Cette fois-ci, lorsque je descends de chez moi, j'espère voir Yeon Jun. Une fois n'est pas coutume, je suis sorti un petit peu plus tôt de chez moi dans l'intention de lui parler. Espérons que pour le coup, il ne me fasse pas faux bond en étant absent.

Mais il est là, à l'entrée de l'immeuble comme tous les jours de la semaine. Il a quand même de la gueule. Ça me hérisse le poil de l'avouer mais à le voir, là, sur son téléphone, appuyé contre le mur comme s'il posait dans un magazine, ce serait hypocrite de dire l'inverse.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Je suis tellement beau que tu tombes amoureux de moi ? dit-il sans même arrêter ce qu'il fait.

Je lève les yeux au ciel et soupire. Alors oui, il est beau, mais à partir du moment où il ouvre la bouche, je me souviens pourquoi je veux qu'il disparaisse de ma vie. Tout serait tellement plus simple s'il n'existait pas.

— Dis, je veux savoir. Comment tu savais que je devais aller voir le médecin.

— Ah, parce que tu avais un rendez-vous médical ? me demande-t-il ironiquement.

— Oui c'est bon, j'aurais dû t'écouter. Ils m'ont appelé hier soir pour me faire remarquer que je n'étais pas venu. Mais je n'ai jamais pris ce rendez-vous ... et c'est impossible que ce soit toi. Alors d'où ça sort ?

— Qui sait, je suis peut-être plus puissant que tu le penses.

Il est tout bonnement impossible d'avoir une conversation sérieuse avec Yeon Jun. Je déteste ce mec. Qu'il aille en enfer au lieu d'essayer de pourrir ma vie.

— Arrête de faire la moue ou c'est moi qui tomberai amoureux de toi !

Il passe à côté de moi, sûrement pour aller dans ma voiture comme à son habitude, sans se préoccuper de ma réaction. Tomber amoureux de moi ? Quelle idée ! Comment quelqu'un qui est dans ma tête pourrait tomber amoureux de moi ? Ca reviendrait à dire que je m'aime moi-même ... et ce serait un peu trop étrange.

Bref, je n'ai pas le temps pour ses bêtises.

Je rejoins la voiture. A ma grande surprise _ c'est faux _ il y a déjà mes amis dedans ainsi que Yeon Jun. Je me mets derrière le volant et sans plus attendre démarrer la voiture. Je vois dans mon rétro que mon comportement semble perturber Tae Hyun, Beom Gyu et Kai. Je suis désolé pour eux, ils n'ont pas à supporter mes humeurs, mais Yeon Jun a vraiment tendance à me taper sur les nerfs avec ses airs satisfaits et ses sourires moqueurs et à première vue, il m'énerve encore plus lorsque, comme maintenant, il est calme et ne parle pas. Je jette un rapide regard dans sa direction et le vois plonger à nouveau dans son téléphone. Qu'est-ce qu'il peut bien avoir d'aussi intéressant ? Est-ce qu'il peut parler à d'autres amis imaginaires comme ça ? Est-ce qu'il existe un réseau d'emmerdeurs ?

Je ne peux pas m'empêcher de ricaner en imaginant un groupe de discussion Whatsapp où chacun d'entre eux raconterait comment il a rendu fou la personne qu'il hante.

— J'ai pas compris, j'entends chuchoter derrière moi. Il est de mauvaise ou de bonne humeur ?

— Désolé Beom Gyu, je lui réponds en riant franchement cette fois-ci. J'avoue que j'étais pas forcément de bon poil en montant dans la voiture mais ça va mieux ! Excusez-moi ! J'aurais dû vous épargner ça !

— Oh tu sais hyung, me dit Kai, on a l'habitude ! On sait que t'es pas tout seul dans ta tête !

Je me fige. Mon cœur a cessé de battre et je crois sentir une goutte de transpiration longer ma colonne vertébrale. Je ne suis pas tout seul dans ma tête ? Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Heureusement qu'ils se mettent tous les trois à rire parce que, l'espace d'une seconde, j'ai cru qu'ils étaient au courant pour Yeon Jun.

Et j'ai eu peur. Vraiment peur.

Je me suis vu perdre mes amis à cause de cette vérité. Ouais, je ne suis pas tout seul dans ma tête et le gars que j'imagine est d'ailleurs dans la même voiture que nous et me regarde intensément. Est-ce que lui aussi a cru, le temps d'un instant, que mes amis connaissaient son existence ? Par contre, il n'a pas l'air plus perturbé que ça par ce qu'il vient de se passer. Je le vois même se pencher légèrement vers pour me dire :

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? On dirait que tu as vu un fantôme !

Bon sang que je le déteste.