XI. Les Camille
À l'instant même où je l'ai vue descendre de la voiture, les cheveux au vent, j'ai eu l'impression de revivre la première fois où mon regard s'est posé sur elle. Qu'est-ce qu'elle est belle ! Même maintenant. Même malgré cette haine sans nom que j'essaye de lui vouer. Non, que je lui voue définitivement.
Comment a-t-elle pu me faire ça ? N'étais-je bien assez bien ? Ai-je fait quelque chose de travers ? Pourquoi moi ?
Pourquoi le choisir lui ? Qu'est-ce qu'il avait que je n'avais pas ? Qu'est-ce qu'il lui avait offert de plus ?
Mais malgré tout le mal, la voir se diriger vers moi ainsi, me rappelle nos nombreux rendez-vous.
Et je la trouve belle. Vraiment belle.
Peut-être suis-je un idiot fini pour le penser ?
"- Ça faisait longtemps."
Même pas un "bonjour" en premier. Juste cette phrase.
"Ça faisait longtemps".
Pas assez à mon goût. Je ne sais toujours pas comment elle m'a trouvé ni même ce qu'elle me veut. Enfin si, j'ai ma petite idée. J'espère juste me tromper.
"- Tu as l'air...Bien.
- Évitons de prendre des détours et dis-moi ce que tu fais là Hortense. Faisons nous gagner du temps.
- Est-ce que tu m'en veux ?
- Pourrais-je me considérer comme humainement constitué si je ne venais pas à te détester pour ce que tu m'as fait ?
- J'aimerais boire un café et promis, je te laisserais tranquille après, mais je veux que tu écoutes ce que j'ai à te dire. Je t'invite si tu veux !"
La revoilà. À me prendre en pitié.
Je connais ce sourire en coin, timide, mais visible. Je connais ce regard fuyant. C'est terrible. Je crois que le fait de la connaître par cœur rend cette rencontre bien plus difficile que ce que je ne pensais.
"- Je connais un bar pas loin de la plage si tu veux.
- Ça serait sympa, oui. Je te suis."
J'ouvre la marche et nous nous dirigeons silencieusement vers le bar. Pendant les quelques mètres qui nous séparaient du bar, je priais silencieusement que Camille soit là aujourd'hui. Je ne sais même pas pourquoi, je présume que sa présence serait en quelque sorte rassurante.
J'espère juste qu'elle sera là et qu'elle crachera dans son café.
Non, ça serait enfantin d'avoir un tel comportement.
On s'installe en terrasse elle et moi et je sens toute la tension de l'instant. Mon cœur lui-même est comprimé et respirer devient une corvée. La regarder dans les yeux est un labeur sans nom. Son visage me rappelle trop de choses. Trop de bonnes choses que j'essaye d'oublier.
C'est ça, j'essaye de l'effacer de ma vie et de faire comme si elle n'avait jamais existé pour moi.
Mais la voir là assise juste en face, ne m'aide en rien.
Un serveur que j'ai déjà croisé plusieurs fois au bar prend notre commande et je n'arrive pas à entrapercevoir Camille dans la salle derrière. Peut-être est-elle en congé aujourd'hui.
Merde.
"- Deux cafés s'il vous plaît.
- Avec un léger filet de lait pour moi. Merci bien.
- Je vous emmène ça."
Il s'en va et enfin nous retrouvons notre intimité.
C'est de la torture. C'est horrible.
"- Donc ? Dis-moi ce que tu veux. Quelles explications veux-tu donc m'apporter ? Surtout qu'est-ce qui t'a soudainement motivé à venir me trouver après tous ces mois passés ? Tu t'es trouvé une conscience ?
- Ne soit pas comme ça Camille, s'il te plaît. Je ne suis pas venu me battre.
- Moi non plus, mais te voir est un calvaire.
- À ce point-là ?
- Oui. Tu t'attendais à ce que je t'accueille à bras ouverts peut-être ? C'est bon, tu m'as assez pris pour un con je crois.
- Je suis désolée...
- Pas moi. Tu vois, c'est peut-être la meilleure chose qu'il me soit arrivé. Ne pas t'épouser.
- Je comprends ta colère, mais sache que...
- Que quoi ?
- C'était une erreur. Je n'aurai jamais dû...
- Oh s'il te plaît Hortense ! Tu ne vas quand même pas me faire croire que tu t'es laissée séduite non plus ? Je t'ai connue meilleure actrice, là ton petit numéro me déçois.
- Pourquoi es-tu aussi ignoble ?
- J'ai été cocu, je peux bien être ignoble.
- Je ne te savais pas comme ça.
- Et moi donc ! Je me suis découvert après tout ça. Peut-être devrais-je me montrer reconnaissant"
J'ai mal. Foutrement mal. Chaque mot que je sors est un mensonge plus grotesque que le précédent que j'énonce uniquement pour me convaincre moi-même. Je m'en fou d'elle, mais si je m'écoutais, je me lèverais et je la prendrais dans mes bras parce que là, maintenant, son regard larmoyant me tue.
Pas une seule fois j'ai souvenir d'avoir su ou pu lui résister. Hortense pouvait faire de moi ce qu'elle voulait, je m'en fichais. J'aurai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour la garder près de moi. Pour toujours.
C'est d'ailleurs ce que je comptais faire en l'épousant. L'enchaîner à moi pour l'éternité et faire d'elle la femme la plus heureuse du monde. Oui. Je voulais la chérir. L'aimer. La soutenir. Je voulais lui offrir le monde.
Mais à croire que ce n'était pas son vœu à elle.
"- Oh mon chéri tu es là ! Je t'ai cherché à la maison."
Soudain une voix se lève derrière moi et Camille arrive à ma hauteur, tout sourire, pleine de sable. Je me retourne alors vers elle surprit et je crois que ma surprise n'est rien considérant celle d'Hortense qui vient de bondir de sa chaise en la dévisageant.
"- Une amie à toi ? Tu aurais dû me prévenir, je me serais au moins lavée. Enchantée ! Je suis Camille."
Elle tend sa main vers Hortense qui éclate de rire en nous regardant.
"- Camille et Camille, hein ? J'espère que c'est une blague.
- Allez savoir, peut-être. Vous êtes ?
- Hortense..."
Camille me regarde alors
"- Je suis supposée la connaître ?
- Son ex...
- Ah. Si vous le dites. Vous ne devez pas l'avoir autant marqué, il ne m'a jamais parlé de vous. Mauvais coup au lit peut-être ?"
Instantanément, la remarque de Camille me fait sourire. Mon premier sourire depuis environ une heure. D'ailleurs, sa présence en elle-même a complètement éclaté la bulle de tension qui s'était formée entre nous. Comme si soudainement, tous mes soucis et problèmes s'étaient miraculeusement envolés grâce à Camille.
"- Vous êtes ensemble depuis...?
- Un petit moment. Quelques mois je crois.
- Je vois. Vous formez un joli couple.
- On nous le dit souvent. Oh je vous dérange peut-être ? J'arrive au milieu de quelque chose ?
- Non, non. Joignez-vous à nous. Je serais heureuse d'en savoir plus sur...Camille !
- Ahaha ! Je suis une jeune fille assez simple, vous savez ? Je n'ai pas grand-chose à dire.
- Vous voulez une chaise peut-être ?
- Pour quoi faire ?"
En prenant ses aises, elle s'assoit sur mes genoux et passe ses bras autour de mes épaules.
"- Donc, Hortense c'est ça ? Vous êtes son ex ? Que faites-vous dans la région ?
- Je passais juste dire bonjour...Rien de plus.
- Oh je vois. Sur l'instant, je pensais que vous étiez l'une de ses chiennes ne lâchant pas le morceau, mais j'ai dû me tromper."
La répartie et la froideur de ses mots m'étonnent. Je ne la connaissais pas comme ça non plus. En fait, tout compte fait, je ne connais pas Camille. Pourtant, son petit jeu m'octroie une pause et est vu comme une sorte de délivrance.
"- Charmante. Vous avez du caractère.
- Apparemment, ce n'est pas toujours une bonne chose, mais parfois, ça peut s'avérer utile.
- En effet."
Pourtant, Hortense ne se démotive pas. C'était comme voir un combat de MMA en direct.
"- Je devrais peut-être y aller, je fus heureuse de te revoir Camille.
- N'hésitez pas à venir visiter le coin la prochaine fois.
- Je songe justement à prendre une chambre dans un hôtel du coin. Peut-être allons-nous nous revoir.
- Ça serait avec grand plaisir."
Hortense se lève, pose la monnaie du café sur la table et disparaît. Aussitôt nous la perdons de vue que Camille plonge son regard noir dans mes yeux en détresse.
"- Je viens de vous sauver la vie. Vous êtes de nouveau endetté.
- J'en ai conscience..."
S'apprêtant à se lever, mes bras s'enroulent à leurs tours autour de son bassin tandis que je plaque ma tête contre son ventre.
"- Merci."
Qu'aurais-je fait si Camille n'était pas arrivée ?
Que serais-je devenu si cette fille n'était pas entrée dans ma vie ?
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