Jeudi
J'ai l'impression de vivre inlassablement la même journée pourrie. Comme lundi, mardi et même mercredi, je me lève, me prépare et descends jusqu'au hall d'entrée de mon immeuble où Yeon Jun m'attend. Il m'accueille avec une phrase qui aura le mérite de me mettre hors de moi sauf qu'aujourd'hui, j'arrive à me contenir. On est jeudi, je n'ai pas beaucoup d'heures de cours aujourd'hui, je vais donc pouvoir passer quelques heures tranquilles dans l'après midi sans, je l'espère, ami imaginaire. Qu'est-ce qui pourrait venir me gâcher cette journée ?
A l'exception de ma voiture.
Bon sang ... J'ai beau tourner la clé dans le contact, ma voiture refuse tout bonnement de démarrer. Je la tourne encore et encore au cas où un miracle arriverait ... mais rien.
— Bah alors ? Elle est en panne ?
— Commence pas Yeon Jun ... Clairement, si tu pouvais disparaître une heure ou deux, voire toute ma vie, je t'en serais reconnaissant !
Je sors mon téléphone et appelle ma mère. Elle travaille de nuit et ne devrait pas tarder à rentrer chez elle. Heureusement pour moi, mes parents n'habitent pas très loin alors j'espère qu'elle pourra m'aider.
— Maman ? Est-ce que tu penses pouvoir venir nous chercher les garçons et moi ? Je ne sais pas pourquoi mais ma voiture ne veut pas démarrer.
— Oh Soo Bin ! Je suis désolée mon chéri, j'ai une urgence au travail et vais rentrer plus tard que prévu. Tu peux prendre le bus ?
— Le prochain est dans une heure ... c'est pas grave, on va marcher.
— Je suis vraiment désolée. Tu n'as qu'à laisser la clé au gardien, je m'occuperai d'envoyer ta voiture au garage !
— Merci maman. T'es un amour !
Je raccroche et tourne les yeux vers Yeon Jun, toujours à côté de moi bien sûr, qui me regarde avec son habituel sourire narquois.
— Alors on appelle sa maman pour aller à l'école ?
— Oh ferme là ! Tu veux pas disparaître ? Regarde, la voiture est en panne, on va marcher pour aller à la fac, toi tu n'as qu'à faire ce que les gens imaginaires font le mieux, tu disparais et tu réapparaitras là-bas en un claquement doigt ! Au moins, tu ne seras pas en retard à tes soi-disant cours et tu me foutras la paix.
— Pour quoi faire ? C'est tellement plus sympa de papoter avec toi ! Je sens que tu m'aimes de plus en plus alors on va continuer sur ce chemin non ?
— Alors soit tu déconnes et dans ce cas-là, revois ton humour. Soit tu es sérieux et là, fais toi soigner.
— Oh mais on est amis toi et moi nan ?
— C'est ça ... Si ça te fait plaisir de le penser. Sache au passage que mes vrais amis sont ... oh zut ! J'ai oublié de les prévenir ! Ils vont faire le chemin jusqu'ici pour rien !
— Pourquoi on serait venu pour rien ? demande Tae Hyun en arrivant avec Kai et Beom Gyu.
— Je suis vraiment désolé les gars, la voiture refuse de démarrer, on va devoir aller à la fac à pied !
— On a fait tout ce chemin pour rien ? geint Beom Gyu.
— Désolé ! J'ai complètement oublié de vous prévenir ! Ça vous aurait épargné une partie du trajet.
— Oh c'est pas grave ! La voiture c'est cool, mais faire un trajet d'une heure, à pied, avec ses potes, c'est encore mieux nan ? fait remarquer Kai.
— J'arrive pas à savoir si tu es ironique ou sincère, je lui fais remarquer. Dans le doute, on va dire que tu es sincère, ça m'arrange bien ! Par contre, si on veut ne pas rater trop de cours, il vaudrait mieux qu'on parte maintenant.
Cinq minutes plus tard, j'ai l'impression d'être un professeur de maternelle emmenant ses élèves en sortie scolaire. Ils sont infernaux. Je ne compte même plus le nombre de fois où je leur ai dit de faire attention, qu'un accident de voiture pouvait vite arriver. Pour être sincère, cette perspective me terrifie comme jamais. Mon cœur rate un battement dès que je les vois se rapprocher un peu trop de la route ou alors qu'une voiture passe trop près du trottoir où nous sommes.
Heureusement pour moi, il nous faut encore que quelques centaines de mètres avant d'arriver à un chemin coupant à travers champ, plus rapide mais surtout interdit aux voitures et motos. A partir de ce moment, je sens mon corps se relâcher et je me prends même à rire de leurs pitrerie.
— Une petite course ça vous dit ? propose Tae Hyun en accélérant le pas.
Je n'ai même pas le temps de répondre quoi que ce soit que Kai et Beom Gyu sont déjà à sa suite. Je lève les yeux au ciel et me mets aussi à courir.
Le vent frais du matin fouette mon visage et les rires des garçons résonnent dans mes oreilles. Je crois que je ne me suis jamais senti aussi bien depuis une éternité. Depuis l'apparition de Yeon Jun à vrai dire. Je jette d'ailleurs un rapide regard dans sa direction, le découvrant à quelques mètres derrière moi. Je pense qu'il est temps pour moi d'accélérer et de rattraper les autres. Avec un peu de chance, j'arriverai à perdre mon super ami imaginaire entre deux épis de blé.
On court une bonne partie du chemin. On a juste l'air d'une bande de gamins qui joue à la course. Des gens nous observent bizarrement, comme s'ils n'avaient pas vu un groupe d'étudiant s'amuser comme s'ils avaient six ans, mais pour le coup, même moi j'en ai rien à faire.
Je cours ... mais petit à petit, je les vois me distancer. Kai est le premier à le remarquer et se précipite instantanément vers moi.
— T'arrives pas à suivre grand-père ?
— Comment ça grand père ? je m'insurge.
— Allez, tu peux monter sur mon dos si tu veux ... papi !
Sale gosse.
Je prends une bonne accélération et me jette sur le dos de Kai qui avait repris sa course. Surpris, il ne lui faut pas une microseconde avant que ses jambes ne se dérobent sous mon poids et que l'on finisse au sol. Je me tourne sur le dos et éclate de rire. Une de mes mains est surement égratignée, j'ai même peut-être abimé mon pantalon en atterrissant sur les cailloux, les passants continuent à nous regarder comme si une deuxième tête venait de nous pousser mais je ne peux pas m'empêcher de rire sans pouvoir m'arrêter. L'arrivée de Beom Gyu et Tae Hyun, alertés par le bruit de notre chute, ne m'aide pas à me calmer. Si ça continue, je pourrais même finir par manquer d'air.
Heureusement, et malheureusement, pour moi, un élément perturbateur vient supprimer mon envie de rire. Je me rends compte que le temps de cette course, j'avais fini par oublier son existence. Les meilleures minutes de ma vie.
— C'est pas en te faisant remarquer de cette manière que tu vas louper moins de cours, me dit Yeon Jun en passant à côté de moi.
Il ne me jette même pas un coup d'œil. Il marche, les yeux rivés droit devant lui, les mains dans les poches, sans se soucier de mon état. Ami imaginaire en carton. Je ne comprends vraiment pas comment mon cerveau a pu le choisir lui comme fantôme stalker ... Il y avait forcément un meilleur choix quelque part ...dans ce cas-là, j'ai vraiment des gouts de chiotte si malgré tout c'est Yeon Jun que j'ai choisi.
— J'ai vraiment la force d'un escargot ! réagit Kai en se relevant.
— L'escargot a au moins le mérite de porter sa maison sur son dos. Ta force s'apparenterait plutôt à celle d'une limace, fait remarquer Tae Hyun avant de se faire poursuivre par Kai.
Je me redresse, époussette mon pantalon, découvrant au passage que je l'avais effectivement troué au niveau des genoux, et reprend le chemin. Et comme si ce n'était pas suffisant, voilà qu'il se met à pleuvoir. Super ... il ne manquait plus que ça ...
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