VII. Chasse au trésor

On s'est assis l'un à côté de l'autre, sur un banc, chacun ayant un croissant en main et ne disant rien. On s'est assis face à la mer, regardant le reflet du soleil sur la surface de l'eau. On s'est assis en silence en s'offrant le luxe d'admirer ce que la nature avait de plus beau à offrir.

"- On dirait une rivière de diamants.

- Si c'était le cas, j'enlèverais ma salopette et je plongerais immédiatement dedans."

Je me retourne vers elle, curieux devant ses propos tandis qu'elle sourit tout en haussant des épaules.

"- Je pourrais revendre les diamants, faire fortune et partir d'ici.

- Qu'est-ce que vous ferez ensuite ? Je veux dire...Vous ne vous plaisez pas ici ?

- Barmaid n'est pas un métier que l'on inscrit sur une fiche "voeu de carrière" si vous voyez ce que je veux dire. Je veux juste économiser suffisamment et partir. Reprendre mes études et ensuite...ensuite on verra ! Je pense que j'improviserais.

- Pourquoi partir ?

- Ce n'est pas la bonne question ça mon cher. C'est plutôt "pourquoi pas" ? Personne ne rêve de rester coincé dans un petit village miteux, quand bien même celui-ci serait idéalement placé au bord de l'océan. On vient ici pour faire profil bas, se reposer, faire un break avant de repartir affronter la vie. On est tous les deux dans la dernière case, je pense.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que je fais une pause ?

- Je vous l'ai déjà dit. C'est écrit sur votre visage."

Je passe innocemment la main sur le visage comme si j'essayais tant bien que mal d'effacer la moindre trace de ma culpabilité. Elle a raison. Je ne compte pas rester ici toute ma vie. Je me fais déjà chier comme un rat mort et si ça ne tenait qu'à moi, je repartirais conquérir ma vie d'avant. Sauf que j'ai un léger problème : Je manque cruellement de confiance et de courage.

Je me dis que si je retourne en ville, si je retourne là-bas, je pourrais très bien la recroiser. Les recroiser tous les deux et je ne sais pas du tout si j'arriverais à m'en remettre. Je ne sais même pas, me connaissant, si je serais capable de me tenir déjà. Je lui collerais sûrement mon poing dans la tronche à lui et elle.....elle...Je la pousserais pour qu'elle se fasse écraser comme la merde qu'elle est.

Quelle femme trompe son futur mari avec son meilleur pote ? Faut avoir la culotte en feu pour agir de la sorte.

J'ai toujours la haine au ventre et plus les jours passent, plus le feu en moi brûle.

Peut-être qu'à partir du moment où je serais suffisamment capable de le contenir, je rentrerais.

Mais pas maintenant.

"- Vous voulez faire quoi comme étude ?

- Des études d'art. Ça me plairait bien.

- Je vous verrais bien faire carrière en tant que boxeuse ou un truc du genre."

Elle éclate de rire tandis que je finis mon gobelet de café, le jetant dans la poubelle la plus proche sous ses applaudissements.

"- Et vous ? Vous n'avez pas envisagé d'être basketteur par hasard ?

- Je suis trop petit...Et bien trop gros actuellement."

Le peu d'abdos que j'avais de l'époque a sans doute disparu sous les litres de bière et d'alcool que je me suis enfilé ces dernières semaines.

Avant j'essayais de maintenir une certaine apparence. J'essayais d'être toujours plus beau. De lui plaire quitte à mettre des chemises aux couleurs affreuses...mais elle aimait bien.

Maintenant je traine en tong, short et tee-shirt quand je ne finis pas tout nu dans le sable ou pire.

"- Le gras, ça se perd.

- Coach sportive en plus ?

- Non, je dis juste qu'avec un peu d'effort, vous pourriez perdre votre bouée."

Sa main agrippe mon ventre, s'amusant avec et sur le moment, on en a ri comme si nous étions deux copains d'enfance se retrouvant et se critiquant tous deux. Puis nos regards se sont croisés et très vite, le silence et la gêne sont revenus au devant.

Nous n'étions pas amis.

"- N'empêche, vous êtes le premier gars qui s'appelle Camille que je croise.

- Je tiens à rappeler que c'est un prénom masculin à la base. Vous les femmes, vous nous piquez absolument tout !

- Ça y est les grands mots !

- Pire que des vampires à nous sucer jusqu'à la dernière goutte de sang.

- Tant que l'on ne suce que le sang."

Soudain, Camille se rend compte du double sens de sa phrase et en vient à rougir, se précipitant à la poubelle à son tour.

"- Tout ça pour dire...

- Non, ne dites rien. Vous allez vous enfoncer.

- J'allais vous proposer de vous balader sur la plage...Ramasser des coquillages ?

- J'ai l'air d'avoir 5 ans pour aimer ce genre d'activité ?

- Vous avez un truc contre les coquillages ?

- C'est gamin.

- C'est parce que vous n'avez pas fréquenté les coins dangereux."

Son clin d'oeil plus que suggestif me donne envie de me laisser tenter par l'expérience. Je ne sais pas où elle va chercher ses coquillages celle-là, mais tout me laisse à penser que ce n'est certainement pas sur le sable, comme la plupart des gens.

M'attrapant alors l'avant-bras, elle me tire en avant, m'entraînant à sa suite alors que le dernier bout de mon croissant chute au sol.

Mon croisssaaannnnt !!! Sacrilège.

"- Où est-ce que l'on va ?

- Vous allez voir ! C'est une surprise ! Néanmoins, je suis certaine que vous n'êtes encore jamais venu ici.

- Pourquoi vous dites ça ?

- Parce que c'est mon coin secret."

On quitte le village en longeant la plage avant d'arriver vers les falaises.

"- Hé...

- Venez !"

Personne ne fréquente ce coin. C'est dangereux.

Camille s'engouffre alors dans une petite grotte et forcément, elle est toute mince, donc ça passe, mais moi, je dois me baisser.

"- Faites attention à votre tête."

À peine m'a-t-elle mis en garde que ma tête rencontre un rocher et un grognement s'échappe.

"- Je vous avais prévenu...

- On arrive bientôt ?

- Vous n'êtes vraiment pas patient.

- Pas pour un sou, pourquoi ? C'est gênant ?

- Non, non."

S'engouffrant toujours plus profondément, bientôt, les quelques rayons du soleil qui nous suivaient dans notre chasse au trésor disparaissent derrière notre dos.

"- Hé ! Il fait tout noir...

- Vos yeux vont s'habituer, attendez un peu. Prenez-moi la main en attendant.

- Vous n'allez pas me faire croire que vous savez où vous mettez les pieds quand même ? On voit que dalle.

- Ayez confiance..."

Confiance, hein ? La dernière fois que j'ai placé ma confiance dans un être humain, on m'a poignardé en plein cœur avec.

Pourtant, inconsciemment, je me laisse amadouer. Tenter. Je glisse ma main dans la sienne et nos doigts s'entremêlent. Je mentirais si je disais qu'à cet instant, mon cœur ne s'était pas retrouvé secoué par un petit quelque chose.

"- Attention...Levez la jambe, il y a une toute petite marche.

- C'est complètement tordu. Je ne sais même pas pourquoi je vous suis.

- Moi je sais.

- Ah ouais ? Allez-y, éclairez-moi de votre lumière pour voir. Visiblement, vous semblez mieux me connaître que je ne me connais moi-même.

- C'est le cas. Vous êtes venus pour mettre un peu de piquant dans votre vie misérable et vous sortir de cette monotonie dans laquelle vous vous étiez enfouis"

Pas faux l'asticot.

"- Et aussi parce que mon incroyable charme fait des merveilles sur vous !

- Ouais, enfin ne poussez pas le bouchon trop loin non plus. Vous n'êtes pas du tout mon type.

- Dit-il alors qu'il me sert la main avec une si grande fermeté.

- C'est parce qu'on n'y voit que dalle !

- Mais bien sûr."

C'est uniquement pour cette raison. Uniquement ! Il ne peut y en avoir d'autres.

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