VIII. Douce fleur délicate

Je me souviens de ces trucs qu'on nous faisait faire à la fac. Ces journées "préventions" sur le handicap où on faisait des repas à l'aveugle et d'autres activités afin que l'on comprenne réellement dans quel cadre sont les handicapés dans nos sociétés. Forcément, on s'en était mis partout parce qu'avec nos masques, on n'y voyait que dalle.

Je me suis rappelé de mes jours étudiants juste avec ça. Une balade dans une grotte en compagnie d'une inconnue. J'aurai bien dit "d'une belle inconnue", mais Camille n'est pas spécialement jolie. Bon, elle n'est pas moche non plus, mais si vous voulez, ce n'est clairement pas Clara Morgan.

Dommage.

Je l'aurai sauté au moins une fois Clara Morgan.

"- On y est presque !

- Ouais bah vivement parce que je commence vraiment à fatiguer.

- En plus de n'avoir aucun abdos, vous n'êtes pas sportif en fait ! Adieu le corps de rêve sur la plage.

- Je suis sportif, mais pas très friand des endroits sombres et étroits..Aïe putain !

- Ah oui, attention la tête ! J'ai oublié de vous prévenir.

- Je suis certain que vous avez ce petit sourire narquois sur votre visage, n'est-ce pas ?

- Pas du tout !

- Menteuse. Je peux le sentir d'ici.

- Mais oui, bien sûr. Bon Akinator, quand vous aurez fini de jouer au génie, vous me prévenez.

- Vous prévenez-moi quand on arrive ! Si j'avais su, j'aurais acheté une lampe frontale ou au moins des chaussures de randos, car clairement, les tongs ce n'est pas l'idéal pour marcher parmi les rochers.

- Ce que vous pouvez vous plaindre ! C'est dingue ! Une vraie meuf.

- Vous ne le saviez pas ? C'est ma part féminine qui ressort.

- Et vous vous épilez le zgeg aussi ?"

Embarrassé qu'elle me prenne au mot, je lâche sa main et trébuche au sol ne manquant pas de m'étaler comme une merde.

De mieux en mieux.

"- Vous savez quoi ? Vous allez retourner sur la plage, me ramener une lampe et...

- Non ! Le but du jeu c'est qu'on y aille ensemble !

- Ah non, mais là, je vous explique. Je ne bougerais pas mon cul d'ici. C'est bon, j'en ai marre. Vous faites à peine un mètre soixante alors c'est facile pour vous, mais on ne s'appelle pas tous "Tom Pouce" ici

- Traitez-moi de naine, allez-y, je ne dirais rien."

Théoriquement, c'est un peu ce qu'elle est à mes yeux.

Souvent on compare les filles à de petites fleurs fragiles, délicates, sauf que Camille n'est pas une de ces fleurs. Non. Elle, elle est plutôt un pissenlit. Un de ces trucs que tout le monde piétine et souffle dessus parce que c'est "drôle".

Elle est cette fleur qu'on arrache allègrement, sans remords, parce qu'elle est "moche".

"- Camille, levez-vous."

Soudain, il y a un blanc.

"- C'est quand même étrange de prononcer son prénom.

- Hé ! Je suis né le premier alors c'est vous qui avez copié mon prénom. Vous ne pouviez pas vous appeler...Je ne sais pas moi ! Agathe, Christine ou Pissenlit ?

- Non, mais j'ai failli m'appeler Hortance.

- Mon dieu non !"

Tel un cri de guerre, c'est sortie tout seul. Ça m'a échappé.

"- Mon ex...Elle s'appelait Hortance.

- Ah...Bah le monde est petit comme quoi !"

Trop à mon goût.

"- Tendez votre main, on y est presque ! Plus que vingt mètres."

Elle se saisie alors de ma main et me redresse comme si je n'étais qu'un poids plume. Décidément, plus ça va et plus cette fille ne cesse de m'étonner.

"- Voilà ! On y est ! Vous êtes prêts ?

- A quoi ?"

Elle frappe des mains plusieurs fois et des centaines de petits points lumineux s'allument autour de nous. On dirait un ciel étoilé.

"- Waaw...

- C'est beau, n'est-ce pas ?"

C'est magnifique.

"- Je viens souvent me balader dans le coin et une fois, je me suis perdue et j'ai découvert la grotte par hasard. J'ai donc exploré un peu les environs et j'ai trouvé ce petit coin. Pas mal, hein ?"

Bravo l'asticot !

"- Finalement, je ne me serais pas écorché les genoux pour rien.

- Vous..Depuis tout à l'heure vous vous cognez de partout et vous n'avez pas dit une seule fois que vous aviez mal.

- Parce que ce n'est non plus nécessaire de crier aux drames. Je ne sais même pas à quoi ressemble l'ampleur des dégâts. Je verrais bien dehors."

On reste une dizaine de minutes avant de se remettre en route, faisant le chemin inverse et cette fois, ma main a naturellement lâché la sienne, mes yeux s'étant légèrement habitués à l'obscurité. Assez pour que je puisse distinguer grossièrement quelques formes tout du moins.

"- On ferait mieux de se dépêcher !

- Pourquoi ?

- C'est marrée haute ! On ne pourra plus sortir si on se retrouve bloqués.

- Parce qu'en plus c'est un piège votre truc ?

- C'est pour ça que je ne vous l'ai pas dit. Je savais déjà que vous alliez en faire tout un fromage et paniquer comme une fillette.

- Est-ce que je panique ? Non. Je suis parfaitement zen ! Et je ne suis pas une fillette !

- Dit-il alors qu'il se plaint constamment. Pire qu'une femme..."

N'empêche, très vite, on eut de l'eau aux genoux et la situation commença clairement à tourner en notre désavantage.

"- Allez, plus vite !"

Et alors qu'on quitta presque la grotte à la nage, on rejoint la plage tandis que l'eau salée sur mes plaies ouvertes fait des miracles.

"- J'AI MAL BORDEL JE SOUFFRE !!!

- Quel gros bébé !

- Hé ! Ce n'est pas vous qui vous êtes....Enfin bref, je vais rentrer chez moi."

Elle me rattrape le bras cette fois et m'entraîne derrière elle.

"- La dernière fois qu'on a joué aux docteurs, c'était chez vous. Maintenant, on va chez moi.

- Jouer ?"

Ah parce que pour elle c'était un jeu ?

Et...et...Chez elle ?

"- Va falloir que vous enleviez votre...Euh...votre chemise pour que je puisse.."

Tu veux toucher ? Avoue tu veux toucher à la marchandise ! Je ne t'en voudrais pas, je fais cet effet à pas mal de femmes.

"- Vous avez quand même un sacré petit bidon de bière.

- Hé malpolie ! Arrêtez de me tripoter le ventre!"

Adieu douce idée que je caressais de me faire bien traiter pour une fois. Même blessé, cette fille n'a aucune pitié pour moi.

Aucune.

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