Chapitre 12 : Une histoire de famille
- Est-ce qu'il est...? Commença Magnus avant de se faire interrompre par une nouvelle vague de nausées le forçant à se pencher plus en avant, au bord de la cuvette.
Agenouillé à ses côtés, silencieux et pourtant bouleversé, Alec continuait de lui frotter le dos avec douceur, espérant atténuer ses vomissements par un quelconque miracle. L'Indonésien déjà mal en point avait vu son état subitement se dégrader depuis le départ de leur fils pour la Cour des Lumières, à peine un quart d'heure plus tôt. Il faisait peine à voir, avec son teint pâle, si yeux creusés, cernés, et le tremblement de ses épaules qu'il devait tout autant aux crampes de son estomac qu'aux soubresauts de ses sanglots. Magnus était malade, il n'y avait plus aucun doute là-dessus. Sa magie avait refusé de fonctionner, et c'était déjà un miracle qu'il ait réussi à dresser une barrière pour protéger son époux. Alec en était fier, d'ailleurs, mais là, il se demandait s'il n'aurait pas mieux fallu laisser Max s'acharner sur lui. Le Grand Sorcier de Brooklyn n'avait, en cet instant, plus rien de grand. Il tenait à peine sur ses jambes flageolantes et sa tête n'avait de cesse de vaciller d'un côté à l'autre comme s'il était sur le point de perdre connaissance, une fois encore. Ce qui se produisit quelques secondes plus tard seulement, lorsque le noiraud sentit le poids mort de son homme s'affaler en arrière contre lui, la respiration hachée, sifflante, chaotique. Le Chasseur d'Ombre le réceptionna en douceur, un soupir triste lui échappant. S'il s'écoutait, il irait tout droit à l'hôpital pour soigner son cher et tendre, mais il savait que Magnus refuserait. Pas tant que Kieran ne serait pas sauf. Pas tant que Max ne serait pas rentré à la maison. Voilà ce qu'avait voulu demander l'Indonésien. "Est-ce qu'il est mort ? Est-ce que notre fils est en vie, Alexander, ou est-ce que ce démon l'a tué ?" Le Nephilim aux yeux cobalt savait que son homme ne pourrait survivre au décès de l'un de leurs enfants. Le coma magique de Rafael avait déjà bien failli l'achever, alors ne serait-ce que d'imaginer que Max ait pu disparaître à jamais, pour ne laisser derrière lui qu'une enveloppe charnelle habitée par une puissante magie démoniaque, ça non, aucun d'eux ne pourrait jamais le supporter. Un nouveau soupir passa la barrière de ses lèvres et Alec se redressa en portant son époux dans ses bras. Ils devaient aller à la Cour des Lumières, oui, mais pas maintenant. Ils devaient d'abord se remettre avant de s'y rendre. Peut-être était-ce égoïste, peut-être était-ce lâche, mais Alec s'en fichait pour le moment. Ils n'iraient pas, pas tant qu'ils n'auraient pas suffisamment reprit des forces. S'ils s'y rendaient maintenant, la reine réussirait sans aucun doute à les tuer sur le champ, et ce n'était pas le but. Loin de là.
Quittant les toilettes dans lesquelles ils avaient trouvé refuge, le noiraud passa dans le salon où tous les autres étaient réunis. Gwyn se leva, interrompant sa discussion avec les Blackthorns, prêt à prendre des nouvelles du sorcier. Voyant son cadet secouer tristement la tête et prendre la direction des escaliers, le Gardien de la Chasse Sauvage se rassit tristement, ses épaules s'affaissant sous le poids des événements. Aucun d'eux n'était prêt à partir pour le moment. Au soir, sans doute. Au petit matin, peut-être. Mais pas maintenant. L'ancien Consul monta les marches une à une dans la plus grande lenteur, veillant à ne pas trop bousculer son amant, qui n'avait toujours pas repris connaissance, de peur qu'il ne soit de nouveau malade. Heureusement, mis à part un faible gémissement, Magnus ne sembla pas réagir et il put rejoindre leur chambre provisoire où il installa son cher et tendre dans le lit. Après avoir embrassé son front avec délicatesse, Alec se rendit à la salle de bain attenante et mouilla un gant, remplit une petite bassine d'eau tiède, en emporta une vide, et s'en retourna dans la chambre. Il déposa le gant et la bassine d'eau sur la table de nuit et laissa la vie près de Magnus, au cas où. Prenant un plaid qu'il plaça sur ses genoux, le Chasseur d'Ombre traça ensuite deux runes de feu sur ses mains qui diffuseur suffisamment de chaleur pour garder le tissus au chaud, et il s'en servit pour recouvrir le corps recroquevillé et frissonnant de Magnus. Il avait répété ces gestes presque chaque jours pendant de longs, très longs mois. Il se souvenait des premières nuits de chimio, où l'asiatique avait été malade à en faire des malaises vagaux. Il se rappelait de toutes ces fois où, à cause de ses défenses immunitaires affaiblies, le sorcier avait attrapé grippes, pneumonies, et autres bactéries qui le clouaient au lit des semaines durant. Il y avait eu des bons jours, certes, mais il y en avait eu peu, si peu, que seuls les mauvais souvenirs leurs restaient en mémoire. Et voilà qu'ils allaient devoir tout recommencer, une nouvelle fois. Tout revivre, encore. Souffrir, comme toujours. Quand la vie les laisserait-elle être enfin un peu heureux ? Peut-être était-ce le prix à payer pour être des âmes soeurs : subir le courroux du destin en priant pour que la prochaine épreuve ne soit pas celle qui leur sera fatale. Pour autant, Alec n'avait pas envie de se morfondre. Il avait tant besoin de retrouver l'homme qu'il aimait, ce besoin presque visceral de prendre soin de lui, de le protéger. Alors il prendrait soin de lui, jusqu'à ce qu'ils soient tous deux en état, même précaire, d'aller affronter le monde une nouvelle fois.
Tendrement, délicatement, Alec se pencha en avant et s'allongea dans le dos de son homme, son corps épousant celui de l'asiatique à la perfection. Il appela à lui une petite part de sa magie, comme le lui avait appris Ragnor, et il glissa ses paumes sous la chemise de son homme pour les poser sur son ventre, afin de calmer ses nausées. Magnus remua, gémit, avant de se détendre d'un soupir satisfait. De gestes qu'il maîtrisait par cœur, le Chasseur d'Ombre massa délicatement le ventre de son époux dont la respiration commença à se faire peu à peu plus légère et plus dense à la fois, signe qu'il se réveillait. L'Indonésien, en effet, se redressa sur un coude en grognant et frotta son visage d'une main lasse aux doigts bagués. Ses yeux de chats semblaient troubles de larmes, tristes, épuisés, et pourtant Alec, qui pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert, y décela un autre sentiment, beaucoup plus puissant : la terreur. Magnus était terrifié. Terrifié par la situation actuelle, terrifié par ce qui était arrivé à Max, mais aussi terrifié à l'idée de mourir. La toute première fois, le Grand Sorcier de Brooklyn avait mis des mois avant de réaliser l'issue fatale vers laquelle il se dirigeait lentement. Il avait fallu attendre la perte de ses premiers cheveux pour qu'il réalise qu'il avait des chances, plus que probables même, de mourir des suites de son cancer. Sauf que cette fois, les choses étaient différentes. Cette fois, Magnus savait ce qu'impliquait un cancer, et surtout il savait, grâce aux explications de Catarina, ce qu'impliquait une récidive. Ses chances de survie diminuaient de moitié, son organisme ayant déjà été affaibli une première fois. Sans compter le fait qu'à présent qu'il avait lié sa magie à son essence vitale, il se fatiguait plus vite que d'ordinaire et son cœur risquait de lâcher. Non, cette fois l'asiatique avait conscience qu'il ne s'en sortirait pas. Il n'avait même pas envie de retenter l'expérience de la chimio. Il allait mourir, et il en était terrifié. Sa lèvre inférieure se mit à trembler dangereusement et Alec n'eut qu'à peine le temps de le serrer de toutes ses forces contre son cœur que le plus vieux explosait en sanglot, à l'abri dans les bras de son cher et tendre. Ses sanglots, toujours plus nombreux, déchirèrent sa gorge et sa poitrine, tout autant que le cœur du noiraud qui saignait douloureusement à l'idée de perdre son âme sœur. Pourtant, il savait qu'il devait rester fort pour lui, pour eux deux. Ravalant ses propres sanglots, le plus jeune berça l'immortel en lui chuchotant des mots tendres, des mots qui n'appartenaient qu'à eux.
Fredonnant à son oreille délicatement, Alec rallongea son homme dans le lit, son dos appuyé contre son torse, lui-même s'installant contre la tête de lit pour un meilleur appuie. Magnus pleurait toujours contre lui, le visage enfoui dans ses mains baguées tremblantes comme des feuilles dans un ouragan. D'ordinaire, l'Indonésien se sentait souvent honteux de pleurer et de se montrer sous son jour le plus vulnérable, même devant son mari, mais là la coupe était pleine, il n'en pouvait plus. Tout leur tombait dessus sans prévenir et l'immortel ne savait plus où donner de la tête depuis les derniers jours écoulés. Les nouveaux pouvoirs de son Alexander, la disparition de Kieran, leur séparation temporaire, la possession de Max et maintenant son cancer. A la simple pensée de tout le malheur qui s'était abattu sur eux et à toutes les conséquences auxquelles ils auraient bientôt à faire face, les larmes de l'Indonnésien redoublèrent et une soudaine douleur à l'estomac lui vrilla les entrailles, le forçant à se tordre en gémissant dans les bras de son époux. Alec, dont l'angoisse et l'inquiétude pour son cher et tendre ne faisait que s'accroître de minute en minute, mêla ses jambes à celles de son mari et massa une nouvelle son ventre en petit cercles, réchauffant ses mains de sa magie et embrassant son cou, ses joues, ses tempes. Le noiraud ne jugeait pas son aîné, pas plus qu'il ne l'empêcherait d'exprimer ses émotions comme bon lui semblait, seul lui importait le bien-être de Magnus. La douleur, lentement, péniblement, reflua jusqu'à ne plus être qu'un mauvais souvenir. Les membres engourdis et tétanisés de l'asiatique se relachèrent avec quelques difficultés mais, au bon du compte, le soupir de soulagement de l'immortel valait toutes les récompenses du monde. Le Chasseur d'Ombre laissa un sourire rassuré fleurir ses lèvres et il se détendit complètement à son tour lorsque le Grand Sorcier aux yeux de chat posa ses mains baguées sur les siennes, les gardant malgré tout sur son ventre sensible. Seuls ses pouces massaient encore quelque peu la peau couleur caramel et Magnus recommença à ronronner, comme chaque fois qu'il se sentait apaisé, aimé, en sécurité. Malgré tout, il leva son regard à la pupille fendue sur son cadet qui comprit la plainte silencieuse et embrassa son front subtilement pour le rassurer.
- On le récupérera, promit-il d'une voix tremblante. Je ne sais pas encore comment, mais on récupérera notre fils. Je ne laisserais pas la reine nous le prendre, ni un quelconque maléfice, ça je te le garantit...
- Je ne tiendrais pas, Sayang....Si on perd notre Blueberry...je ne tiendrais pas, avoua le sorcier en baissant les yeux. Lorsque tu es mort...Enfin, lorsque je t'ai cru mort....j'ai eu l'impression que tout mon monde s'écroulait. Mais j'ai tenu et je me suis posé un cadenas, pour les enfants. Parce que je voulais tenir pour eux, pour les protéger. Je t'aime plus que tout au monde mon ange, mon Alexander...mais si on perd les garçons, je ne suis pas sûr d'avoir encore envie de tenir dans ce monde, même pour toi...
- Mon chat....Magnus, regarde moi, s'il te plait....Je suis comme toi, avoua-t-il alors que son homme acceptait enfin de plonger son regard embué de larmes dans le sien. Moi non plus, je ne suis pas sûr de tenir sans les enfants, mais ça ne m'empêche pas de t'aimer plus que tout au monde. Nous sommes parents, depuis dix-neuf ans nous sommes papas, Magnus...Soit depuis presque aussi longtemps qu'on est marié et encore je parle de notre rôle de parents ensemble. Toi tu as déjà été père avec Raphaël. Je comprends, j'accepte, je respecte, et je partage ce que tu ressens. Nos enfants le seront pour toujours, quoi qu'il arrive.
- Alors allons récupérer notre petit garçon, sourit le plus vieux avec émotion en caressant la joue de son homme.
- Tu es sûr que tu es en état ? S'enquit tout de même le plus jeune. Si nous y allons, on va devoir se battre contre la reine des lumières et croit moi elle nous attend de pied ferme. Et tu ne maîtrises presque plus ta magie avec...
Le noiraud laissa sa phrase en suspens, mais Magnus en entendit la fin comme s'il l'avait prononcé à voix haute. Au même moment, une vague de nausées le prit, avec le sentiment d'avoir de minuscules bulles d'air se baladant dans son estomac, mais il secoua la tête et reprit ses esprits, se calmant peu à peu. Il avait beau être malade, il avait beau être mourant, il ne laissait rien l'arrêter pour sauver son enfant. D'un sourire qu'il voulait malicieux, bien que fatigué, il claqua des doigts et fit apparaître sa collection de shuriken gravés de ses initiales dans la paume de sa main. Alec haussa un sourcil surpris, mais ne put s'empêcher de sentir un sourire le gagner.
- Bien que ce ne soit pas mon genre de dire ces choses-là...il n'y a pas que la magie dans la vie !
Alec éclata de rire et embrassa les lèvres de son homme comme si rien au monde ne les avait jamais fait souffrir. Magnus, agréablement surpris et comblé, lui rendit son baiser comme si son cancer était de nouveau un lointain souvenir envolé qui ne viendrait plus jamais le hanter. Les deux hommes restèrent là un moment, dans ce lit, seuls à se câliner et à s'embrasser, se donnant du courage pour les minutes, les heures, les combats à venir, puis ils se décidèrent tout de même à quitter la chambre pour rejoindre les autres et leur annoncer qu'ils partaient bientôt. Le noiraud passa le premier, atteignant déjà le couloir, et Magnus le suivit. Lorsqu'il passa devant le miroir en pied qui trônait près de la porte, l'Indonésien s'arrêta un instant devant, comme si un détail avait attiré son attention. Mais quoi ? Peut-être ses cheveux en pagaille dont certains avaient été plaqués sur son crâne par la sueur ? Ses traits tirés par la fatigue et la maladie, et son teint pâle qui donnait une teinte crayeuse à sa peau caramel ? Ou alors était-ce le léger renflement de son ventre que dévoilait sa chemise relevée par le massage d'Alec ? Ses paumes crépitèrent de magie et il dû refréner l'envie de poser ses mains sur la surface tendue. Secouant la tête pour reprendre ses esprits, l'asiatique se rhabilla comme si de rien était et rejoignit son époux dans le couloir. Mains nouées, doigts entrelacés, le couple Lightwood-Bane-Fell descendit les escaliers et prit la direction du salon où tout le monde était encore réuni. A leur arrivée, Gwyn se leva une nouvelle fois, l'air sincèrement soucieux de l'état de ses amis. Devant sa mine inquiète, Alec ne put s'empêcher de penser aux légendes que les Nephilims racontaient à leurs enfants pour qu'ils soient obéissants. "Sois sage, ou la Chasse Sauvage viendra t'enlever et ils te tortureront pour l'éternité", avait-il lui-même entendu pendant des années. Mais Gwyn Ap Nudd, chef et Gardien de la Chasse Sauvage, n'avait jamais rien eu d'un bourreau d'enfant, bien au contraire. Gwyn était l'un des hommes les plus doux, courtois, gentils et respectueux qu'il lui eût été donné de connaître. Même son côté parfois un peu gauche et maladroit sur les sentiments et coutumes des Nephilims lui faisait penser à la sensibilité pure de Max. Ressentant la même tendresse pour l'un de ses plus vieux amis, Magnus hocha la tête avec lenteur, souriant d'un air rassurant pour lui signifier que tout irait bien et qu'il tenait le coup. Le Gardien, rassuré, se rassit alors que Mark et Cristina s'installaient avec eux.
- Alors ? S'enquit Cristina en soupirant tristement. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Quelqu'un a une idée ?
- On y va, on tue la reine et on sauve tout le monde ? Proposa Mark avec une pointe de sarcasme mêlée d'agacement, lui qui voulait désespérément retrouver son compagnon.
- Tu sais bien qu'on ne peut pas assassiner la reine du petit peuple sans en payer le prix, Mark, lui rappela tristement Gwyn. Quiconque tue la reine paiera le tribut de son sang, c'est notre loi.
- Et on ne peut pas non plus la juger selon la loi du Covenant, ajouta Alec, plus depuis la Paix Froide.
- Sans oublier qu'il faut maintenant récupérer Max, en plus de Kieran, compléta tristement Magnus en secouant la tête. Apparemment, nous sommes dans une impasse...
Chacun garda le silence alors que l'ambiance dans la pièce venait de s'alourdir un peu plus. Ils étaient bloqués, sans aucun moyen de faire payer à la reine l'affront qu'elle leur avait fait, ou tout du moins pas sans en payer les conséquences. Magnus connaissait bien les lois du petit peuple pour les avoir étudiées de longues années. Tuer l'un de leur souverain revenait à offrir son sang à la Cour, mais il n'y avait aucun témoignage racontant ce phénomène, personne n'ayant jamais osé s'y tenter. Mais s'il fallait mourir pour tuer la reine, une vie contre une vie, alors comment décider qui vivrait et qui mourrait ? Sauf que le choix était déjà fait, la décision déjà prise. D'un simple regard échangé avec son époux, l'Indonésien l'en informa en silence, et Alec dut retenir ses larmes pour s'empêcher d'exploser en de lourds sanglots. Le noiraud savait que son homme était prêt à tout, n'importe quoi, pour sauver leur fils, et qu'il ne renoncerait devant rien. Il savait aussi qu'avec sa rechute, sachant que la première fois la chimio n'avait rien donné, l'asiatique se savait condamné par son cancer. Il allait mourir, c'était certain. Il était même déjà mourant. Au vu de ses nombreux malaises et vomissements, le sorcier aux yeux dorés ne serait même pas étonné d'avoir déjà des métastases sur les trois quart de ses organes vitaux. Puisqu'il allait mourir, autant faire les choses correctement, en grand, magistralement, et faire payer la reine par la même occasion. Le descendant d'Asmodée savait quel tort sa décision ferait à ses proches, et tout particulièrement à son mari, mais il savait également, au vue de leur précédente discussion, qu'Alec ne l'arrêterait pas. Il lui avait avoué que lui aussi, s'il le pouvait, ferait n'importe quoi pour sauver leur fils. Max était plus important que sa propre vie, et il entraînerait la reine dans sa chute. D'un sourire qu'il voulait rassurant, le Grand Sorcier de Brooklyn prit la main de son époux dans la sienne, entrelaça leurs doigts et les porta à ses lèvres pour y déposer un baiser qui valait, à leur yeux, tous les mots d'amour du monde. Ils ne virent qu'à peine le regard qu'échangèrent les trois autres, mais ils n'avaient plus besoin de mots. Ils connaissaient assez le sorcier, eux aussi, pour savoir ce qu'il avait en tête. Gwyn, d'un geste hésitant, posa sa main aux longs doigts fins et pâle sur l'épaule de son plus vieil ami.
- Magnus, es-tu certain de vouloir faire ça ? S'enquit-il tout de même.
- Je suis Magnus Fucking Lightwood-Bane-Fell, rétorqua l'immortel les larmes aux yeux.Je n'ai jamais reculé devant rien ni personne. Ni devant la maladie, ni devant une reine. Et ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer. Nous allons y aller. Nous allons chercher Kieran, et récupérer mon fils. Et rien ne pourra nous arrêter.
D'un geste conquérant, le descendant d'Asmodée se redressa d'un bon mais, manquant de s'écrouler une nouvelle fois à cause d'un vertige foudroyant, se retrouva de nouveau entre les bras d'Alec qui lui offrit ses mains pour lui permettre d'y puiser toute la magie et la force vitale dont il aurait besoin pour le combat à venir. Se remettant rapidement, Magnus fit un geste gracile du poignet, à peine perceptible, et soupira de soulagement en voyant le Portail apparaître sous leurs yeux. Visiblement, sa magie lui obéissait encore tout de même un peu. Il vérifia la présence rassurante de ses shuriken à sa ceinture, s'arma de détermination, et fut le premier à traverser le passage. Alec, inquiet au possible mais bel et bien décidé à ne pas abandonner maintenant, le suivit de quelques pas, rapidement rejoint par Cristina, Mark et Gwyn qui avait donné l'ordre à la Chasse Sauvage de rester en retrait pour le moment. Le noiraud était le seul au sein de leur petit groupe à n'avoir jamais mis les pieds à la Cour des Lumières. L'endroit, étonnement et paradoxalement, était en totale opposition avec son titre. Ici, tout lui semblait froid, austère, sombre et dangereux. Il y régnait une atmosphère lourde et pesante qui lui donnait la triste et désagréable impression que la Mort en personne avait décidé d'y élire domicile. Retenant un frisson, le Nephilim s'avança prudemment, l'oreille aux aguets, prêt à se défendre en cas d'attaque. Tout était calme, et il ne voyait ni la reine, ni Kieran, et Max semblait également manquer à l'appel. Échangeant un regard inquiet avec son mari qui lui fit signe que lui non plus n'avait pas d'explication mais qu'il valait mieux rester prudent, Alec frissonna une nouvelle fois. Mais pas d'inquiétude, pas cette fois. Baissant les yeux, le Chasseur d'Ombre constata que le sol sous ses pieds commençait lentement à geler, et ses jambes se couvrirent de givre. Se retournant brusquement pour prévenir ses compagnons d'infortune que Max leur tendait un piège, il fut pris par surprise par des lianes et des racines qui enserrèrent ses poignets et ses chevilles pour le forcer à s'agenouiller. Cristina dégaina l'un de ses poignards séraphique pour essayer de couper la dangereuse végétation mais les pouvoirs élémentaires de Max étaient plus puissants que sa dextérité et elle fut projetée à terre, ligotée comme les autres. Les cinq prisonniers constatèrent rapidement qu'ils étaient six, en apercevant la silhouette de Kieran, lui aussi à terre, couvert de sang et ligoté comme eux. Mark hurla son nom douloureusement, presque à l'agonie de voir son compagnon aussi blessé et détruit, mais se retrouva baillonné par une épaisse racine qui manqua de l'étouffer.
- Et bien, j'ai cru que vous ne viendriez jamais secourir ce pauvre Kieran ! Lança moqueusement la reine en s'avançant vers eux, sortant de sa cachette et suivit par Max.
Magnus retint à peine une exclamation d'horreur en voyant son fils aux côtés de la souveraine du petit peuple. Cet être-là n'avait rien de l'âme pure et innocente de son enfant. Sa peau était devenu grise et poreuse comme du granite, ses yeux et ses cheveux étaient à présent complètement noirs, ses cornes brunes veinées de rouge sang et sa magie, autrefois d'un bel argent pur et clair, était violet sombre moucheté de noir. Max semblait être devenu l'incarnation du mal absolu et l'Indonésien devait avouer, pour la première fois de sa vie, qu'il était terrifié. Son expression autrefois si douce avait laissé place à un mépris profond, et son sourire, sadique et carnassier, ne laissait présager rien de bon. Pourtant, ils n'étaient pas au bout de leurs peines, loin de là. Non, la reine allait se charger de leur porter le coup de grâce.
- Max, je pense qu'il n'est pas nécessaire de perdre plus de temps, susurra-t-elle au plus jeune. Sois gentil et débarrasse nous d'eux.
- A vos ordres, mère.
Alec sentit son cœur s'arrêter de battre et il échangea un regard affolé avec son mari. La même lueur d'incompréhension et de panique se lisait dans les yeux mordorés du sorcier. Non, c'était impossible, la reine ne pouvait pas...
- A toi l'honneur...,commença le plus jeune en interrompant le flot de ses pensées, s'approchant de l'asiatique, ses yeux flamboyant de menaces. Fais tes prières...petit frère !
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