Chapitre 9 : Le cœur à la traine
Il faisait froid, si froid. Tout autour de lui était glacial, gelé, comme figé dans le temps par quelque malédiction effrayante. Frissonnant de la tête aux pieds, l'Indonésien regarda autour de lui avec méfiance. Malheureusement pour lui, même ses yeux dorés de chat à la pupille fendue n'y voyaient rien. Tout ce qui se trouvait au-delà d'un mètre de lui était aussi obscur et nébuleux qu' effrayant. Il ne connaissait ni l'endroit où il se trouvait, ni même l'heure qu'il pouvait bien être. Tout ce que savait le sorcier, c'est qu'il avait plus froid que jamais, grelottant violemment et claquant des dents. Se redressant pour essayer de faire quelques pas en avant, Magnus gémit douloureusement en se sentant vaciller et porta deux doigts bagués et vernis de paillettes à sa tempe pour tenter d'atténuer la douleur qui lui vrillait le cerveau. Il avait l'impression d'avoir un marteau piqueur dans le crâne et d'avoir été enfermé dans un congélateur géant. Le Grand Sorcier de Brooklyn était presque certain qu'il ne faisait pas aussi froid à Edom, et pourtant tout le monde savait que l'enfer était gelé. Inspirant profondément et soufflant lentement pour essayer de se calmer et de recouvrer ses esprits, l'immortel aux yeux de chat finit par se stabiliser et il tendit ses mains devant lui avec précaution. La première chose à faire était de découvrir où il se trouvait, ce qui pourrait potentiellement l'aider à se sortir de ce mauvais pas. Agitant les doigts pour que sa magie crépite et fasse apparaître, comme il en avait l'habitude, une lueur bleuté dans le creux de sa paume, Magnus se figea en constatant qu'il n'y arrivait tout simplement pas. Se forçant à ne pas céder à la panique, convaincu qu'il y avait très certainement une bonne explication à ce phénomène, l'asiatique avança à taton, faisant de petits pas pour ne pas risquer de foncer droit dans un mur ou au bord d'un précipice. Sous ses pieds résonnait le sol, comme de la pierre brute, ce qui expliquait sans doute son impression tenace d'humidité et de froideur ambiante. Peu à peu, il avança jusqu'à ce que ses mains rencontrent un obstacle. C'était froid, lisse, long, avec des espaces vides à peine assez grands pour y laisser passer le poignet. Alors que ses doigts se refermaient dessus, l'immortel comprit. Il s'agissait de barreaux en métal froid, des barreaux de prison. Une prison froide, humide, faite de métal forgé et de pierre gelée, Magnus n'en connaissait qu'une seule, bien qu'il ne l'ai jamais visitée personnellement.
- La Basilia...., souffla-t-il en tremblant. Je suis enfermé à la prison d'Alicante...Ce n'est rien, j'étais à Los Angeles avant d'être ici c'est forcément un rêve, pria-t-il en se pinçant le bras, sans pour autant se réveiller. Non, ça doit forcément être un rêve, je ne peux pas être ici ! Commença-t-il à paniquer.
Soufflant pour essayer de faire refluer son angoisse grandissante, Magnus ferma les yeux et se concentra sur son Centre Magique. Son cœur ralentit peu à peu, sans pour autant que l'espacement entre ses battements ne deviennent trop longs, et sa respiration devint lente et régulière. C'est alors qu'il le vit, son Centre. Bulle bleutée et pétillante au fond de son cœur, il était intact et aussi puissant que d'ordinaire. Tout allait bien, il n'y avait aucun verrou posé sur sa magie et elle semblait parfaitement saine et non infectée par un quelconque maléfice. Rassuré quant à ses pouvoirs, Magnus rouvrit ses yeux de chats qui brillèrent dans l'obscurité comme deux billes dorées, fendues en leur milieu par sa pupille verticale. Essayant une nouvelle fois d'appeler sa magie à lui, s'attendant à la sentir crépiter au bout de ses doigts cette fois, il étouffa une plainte énervée quand rien ne se passa. C'était impossible, comment pouvait-il ne pas avoir accès à sa magie alors que son Centre Magique était intact ? A moins...Ramenant lentement ses mains vers lui, l'Indonésien tâta son visage, descendit sur son cou, et il du se retenir de fondre en larme lorsque ses doigts se refermèrent sur quelque chose de froid, muni d'une légère pulsation électrique, auquel il était enchaîné. Un collier inhibiteur. Quelqu'un lui avait attaché un collier dans son sommeil pour cloitrer sa magie et l'empêcher de s'en servir. Il avait l'impression d'être un chien qu'on aurait muselé. Tous les souvenirs qu'il avait des nombreuses fois où il s'était retrouvé dans cette position affluèrent dans son esprit et il retint à peine un sanglot douloureux qui passa la barrière de ses lèvres en le laissant tituber jusqu'au mur derrière lui. L'immortel se sentait pris au piège, et comment aurait-il pu en être autrement dans une prison ? Surtout dans la prison des Nephilim. Il avait envie d'appeler son mari et ses fils à l'aide, mais sa voix mourut dans sa gorge avant même que ses mots puissent être prononcés, tant sa peur et ses angoisses le tétanisaient. Magnus était bien des choses, il pouvait tout surmonter, mais réveiller en lui de profonds traumas le laissait toujours sur le carreau, effrayé comme un petit garçon qui a peur du noir. Soudain, un bruit faible résonna contre les parois de pierre de la cellule et il sursauta en poussant un cri étranglé.
- Qui est là ? Demanda-t-il en déglutissant difficilement. Si vous croyez me faire peur, vous vous trompez...., marmonna-t-il en essayant, bien que vainement, de prendre un ton assuré. Répondez-moi ! Exigea-t-il avec plus de crainte, cependant, alors qu'il s'avançait vers ce qu'il avait supposé être la source première du bruit.
Faisant fit de ses tremblements, Magnus avança à pas lent avant de se figer une nouvelle fois lorsque le bruit se manifesta de nouveau. Il ressemblait à une sorte de grattement qu'il n'arrivait pas à identifier. Peut-être était-ce juste un rat qui passait par là, mais son instinct lui soufflait de se méfier de ce qui se trouvait dans l'ombre de la cellule. Tendant l'oreille pour espérer en apprendre plus sur ce qui était enfermé avec lui, l'Indonésien eut un mouvement de recul lorsqu'il entendit un nouveau craquement, suivit d'une vive lumière qui l'éblouit l'espace d'un instant. Lorsque ses yeux s'habituent finalement à la faible lueur, l'asiatique sentit son cœur chuter à ses pieds et ses larmes revenir en force pour déborder et couler abondamment sur ses joues sans qu'il ne puisse rien faire pour les retenir. Le tatouage de flamme dorée à son poignet sembla lui brûler un instant, comme si la magie qui l'habitait avait reconnu son propriétaire original. En effet, dans un recoin de la cellule, debout à côté d'un feu crépitant qui brûlait à ses pieds, ne se tenait nul autre que Malcolm Fade, ami de Magnus, sorcier décédé depuis presque sept ans maintenant. Et pourtant, il avait l'air en pleine forme. Ses cheveux blonds étaient, comme d'ordinaire, plaqués en arrière sur son crâne, paraissant presque blancs tant ils étaient clairs. Il portait également un magnifique costume blanc et majenta, qui renforçait la couleur violette de ses yeux hypnotiques. Il n'avait rien perdu de sa beauté ni de sa jeunesse. Bien que Magnus et lui aient tous deux huit cent ans, à quelques années d'écart, il n'en restait pas moins plus vieux sur le plan physique. Si le descendant d'Asmodée avait cessé de vieillir à l'âge de dix-neuf ans, il n'en allait pas de même pour Malcolm qui avait l'air d'en avoir vingt-sept. Il n'avait pas changé, et bien que son sourire ait laissé place à une expression neutre, ses yeux semblaient luire d'une étrange lumière, comme si chaque émotion qu'il ressentait avait été piégée dans son regard. L'ancien Grand Sorcier de Londres restait parfaitement muet, son regard rivé sur Magnus qui déglutit difficilement. L'Indonésien savait, grâce à la vision qu'il avait eu de son ami mais aussi grâce à l'aveu de Camille, qu'en dépit de ses erreurs passées, Malcolm était mort en essayant de se racheter et de sauver ses proches de sa propre vengeance aveugle. Mais le Grand Sorcier de Brooklyn savait qu'il ressentirait éternellement ce sentiment de culpabilité de ne pas avoir su aider le blond quand il en aurait eu besoin.
- Malcolm ? L'appela-t-il doucement, comme s'il craignait de l'effrayer. C'est moi, c'est Magnus...Qu'est-ce qu'on fait ici ? Malcolm est-ce que tu...Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-il brusquement.
Face à lui, Malcolm venait de poser son index sur ses lèvres closes, comme pour lui conseiller de faire silence. Le blond tendit ensuite son bras en direction de son ami et le sorcier aux yeux de chat remarqua une forme étrange dans sa main, qui remplissait entièrement sa paume et aussi épaisse qu'un poing serré. En réalité, à bien y regarder de plus près, Magnus réalisa que la chose que tenait Malcolm, ainsi que sa main et tout son avant bras, était barbouillé de sang frais. Pire encore, la chose bougeait, comme animée d'une vie propre. Le sorcier décédé s'avança et l'asiatique eut un mouvement effrayé de recul. Alors qu'il se retrouvait piégé contre le mur, Malcolm le rejoignit du même pas lent que les morts vivants et il prit la main de Magnus dans la sienne pour y déposer la chose mouvante. Le descendant d'Asmodée sentit sa gorge se nouer et ses entrailles se tordre alors qu'il baissait les yeux sur ce qu'il tenait à présent. Il eut l'impression que son sang quittait son corps et un froid glacial l'envahit alors qu'il réalisait avec horreur qu'il s'agissait d'un cœur humain, un cœur encore chaud, et qui battait toujours dans ses derniers soubresauts de vie. Il questionna le défunt sorcier du regard, implorant de reprendre le cœur et de lui donner une explication, mais Malcolm se contentait de le fixer sans lui donner la moindre réponse. Magnus avait la sensation d'étouffer, il ne pouvait plus respirer, l'air se bloquant dans ses poumons. Portant sa main libre à sa poitrine comme un réflexe, il articula un cri silencieux et pourtant déchirant lorsque sa main ne rencontra que du vide. Baissant les yeux sur son cœur, il ne put que constater, impuissant, le trou béant à la place de son cœur. Son cœur qu'il tenait, encore chaud, encore vivant, entre ses paumes. Une vague de nausées l'envahit et Malcolm se mit à sourire comme un sadique, le terrorisant plus que tout. Son ami porta une nouvelle fois son doigt à ses lèvres, badigeonnant son visage blafard du sang de l'Indonésien et, brusquement, sa tête se pencha sur le côté, sa nuque résonnant d'un craquement sonore et terrifiant. Pensant qu'il allait mourir de peur, Magnus sentit son coeur s'emballer entre ses mains, comme s'il faisait une crise cardiaque, et lorsque son ami plongea sa main dans le trou béant de sa poitrine, le sorcier aux yeux de chat hurla comme un damné. Il se redressa d'un coup, incapable de respirer, la sueur ruisselant sur son corps brulant. Frénétiquement, il porta ses mains à son cœur et il lâcha un sanglot déchirant avant de fondre en larmes en constatant que l'organe vital était toujours en place à l'intérieur de lui, battant avec force à cause de son angoisse.
Magnus pleura toutes les larmes de son corps, de peur et de soulagement mêlé, mais se retrouva de nouveau à hurler lorsqu'une main fraîche, presque gelée, se posa sur sa joue, lui rappelant le contact de Malcolm. Il hurla encore et encore, se brisant les cordes vocales, toujours empêtré dans son cauchemar sans fin. Il se débattit avec violence contre les mains, lui semblait-il innombrables, qui tentaient de le retenir, enchaîné à son lit. Le sorcier pleura et cria plus fort pour se sortir de cette situation, et il appela à lui toute sa magie avant de la laisser exploser dans un cri de pure souffrance déchirante. Des milliers d'étincelles bleutés emplirent la pièce et repoussèrent ses assaillants dans un bruit sourd et un grondement étouffé. Magnus, tremblant des pieds à la tête, se recroquevilla dans un coin et attendit, laissant sa magie l'englober d'une bulle floue et protectrice. Devant lui, une silhouette se releva du sol où elle avait sans doute été éjectée par sa magie et un homme avança vers lui. Il gémit piteusement, tremblant toujours, prêt à attaquer l'inconnu de nouveau s'il le fallait. Pourtant, l'homme ne fit rien de menaçant et sa magie se calma lorsqu'une magnifique paire d'yeux cobalt à la pupille fendue comme celle des chats plongea dans son regard doré. Des yeux incroyables, magnifiques, irréels. Des yeux qu'il connaissait par cœur pour les avoir regardés presque chaque jour depuis les vingt dernières années. Reconnaissant leur propriétaire, Magnus essaya de prononcer son nom mais ne parvint qu'à émettre un piteux gémissement brisé. Face à lui, l'homme tendit la main avec délicatesse et caressa sa joue brûlante. Il ne maîtrisait pas encore totalement la magie, mais Max lui avait appris à créer une fine pellicule de glace sur son corps pour se protéger de la chaleur de la Californie, ce qui était un avantage non négligeable pour apaiser son cher et tendre.
- Alexander..., pleura Magnus de soulagement en retrouvant l'usage de sa parole.
- Je suis là, mon chat, le rassura le noiraud. Tu es en sécurité, ce n'était qu'un cauchemar, tu es avec moi, tout va bien.
L'immortel aux yeux de chat lâcha un nouveau sanglot, cette fois de soulagement, et il se jeta au cou de son amant pour se blottir dans ses bras comme l'aurait fait un enfant au sortir d'un violent cauchemar. Alec ne posa pas de questions, il laissa son mari pleurer sur son épaule pendant qu'il caressait ses épis sombres pour essayer de l'apaiser au mieux. Il savait que Magnus avait de grandes, pour ne pas dire énormes, difficultés à parler de ce qu'il ressentait après fait un mauvais rêve. Le noiraud en avait fait l'expérience depuis les vingt dernières années. Il ne comptait plus le nombre de fois où son époux s'était réveillé en sueur, les larmes dévalant ses joues, tous ses sens en alerte. C'était arrivé après qu'il soit devenu un Chasseur d'Ombre, puis suite au premier enlèvement de Max, et après chaque épreuve qu'ils avaient dû traverser, et Raziel sait si elles étaient nombreuses. Pourtant, au prix de nombreux efforts, Alec avait su gagner la confiance de son cher et tendre qui commençait de plus en plus à se confier à lui après chaque mauvaise nuit qu'il pouvait passer. Parfois, Magnus prenait quelques heures, si ce n'est quelques jours, pour se remettre des images d'horreur qui envahissaient son esprit, mais il finissait toujours par revenir vers son compagnon pour lui parler à coeur ouvert. Alec, lui, était toujours heureux, évidemment, d'être l'oreille attentive vers laquelle se tournait l'immortel. Cependant, au vu de la dureté du cauchemar qu'il venait de faire, et après que Magnus l'ait projeté contre un mur pour se défendre, le noiraud s'attendait à ce que le Grand Sorcier de Brooklyn ne refuse de lui livrer ses peines et ses angoisses mais, contre toute attentente, le plus vieux commença à lui raconter sa vision terrifiante dans les moindres détails. A l'entente du prénom de Malcolm, Alec ne put s'empêcher de se tendre comme son arc, l'adrénaline pulsant dans ses veines. Évidemment, et bien que le sorcier décédé ait agit comme un criminel, l'ancien Consul savait qu'il avait aussi cherché à se racheter de ces fautes. Cela ne l'empêchait cependant pas de rester méfiant. Trois fois Magnus avait rêvé de Malcolm, trois fois où ses rêves s'étaient avérés prémonitoires, trois fois où des catastrophes avaient fait voler en éclats leurs familles. Et le pire de tout, c'était que le rêve que lui racontait son homme était sans doute le plus violent à ce jour. Même l'Indonésien vit son visage prendre une couleur verdâtre maladive arrivée à la partie où il tenait son propre cœur dans ses mains.
- Il...Il était...Je....Tellement de sang et...Et dans ma main il....vivant, je....
Magnus bredouilla comme il le put, le souffle saccadé, sa respiration s'accélérant lourdement alors que son cœur, cette fois dans sa poitrine, battait à tout rompre dans sa cage thoracique. Lorsqu'il revit dans son esprit l'image de l'organe vital palpitant et sanguinolent, l'immortel sentit un froid glacial l'envahir et il déglutit difficilement. Alec, qui serrait toujours son époux contre lui, le sentit se raidir brusquement et ses yeux lui lancèrent des appels de détresse alors qu'il plaquait une main baguée sur sa bouche, le corps secoué de soubresauts. Comprenant qu'il allait être malade, le noiraud porta Magnus jusqu'à la salle de bain où ce dernier s'écroula avant de vomir bruyamment dans un gémissement sourd. Ses nausées étaient violentes, bien plus qu'elles ne l'avaient jamais été auparavant et Alec supposa que le cauchemar n'y était pas pour grand-chose. En effet, la dernière fois que l'asiatique avait été aussi malade c'était...Non, ça ne pouvait pas être ça, il refusait d'y penser. Un gargouillis humide et désagréable ramena le Chasseur d'Ombre à la situation actuelle et il frotta le dos de son compagnon avec sa magie pour essayer de l'apaiser comme il le pouvait. A présent, le sorcier haletait en sanglotant, la gorge brûlante et un goût amer dans la bouche, priant pour que son estomac le laisse un peu en paix. Malheureusement pour lui, à peine les dernières vagues de vomissement furent-elles terminées que les suivantes prenaient le relais, le laissant pantelant et épuisé. Le plus vieux des époux Lightwood-Bane resta là un long moment avant d'oser lever la tête hors de la cuvette des toilettes. Lorsqu'il aperçut le visage de son mari, Alec en eut les larmes aux yeux et se fit violence pour ne pas fondre en larmes. Magnus était pâle comme la mort, ses joues creusées, ses cernes visibles et son front ruisselant de sueur. D'un faible signe de tête, l'Indonésien lui donna son accord pour l'aider à se relever, ce que le Nephilim fit sans tarder, tout en restant le plus doux possible pour ne pas bousculer de trop l'estomac sensible de son amant. Le descendant d'Asmodée s'accrocha à son cadet qui le raccompagna à son lit, un bras passé autour de sa taille pour le soutenir et il se laissa tomber volontiers sur le matelas avec un soupir de soulagement. Alec se pencha pour l'aider à remonter ses jambes sur le lit, mais l'ancien Frère Silencieux se figea lorsque ses yeux cobalt se posèrent sur la partie sud de l'anatomie de Magnus.
- Mags...Ton...Ton pantalon est plein de sang...; souffla-t-il avec effroi.
- Ne dis pas de bêtise, Alexander, chuchota Magnus d'un ton las et fatigué. Ce n'est pas comme si j'avais mes règles...
- Je suis sérieux, Magnus tu saignes ! Paniqua le plus jeune.
L'immortel voulut lui répondre que ce n'était sans doute rien, mais à la place des mots rassurant qu'il souhaitait prononcer, ce fut un cri déchirant de douleur pure qui lui échappa. Les yeux écarquillés, les larmes roulant en cascade de ses yeux brisés, Magnus hurla en se recroquevillant sur lui-même, les bras passés autour de son estomac douloureux. Il avait l'impression qu'on lui enfonçait une dizaine de poignard séraphiques imbibé de poison démoniaque tous en même temps dans les entrailles. Il sanglotait et hurlait toujours, convulsant pratiquement alors qu'Alec retirait son pantalon pour vérifier ce qui n'allait pas. L'Indonésien avait de nouveau envie de vomir et il se pencha une nouvelle fois en avant pour rendre à même le sol dans un bruit écœurant. Pleurant de honte et de douleur, Magnus ne se soucia pas de se retrouver à moitié dévêtue, ni même de son compagnon qui inspectait la source de ses saignements. Le noiraud remarqua rapidement le sang sombre qui s'écoulait en un flux mince mais régulier de l'anus de son compagnon qui gémissait toujours en se tenant le ventre. Un poids tomba comme une pierre dans son estomac et il se retrouva tétanisé pendant quelques instants. Non...Non pas ça, ça ne pouvait pas...Alors que le Chasseur d'Ombre tentait de réfréner la crise d'angoisse qui se préparait, il soupira de soulagement en voyant enfin le sang ralentir jusqu'à s'arrêter de couler. S'empressant d'aller chercher le nécessaire de secours à la salle de bain, il nettoya la partie tâchée de sang alors que Magnus tremblait faiblement, couché en chien de fusils, la douleur refluant lentement. Les deux hommes gardèrent le silence de longues minutes, jusqu'à ce que le noiraud reprenne la parole après avoir effacé la trace de sang des vêtements du plus vieux.
- Depuis combien de temps...? S'enquit-il d'une voix atone, lointaine, brisée.
- C'est....C'est la première fois...pour le sang, avoua Magnus en séchant ses larmes de ses mains tremblantes.
- Et les vomissements...?
- J'ai été malade après ton départ...Je pensais que c'était le stress de notre séparation...J'espérais que ce ne soit pas...
- Pourtant la dernière fois que tu as eu des saignements anaux c'était...
- Pendant mon cancer, je sais...., pleura silencieusement le sorcier en prononçant enfin le mot qui les angoissait tant. J'espérais que ça ne soit pas ça...
Alec ferma les yeux à s'en fendre les paupières pour retenir ses larmes. Moins de deux ans s'étaient écoulés depuis le cancer de l'asiatique, et ils savaient tous deux que Magnus pouvait rechuter, mais les symptômes étaient là, nombreux et se développant plus rapidement que la première fois. Soudain, Alec ne put plus retenir sa peine et il fondit en larmes en sanglotant lourdement, tout autant que Magnus qui était fatigué d'être fort et qui se laissa aller à ses larmes. Les deux hommes retrouvèrent les bras de l'autre comme un réflexe et sanglotèrent de concert alors que leurs esprits les ramenaient à cette époque douloureuse de leur vie. La chimio, les nausées, les traitements, la fatigue intense, la perte de cheveux, d'appétit, de poids. Magnus avait fini par ressembler à un cadavre ambulant, mais, comme toujours, il y avait pire : comment le soigner ? Ils ne pouvaient plus l'emmener à Edom, pas après ce qu'il s'était passé la première fois. En pensant au royaume d'Asmodée, Alec se releva, les yeux écarlates.
- On est sûr que c'est ça ? Vraiment sûr ?
- Je n'ai pas passé d'examens, mais j'ai tous les symptômes, Sayang, déplora Magnus en essayant de sécher ses larmes. Le diagnostic ne sera pas difficile à vérifier...
- Mais Lilith a retrouvé Edom, tu devrais être protégé ! Protesta véhément le noiraud en cherchant désespérément une alternative à l'état de son mari. Tu ne peux pas être malade, Magnus !
- Lilith n'est pas Asmodée, ma magie mère n'est plus, et même si Edom est toujours habité, on n'a jamais vu ça auparavant, je peux tout à fait être malade. Lilith a beau nous avoir préservé de la maladie...On ne peut rien contre la magie, et la mienne m'a déjà provoqué un cancer, elle peut très bien recommencer...
- Alors je t'emmène à l'hôpital, pour qu'on soit fixés !
Magnus secoua tristement la tête, l'air plus calme et déterminé que jamais, ce qui fit plus mal encore à Alec que s'il l'avait vu s'effondrer à nouveau sous ses yeux. D'une voix résiliée, le Grand Sorcier de Brooklyn planta son regard dans celui de son cadet.
- Alexander, je ne me fais pas d'illusion, soupira-t-il péniblement. Il n'y a aucune raison que les choses soient différentes de la dernière fois...
- Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda piteusement Alec, qui connaissait pourtant déjà la réponse, tout au fond de lui.
- Si je suis malade, ce qui est plus que certains, la chimio ne fonctionnera pas, et je vais mourir...Qu'on aille à l'hôpital aujourd'hui ou demain n'y changera rien. En revanche, il y a notre ami, roi de la Cour des Ténèbres, qui lui a encore une chance d'être sauvé : il est notre priorité, Alexander, tu comprends ? Sayang, je ne veux pas l'abandonner maintenant. On ira faire tous les examens que tu veux en rentrant chez nous si tu le souhaite, je veux bien même essayer de retenter les séances de chimio, mais uniquement après avoir retrouvé Kieran. Je refuse de vous laisser, toi et les enfants, dans un monde en guerre parce qu'on aura privilégié ma santé à la survie d'un chef politique du petit peuple, d'accord ?
- Tu ne sais pas ce que tu me demandes...Magnus..., gémit Alec au bord des larmes.
- Si, j'en ai conscience, soupira le sorcier en caressant sa joue. Mais je fais ça pour toi, mon amour, et pour les enfants. On est d'accord ?
Versant de nouvelles larmes de peines, Alec finit par hocher la tête à contre cœur, le cœur et l'âme en lambeaux. Il savait que Magnus avait raison, mais la décision n'en restait pas moins difficile. Dès qu'ils auraient retrouvé Kieran, leur cauchemar recommencerait, la maladie reviendrait, et leur famille s'effondrerait, une fois de plus. Le noiraud maudit intérieurement Malcolm et ses rêves prophétiques qu'il envoyait à Magnus, bien que le défunt ne soit coupable de rien. Les époux restèrent assis en silence, se rassurant l'un l'autre par leur simple présence, jusqu'à ce qu'ils entendent des pas se rapprocher de leur chambre.
- C'est Max, chuchota le plus vieux à son cadet, je sens sa magie. Ne lui dit rien, Sayng, ne dit rien à personne pour le moment. Pas tant qu'on aura pas trouvé Kieran, tu me le promets ?
- Promis, Magnus je t'a...., commença-t-il avant de se faire couper par la porte qui s'ouvrit à la volée.
- Dad, Ayah, venez vite ! Je sais où est Kieran !!
*********
Des avis, théories ? A bientôt pour la suite....
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