XXI. Un air de colonie
Les jours passés en compagnie de Camille commencèrent à avoir un air de bonheur. De pur bonheur. Hortense était définitivement sortie de ma vie et je commençais tout juste à me faire à l'idée qu'elle allait en épouser un autre.
J'étais venu m'exiler sur la plage pour «oublier» ou pour fuir, je n'en sais rien, mais une chose est sûre, c'est que c'est fait. Même si je ne pourrais jamais véritablement oublier ce qu'il s'est passé et la façon dont ça s'est passé, j'ai arrêté de promener mon air malheureux sur le sable fin et j'ai remplacé la quasi totalité de mes bouteilles de vin par du jus de raisin. Bio. Enfin pas toutes les bouteilles. J'en garde une ou deux sur le coude, ça sauve un repas.
«- C'est normal que ça sente le brûlé ?
- Hein ?»
L'arrivée de Camille me surprenant dans ma cuisine me stresse davantage que de réussir à faire un risotto.
«- Qu'est-ce que tu fais ici ? Je pensais que tu bossais au café ce midi ?
- En principe, puis mon super-odorat s'est mis en route et j'ai senti cette terrible odeur de...Tu fais quoi ? De la nourriture ou une sorte de potion magique.
- Ne soulève pas le couvercle !
- Pourquoi ? Wow !»
Voilà pourquoi.
«- C'est tout noir.
- Je sais...Je me suis foiré.
- Tu sais quoi ? Viens donc manger au café. Je t'invite.»
Je suis doué pour beaucoup de choses, du moins en principe, mais la nourriture ne fait certainement pas partie de mes compétences.
«- Y'a quoi au menu ce midi ?
- Assiette de la mer et son petit jardin de saison.
- Encore ?
- Hé ! On fait avec ce que l'on a. C'est le poisson ou ton truc noir et tout collant.
- Je vote pour le poisson. Quitte à mourir...Autant mourir l'estomac plein.
- Mourir ? Pourquoi tu veux mourir ?
- D'une intoxication alimentaire ? Je suspecte tes collègues de cracher dans mes assiettes.
- Alors d'une, non, on ne fait pas ça, on suit les règles d'hygiène, même s'il est vrai que tu ne fais pas l'unanimité. De deux, si quelqu'un doit cracher, c'est moi et généralement je privilégie le café. J'estime que ma salive vaut 10.000 calories. Tu devrais me remercier, je te donne de l'énergie tout compte fait.
- C'est dégoutant.»
Oui, les jours en compagnie de Camille ont commencé à tous se ressembler. On se croise la journée ou la nuit durant pendant qu'elle traîne sur la plage ou au café et sa simple présence suffit à balayer, l'espace d'un instant, mes doutes.
«- Au fait Camille ?
- Oui Camille ?
- Arrête. Combien de temps vas-tu rester encore sur la plage ?»
C'est vrai. Théoriquement, je ne devais rester là que pour faire le point et pour me remettre sur pied. Maintenant que c'est chose faite, je présume que je devrais tourner la page et m'en aller d'ici. Retourner à ma vie d'avant.
«- C'est moi où tu me chasses de ta chère plage ?
- Pas du tout ! C'est juste que...Tu ne t'ennuies pas ? Il n'y a pas vraiment d'activités dans le coin.
- M'ennuyer ? Quand tu occupes mes pensées ?»
Soudain, elle se mit à éclater de rire avant de me tapoter le dos.
«- C'était vraiment nul comme phrase de drague.»
Ce n'était pas...Enfin pas vraiment...Pas dans ce sens-là. Je n'essayais même pas de...Non j'étais entrain...enfin bref. Passons.
«- Donc, tu ne m'as toujours pas répondu ?
- Je n'en sais rien...Honnêtement...Il faut que j'y réfléchisse, mais est-ce que ça serait si grave que ça si je restais ?
- Toi seul es à même de choisir. Moi en tout cas, je pense que je pourrais bientôt partir !
- Tu as déjà toutes tes économies mises de côté ?
- Ouais ! C'est génial, non ? Je vais pouvoir reprendre ma vie en main, reprendre mes études et...»
Alors qu'elle s'était lancée dans son excitation, Camille s'arrête et me regarde avec un air légèrement attristé.
«- Je suis désolée.
- Pour quoi ?
- C'est juste que...
- Nous le savions, non ? C'est comme avoir un amour de colonie. Ce n'est fait que pour durer le temps d'un été.
- Même, ce n'est pas juste. Tu vas retourner à ta vie, je vais reprendre la mienne, tout va nous séparer.
- Absolument tout.»
À cet instant, on se laisse tous les deux tomber, cul dans le sable, poussant un grand soupir. Venait-on de comprendre ce qui nous attendait ? On le savait. On en avait déjà parlé. On ne s'est rien promis. On ne s'était pas juré de s'attendre. Non. Aucun de nous deux ne peut faire des concessions et partir avec l'autre, ce qui nous attend maintenant reste diamétralement opposé.
Camille et les études.
Moi et le boulot.
«- C'est dépriment.
- Ouais...»
On aurait dit deux ados, assis au bord de l'eau, comprenant que l'heure de se séparer après s'être aimé tout l'été a enfin sonné.
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