51 | The power of words

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Noa Sparks

-Un verre d'eau Noa? Sérieusement?

Mary rit en croisant les bras sur la table surélevée devant nous. Le soir tombe déjà alors que le ciel se teinte lentement d'orange en laissant bientôt apparaître les étoiles au dessus de nos têtes. Je jette un oeil à mon verre d'eau avant d'en prendre une gorgée tandis qu'un serveur vient servir deux cocktails margaritas à notre table.

-Vous pourriez nous en mettre un troisième s'il vous plaît? demande la brune en souriant gentiment au jeune homme.

Celui-ci lui répond par un sourire idiot qui nous fait pouffer, Denis et moi.

-T'as une touche!

-Oh arrête, il doit bien avoir trois ans de moins que moi.

-Christopher a presque deux ans de moins que toi, fait remarquer Denis en sirotant son cocktail au goût fraise en la défiant du regard.

-Ça n'a rien à voir! s'exclame-t-elle.

Je regarde autour de moi en terminant mon verre en silence. Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Peut-être que je me voyais faire une entrée magistrale sur la terrasse de ce café, aux bras de deux des mes meilleurs amis, le sourire aux lèvres, rayonnante et riant aux éclats. Mais non. Une coiffure de cheveux ne me fera pas prendre un nouveau départ aussi facilement comme une soirée ne signera pas la naissance d'un nouveau moi. Je me sens toujours maussade, peut-être juste un peu moins grâce au soutien de mes amis qui me sont d'une aide incroyable et envers qui je suis infiniment reconnaissante. Mais je sais qu'au fond de moi ça ne suffit pas.

-Hey Noa, quelque chose ne va pas?

-Ça n'a rien d'une soirée 'en petit comité' Mary, dis-je sans cesser d'analyser les alentours.

-Okay, il y a un peu de monde mais franchement, tu ne trouve pas que l'ambiance est super? C'est vraiment tranquille et personne n'est là pour les excès.

-Ah oui?

Je tourne la tête vers l'entrée où arrive Kage avec quelques garçons que je ne connais pas. Il était la dernière personne que je voulais voir ici; ce garçon est immonde. Une véritable ordure. Je grimace et détourne le regard en me renfrognant malgré moi. Mon amie soupire et se pince les lèvres.

-Creg ne doit pas être trop loin pour le tenir, essaie-t-elle pour me convaincre.

-Creg se prépare à partir en tournée de surf, dis-je dans un soupire.

-Regarde, ils ne nous ont pas vus et ils s'eloignent, dit Denis en donnant un coup de menton dans leur direction.

Il a raison, ils s'éloignent. Et si il n'est accompagné d'aucun membre de la bande de Creg alors il ne risque pas de venir à notre rencontre. Je le laisse de côté en hochant la tête et me retourne vers mes amis en ne voulant plus regarder vers la direction où il a disparu. C'est vrai que l'atmosphère est sympathique. Sur la terrasse, des flambeaux brûlent dans de hauts chauffages extérieurs protégés par des barreaux métalliques. Des tables hautes sont installées un peu partout, surplombées par des parasols ouverts qui se rejoignent entre eux pour créer un petit toit au dessus nous, mais pas sur toute la longueur de la terrasse. Des guirlandes pendent dans le vide, attachées de parasols en parasols. Le feu et les lumières en plus de la musique plutôt calme et tendance donnent au lieu l'ambiance à laquelle je m'attendais. Mais il y a tout de même du monde c'est indéniable. Le serveur arrive avec mon cocktail que je m'empresse de goûter sous le regard curieux de Denis et Mary.

-Verdict?

-C'est le meilleur cocktail que j'ai jamais bu dans ma vie, dis-je malgré qu'il me fasse légèrement tousser à la première gorgée à cause de la téquila.

-On a trouvé notre prochaine victime pour nos soirées margaritas devant Friends! chantonne la brune en me prenant par la main pour me faire rapidement tournoyer. Je me laisse aller à sourire en écoutant ensuite mes amis parler entre eux quand alors le sujet de Christopher revient sur le tapis.

-D'ailleurs, comment vous comptez garder le contact? Pas que Malibu soit trop loin de Seattle mais bon...

Mary repousse son verre un instant et secoue la tête en se pinçant les lèvres. Je sais que ce sujet lui tient à coeur et qu'elle s'efforce de trouver une solution, mais elle n'en parle pas souvent avec nous.

-C'est un problème. Il n'aime pas aborder le sujet mais il faudra sérieusement qu'on le fasse car il ne vous reste plus que quelques jours et ça me stresse un peu... dit-elle d'une voix plus faible.

-Je sais qu'il s'est inscrit à Seattle. Tu comptes faire quoi l'an prochain?

-Je vais recommencer mes castings dans le mannequinat. Ça a été compliqué pendant un moment premièrement à cause de Mike, alors que ça allait bien pour moi à cette époque, Denis lève les yeux aux ciel à l'évocation du jeune homme. Ensuite j'ai trouvé un agent mais elle a fait faillite du jour au lendemain. Moi et plusieurs autres filles se sont retrouvées sans jobs... Alors cette année, j'espère que ce sera la bonne.

-Évidemment que ce sera la bonne ma belle! Tu es faites pour ça! s'exclame Denis en faisant de grands gestes, retirant distraitement sa paille de son cocktail, éclaboussant un garçon passant malheureusement par là avec. Oops...

Mary rit alors que le garçon grogne quelque chose d'incompréhensible avant de s'éloigner.

-Je crois que l'on va se retrouver avec une relation à distance dans les bras... soupire la brune.

-Vous pourrez sumonter ça, dis-je en lui caressant le bras. Vous vous aimez beaucoup trop et puis, les retrouvailles ne seront que plus belles.

-Tu as raison. Merci.

-Donc, si tu retournes étudier à Seattle, tu seras peut-être sur le même campus que Alec, non? demande Denis avec nervosité en me jetant un coup d'oeil en biais.

Je secoue négativement la tête et prends une nouvelle gorgée de ma boisson qui est loin d'être finie alors que mes deux autres amis en sont déjà à plus de la moitié. Il est vrai que je n'aime pas parler de Alec en ce moment, surtout que cette petite fête était censée me vider l'esprit; ce n'est pas exactement de cette manière que ça fonctionnera. Mais c'est tout de même une question qui mérite réponse.

-Non. Je n'ai pas trop compris le concept de leurs études mais si ils suivent un programme linguistique, ils vont devoir changer d'établissement il me semble. Et Alec m'a dit qu'il ne savait pas encore ce qu'il comptait faire l'an prochain car les études ne le tentent plus trop. Et moi, mon dossier est envoyé à Portland...

Parler de ça me rend nerveuse. Bien que j'apprécie énormément le campus de Portland et que quand j'étais petite je ne rêvais que de ça, aujourd'hui ça ne me fait plus autant rêver.

-J'aimerais bien visiter Portland un jour!

-Oh, il n'y a pas tant de choses à voir, dis-je en riant doucement. Mais je vous'y emmènerai, promis.

-Oh Noa, si seulement tu voyais le campus de Pepperdine! lance Mary en enfuyant son visage entre ses mains.

-Plus de 300 hectares, un campus avec une vue plongeante sur l'océan pacifique, une piscine et des propriétés adjacentes... L'université est connue pour être un des plus beaux site du monde pour étudier, rêvasse Denis. Oh, et les beaux-gosses sur place, tu devrais voire l'équipe de sport, les Pepperdine Waves!

Je soupire sur ma boisson en revoyant les images de l'université dans ma tête. Toutes ces vidéos que j'ai regardées pour avoir une idées des campus, des bâtiments. Mais Pepperdine est de loin l'université qui en fait rêver plus d'un. Bon sang, à quel point, j'en ai rêvé aussi de ce campus.

-Et ils ont des programmes d'art et de langue qui vendent du rêve, dis-je avec un demi sourire sur le visage.

-Alors tu y as déjà songé?

-Absolument. Mais... C'est une question de pratique si j'ai choisis Portland.

-Je peux t'emmener sur le campus quand tu veux! Il est ouvert et... commence Mary

-Non, c'est gentil mais ça ne me fera que déprimer encore plus, dis-je dans un rire désolé.

La brune me regarde avec un demi sourire avant d'appeler le serveur de tout à l'heure. Celui-ci accourt immédiatement, suspendu au regard azur de mon amie. Denis joue des sourcils en me regardant, ce qui me fait rire.

-On pourrait avoir trois nouvelles margaritas? Un peu plus fortes cette fois, dit-elle avec un clin d'œil à l'adresse du jeune homme qui flanche en hochant la tête comme un chiot.

Il s'éloigne au pas de course alors que nous pouffons de plus belle après son départ.

-Si il essaie quoi que ce soit, Noa tu es officiellement ma petite amie de secours, soupire-t-elle.

-Quel honneur, dis-je en terminant enfin ma boisson, faisant voler mes cheveux d'un coup de la main. Ça n'a plus le même effet que quand ils étaient plus longs.

-Hey, ça a toujours été moi le petit ami de secours!

-Oui, mais c'est de moins en moins crédible au fil des jours, dit-elle dans un rire. Tu te mets à porter des jean serrants Denis, ils vont flairer l'arnaque à des kilomètres!

-C'est vrai. Mais ça me va tellement bien, je n'y peux rien, soupire-t-il en s'éventant le visage.

-Absolument, reste comme tu es, rit-elle en entourant ses épaules d'un bras.

La musique change; je reconnais un titre de Amber Run, un groupe que j'apprécie beaucoup. Pendant que Mary et Denis discutent ensemble, je fais bouger mes lèvres en synchronisation avec les paroles. C'est pratique d'avoir des amis qui sont de véritables moulins à paroles; on ne s'ennuie jamais.

-Oh, les filles je ne vous ai pas dis! sursaute brusquement Denis alors que la chanson se termine.

-Tu as enfin commencé à faire du yoga comme tu es censé le faire depuis trois mois!

-Hm, pas exactement, mais ça arrivera. Non, j'ai fais mon coming out auprès de mon petit frère de  six ans l'autre jour quand je suis allé voir mon beau-père et ma mère, lance-t-il tout sourire.

Je hausse les sourcils en souriant à mon tour et me penche vers eux alors que Mary plaque une main devant sa bouche.

-Alors?

-Je lui ai demandé ce qu'il pensait de deux monsieurs qui se mariaient... Il m'a répondu qu'il avait vu ça dans un film et qu'il trouvait ça très original, dit-il en riant, ses joues prenant des teintes rosées. Alors je lui ai demandé plus de précisions, il a dit exactement ces mots; moi je m'en fiche. Il a le droit d'être amoureux, non? Je crois que je n'ai pas su m'arrêter de pleurer pendant deux heures après ça.

Je souris en allant le prendre dans mes bras, sentant mes yeux s'humidifier tant le voir si heureux me touche. Le poids de Mary se fait sentir sur nous, elle rit de bon coeur en nous prenant par les épaules pour que l'on se regarde.

-Ensuite je lui ai dit; et si je te dis que moi j'aimerais bien me marier avec un monsieur un jour?

-Qu'est-ce qu'il a dit? je demande en me pinçant les lèvres.

Denis porte les mains à son coeur et sourit en fermant les yeux.

-Jeff a dit qu'il avait hâte d'être mon témoin. Dans un langage plus enfantin mais c'était à peu près ça. Comment vous dire que j'aime mon petit frère plus que tout?

-Il est formidable, dis-je, aussi émue que lui.

-Jeff président! tonne Mary en levant son verre, faisant se retourner quelques personnes.

Nous répétons après elle en faisant s'entrechoquer nos verres à moitié vides entre eux en riant. Les yeux de Denis brillent de joie, il se mord la lèvre inférieure en secouant la tête tout en riant. J'essaie plus que tout de profiter de cette vision, d'imprimer leurs visages souriants, d'enregistrer leurs rires dans mon esprits car j'ai peur de ne plus les entendre avant un moment. Je me rends compte de tout l'amour que je leur porte pour la énième fois. Et puis, après tout, on ne peut jamais aimer trop. Je ne pourrais exprimer assez précisément à quel point ils vont me manquer; jamais plus je ne rencontrerai de telles personnes, avec de si belles âmes, de fortes personnalités et des façons de penser tout à fait magnifiques.

-Vous êtes incroyables, vous le savez? dis-je doucement.

Ils me regardent en inclinant la tête, Mary prend ma main dans la sienne.

-Et toi donc, tu nous en auras fais vivre des choses, murmure Denis en m'accordant un clin d'œil.

Une heure s'est passée depuis que nous sommes arrivés et je me sens enfin pleinement détendue. Je me suis sentie égoïste pendant un moment, faire passer toutes ces ondes négatives à mes amies qui sont rayonnants n'enjolive pas la soirée. Mais je n'y pouvais pas grand chose. Heureusement, à présent ils ont totalement réussis à me changer les idées. Mary vient de s'éloigner pour aller aux toilettes et m'a demandée de surveiller Denis car d'après elle, il doit se réserver pour Nate qui apparement lui plairait. Malheureusement, le voilà déjà à discuter avec un serveur près du bar, je souris en me disant que commander des cocktails ne devrait pas prendre autant de temps. Pour rester fidèle aux demandes de Mary, je l'observe tout de même du coin de l'oeil dans le cas où ils se mettraient à s'échanger leurs numéros. Je ne sais pas si Nate est aussi branché garçons que filles mais comme on dit, qui ne tente rien n'a rien. Et puis, j'ai appris de mon amie qu'ils s'échangeaient souvent des textos et des messages via Instagram, ce qui me rend de plus en plus curieuse.

-Comment ça se fait que tu n'aies rien à boire? demande une voix masculine derrière moi.

Je me retourne pour tomber nez à nez avec un garçon accoudé au comptoir extérieur qui n'est pas couvert par les parasols. Il sourit à pleines dents. Je le regarde un instant en fronçant les sourcils avant de me réveiller; il a un visage et un sourire extrêmement attirants, il faut se l'avouer.

-Hm, je...

-Je peux remédier à ça. Qu'est-ce que tu bois?

-Mon ami est déjà en train de commander, c'est gentil, dis-je timidement.

-Il ne t'en voudra pas si tu bois quelque chose avant, si? Tu aimes le champagne?

J'analyse un instant son visage, à court de mots. Ses yeux sont d'un brun très clair, presque dorés, surplombés par d'épais sourcils foncés. Il a des lèvres incroyablement bien dessinées et arbore une barbe bien entretenue. Ses cheveux chocolats sont à la fois en désordre et coiffés correctement, ce qui est extrêmement étrange et attirant à la fois.

-Oui, oui j'aime bien, dis-je en riant doucement.

Il me sourit à nouveau et je ne peux que remarquer à nouveau à quel point ses dents son blanches et bien alignées.

-Parfait.

Sur ce, il demande deux coupes à un serveur en train de laver les verres qui nous les sert sans plus attendre. Le garçon pose un coude sur le comptoir et me toise de haut en bas avant de tendre son verre vers moi pour que je puisse trinquer avec lui, ce que je fais dans l'immédiat. Il se met à me parler, ce que je préfère car personnellement je n'ai pas grand chose à lui dire, encore trop perturbée par son arrivée subite, je me contente de répondre à ses questions sans trop aller dans les détails concernants ma vie; après tout, je ne le connais pas. Et je n'ai surtout pas envie de m'engager dans une quelconque nouvelle relation après ce qu'il vient de se passer. Il se présente en tant que Matt et malgré moi, malgré que je voudrais détester Alec... Je sais qu'une part de moi est encore amoureuse de lui. Et c'est cette part qui me détruit le plus.

-Si tu veux, on peut continuer de faire connaissance chez moi, me dit-il en me faisant froncer les sourcils, reposant son verre vide sur le comptoir.

-Oh, hm, je suis avec des amis donc...

-Et si tu disparaissais sans rien leur dire? insiste-t-il en riant.

Je ris nerveusement et recule d'un pas en posant ma coupe à mon tour sur le comptoir, levant les mains pour signer mon désaccord avec légèreté.

-Dans ce cas ils s'inquiéteraient.

-Tu n'as cas leurs dire que tu as quelque chose d'important à faire, sois inventive.

-Hm, non, désolée, dis-je avec un sourire gêné.

Mais il ne s'arrête pas là. Le brun avance d'un pas en secouant la tête comme si il ne s'agissait de rien alors que pour mon cas, l'angoisse commence à me prendre à la gorge. Il a beau être mignon, avoir un sourire charmeur, je commence à me méfier de son insistance sans fin qui commence réellement à devenir gênante.

-Arrête de faire la timide, dit-il en secouant la tête, perdant son sourire.

-Ce n'est pas ça, je ne veux juste pas laisser mes amis.

Je hausse les sourcils alors qu'il fronce les siens en me toisant de bas en haut une seconde fois mais d'une façon bien différente que la première. Je me sens tout simplement comme un morceau de viande exposé au regard d'un prédateur aux intentions douteuses.

-On sait tous les deux que ça n'a rien à voir avec tes amis.

Je recule à nouveau d'un pas en regardant autour de moi. Personne ne prête attention à nous. J'ai perdu Denis de vue. Mais que fait Mary?

-Qu'est-ce qu'il y a? C'est moi le problème? Parce que apparement t'as pas eu de retenue quand t'as sauté les frères Bradwell, Spencer Russel et Owenn Kage, me dit-il avec un petit sourire narquois remplaçant son sourire chaleureux sur son visage.

Je reste paralysée quelques secondes, dévisageant ses traits avec stupeur. Bien vite, ma surprise laisse place à un profond dégoût. Je détourne le regard pour apercevoir non loin le rouquin nous regarder en ricanant avec ses amis.

Et puis j'ai honte.

Je sens mes jambes se mettre à trembler, mes yeux s'humidifier. Je me sens tout simplement sale, comme si je prenais conscience de tout ce que j'ai pu me faire subir, faire subir à mon corps, à ma conscience. Bien que jamais je n'ai quelconques rapports avec cet idiot de Kage, j'ai bel et bien beaucoup de choses à me reprocher. Les paroles de Matt déforment peut-être la réalité, mais il y a en leur fond une part de vérité qui me rend honteuse. Si même Kage a été raconter n'importe quoi à mon sujet parce que je l'ai vexé cet autre soir dans la voiture... À qui puis-je encore m'adresser sans me méfier? J'ouvre légèrement la bouche pour essayer vainement de lui expliquer, mais Matt attrape fermement mon poignet. Personne ne nous voit. Les gens autour ne voient pas la noirceur dans le regard de ce garçon. Les gens autour de nous de ressentent pas sa forte poigne agressive sur mon bras. Mais je suis faible, idiote et perdue. Je ne peux tout simplement pas me résoudre à lui parler, à lui faire comprendre dans le plus grand des calmes que je n'irais nul part avec lui et qu'il se trompe à mon sujet. Tout simplement parce que ce serait mentir.

-Faut croire que tu joues pas ton rôle de petite traînée jusqu'au bout. Ça risque de me décevoir.

Ses doigts serrent mon poignet encore plus. Je regarde la foule avec alerte quand alors je vois mon amie sortir des toilettes. Dans un élan de courage, je lève les yeux vers lui et me met à crier pour attirer l'attention de n'importe qui.

-LÂCHE MOI!

Quelques personnes se retournent. Je vois même Mary pousser quelqu'un pour voir ce qu'il se passe et s'arrêter brusquement quand le brun envoie valser sa main sur ma joue.

-Ferme là, salope! grogne-t-il entre ses dents.

Les larmes me montent aux yeux. J'ouvre grand la bouche, réprimant un cri de douleur en fermant les paupières; mon coeur bat bien trop vite dans ma poitrine. Alors qu'un bourdonnement se met à retentir dans mes oreilles, j'entends mon amie crier des insultes au loin. Mais bien avant qu'elle puisse intervenir physiquement; le garçon se voit tirer en arrière avec brutalité. Je titube sur quelques pas en me tenant la joue et ouvre doucement les yeux.

-LAISSE LA TRANQUILLE, crit Alec avec rage en l'empoignant par le col pour aller le plaquer contre le bar.

Je reste sous le choc. Un bras vient m'envelopper et je reconnais le parfum de Mary qui me sert contre elle. Mais je me dégage légèrement de son étreinte pour mieux assister à la scène irréaliste qui se déroule sous mes yeux.

Le visage de Alec est rouge de colère. Son poing vient cogner la mâchoire du garçon avec force alors que la musique s'arrête brusquement et qu'un petit cercle vient se former autour de nous par curiosité. Alec recommence. Encore et encore. Du sang s'écoule du nez du garçon qui envoie valser le sien sur la joue du bouclé qui recule, déboussolé. Mais il revient bien vite à la charge en venant attraper le cou de Matt à deux main. Celui-ci change de couleur à une vitesse impressionnante; c'est là que je comprends que la situation dérape et va bien trop loin.

-ALEC! dis-je dans un cri désespéré.

Son poing se fige dans le vide à quelques centimètres du visage du garçon avant de doucement s'abaisser, sans pour autant le quitter du regard.

-Tu la touches, dit-il d'une voix tremblante presque inaudible que je perçois en m'approchant, non... Tu la regardes encore une seule fois... Je te tue, termine-t-il plus calmement.

Sa main lâche la pression sur le cou de Matt qui tombe au sol comme une loque en venant frotter les marques rouges laissées sur sa peau et essuyer son nez sanglant du revers de la main.

-Maintenant tire toi. Et ne croise PLUS JAMAIS mon chemin.

Matt ne réplique pas et se relève en trébuchant sur quelques pas avant de rejoindre la bande de Kage qui quittent les lieux dans l'immédiat après que Alec ai fusillé le rouquin du regard avec une telle haine qu'il n'avait autre choix que de déguerpir.

Et c'est à cet instant qu'il se retourne vers moi. Que ses yeux croisent les miens. Sa pommette droite vire au violet mais rien de trop grave. Ses poings quant à eux semblent avoir du mal à se desserrer, encore abîmés par les coups donnés. Ma respiration se bloque quand nos regards restent encrés l'un dans l'autre plus de cinq secondes; ma mâchoire tremble. Je ne sais plus ce que je ressens. Un surplus d'amour peut-être. La peur qui s'évacue. L'angoisse aussi. La colère. La tristesse. Le regret. La culpabilité. Le manque. L'envie. Il s'approche doucement de moi et ouvre la bouche avant de la refermer, comme si il ne savait pas comment formuler sa phrase, ce qui est exactement mon cas à moi aussi.

-Noa je...

Il secoue la tête alors que sa mâchoire tremble doucement. Le silence s'est fait autour de nous mais je ne fais pas attention à ceux qui suivent la scène comme si il s'agissait d'un spectacle.

-Je suis désolé. Je suis tellement désolé.

-Moi aussi Alec. Je suis... Désolée, dis-je dans un soupire désespéré.

Alors que la distance entre nous se réduit de plus en plus, un homme fend la foule, suivit d'un autre. Ils portent tout deux des logos du café sur leurs t-shirts et accostent Alec qui semble brusquement se réveiller quand il me quitte des yeux.

-Monsieur, nous allons vous demander de quitter la soirée, demande le premier avec le front plissé de soucis, comme si il craignait qu'Alec lui saute dessus à n'importe quel instant

-Quoi? Non, attendez je...

-Nous n'allons pas nous répéter monsieur. Vous êtes prié de quitter de quitter les lieux.

-Non, non, vous ne comprenez pas. Noa, continue-t-il en ignorant les deux employés qui échangent un regard entendu, j'ai dérapé, j'ai fais le con. Et je pourrais reporter la faute sur les autres, sur n'importe qui, mais dans ce cas je ne serai pas complètement honnête avec toi.

-Monsieur, s'il vous plaît...

-Deux minutes, je m'en vais. Laissez moi juste lui parler.

J'ai l'impression que mes poumons sont en feux. La détresse dans son regard réveille en moi des sentiments nouveaux qui m'envahissent avec une telle intensité que j'ai du mal à rester debout.

-Noa, je t'en supplie, pardonne moi. Jamais je ne pourrais quitter Malibu en sachant que tu me détestes.

-Tu m'as brisé le coeur Alec, dis-je d'une voix tremblante.

-Je sais. Ce soir là, quand j'ai tout foutu en l'air, une partie de moi est restée à cette fête avec toi, dans ton coeur. Et quand il s'est brisé, cette partie de moi s'est brisée en même temps. Je ne te mérite peut-être pas, je ne mérite peut-être pas tous ces moments qu'on a passés ensemble mais tu dois savoir que je me rendais compte de la chance que j'avais d'avoir malgré tout l'occasion de les partager avec toi.

L'homme pose une main sur l'épaule du brun qui le repousse en s'avançant vers moi. Enfin, il me fait face; cette distance qui me tuait se brise enfin. Il me surplombe de sa hauteur et se mordille les lèvres en secouant la tête. Ses paroles me font littéralement trembler et je ne sais pas quoi y répondre.

-Et ce que tu dois aussi savoir, c'est que peu importe à quel point tu me méprises, à quel point tu me détestes... Je continuerai de penser à toi. Parce que... Je suis amoureux de toi Noa.

Je chancelle à nouveau alors que les larmes me montent au yeux tant la sincérité dans ses paroles me heurte.

-Je suis amoureux de toi et je le resterai, que tu le veuilles ou non. Et je ferai tout, je donnerai tout pour que tu m'accordes une seconde chance.

-Alec, s'il te plaît, je supplie pour qu'il s'arrête alors qu'une larme roule finalement sur ma joue.

-Non. Tu as raison, je ne t'ai jamais dis ce que je ressentais pour toi parce que je n'en ai jamais eu le courage. Ces sentiments... Ils étaient tellement forts qu'ils me faisaient peur. J'ai eu peur de moi-même, j'ai eu peur que ces sentiments puissent un jour prendre le contrôle sur ma personne. J'ai eu peur de te briser le coeur et c'est exactement ce que j'ai finis par faire. J'ai eu peur de briser mon frère. J'ai eu peur de changer. Mais j'ai surtout été idiot d'avoir peur d'aimer parce que jamais auparavant je ne me suis sentie aussi bien qu'avec toi. Noa Sparks, je t'aime. Contre ta colère, contre ta rancoeur, je t'aime comme un fou et je ferai tout pour qu'un jour tu me pardonnes.

Je me mord la lèvre alors qu'une larme roule à nouveau sur ma joue, suivie d'une autre.

'Je t'aime'

On ne se rend pas souvent compte de la force de ces trois petits mots qui semblent pourtant si insignifiants. Ces simples mots peuvent parfois tout boulverser, ils peuvent changer ou même sauver des vies. Quand ils ne sont pas pris à la légère, ils permettent d'exprimer à une personne à qui l'on tient à quel point elle est importante pour nous. Subitement je comprends à quel point Alec me considère comme une personne importante à ses yeux et surtout, que ce fait est réciproque. Il continue pourtant, sans cesser de parler, sans cesser de me faire l'aimer encore plus alors que je ne devrais pas.

-J'aurais voulu te le dire autrement, dans d'autre circonstances. Je suis loin d'être un poète qui trouverait les bons mots, je ne suis pas un metteur en scène qui trouverait le bon moment. Mais je suis moi-même pour te dire que je t'aime.

La distance entre nous à présent est pratiquement nulle. Ses yeux foncés aux reflets caramels quand la lumière s'y reflète m'avaient tant manqués. J'aime tant m'y perdre, j'avais peur d'un jour réaliser que plus jamais je ne le ferai. Sa main vient se poser sur ma joue et j'y appuie mon visage pour ressentir son contact en fermant les yeux. Son pouce écrase mes larmes avec délicatesse alors que son son souffle s'échoue sur mon visage comme une brise d'été.

-Je t'aime Alec.

Les mots sortent seuls de ma bouche. Moi-même je n'en reviens pas. Je le sens se figer un instant et quand j'ouvre à nouveau les yeux; un sourire s'étire timidement sur ses lèvres alors que ses joues prennent une teinte rosée. Et ce n'est pas seulement à cause de sa blessure. Mes bras viennent entourer sa nuque alors que je me redresse sur la pointe des pieds; j'enfuie mon visage dans son cou tandis qu'il m'attire à lui en enlaçant ma taille. Je sens son nez s'enfuir dans mes cheveux, il soupire de soulagement, tout comme moi. Son contact, son corps contre le mien... Je ne respirais plus depuis si longtemps; il est ma grand bouffée d'air frais. Il me sert si fort contre son torse que j'ai l'impression que lui et moi ne faisons plus qu'un. Dans cette étreinte nous faisons passer des milliers de messages, nous exprimons notre amour, nous rattrapons le temps perdu. J'entends alors de timides applaudissements retentir dans la foule. J'ouvre les yeux et balaye rapidement la terrasse du regard pour finalement tomber sur Spencer qui tappe dans ses mains avec un sourire ému imprimé sur son visage. Toute la rancœur, toute la colère que je gardais... Tout s'évanouit d'un seul coup. Nate est à ses côtés et applaudit de bon coeur. Derrière eux, je distingue avec surprise les silhouettes de Jasper et de Christopher.

Jasper sourit. Il sourit tristement, mais il sourit. Le bras de Christopher entoure ses épaules alors que Mary se joint à eux en échangeant un regard amoureux avec l'asiatique. Denis réapparaît. Il pose sa main sur l'épaule de Nate qui le regarde en riant quand alors les applaudissement se répandent dans toute la salle, retentissant alors dans une grande vague forte et dense. Je me décale de Alec qui rit, je fais de même. Tout ça est ridicule... S'en est tout simplement plus magnifique. Il s'empare de mon visage à deux mains et dépose enfin ses lèvres sur les miennes en m'attirant à lui.

La foule pousse un cri, certain sifflent.

Et c'est à cet instant que je reprends conscience de tout ce que j'ai, de tout ce que j'ai toujours eu, de tout ce que j'ai failli perdre.

De tout l'amour qu'on m'accorde, de tout l'amour que j'ai à donner.



***
I'm not crying you are.
Dédicace à @juli_ZM :3

Il se passe beaucoup de choses dans ce chapitre. Ça sent la fin... :')

Qu'en avez-vous pensé?

Mary et Denis qui lui change les idées?

Matt l'ami de Kage qui se fout de Noa?

L'arrivée de Alec, ses actes et son discours?

Leur réconciliation?

C'était tellement émotionnel à écrire pour moi, c'était complètement dingue... Je vous annonce donc que mercredi je posterai le dernier chapitre avant l'épilogue et Can't Pretend sera donc clôturé ce dimanche.

Je me prépare à la dépression. Maintenant je vais aller écrire l'épilogue.. Bisous, passez une bonne soirée/journée ❤️

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