CHAPITRE 5 - MATT

Allongé sur mon canapé, je fixe le plafond sans le voir. J'ai merdé. Ce n'est absolument pas ce que j'espérais pour ma seule chance avec Sarah. Quand je l'ai vue lundi dernier dans l'amphi, je l'ai trouvée belle, comme sûrement la plupart des mecs de l'université. Faudrait être con ou aveugle pour ne pas la voir. Mais ce n'est pas ce qui a retenu mon attention. Un physique ne fait pas tout. C'est sa façon d'être que je trouve attirante. Elle maîtrise ses sujets et elle semble sûre d'elle, avec du caractère qui plus est. Tout ce que j'aime chez une femme.

Je balance mon vieux ballon de rugby en l'air à plusieurs reprises, un petit papier dans la main, que je n'ai pas osé utiliser jusqu'ici. Une des copines de Sarah m'a filé son numéro au pub, même si je doute qu'elle ait vraiment capté qui j'étais pour Sarah. Mais je n'ai pas osé l'utiliser jusqu'ici. Si Sarah avait voulu que je la contacte, elle me l'aurait donné.

Hier, je voulais lui montrer quelque chose de sympa, et pourquoi pas plus si elle m'en avait donné l'occasion. Je n'aurais pas pensé qu'elle m'embrasserait pour mieux fuir ensuite ! Je ne regrette pas qu'elle ait fait ça. La seule chose que je regrette, c'est qu'elle ait arrêté. J'y ai pensé une bonne partie de la nuit, et quand enfin je me suis endormi, le souvenir de ses lèvres contre les miennes est venu hanter mes songes. C'est dur de me contenter des limites qu'elle impose alors que ce n'est pas d'une amitié que je veux avec elle.

Je balance une dernière fois mon ballon en l'air avant de me décider. Je n'ai pas envie d'arrêter alors que je sais très bien qu'elle ressent elle aussi cette attirance entre nous, même si elle refuse de l'admettre. Je chope mon portable et lui envoie un message simple mais clair.

[J'arrive à l'université, faut qu'on parle. Matt]

Je reste scotché à mon téléphone en attendant sa réponse, les coudes sur mes genoux, et celle-ci ne tarde pas.

[Comment as-tu eu ce numéro ? Je n'ai pas le temps pour ça, je bosse.]

Je souris face à sa réponse. Je m'y attendais, mais il en faudrait beaucoup plus pour me décourager. Je chope mon sweat à capuche et mes clés avant de sortir dans les rues bondées du centre-ville pour rejoindre Trinity College à pied. Une fois que j'ai passé la grande entrée, j'abats ma capuche sur ma tête pour éviter de me faire remarquer et traverse le campus à vive allure vers le bâtiment de Sarah.

- Matt, tonne une voix derrière moi.

Merde.

Je me retourne lentement pour faire face à mon interlocuteur, le visage fermé. Évidemment, même avec une capuche, il arrive à me remarquer.

- Qu'est-ce que tu veux ? Je n'ai pas de temps à t'accorder.

Le visage de mon père se fait dur, je sais qu'il déteste que je lui parle de cette façon. Mais je n'en ai rien à foutre. Ça fait bien longtemps que mon comportement ne lui convient plus.

- Je n'ai pas le temps pour tes enfantillages, j'ai du travail. Mais ta présence est requise dans deux semaines pour la fête du doyen.

- Sans façon, mais merci de l'invitation.

Je tourne les talons et le plante là, comme un con, bien qu'il m'appelle. Ma capuche est de nouveau sur mes épaules, je n'ai pas besoin de me cacher.

Je rejoins la salle de classe de Sarah avec facilité, la même que celle où je l'ai rencontrée, et j'attends patiemment que les élèves sortent pour pénétrer dans l'amphi et fermer la porte derrière moi. Je la trouve assise devant son tableau interactif, le nez dans les papiers. Ses

cheveux cuivrés sont relevés en un chignon dont quelques mèches s'échappent, et je suis persuadé qu'elle serait encore plus belle si elle les laissait détachés. Mon regard dérive vers le décolleté léger de son chemisier surmonté d'une veste et je souris en imaginant son air sévère quand elle se rendra compte de ma présence. J'aimerais la surprendre et l'embrasser comme elle l'a fait pas plus tard qu'hier, mais je sais d'avance que ce n'est pas la solution. L'énerver avant de lui parler, ce n'est pas dans mon intérêt. Je l'observe encore un instant avant de signaler ma présence.

- Salut.

Elle sursaute et relève la tête vers moi, les sourcils froncés et la mine tirée. Elle semble fatiguée et je me demande si c'est à cause d'hier. Elle observe la salle avec méfiance pour vérifier que personne n'est là avant de me répondre.

- Je t'ai dit que je ne voulais pas te voir.

- Je suis du genre buté.

- Sans blague ? Sérieusement, je travaille, et je veux surtout ne pas penser à hier.

- Tu veux dire au fait qu'on se soit...

- Ne le dis pas ! me coupe-t-elle avec véhémence.

Je ris de son inquiétude. On est seuls, la porte est fermée, elle s'inquiète vraiment pour peu, même si ça a un côté amusant de la voir aux aguets. Elle se lève pour se donner une contenance et commence à ranger ses affaires pendant que je la détaille sans gêne. Son pantalon moulant et sa veste de costume lui donnent un air sérieux mais aussi carrément sexy, et je serais curieux de découvrir ce qui se cache en dessous. Elle finit par surprendre mon observation, et semble mécontente.

- C'était une erreur, OK ? Oublie ça, s'il te plaît, me demande Sarah en me fixant d'un air coupable.

- Peut-être que je n'ai pas envie d'oublier.

- Matt...

Elle utilise le même ton que pour engueuler d'autres étudiants et je dois avouer que ça me fait plus rire qu'autre chose. Je contourne le bureau pour la rejoindre et me placer face à elle, mes yeux dans les siens. Elle me jette un regard noir qui m'encourage à continuer. J'aime ce tempérament fougueux. Plus elle s'énerve, plus j'ai envie de l'embêter jusqu'à la faire craquer et avouer que si elle m'a embrassé, c'est parce qu'elle en avait envie après la journée passée ensemble. Je m'appuie sur la tranche de son bureau, observant son visage se tendre en me voyant si proche d'elle et je ne lui souris que plus. Sa réticence ne me décourage pas. Au contraire, elle est comme un aimant.

- Je suis très sérieux. Tu t'es amusée hier, non ?

- Ce n'est pas la question.

- Si, c'est très exactement la question. Pourquoi tu ne veux pas simplement profiter ?

- Parce que je ne peux pas perdre mon boulot pour quelque chose d'aussi bête.

Je pousse un profond soupir. Pourquoi les femmes sont-elles si compliquées ? ! Ça fait bien longtemps que j'ai appris à prendre les choses comme elles viennent et obtenir ce que je veux. Et c'est elle que je veux.

Quand je relève la tête, mon regard se pose sur ses lèvres que j'aimerais embrasser mais je me retiens.

- On ne risque rien, Sarah.

- Et je suis censée te croire, peut-être ? dit-elle dans un rire sans joie.

J'hésite. Ce serait con de ma part de mentir. Je dis simplement :

- Ça ne change rien, ce qui s'est passé hier ne se reproduira pas. Et si on était amis ?

- Tu ne tiendrais pas. La preuve, tu n'arrêtes pas de regarder mes lèvres.

J'esquisse un sourire en coin. Elle a raison. Mais je peux bien être ami avec elle jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle veut plus elle aussi. Ça ne devrait pas tarder de toute façon, après tout c'est elle qui a cédé hier et qui m'a embrassé.

- Je jure que je serai sage jusqu'à ce que tu changes d'avis.

- Je ne changerai pas d'avis. Et qui te dit que je veux être ton amie ?

- Tu t'es amusée hier, non ?

Elle se mord la lèvre pour ne pas me répondre et je prends son silence pour une réponse affirmative. Je reste encore un instant près d'elle, mon corps toujours si près du sien, sa poitrine se collant à moi à chacune de ses inspirations. Je lutte de toutes mes forces contre le désir brûlant qui me consume : je rêve de l'embrasser, de la serrer contre moi, d'explorer son corps...

- Tu devrais rentrer chez toi, Matt, souffle-t-elle.

- C'est vraiment ce que tu veux ?

- C'est ce qui est le mieux.

Je me résigne à en rester là pour aujourd'hui, mais ce n'est que partie remise. Je n'ai jamais baissé les bras si facilement, encore moins quand je veux vraiment quelque chose. Ce n'est pas maintenant que ça va changer. Ce baiser m'a confirmé que cette attirance n'est pas à sens unique, alors je ne compte pas abandonner maintenant. Je recule, prêt à partir, quand elle m'interrompt.

- Où t'as eu mon numéro ?

- Demande à ta copine brune.

Je lui souris au-dessus de mon épaule avant de sortir de la salle.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top