𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟸𝟸

12 Decembre

J'entendais les bips du réveil m'agresser de plus en plus fort, m'arrachant à un rêve trop beau pour être vrai.

L'école.

Encore une semaine, pensais-je en somnolant, mes jambes m'emmenant automatiquement jusqu'à la cuisine. Une semaine, et ce seront les vacances. Pourtant, je ne me sentais pas sereine. Voyant que j'avais pris une vingtaine de minutes pour me réveiller, je sursaute et me dirige en vitesse vers ma chambre pour me préparer. Pantalon, pull, collants, lavage de dents, lunettes, brossage de cheveux et vérification de mes affaires de cours dans mon sac.

Tout y était.

La moitié d'un biscuit dans une main, l'autre moitié dans ma bouche, un sac sur l'épaule, mes mains maladroites vissant mes écouteurs dans les oreilles : je me dirigeais vers ce bâtiment que tout le monde appelait le lycée.

Plutôt une prison, oui.


Je faillis être en retard. C'est l'allemand, après tout.

Arrivée en classe, je pose mes affaires et reprends mon souffle. Ma camarade, qui arrivait de ce pas, me salue et s'assoit à sa place. 

Je sens son regard, mais je n'y prête pas attention. 

Au contraire, je prépare un plan dans ma tête pour pouvoir voler encore quelques minutes de sommeil à Morphée pendant le cours.

Après tout, c'est l'allemand.

Les cours passent à une vitesse folle. Enfin... c'était une impression que j'eus à la fin de la journée.

L'histoire arriva. Un cours si agréable et désagréable à la fois, plein de mystères.

La récréation était passée, et le cours commençait. Le professeur avançait dans la classe. Lui, de l'autre côté, ne m'adressa aucun regard. Il se mouchait.

— Mais voyons, ce n'est pas le moment de pleurer ! Gardez vos larmes pour plus tard ! Ironisa le professeur en entrant et en le voyant.

— Bonjour à tous et à toutes. Je vais faire l'appel et ensuite, nous allons continuer notre enquête historique sur l'histoire chinoise, en nous attardant plus précisément sur la notion de voyance de l'époque.

C'est ainsi que le cours commença. Il nous fit un bref résumé de la séance précédente pour les absents, nous asséna une morale interminable sur nos notes insuffisantes dans sa matière, et continua ensuite la notion abordée.

— À l'époque, les Chinois utilisaient une sorte de dictionnaire pour prévoir certaines choses ou même répondre à leurs nombreuses questions.

Il s'arrêta, projeta une feuille transparente sur le tableau blanc et nous montra fièrement ses documents.

— Bien.

Il demanda alors à la classe qu'un élève propose une question afin qu'il puisse prédire l'avenir et y répondre. Ma camarade de table se porta volontaire :

— Dites-moi si je vais devenir riche !

Le professeur sourit, son air un peu effrayant ne le quittant jamais, et répondit :

— Non ! Je dirais plutôt comm-

— Comment devenir riche ? dit-elle en comprenant immédiatement son erreur, tout en devenant enthousiaste.

Le professeur nous expliqua alors ce qu'il allait faire. Il s'avança vers une de mes camarades assises tout devant, près de la fenêtre.

— 0 ou 1 ?

La pauvre, tétanisée, répondit au hasard :

— Euh... 1 ?

Il s'approcha, répétant l'opération avec deux colonnes d'élèves, demandant à chacun un chiffre 

au hasard. Tous semblaient plus confus les uns que les autres.

— Vous ! 

 — 1. 

 — Vous ! 

 — 0. 

 — 1. 

 — 1. 

 — 0. 

 — 1.

Il continua ainsi, traçant différents traits sur le tableau et formant une figure irrégulière et curieuse. Il nous expliqua que le trait horizontal représentait le yin et le trait vertical, le yang.

— Bien. Maintenant, je vais lire ce que l'avenir vous dit, et vous allez me donner votre interprétation.

Le cours continua ainsi, et ma camarade fut étonnée de constater que cela lui correspondait bel et bien. 

 Mais ce n'était pas fini. 

Le professeur insista pour un deuxième exemple. Et c'est là qu'un élève, assis tout au fond de la classe, leva la main et improvisa pour faire marcher sa camarade à côté de lui :

— C'est elle, dit-il en la pointant du doigt. Elle veut savoir si son nouvel amoureux... si elle a une chance avec lui, et comment le faire tomber amoureux d'elle.

Rire général.

Tout le monde savait que c'était une blague. 

Étant de très bons amis, il voulait juste la taquiner. 

 Mais c'est à ce moment-là que j'ai failli m'étouffer. C'était discret, et personne ne remarqua. 

Enfin... personne, sauf ma camarade, qui était certaine que j'étais amoureuse de lui. 

 Elle murmura alors :

— Moi, je ne le vois pas trop avec elle. Je trouve qu'il irait mieux avec toi. Vous allez bien ensemble.

Un blanc interminable s'installa. Je n'osais pas répondre. Contrairement à d'autres fois, elle marquait un point. J'essayai tout de même de trouver une justification, mais je n'y arrivais pas. Alors je me tus et acceptai en silence.

Le cours continua.

Tout le monde riait, et l'ambiance oscillait entre gêne et hilarité. Le professeur accepta la situation, ajoutant une énième blague à son cours :

— Bah alors, moi qui pensais que vous vous contentiez de votre camarade juste à côté de vous, il faut croire que vous allez devoir demander le divorce !

Les rires redoublèrent. 

Elle, cependant, se sentit extrêmement gênée. 

Le professeur prit fièrement entre ses mains le livre qu'il vantait tant, censé répondre à cette question inattendue.

Et le ballet des réponses continua.

— 0.

— 1. 

 — 1. 

 — 1. 

 — 0.

La réponse fut presque identique. C'est alors que le professeur expliqua la supercherie de l'époque et le principe "divin" de ce livre qui prédisait soi-disant l'avenir.

Mais il n'en resta pas là.

Pour mon plus grand désespoir, il adorait me prendre en exemple.

— Votre camarade ici présente, dit-il en me désignant, lit son horoscope tous les matins dans le journal.

Outrée d'avoir été prise en exemple, je murmurai presque inaudiblement :

— J'ai à peine le temps de me réveiller, alors lire le journal...

— Et dedans, elle va y lire une chose inattendue ! "Aujourd'hui, cher..." C'est quoi votre signe astrologique, je vous prie ?

— Scorpion.

— Je reprends : "Aujourd'hui, cher et chère Scorpion, vous allez faire une rencontre inattendue. C'est aujourd'hui que vous allez rencontrer votre âme sœur, votre amoureux, votre amour à n'en plus finir !" 

 Je levai les yeux au ciel, gênée, prête à être enterrée à six pieds sous terre.

— Vous allez donc regarder partout autour de vous, pensant : "Et si c'était lui, mon âme sœur ?" Même le clochard de la gare y passera. Sait-on jamais, ajouta-t-il avec un énorme sourire.

Tout le monde riait. Moi aussi, de gêne.

— Bref, accélérons un peu. Vous arrivez au lycée et là, bim ! Vous le voyez, lui ! dit-il en le désignant, le pauvre déjà victime de l'exemple précédent.

Alors qu'il rougissait et riait encore pour l'exemple précédent, cette fois-ci, il serrait les dents et ne bougeait pas d'un pouce.

De mon côté, c'était tout l'inverse. J'étais tellement gênée que tout ce que je voulais, c'était partir.

Le professeur continua son exemple, concentré sur son cours, ignorant nos états d'âme.

— Et là, vous vous dites : c'est sûr, c'est lui, c'est lui votre âme sœur.

Ironie du sort.

Je ne dis plus rien pendant ce qu'il restait de ce cours. Ma camarade nous sauva tous en signalant la fin de l'heure cinq minutes avant la sonnerie.

Plus tard, à la cafétéria, je pris mon plateau et attendit mon tour pour me faire servir mon plat.

 Il était là, mais il ne m'adressa pas la parole. Il était avec un ami, mais je le sentais:

Il était crispé en ma présence.

Agacée, mes nerfs à vif, je déclarai à ma camarade de classe, qui m'avait rejointe :

— Je n'ai plus faim. Je veux partir.

Elle ignora la raison, mais me suivit tout de même.

Je sentis son regard peser sur moi alors que je traversais cet endroit qui m'étouffait.

Plus tard, ma camarade réussit à me calmer, et on rit de bon cœur.
Pendant le cours de physique, les choses devinrent plus compliquées. On nous avait volé notre place habituelle, et par un hasard malheureux, nous nous retrouvâmes juste derrière lui.

Je l'ignorais. Il m'ignorait.


Tant mieux.


Malgré la longueur des deux périodes, la physique passa relativement vite. Puis vint le cours de français, également en double période. 

Tandis que je répondais aux questions de la professeure et lisais mon livre personnelle -en même temps- , je sentais son regard sur moi.

Mais je fis comme si de rien n'était.


À la fin de la journée, je me dirigeai directement chez moi.

Je ne savais pas trop quoi penser de cette journée. 

Quelque chose de curieux s'était passé pendant le cours d'histoire, et encore plus tard, à midi.  

Comme si...

 Comme si j'étais jalouse.



- - - - - - -- - -- - -- - - -- - - - -- - - -- - - -- - -

Note de l'auteur :

La notion de "dictionnaire chinois" qui prédit l'avenir est une vrai source et est inspiré d'un vrai cour. Si vous voulez en savoir plus vous devez cherchez sur internet en marquant "Dynastie de la chine ancienne, la divination avec le yin et le yang", vous y trouverez sûrement quelque chose qui vous y expliquera un peu mieux le concept. 

Voilà, merci pour votre lecture !

N'hésitez pas à votez les chapitres, ça fait toujours plaisir ;) !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top