soudainement une sensation de chaleur se répandre dans mon corps et un sourire idiot me monter aux lèvres.

Lorsque nous quittons le restaurant vingt minutes plus tard, il fait nuit noire et des flocons tombent lentement du ciel, portés par la légère brise. Le visage d'Harry s'illumine avant qu'il ne renverse sa tête en arrière et sorte la langue afin d'en attraper quelques-uns. Ses boucles tombent en cascade dans son dos et ses yeux brillent de malice sous la lumière émanant de l'intérieur du restaurant. L'étrange sensation revient se tapir en moi et me fait l'effet d'une multitude de papillons s'envolant dans le creux de mon ventre. Et cette fois, je sais que l'alcool n'y est pour rien.

Harry finit par se redresser et nous nous regardons quelques instants silencieusement, yeux dans les yeux, bleu contre vert. L'intensité de son regard me fait immanquablement rougir, ce dont il est parfaitement conscient puisque ses lèvres s'étirent subitement en un sourire doux, presque timide. Il ressemble à un ange avec ses boucles bougeant faiblement dans le vent et les flocons se déposant dans ses cheveux.

C'est à cet instant que je réalise que je n'ai pas envie que la soirée se termine maintenant. Je veux en savoir plus sur lui, sur sa vie ; je veux rattraper ces six années de perdues. Harry semble être de mon avis car il s'approche de moi et glisse sa main dans la mienne, sans un mot, puis nous dirige vers l'une des rues commerçantes. La plupart des vitrines sont encore allumées, éclairant nos pas et ceux des couples qui, comme nous, profitent des dernières heures de la soirée avant de rentrer chez eux.

Vingt minutes plus tard, je fais toujours mon possible pour me concentrer sur autre chose que la grande main d'Harry qui serre doucement la mienne. Heureusement que je peux maintenant faire croire que le rouge sur mes joues est dû au froid, ça m'évite de paraître encore plus pathétique. Le bouclé, s'il est troublé par ce contact, ne laisse rien paraître : ses yeux papillonnent sur les devantures des boutiques et sa tête bouge lentement en rythme avec la mélodie qu'il fredonne. Et qui sait, peut-être que je tire profit du fait qu'il soit dans ses pensées pour le contempler à la dérobée.

Il est un peu plus de vingt-trois heures lorsque les flocons cessent de tomber et que nous arrivons à Trafalgar Square. Malgré le fait que l'on soit un mardi soir l'endroit est encore bien vivant. Il y a même divers stands de nourriture ainsi qu'une sorte de petite piste de danse improvisée devant le National Gallery.

« Tu en veux une ? »

Je me tourne vers Harry qui désigne de son index la baraque à barbe à papa devant laquelle quelques personnes font déjà la queue. Je hoche la tête, les yeux rivés sur les diverses couleurs des boules cotonneuses. Le traditionnel rose, évidemment, mais aussi de l'indigo, du vert pastel et du bleu électrique. 

« Une bleue, alors, » répondis-je en lui adressant un grand sourire.

Une fois nos barbes à papa en main –Harry a finalement craqué pour l'indigo-, nous nous installons sur le bord de l'une des deux grandes fontaines afin de pouvoir regarder les danseurs. Bon, d'accord, moi j'essaie plutôt de ne pas me mettre du sucre partout.

« Tu manges vraiment comme un gosse de trois ans. »

Je frotte à la va-vite ma barbe de quelques jours du dos de la main. « On en reparlera le jour où tu ne seras plus imberbe, Styles. »

Un sourire mutin prend place sur ses lèvres rendues brillantes par le sucre avant qu'il ne se penche pour me murmurer à l'oreille : « Ne t'en fais pas, je suis loin d'être imberbe de partout. »

« Harry ! » couiné-je en me cachant derrière ma barbe à papa à moitié terminée.

« Désolé ? » 

« Tu ne peux pas t'attendre à ce que je te crois lorsque tu souris comme ça. » répondis-je en cachant mes joues rougies dans mon écharpe. « Et arrête de rire, idiot ! »

Il se met à rire de plus belle, si bien que je lui fourre un morceau de ma barbe à papa dans la bouche pour le faire taire. Et ça marche ! Enfin, durant deux secondes seulement. C'est vrai que ça fond vite, le sucre.

« Ne fais pas cette tête, Louis. Tu as au moins le mérite d'avoir essayé, » dit Harry en se léchant le bout des doigts.

Je le regarde faire quelques instants avant de détourner vivement la tête lorsqu'il me fait un clin d'œil. Je n'y peux rien s'il attire le regard ! Je fais alors semblant d'être concentré sur les danseurs, gêné. La musique est entrainante et les couples se déhanchent sur une musique dont je ne connais pas le nom mais qui fait furieusement années 80 et semble parler du syndrome de Stockholm. Ma petite taille me permet de battre doucement des jambes dans le vide, en rythme avec la mélodie.

Je viens de manger le dernier bout de ma barbe à papa lorsque le bouclé reprend la parole.

« Louis ? »

« Hm ? » Je jette mon bâton dans la poubelle avant de me tourner vers lui. Je n'ai même pas le temps d'analyser la situation que je le vois se pencher vers moi, l'air sérieux. « Qu'est-ce que... » Je suis interrompu par le bout de sa langue qui se met à lécher lentement le coin de mes lèvres. Son regard perçant est plongé dans le mien et je le fixe, interdit, jusqu'à ce qu'il recule en passant sa langue sur sa lèvre inférieure.

« Tu avais du sucre, » se justifie-t-il.

Mon cœur bat la chamade, des papillons font le bazar dans mon ventre et mes joues doivent être de la même couleur que celles de Pikachu. Du sucre, bien sûr. Je hoche timidement la tête, son parfum boisé toujours dans les narines. Rah, foutue sensibilité. Embarrassé de m'être enflammé pour si peu, je me racle la gorge pour reprendre contenance tout en cherchant désespérément quelque chose pour changer de sujet. N'importe quoi.

Les mots s'échappent de mes lèvres avant même que je ne comprenne ce qu'ils signifient.

« Tu veux venir danser ? »

J'écarquille les yeux. Je viens vraiment de lui dire ça ? Mais qu'est-ce qui m'a pris ?? Je ne sais même pas danser ! Harry, lui, semble ravi de mon initiative. Il prend immédiatement ma main dans la sienne et me traine, tout sourire, sur la piste éclairée par des guirlandes. Je le suis en bougonnant intérieurement. Pourquoi est-ce que je sens que je vais me ridiculiser ?





« T'as un balai dans le cul, ou quoi ? »

  Et voilà. Comme je l'ai prédit, il s'est à peine passé cinq minutes avant que le garçon n'éclate de rire. Ce n'est pas de ma faute si quand je danse j'ai autant de sex-appeal qu'un camboy de soixante-quatre ans du nom de Roberto.

« Je fais de mon mieux ! » dis-je par-dessus la musique en essayant de bouger en rythme.

Jailhouse Rock est un classique mais je me débrouille comme un manche. Harry semble avoir pitié de moi car il glisse soudainement ses mains dans les miennes afin de me tirer vers lui et de me faire danser plus convenablement. Je me retrouve alors à moitié collé contre lui et son souffle rencontre pratiquement le mien. Je dis bien pratiquement car il est tellement grand que je lui arrive au niveau des pectoraux. C'est dans ces moments-là que je me rends compte d'à quel point je suis petit. Le bouclé regarde furtivement mes lèvres avant de m'entrainer dans une danse folle où je fais mon possible pour suivre ses gestes. Je dois dire que je me débrouille plutôt bien si on exclut les deux fois où je lui ai allègrement écrasé le pied.

Il tente même de m'apprendre à danser le rock et, d'accord, j'ai vraiment du mal à détourner mon regard de ses longues jambes lorsqu'il les balance. Heureusement qu'il pense que je le fixe dans le but de mémoriser les pas de danse.

Lorsque la musique arrive à sa fin, ses boucles en pagaille ainsi que ses joues rougies par l'effort lui donnent un côté sauvage qui est loin de me déplaire. Fatigué par notre danse je lui fais signe que je retourne vers la fontaine, au calme. Harry hoche la tête et se met à me suivre, avant de me stopper brusquement en me tirant sur le poignet quand la chanson suivante démarre. Sexual de NEIKED. Je suis alors à nouveau tiré contre lui et ses lèvres sont rapidement à mon oreille.

« J'adore cette musique. Accorde-la-moi ? »

J'acquiesce faiblement et pose mes mains sur torse lorsque les siennes descendent sur mes hanches. J'en viens presque à regretter d'avoir enfilé un manteau aussi épais en réalisant que je sens à peine ses mains.

Ses lèvres sont toujours à mon oreille alors que nous nous mettons à danser, beaucoup plus lentement cette fois-ci. La lumière tamisée des guirlandes a viré au rouge, rendant l'ambiance plus romantique que jamais.

« You got that thing that I been looking for

Been running around for so long

Now I caught you, I won't let you go. »

Harry raffermit sa prise sur mes hanches lorsqu'il chuchote les derniers mots, me faisant comprendre qu'il ne compte en effet pas me laisser partir. Je cache mon visage contre son trench-coat, tout d'un coup timide, la boule de chaleur à nouveau au creux du ventre. Mince, je ne vais jamais m'en débarrasser de ce truc. Ce n'est pas forcément désagréable, j'ai simplement l'impression d'avoir bu quelques shoots de vodka. Je ferme les yeux et essaie de me concentrer sur la musique et non sur les battements rapides de mon cœur. Plus la chanson avance et plus je commence à comprendre pourquoi il tenait tant à ce qu'on danse dessus ; même s'il ne me l'a pas dit implicitement, je vois bien que les paroles me sont directement dirigées.

« Just say you feel the way that I feel

I'm feeling sexual, so we should be sexual. »

Il n'a pas chantonné ces paroles, me sont-elles tout de même adressées ? J'ai ma réponse lorsque je le sens sourire contre ma peau : ça doit être un 'oui'. Je grogne légèrement contre lui et tente de le pincer à travers son manteau, sans résultat. Il rit quelques secondes avant d'effleurer ma joue du bout de ses lèvres et de susurrer un « Hold me cause baby, I'm yours » d'une voix si grave que j'en ai des frissons. C'est criminel d'avoir une telle voix, j'espère qu'il le sait.

Le rythme devenant plus entrainant, Harry saisit l'une de mes mains et me fait tourner sur moi-même avant qu'il n'ancre finalement ses yeux brillants de joie dans les miens. Et je dois avouer que ça me plait aussi, de danser avec lui. Je me retrouve même à chanter le refrain à tue-tête avec lui tout en me trémoussant du mieux que je peux, me fichant royalement des gens autour de nous. Je suis bizarre, et alors ? Il pourrait y avoir la reine Elizabeth II en personne que je n'en aurais rien à faire. Elle n'aurait qu'à admirer mon superbe déhanché, tiens.

Les dernières notes résonnent dans l'air lorsque je rouvre les yeux. Je profite encore quelques secondes de la chaleur d'Harry avant de me décaler, l'obligeant à retirer ses mains de mes hanches. Je plonge les miennes dans mes poches et le regarde silencieusement, un sourire timide aux lèvres. Il ne me dit rien, repoussant simplement quelques-unes de ses boucles de son visage, mais l'éclat de ses yeux suffit à me faire comprendre qu'il a tout autant apprécié cette danse que moi.



« Tu vois, ce n'était pas si horrible, » me dit Harry une fois que nous sommes à l'écart de la piste.

Je hausse les épaules et réajuste mon écharpe, l'air faussement blasé. « Tu es un piètre danseur mais bon, j'ai fait avec, » répondis-je pour le taquiner.

« Me dit celui qui a piétiné mes superbes bottines sans vergogne. »

« C'est vraiment petit, ça. »

Un sourire malicieux prend place sur ses lèvres et ça ne me dit rien qui vaille.

« Comme toi. »

Qu'est-ce que j'avais dit. Je fronce exagérément des sourcils et croise mes bras sur mon torse, faisant mine de ne pas être content. « Oh, toi... »

Harry échappe un petit rire et me tire doucement par la manche pour me rapprocher de lui. « Ne boude pas, j'adore ta taille. »

« Mmmh. »

Notre proximité m'oblige à relever la tête pour pouvoir soutenir son regard. Je le détaille sans un mot, sceptique. Il fait brièvement de même avant qu'il ne se morde la lèvre inférieure et qu'une lueur d'hésitation traverse ses yeux. A quoi pense-t-il ? Même si ma curiosité me démange je reste silencieux et j'attends qu'il reprenne la parole. Le bouclé passe alors rapidement une main dans ses boucles, manifestement en proie à un dilemme intérieur qui m'échappe complètement.

« Oh et puis merde, » marmonne-t-il en m'attirant vers lui, l'air déterminé. J'ai à peine le temps d'ouvrir des yeux ronds comme des soucoupes que ses lèvres effleurent les miennes et que nos souffles se rencontrent. « J'adore ta taille car elle me permet de faire ça, » chuchote-t-il contre ma bouche avant de m'embrasser pour de bon.

Et si j'ai auparavant eu l'impression d'avoir bu ou que des papillons fichaient le bordel dans mes entrailles, ce n'est rien comparé à ce que je ressens actuellement. C'est comme si une coulée de lave se déverse soudainement en moi, réchauffant le creux de mon ventre et dévorant tout sur son passage. Mes yeux se ferment d'eux-mêmes lorsqu'Harry commence à bouger ses lèvres. Je frissonne, elles ont encore le goût sucré de la barbe à papa. Mes mains viennent se nicher dans sa nuque et je serre quelques-unes de ses mèches entre mes doigts, comme pour le garder près de moi. Le baiser est doux, lent, sans aucune brusquerie. Ses lèvres effleurent simplement les miennes et j'adore ça.

C'est lorsque nous finissons par nous séparer à cause du manque d'oxygène que je réalise que j'ai attendu ce baiser toute la soirée. Que je l'ai attendu depuis l'instant où il m'a avoué que mes sentiments pour lui avaient été réciproques, depuis l'instant où je me suis rendu compte que notre complicité est intacte. Il est toujours le Harry que j'aie connu au lycée, le garçon gaffeur aux blagues douteuses et aux bottines de toutes les couleurs. Il est toujours mon Harry.

Il me donne un bref baiser avant qu'il ne recule son visage et que je rouvre les yeux à contrecœur. Et, à ma grande surprise, je vois que ses joues ont une jolie teinte rosée et qu'il arbore un sourire bêta. Pour une fois que ce n'est pas moi !

« Si ça me permet d'avoir de tels baisers je vais peut-être commencer à aimer ma petite taille, alors... » dis-je en caressant les boucles dans sa nuque.

Il fait doucement frotter le bout de son nez contre le mien. « Ca veut dire que tu en voudrais d'autres ? »

« Beaucoup, beaucoup d'autres, » murmuré-je contre ses lèvres avant de l'embrasser.





Il est plus d'une heure du matin lorsqu'Harry et moi arrivons à mon appartement, les pieds en compote et les joues rougies par le froid. Je monte les quelques marches du perron puis me tourne vers le bouclé, timide.

« Tu souhaites entrer ? »

« J'aurais bien aimé mais..., » il me désigne son téléphone portable. « Mon coloc s'est mis dans un sale état et a besoin de moi. Je le connais, il est capable de tout lorsqu'il est saoul. La dernière fois je l'ai retrouvé en boxer à danser la gigue en délire sur une table de bar. »

« Celle du chapelier fou dans Alice ? » répondis-je en souriant malgré moi. J'aurais aimé qu'il reste un peu.

Il me rend mon sourire. « Oui c'est exactement ça. »

« Je suppose que tu n'as pas le choix, alors. »

« Ne t'en fais pas, on se revoit très vite. »

« C'est une promesse ? »

Son sourire s'agrandit alors qu'il me rejoint et glisse un morceau de papier dans ma main en embrassant furtivement mes lèvres. « Promis, Louis. »

Après un dernier baiser Harry disparaît dans la nuit, me laissant seul avec mon cœur battant à tout rompre. Je regarde encore quelques secondes la rue déserte avant d'ouvrir délicatement le papier froissé.








« Roses are red,

Violets are blue,

Sugar is sweet

And so are you. » 

0044 7843 xxx xxx

Appelle-moi.

H








Au final cette soirée de Saint-Valentin s'est révélée bien plus intéressante que prévue.





NOTES :

Joyeuse Saint Valentin !

J'avais déjà posté cet OS dans le calendrier de Larry Lynn mais je me suis dit que ce serait cool de le mettre ici. Alors...tadam ! :)

J'espère que vous avez autant apprécié le lire que moi l'écrire. ヽ(^◇^*)/

xx

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