XV. Grain de sable

Honnêtement, je ne sais pas vraiment ce qui m'est passé par la tête. J'ai agi prématurément, comme un ado qui tente sa chance avec la fille du coin et d'ailleurs, mon cœur s'emballe comme si j'en étais un.

Je pensais qu'elle allait rire de moi. Qu'elle allait me regarder avec son sourcil relevé et ses yeux interrogateurs, mais au lieu de ça, elle se contente juste de me fixer avec une intensité qui me rend complètement fou.

"- Je suis désolé, je...

- C'est oui."

Me coupant totalement la parole, sa réponse me surprend au plus haut point tandis que je me retourne vers elle. J'avais peur de me prendre un vent, non, je m'y étais préparé. Cela ne m'aurait même pas étonné d'ailleurs, mais au lieu de ça, elle me répond positivement.

Et ça, je n'y étais pas préparé.

"- Oui..Genre..Oui ? Genre oui oui ? Ou c'est oui, mais...

- Ahaha ! Vous ne vous y attendez pas, n'est-ce pas ? J'en étais sûre. Je voulais juste voir jusqu'où vous auriez été capable d'aller et de vous enfoncer tout seul."

Ah. C'était une blague. Je m'en doutais.

En fait, non. Je préfère. Je n'aurai pas été en mesure d'assumer. C'est peut-être trop tôt.

"- Et si j'étais sérieux ? Vous auriez accepté quand même? Si je vous l'avais demandé ?

- Hmm, honnêtement ? Ce n'est pas contre vous, hein. Ne le prenez pas mal, mais je suis plutôt de la vieille école et j'ose croire qu'il existe un brin de romantisme encore dans ce monde. Non jusqu'à aller aux trucs clichés, mais quitte à s'envoyer en l'air, je pense que c'est une question de tempo. D'ambiance et là..Honnêtement, l'ambiance ne s'y prête pas trop. On verra au moment où vous serez vraiment sérieux, hein ?"

Et comme un ado, je me suis fait rejeter.

Si mon égo n'avait été déjà brisé, je pense qui l'en aurait pris un coup.

Je ne plais donc à personne ? C'est quoi le problème ?

"- Bon, finissez votre ragoût, moi j'ai du taff."

En gros, mange et tire-toi mon gars.

J'ai passé l'après-midi à traîner mes guenilles dans les rues du village à me demander encore pourquoi j'avais agi aussi prématurément. Ça ne me ressemble pas et ce n'est pas ce que je cherche.

Je ne cherche pas à me consoler dans les bras d'une autre, non. Ce n'est pas mon genre.

J'essaye de faire mon "deuil" à mon rythme et ça ne m'aidera pas.

Comme mon père me l'a souvent dit : "Camille, ce n'est pas parce qu'on a soif d'amour qu'il faut se jeter sur la première cruche."

Si tu savais papa, si tu savais. Ma vie sentimentale est un désastre à présent et j'ai l'impression d'en faire une affaire d'État. Je pourrais très bien être l'un de ces gars qui aime et kiffe sa vie de célibataire. Qui se tape toutes les nanas du bar du coin. Qui drague allégrement ses voisines et fait du charme à ses collègues de boulot, mais ce cliché du mâle ne me ressemble pas.

Ce n'est pas moi. J'ose à croire que j'ai un cœur plus gros que ce que je n'imaginais et que tant qu'il ne se répare pas de lui-même, je ne peux rien faire de ma vie.

Ou plutôt...Je ne sais rien faire tant que j'ai cette sensation de vide en moi. Je me sens trompé, brisé, et je n'arrive pas me défaire de cette sensation désagréable.

En rentrant vers mon bungalow, je trouve Hortense assise devant chez moi, la robe rabattue sur les jambes, les cheveux au vent.

J'ai été plutôt horrible avec elle la dernière fois, je le reconnais. Je devrais l'accepter. Je veux dire, sa nouvelle vie. Je devrais faire mon deuil de sa présence. De l'amour que j'ai ressenti pour elle pendant des années. Je devrais lui en être reconnaissant de m'avoir accordé la chance de pouvoir voir ailleurs. De voir d'autres horizons.

"- Camille...

- Qu'est-ce que tu veux ?"

Je me doute que ce n'est pas pour une visite de courtoisie qu'elle vient me trouver. Je ne suis pas totalement con.

"- Je suis venue te dire quelque chose.

- Ah ? Vas-y, je t'écoute, tu nous feras gagner du temps à tous les deux."

Ne commence pas Camille. Laisse-la parler.

Et puis, laisse-la partir. Pour de bon cette fois. Quoi qu'elle puisse te dire, ne te laisse pas perturber. De toute façon, ce n'est pas comme si elle allait t'annoncer quelque chose de nouveau. Tu la connais par cœur cette fille.

"- On va se marier...Lui et moi...Et..."

Fouillant dans son petit sac, elle me tend une enveloppe blanche que ma main est incapable de venir chercher.

C'est une blague ?

"- Suis-je supposé vous adresser tous mes vœux de bonheur ? Qu'est-ce que tu es venu chercher ici Hortense ? Ma bénédiction ?

- Tu méritais au moins de l'apprendre en personne.

- Je méritais beaucoup de choses si tu veux mon avis."

Je méritais tout, sauf ça.

Tout mon être à envie de hurler. Tout mon corps tremble, s'empêchant d'arracher ce carton d'invitation et de le jeter à l'océan.

Quand je pense que tout va pour le mieux...

"- Je repars demain, au petit matin. Je pense que ça lui ferait plaisir de te voir. De discuter avec toi.

- Tu sais très bien que je ne viendrais pas. Inutile de me compter sur la liste des invités."

Tu peux partir maintenant. C'est bon. Va-t'en.

On ne se reverra plus.

C'est fini.

Tout est fini entre nous.

"- Très bien...ça m'a fait plaisir de te voir une dernière fois Camille. Sois heureux, c'est tout ce que je te souhaite."

Tu sais, heureux je l'étais pendant un temps. J'étais heureux avec toi. J'étais même le plus heureux des hommes.

La regardant quitter la plage, je referme la porte de mon bungalow une fois rentré, me laissant glisser contre le mur en face.

Cette fois, c'est vraiment...vraiment...terminé.

"- Camille ?"

La voix de Camille entrant à son tour chez moi me rappelle à l'ordre tandis que j'essuie mes yeux larmoyants contre les manches de ma chemise.

"- Hé...ça va ?

- J'ai du sable dans l'œil...Foutu grain de sable...merde..."

Je la sens à côté de moi.

Je sens sa main sur mon visage.

"- Ça va aller maintenant...

- Elle est partie...Elle est partie..."

J'ai l'impression d'avoir un océan en moi se déversant subitement tel un tsunami que j'aurai trop longtemps retenu.

Camille vient me prendre dans ses bras tandis que sa main vient frotter mon dos en guise de consolation. Sans elle, je serais certainement seul, assis là, dans un coin, pleurant sous le soleil couchant.

J'ai mal. C'est horrible.

"- Regardez-moi..."

Mon visage quitte ses bras tendres et réconfortants alors que son front vient se poser contre le mien.

"- Une de perdue...Dix de retrouvées, non ?"

Un léger sourire m'échappe.

"- C'est des conneries ça !

- Faute d'en avoir dix, je peux déjà compter comme une..."

Et c'est à cet instant, quand ses lèvres sont venues trouver les miennes, que mon cœur si longtemps en miettes s'est soudainement remis à battre.

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