21 | Public demonstration
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Jasper Bradwell
Avec une concentration que je ne me connaissais pas, je regarde par la visière et sors inconsciemment la langue. Trois, deux, un...
Je tire.
-Dis donc Jasp'! Tu te découvres des nouveaux talents tous les jours!
Je ris jaune et me redresse après avoir un peu titubé sous l'effet du tire. J'ai réussi à faire exploser deux ballons sur cinq. C'est plutôt pas mal... Au bout du troisième essai.
-Mouais... C'est quoi mes autres talents d'après toi?
Elle semble réfléchir un instant en s'accoudant sur le comptoir du stand de tire, un sourire dessiné sur ses lèvres.
-Tu es plutôt doué en combat de coqs, finit-elle par conclure.
Je fais la moue en reposant le fusil sur le comptoir, lui faisant face. Elle observe les ballons en semblant toujours en pleine réflexion.
-Tu sais très bien chanter sur du Justin Bieber, dit-elle en repensant à la fois où elle est venue chez moi et qu'elle m'a surpis à chanter une de ses chansons en rangeant ma chambre, ou pour faire du thé aussi.
Je bloque ma respiration un instant et la fixe intensément, ses joues prennent une couleur rouge, je pense qu'elle ne faisait pas trop attention à ce qu'elle disait. Nous n'avions plus reparlé de cette soirée depuis, j'ai décidé de faire comme si de rien était et d'oublier. Mais en la regardant, sous le soleil de Malibu, ici, seule avec moi... Je ne peux pas nier le fait que mes sentiments à son égard n'ont pas changés une seule seconde. Elle se racle la gorge alors que le propriétaire de ce stand vient mettre fin au malaise qu'elle a installé sans le vouloir.
-Hm... Vos tiquets?
Je lui tends sans vouloir m'adonner à une partie supplémentaire. Tant pis pour la peluche que j'aurais voulu lui gagner.
-Vous pouvez choisir un... Truc, là, en bas.
Je souris faiblement en voyant les récompenses minables qui sont proposées, suspendues à la rangée la plus basse de toute. Des porte-clés hideux, des bics... Des balles de ping pong individuelles. Je fronce les sourcils et regarde Noa qui se met à rire, laissant s'effacer toute trace de malaise dans son attitude. Je me penche un peu plus et décide de prendre un porte clé en forme de planche de surf lignée de bleu avec une fleur rouge mal tracée dessus. L'homme me le donne et me souhaite une bonne journée. Je n'arrive pas à croire que j'ai dépensé quinze dollars dans un porte-clé qui vaut à peine cinquante centimes.
-Bon et bien, c'est pas la peluche que j'aurais voulu t'offrir en tant que cliché vivant. Ça casse toute la magie des foires! Le garçon un peu badass qui gagne une immense peluche à la fille...
Je lui tends la planche de surf miniature du bout des doigts, à mon grand étonnement, elle n'éclate pas dans un rire moqueur mais sourit sincèrement.
-Battons nous contre les clichés! Je préfère de loin ton cadeau.
Elle l'attrape et vient rapidement déposer un baiser sur ma joue. Je prends des couleurs alors qu'elle sort son double des clés de la villa et y attache la planche en plastique.
Nous nous remettons en marche à travers la rue piétonne décorée à l'occasion d'une petite fête de rue par mille et une lumière et banderoles. Nous venons d'y passer presque deux heures, ayant préféré flaner la matinée à Malibu Country Mart. Elle semblait un peu tendue ce matin, je suis content qu'elle aie retrouvé son habituelle joie de vivre au court de la journée. L'incessante musique forte que les quelques carrousels installés diffusent commence à me gonfler et l'odeur des barbe à papa ainsi que du pop corn me donne faim. Je regarde l'heure sur ma montre en écoutant Noa me parler du dernier groupe de musique qu'elle a découvert il y a peu de temps, pensant qu'il serait susceptible de me plaire. Je hoche la tête en lui promettant qu'en rentrant nous irions écouter leurs chansons. Sa mine se fige un instant, elle reprend cet aspect soucieux qui m'inquiétait il y a peu. Je me dépêche pour trouver quelque chose qui pourrait lui changer les idées.
-Ça te dirait d'aller manger un truc? Je meurs de faim.
Elle acquiesce en secouant la tête, passant par la même occasion une main dans son visage comme pour chasser sa passe d'humeur étrange. Je lui parle de tout et de rien pendant le trajet à pied qui ne dure que cinq minutes, je mentionne la balade en bateau dont Chris m'a parlée qu'ils devraient normalement aller faire avec Mary et les autres amis de Creg présents à la soirée.
-Tu vois, tous les gens qui étaient au bar? Ce type complètement surexcité... Denis, je crois. Creg, le rouquin que je ne connais pas et tous les autres.
Nous prenons place à une table dans le café alors qu'une serveuse vient immédiatement nous donner une carte. Noa ne répond pas et lève la carte devant son visage dans un geste très peu naturel. Je fronce les sourcils.
Des airs de jazz résonnent autour de nous en fond sonore, les gens ne parlent pas trop fort et une odeur de café torréfié flotte dans l'air. L'endroit est idéal pour prendre du recul et simplement se relaxer. Mais quelque chose continue de clocher et ça m'agace; elle ne me dit rien.
-Noa... Qu'est-ce qu'il y a? dis-je finalement en baissant sa carte de mon index.
Je tombe nez à nez sur le visage de Noa, rouge comme une pivoine. Elle se mordille la lèvres.
-Huh?
-Arrête, je sais que quelque chose ne va pas.
Ele me regarde avec inquiétude et prend une grande inspiration. Mais évidemment, la serveuse arrive à ce moment précis.
-Je peux prendre votre commande?
-Un café glacé pour moi s'il vous plait, dit immédiatement Noa.
Je la regarde un instant avant de reposer mon intention sur la carte.
-Hm, une gauffre au sucre et un petit latte.
La serveuse prend note et s'éloigne en reprenant les cartes avec elle. Maintenant, la blonde n'a plus aucune support sous lequel se défiler. Je la regarde intensément, elle prend encore plus de couleurs et baisse les yeux sur le sucrier.
-Alors?
-Mais y a rien!
-Tu mens beaucoup trop mal.
-Si tu le dis.
-Noa!
Elle grogne et regarde par la grande fenêtre à côté de laquelle nous sommes assis en déposant son menton dans la paume de sa main.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça?
-T'es bizarre depuis ce matin. Et là tu rougis comme jamais. C'est quoi le soucis?
Elle a toujours l'habitude de fuire le regard des autres quand elle a quelque chose à se reprocher, comme la plupart des gens.
-Tout va bien Jasper... dit-elle dans un souffle sans cesser de regarder vers l'extérieur.
Une étude dit qu'un menteur laisse voir sa véritable émotion durant un très court instant. Un quart de secondes pour être précis, il est très difficile de s'en appercevoir. On appelle ça la micro-expression et nonante-neuf pourcent des gens sont incapables de la déceler sur le visage d'un menteur. C'est justement cette micro-expression qui fait que certaines personnes savent détecter si on leur ment ou non. Apparement on pourrait apprendre à la desceller en une heure grâce à certaines techniques mais croyez-moi, avec Noa, je n'ai pas besoin d'une leçon. Je la cerne à des kilomètres, micro-expression ou non. Je ne pense pourtant pas faire parti de ces un pourcent.
Les plats arrivent devant nous, c'est fou comme ils sont rapides! Je prépare un petit pourboire dans le fond de ma poche et m'attaque à ma gauffre. J'ai peut-être une faim d'ogre mais je ne compte pas laisser tomber l'affaire de Noa. J'installe juste un petit moment de calme pour qu'elle croit que je n'insisterai pas. En silence, je l'observe du coin de l'oeil; elle s'avance vers sa paille plantée dans un nuage de crème chantilly et sirote son café. Quand ses yeux croisent les miens, elle fronce les sourcils. Je vais l'agacer, mais c'est le moment ou jamais.
-Raconte moi.
-J'ai rien à raconter.
-T'es bizarre depuis ce matin.
-Tu te fais des idées.
-C'est quoi ton problème?
-Et le tien alors?
-Noa Sparks, pourquoi êtes-vous inquiète?
-Jasper Bradwell, arrêtez ça ou ma paille trouvera son chemin jusqu'à votre globe occulaire droit.
-Allez, dis moi.
-J'ai rien à dire!
-Allez.
J'étais prêt à continuer ce jeu encore longtemps mais elle fit ce à quoi je m'attendais le moins. J'avais senti la colère monter en elle mais je m'étais dis que ça allait lui faire cracher le morceau... Il faut croire que non, que Noa reste une personne imprévisible malgré tout.
-J'AI MES RÈGLES JASPER. FICHE MOI LA PAIX AVEC TES QUESTIONS!
Je me tais. J'arrête même de respirer pendant un instant, ma fourchette en suspens dans l'air avec un morceau de gauffre empalé dessus. J'ouvre légèrement la bouche, aucun son n'en sort.
En fait, aucun son ne sort de nul part. C'est toute la clientèle qui s'est tut, sous le choc. Tous regardent Noa qui est debout en face de moi, les deux mains à plat sur la table. Elle ferme les yeux, souffle bruyamment et se retourne vers les gens qui la regardent sans un mot.
-Ça vous choque? Vous n'allez jamais aux toilettes vous peut-être? Et bien voilà, c'est la même chose.
Sur ce elle se dirige de sa démarche furieuse vers la sortie sans me lancer un regard. Je regarde son café à moitié entamé, ma gauffre -avec une profonde tristesse, elle est si délicieuse!- et laisse l'argent juste en plus du pourboire sur la table. Je la suis vers l'extérieur, elle continue de tracer droit devant elle sur le trottoir en serrant les poings.
-Noa! j'appelle avec le désespoir audible dans ma voix.
Dans quoi est-ce que je me suis encore foutu?
Elle ne s'arrête pas. En soupirant je cours vers elle; cette fois je mâcherai mes mots, plus question de l'agacer intentionnellement.
-Noa, s'il te plait, écoute moi.
Les bras croisés sur sa poitrine, elle me toise en attendant que je poursuive.
-Je ne voulais pas t'énerver, je...
-Ne force jamais une fille à dire ce qui la tracasse. Jamais.
Je hoche la tête en prenant appui sur mes genoux.
-Ecoute moi! je répète en haussant le ton.
Elle grogne et se tait, j'en profite pour soupirer et me redresser.
-J'aime pas quand t'es énervée parce que ça m'énerve et du coup on s'énerve et... Ça n'a aucun sens bordel, mais ça me fait du mal!
Son expression se radoucit, elle se mordille les lèvres et décroise les bras.
-J'ai aucune idée de comment on agit dans ce genre de situation, je suis un mec moi putain!
Elle rit doucement et s'approche de moi avant de m'enlacer.
C'est officiel, je ne comprends rien aux filles.
-Arrête de me demander comment je vais.
-Au moins maintenant je sais pourquoi... Rectification, tout le café sait pourquoi.
Elle glousse et se retire en me lâchant, je lui adresse un sourire désolé.
-Viens, on rentre à la maison...
Elle hoche la tête et me suit jusqu'à la voiture. J'augmente le volume de la musique et l'écoute fredonner sur l'air de la chanson. Elle peut dire le contraire si elle le souhaite, j'ai toujours trouvé qu'elle avait une très jolie voix cristalline. Du moins le peu de fois où je l'ai entendue chanter.
Ce n'était pas exactement la journée que j'aurais espéré passer à ses côtés, mais j'ai ma petite idée en tête pour pouvoir me rattraper...
⁂
D'après les forums féminins sur internet, il y a plusieurs façon de combattre les règles douloureuses. Je n'arrive toujours pas à croire que "Comment apaiser une fille qui a ses règles" soit inscrit dans mon historique de navigation.
Manon, seize ans, m'a donné de bon conseil sur un de ces forums... Avec un soupire de désespoir, j'entre dans le rayon des friandises du magasins. Un peu de courage Jasper, tu ferais tout pour lui faire plaisir n'est-ce pas? C'est pour cette raison que tu lui as dis d'aller se mettre au lit avec une série qu'elle apprécie en attendant ton retour. Je parlais de Manon, donc oui, elle a inscrit sur le site que la meilleure solution pour elle était de se couper du monde, de garder sur elle une tablette de chocolat, d'avoir une bouillotte à proximité et de ne plus bouger devant sa série favorite pendant des heures.
C'est ainsi que je me retrouve avec une bouillotte dans les bras à remplir un panier de bonbons, de chocolats et de boissons sucrées. Je prends même un mini ventilateur jaune rempli de Skittles, je sais qu'elle les adore.
⁂
Je frappe trois coups à la porte de sa chambre et entre sans attendre une réponse, juste pour prévenir de mon arrivée. Noa est assise sur son lit, le portable à son opposée alors que les voix anglaises des personnages sont diffusées depuis l'ordinateur. Elle met sur pause en se pliant vers l'avant et détourne son regard vers moi.
-Je regardais la...
Elle s'interrompt et me fixe avec des grands yeux alors que dans mes bras, un gros sac plein à craquer de sucreries ne demande plus qu'à être entamé.
-...nouvelle série de Netflix...
Elle secoue la tête comme pour vérifier qu'elle est réellement éveillée. Avec un sourire satisfait, je ferme la porte d'un coup de talon et pose le tout sur son lit double. Elle se décale et m'invite à m'installer en regardant la pile de confiserie qui trône sur le matelas.
-Qu'est-ce que...
-Ne pose pas de questions. Si internet dit vrai, ça aide les filles dans ton cas.
Elle éclate de rire et vient se blottir contre moi.
-Bordel, Jasper, tu es génial.
-Et pourtant tu arrives quand même à t'énerver sur moi... dis-je en soupirant faussement.
-T'es tellement intentionné que ça en devient énervant, j'y peux rien! dit-elle sur la défensive.
Je ris et remets la série en route avant d'ouvrir les Skittles. Sa tête sur mon épaule et mon bras glissé dans son dos me rappellent qu'en fait, cette journée est peut-être même bien meilleure que ce que je pensais.
Pour la première fois, je ne regrette en aucun cas mon manque de tact.
♔
Hey! Je voudrais dédier ce chapitre à @Titau78 ! Merci de suivre la fiction!
Qu'en avez-vous pensé?
Le comportement de Noa?
Celui de Jasper?
Sa démonstration en public?
Est-ce qu'elle dit vrai?
Les intentions de Jasper? :3
Une prédiction pour la suite? Que se passe-t-il du côté de Alec, Mary et les autres?
Vote & commente si ça ta plu! ❤️
Je vous aime tellement omd.
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Voilà une petite manip que j'ai réalisé pour la fiction:
Bis! 💕
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