XXIII. Tomber

Je ne suis même pas allé nager comme je l'ai dit, non. Je suis resté assis comme un con, le cul dans le sable, à marmonner dans ma barbe. Et le pire, c'est que je ne sais même pas pourquoi je suis en colère, je ne devrais pas l'être. Je savais que Camille et moi, ce n'était pas voué à durer. Ce n'était même pas voué à exister tout simplement. Je suis arrivé ici un peu par hasard comme un cheveu sur la soupe et malgré nos deux forts caractères on a plus ou moins sympathisé. On a fait l'amour. On a rigolé. On a véritablement passé un bon moment elle et moi.

Elle a sû me remettre sur les rails et elle a sû me montrer que la vie ne s'arrêtait pas à un coeur brisé.

Je crois qu'égoïstement, je n'ai pas envie qu'elle et moi...je n'ai pas envie que ça se termine ici. Comme ça. Je n'ai pas envie, un beau matin, de prendre la voiture, de tourner le dos à la plage en disant "C'était sympa". C'est vrai que c'était sympa, mais j'ne sais pas, je suis devenu gourmand. J'en veux plus. Plus de tout ça.

Plus d'elle.

"- Tu me fais une place ?"

Elle s'assoit sur le sable à côté de moi, deux bières dans la main et m'en tends une sous mon regard surpris et mes yeux écarquillés tandis qu'elle trinque toute seule buvant une grande gorgée.

"- Ça fait du bien par où ça passe."

Un rot lui échappe et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire.

"- C'est d'un propre !

- Oh ça va, y'a personne. Et puis les femmes aussi rotent et pètent.

- Je sais, mais celui-là..."

Plus je la regarde et plus je vois le soleil se refléter dans ses yeux. J'aime la beauté de Camille. J'aime ses cheveux châtains. J'aime cette façon naturelle qu'elle a de se poser à côté, sans rien dire, mais comme si son silence correspondait à ce que l'on attendait le plus. Elle lit en moi. Elle sait exactement quoi dire ou ne pas dire.

Et puis elle rote. Forcément que ça me fait rire.

"- Je suis désolé...pour tout à l'heure."

Je n'aurai pas dû.

"- Ce n'est pas grave. Disons que tu as exprimé tout haut ce que l'on pense tout bas. Moi aussi ça me fait chier, tu sais ? Je n'ai pas envie d'en rester là. Une part de moi aime profondément cet endroit et tout ce qui va avec. Toi compris. Mais une autre part a attendu ce moment pendant si longtemps, cette indépendance, ce nouveau départ...Je ne peux pas tourner le dos à cette chance et je sais que toi non plus."

Aucun de nous.

"- On va donc devoir se dire au revoir.

- Pas maintenant...

- Demain, après-demain, la semaine prochaine. Plus on va tarder, plus ça va être difficile. Mais tu sais, au lieu de voir le verre à moitié vide, il faut le voir à moitié plein ?

- C'est à dire ?

- Tu sais ce que l'on dit ? Que pour savoir se retrouver, il faut savoir se quitter."

Ça ne manque pas de me faire sourire. J'ai l'impression d'agir comme un adolescent pourri gâté.

Je dois la laisser s'en aller.

Je dois me laisser retourner à ma vie d'avant.

"- On ne peut pas se promettre grand-chose toi et moi, mais on peut se promettre ça, tu ne crois pas ?

- Faire quelques heures de train tous les week-ends ne me gênerait pas plus que ça, je dois l'admettre.

- Et j'aurai des vacances aussi !

- Ça va être difficile...

- Difficile, mais pas impossible."

Je sais. Rien n'est véritablement impossible.

"- Ok, très bien !"

Je me redresse subitement en m'approchant de l'océan, allant jusqu'à mettre les pieds dans l'eau.

"- Qu'est-ce que tu fais ?

- Je vais promettre devant l'immensité de l'océan. Promettre que je ferais tout ce que je peux pour te retrouver autant de fois que possible. Promettre que je ne te laisserais pas tomber.

- Ahaha ! Tu ne crois pas que tu en fais une montagne ?

- Quand on aime, on n'est jamais trop sérieux !

- Dois-je comprendre que Monsieur Camille me fait une déclaration devant les poissons ?

- Si Madame Camille veut bien l'entendre alors..."

Il y a quelques mois, j'étais loin de me douter que je vivrais tout ça. Toute cette histoire. J'étais loin de me douter que je me ferais plaquer le jour de mon mariage. J'étais loin de me douter que je finirais par m'isoler dans l'endroit le plus improbable du monde et que je rencontrerais Camille.

En peu de temps, je suis véritablement tombé amoureux d'elle. De sa spontanéité. De sa fraîcheur. De l'éclat de son rire. De cette façon qu'elle avait d'être toujours honnête. J'aime ce côté naturel qu'elle a eu de s'accrocher à moi. Ou l'inverse. Je me suis accroché à elle. Tel un naufragé se noyant dans sa propre vie, je l'ai vue comme une bouée que l'on me jetait et je l'ai saisie. J'ai vu Camille comme une deuxième chance. Une occasion....de me refaire et de ressentir à nouveau.

De me sentir de nouveau "vivant" alors que je me pensais au fond du trou.

L'homme le plus malheureux de la terre.

"- Sors de là, tu vas tomber malade !

- Je suis déjà tombé amoureux, je peux bien me permettre une chute de plus, tu ne crois pas ?

- Beau parleur !"

Je veux que l'on passe ces derniers instants ensemble de façon à se les rappeler jusqu'à la toute fin de nos vies.

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