Prologue : Une nouvelle vie


Max inspira profondément, l'air printanier remplissant ses poumons avant qu'il ne souffle tout aussi lentement par le nez, apaisé à la sensation de fraîcheur et de bien être qui l'envahit. Le sorcier à la peau bleue ne put empêcher un sourire de profonde sérénité de lui étirer les lèvres alors qu'il levait son regard électrique vers le ciel aussi bleu et pur que lui. Il n'y avait pas un nuage à l'horizon, pas un souffle de vent, à peine l'odeur enivrante et paisible des fleurs qui l'entouraient et qui dégageaient un doux parfum de bonheur. Le soleil venait chatouiller sa peau clair avec chaleur, lui donnant l'impression de se trouver emmitouflé dans un cocon qu'il n'aurait voulu quitter pour rien au monde. D'autant plus que ce cocon, il n'était pas seul à en profiter. En effet, Max n'avait qu'à tendre la main pour sentir celle de son époux, étendu à ses côtés. Rafael était endormis, un bras sous sa nuque pour soutenir sa tête et l'autre posé à plat dans l'herbe ruisselante de rosée, sa main si proche de celle de son mari que Max avait l'impression de pouvoir sentir sa peau sous la pulpe de ses doigts sans avoir besoins de le toucher. Ses yeux chocolats étaient clos, ses cheveux éparpillés autour de lui comme un soleil sombre, accompagné de sa nouvelle mèche blanche qui lui donnait un charme supplémentaire, et de légers soupirs lui échappèrent, à mi-chemin entre le ronflement et le ronronnement, ce qui fit glousser son cadet d'amusement. Ils étaient au bord du lac Lyn, leur endroit préféré au monde, mais cette fois pas de tour Eiffel, et pas de plage de Buenos Air pour accompagner l'ensemble. Ils n'étaient plus dans l'esprit de l'Argentin, ils n'étaient plus coincés dans cet univers infernal qui leur rappelait sans cesse ce qu'ils avaient perdu. Non. Ils étaient simplement là, tous les deux, en amoureux. Le plus jeune des fils Lightwood-Bane ne savait pas où se trouvaient Mae et Lysaëlle, mais il sentait tout au fond de lui que leurs enfants étaient en sécurité, quelque part, sans nulle doute avec leurs parents ou le reste de leur famille à l'Institut. Se sentant pleinement heureux, l'immortel cornu se pencha et déposa un baiser tendre sur la joue, le nez, le front et enfin les lèvres de son compagnon. Lorsqu'il se redressa, cependant, un bruit attira son attention et il tourna la tête à droite et à gauche en essayant de déterminer l'origine du bruit.

- Tu as entendu ça, Kelinci ? S'enquit-il comme un réflexe, sachant pourtant qu'étant endormis Rafael n'avait aucune possibilité de lui répondre.

Secouant la tête et sentant son coeur s'accélérer doucement dans sa poitrine, faisant grimper son inquiétude, le jeune papa ferma les yeux pour puiser dans sa magie et analyser son environnement, méditant pour retrouver son calme. Les volutes argentées s'élevèrent autour de lui et sous ses paupières closes, ses yeux virèrent au blanc laiteux. La magie de Max, depuis la naissance de leurs bébés, n'avait en rien perdu de sa pureté ou de sa puissance, pas plus que son empathie qui était toujours aussi vive et forte. Pourtant, à présent qu'il était père, le sorcier avait appris, sinon à les supprimer, à apprivoiser ses émotions. Ces dernières étaient toujours aussi intenses, mais à présent il commençait à mieux les comprendre et surtout à s'en servir à son avantage pour garder la maîtrise de chaque situation, quelle qu'elle soit. Apaisant ainsi sa crainte, Max rouvrit les yeux et sentit sa magie vibrer sous sa peau, restant à l'affût pour le protéger et l'accompagner, où qu'il aille. Cette dernière se faufila justement près du lac Lyn, comme si elle souhaitait que son propriétaire la suivre. Le jeune homme pencha la tête sur le côté mais décida de faire confiance à sa magie, cette part si importante de lui et, jetant un dernier coup d'oeil à son époux, rassuré de le savoir toujours endormis, il se redressa et suivit les volutes brillantes de son plein gré. Arrivé au bord de l'eau, il s'arrêta cependant en réalisant qu'elle lui demandait toujours de la suivre, piquant légèrement sa peau comme de minuscules décharges électriques.

- Je ne vais pas nager jusqu'à l'autre bout du lac, autant faire le tour ou ouvrir un Portail, non ?

Mais pour toute réponse, la magie, toujours aussi enfantine et joyeuse, se contenta de l'éclabousser des pieds à la tête en ondulant au-dessus de l'eau comme un esprit féérique joueur. Max fit la moue avant de rire et il secoua la tête une nouvelle fois avant de s'avancer vers la surface miroitante du lac. Contre toute attente, il ne s'enfonça pas dans l'eau. Il n'entendit même pas un clapotis, comme si rien n'était venu perturber la quiétude du Miroir Mortel. Non, au contraire, Max se tenait sur l'eau. Il marchait sur l'eau. Faisant un pas hésitant en avant, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés sous le choc, le sorcier vit qu'il marchait véritablement sur l'eau. Sautant à pieds-joints, il ne provoqua aucune éclaboussure, rien. Se retournant pour appeler son époux et le réveiller pour lui montrer ce prodige, il réalisa que la plaine avait disparu, et Rafael aussi. Il n'y avait plus qu'une étendue d'eau lisse et calme comme une mer d'huile. Max était seul, piégé sur ce lac avec sa magie pour seule compagnie. S'intimant au calme, refusant de se laisser submerger par la panique, l'immortel aux cornes blanches soupira doucement et suivit sa magie qui le guida droit devant, sans craindre rien ni personne. Il marcha, encore et encore, ne sachant pas où il allait, comme s'il marchait sur l'océan. Max ne sut pendant combien de temps il marcha, mais jamais ses pieds ne lui faisaient mal et il ne s'ennuyait pas non plus. Il pouvait sentir quelque chose arrivait, quelque chose qui s'approchait de lui, ou plus exactement l'inverse. Quoi qu'il en soit, il savait qu'il arriverait bientôt et, encore une fois, il faisait toute confiance à sa magie pour la guider là où il avait besoin d'aller. Passant une main sur sa rune de mariage et de parabatai, Max souffla une fois de plus, cette fois de sérénité. Où qu'il aille, Rafael était avec lui. Où qu'il aille, Rafael le retrouverait, toujours, de ça il en était certain. Ce fut donc sur cette pensée, et au bout de longues, très longues minutes, que le sorcier atteignit enfin l'autre rive du lac Lyn, et il ouvrit si grand la bouche de stupeur qu'il manqua de s'en décrocher la mâchoire. Il était au paradis. Enfin, ce qui s'en rapprochait le plus tout du moins, car autour de lui, tout était sublime et magnifique, étrange et poétique.

- Rumah..., souffla-t-il en Indonésien, la langue lui venant naturellement, aussi facilement que le parlait Magnus.

C'était étrange, comme sentiment. Cette impression de déjà vu, comme s'il s'était déjà retrouvé là à un moment donné de sa vie, mais le souvenir était si profond, si loins dans les tréfond de sa mémoire, presque caché, pourrait-il dire, qu'il lui était impossible de savoir quand il était venu, ou même si c'était réellement le cas, qu'il n'avait tout simplement pas rêvé cet endroit. Pourtant, à voir les herbes hautes et les fleurs luminescentes, presque scintillantes dans l'ombre du soleil couchant. De minuscules oiseaux colorés, pas plus gros que la paume de la main, volaient ici et là et une odeur chaude et sucrée chatouillait ses sens alors qu'il sentait son cœur s'apaiser. Tout était bien, tout était parfait. Envolée l'angoisse qui l'avait étreint quelques minutes plus tôt, Max suivit sa magie une nouvelle fois, cette dernière lui indiquant le chemin à suivre. Au loin, l'immortel à la peau bleue pouvait entendre le doux son d'une voix fredonnant dans une langue qui ne lui était pas totalement inconnue sans qu'il ne parvienne cependant à la comprendre, seuls les sons et la mélodie lui étant familiers. Il ne lui fallut que quelques minutes avant de découvrir la source de la chanson et son cœur s'enveloppa de douceur et de tendresse. Même s'il ne comprenait pas la chanson, il lui semblait pourtant qu'elle portait en elle tout l'amour du monde. Alors, devant ses yeux curieux et attendris, une silhouette émergea, tenant dans ses bras un nourrisson à la peau clair, pâle comme le lait. C'était un homme, Max pouvait le voir à sa carrure. Un homme grand, mince, aux longs cheveux sombres tressés dans son dos. L'inconnu portait une chemise et un pantalon en lin, blancs tous deux et un peu trop grands pour lui. Le jeune homme ne pouvait pas voir son visage et pourtant il pouvait entendre le sourire dans sa voix alors qu'il fredonnait et parlait au bébé qu'il tenait.

- Suliram...Suliram, ram, ram...Suliran, yang manis...Aduhai indong suhoorang..., fredonna-t-il avec le plus de douceur possible.

De sa cachette, dissimulé derrière un vaste bosquet de fleurs multicolores, Max fronça les sourcils. Il connaissait cette berceuse, il la connaissait même très bien. "Suliram", était le nom de cette chanson, et son Ayah l'a lui chantait à longueur de journée lorsqu'il était encore bébé pour pouvoir l'endormir et l'apaiser. Quand Rafael était arrivé dans leurs vies, il avait demandé quelle était l'origine de la berceuse, et Magnus lui avait expliqué qu'elle existait déjà huit cent ans plus tôt, à sa naissance, et qu'elle avait été créée par un homme en hommage à la déesse qu'il aimait et qui vivait dans les étoiles, et que chaque nuit l'homme chantait cette berceuse son aimée pour faire apparaître des constellations. Bien sûr, ce n'était qu'une légende, mais derrière chaque légende se cachait une part de vérité. Cherchant à se redresser pour mieux voir la scène, l'immortel aux cornes immaculées vit alors une jeune femme arriver près de l'homme qui berçait l'enfant, mêlant sa voix à la sienne. Elle était magnifique, presque irréelle tant sa beauté était pure. Sa peau était pâle comme la lune, sans aucun défaut apparent, lisse et douce. Elle avait également de grands yeux curieux et émerveillés respirant d'amour et de sincérité et ses cheveux aussi bleus que le lagon tombaient en cascade sur ses épaules couverte d'une robe de soie transparente et blanche elle aussi. Sur son front poussaient deux minuscules cornes et ses oreilles en pointe démontraient son appartenance au Petit Peuple. En la voyant, Max sentit son coeur s'arrêter brutalement puis repartir pour battre frénétiquement dans sa poitrine, et un mot, un seul, lui échappa alors :

- Mama...


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Je sais, c'est court. Des avis ou théories ? A bientôt. 

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